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Pourquoi il ne faut plus dire mariage gay mais mariage pour tous

Fabien Jannic-Cherbonnel

Si le sujet fait de plus en plus consensus chez les Français, cela fait des années que nous nous trompons. Il ne faut plus dire mariage homo parce que l'expression n'a pas forcément le sens qu'on veut bien lui donner. Explications.

<a href="http://www.flickr.com/photos/carbonnyc/2529508100/">Waltzing Couple</a> CarbonNYC via Flickr CC <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/deed.fr">License by</a>
Waltzing Couple CarbonNYC via Flickr CCLicense by

Temps de lecture: 3 minutes

Avez-vous entendu parler du «mariage pour tous»? Si oui,vous ne vous êtes peut-être pas rendu compte que l’expression renvoyait aumariage gay. Enfin, à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Vous êtesperdus: ça tombe bien, nous aussi.

Depuis l’adoption duPacsen 1999, et ses débats houleux,force est de constater que le discours, et sa forme, ont changé.

Il suffit deregarder la nouvelle ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, quifaittoujoursattention à son vocabulaire lorsqu’elle est interrogée sur le sujet,employant systématiquement l’expression«mariage pour tous».


 

Il est loin le temps où l’on entendait  dire«mariage gay» à tout bout de champ, etnotamment au moment du fameuxmariage de Bègles célébré par Noël Mamère en 2004.Huit ans plus tard, la gauche a remporté l’élection présidentielle et il sembleacquis qu’elle ouvrira l’an prochain le mariage, et l’adoption, aux couples demême sexe, mais sans le dire trop fort.

Chacun s’emploie à éviter le terme de mariage homo. Dans unevidéo de campagne du PS, François Hollande dit ainsi«J’ouvrirais le droit dumariage pour tous les couples» —et c’est ce qu’il a répété pendant la campagne,laissant les journalistes, et surtout les opposants à la mesure, utiliserl’expression«mariage gay». Comme Marine Le Pen, par exemple, qui jugeait auForum Elle-Sciences Po«que le mariage homosexuel n’est pas voulu par leshomosexuels».

Dans le programme du Parti socialiste, etles60 propositions de François Hollande, il n’était pas fait mention de mariage gay, mais d’égalité pour tous les couples. Comme si la gauche voulaitfaire oublier que c’est bien d’homosexuels que l’on parle. Alors, décisionconsciente, calcul politique ou expression plus juste?

La peur d’un droit spécifique

Pour les défenseurs des droits des lesbiennes, gay, bi et trans(LGBT), le changement de langage est une bonne nouvelle. Nicolas Gougain, leporte-parole del’inter-LGBT, milite depuis longtemps pour que l’on cesse dedire mariage gay:

«Il faudrait dire soitmariage pour tous, soit égalité face au mariage. Si on comprend bien que derrièrele terme il y a une facilité de langage, il y a aussi un danger d’aller versune union civile [c’est-à-dire une union qui reprendrait les droits dumariage, mais exclurait les questions d’adoption et de filiation],c’est-à-dire un droit spécifique.»

Mais si l’on en entendait pas, ou moins, parler de ce débatil y a un an ou deux, c’est parce que, maintenant que le mariage semble en voiede se concrétiser, les associations LGBT se montrent vigilantes sur ce que on leur propose.

Une de Libération du 13 janvier 2012.

C’estlaune de Libération, il y a quelques mois, sur le mariage gay, qui l’arelancé. Le quotidien, pourtant connu pour être très gay-friendly (certains deces anciens journalistes étaient aussi des activistes LGBT), avait titré«Sarkozy pour le mariage gay». Saufqu’il ne s’agissait en fait que de l’union civile. Nicolas Gaugain s’ensouvient:

«Je pense que on neserait pas aussi exigeants si il n’y avait pas eu cette une de Libé. Avec ça, ilssous-entendaient que le mariage gay serait autre chose que le mariage. Aprèstout, qui dit mariage gay, dit aussi mariage hétéro.»

Caprice sémantique ou vraie question de fond? Eric Fassin, sociologue de l'université Paris VIII et auteur deReproduire legenre (Edition Bibliothèque Centre Pompidou, 2010),confirme la version de Nicolas Gougain:

«Pour l'ouverture dumariage aux couples de même sexe, parler de "mariage pour tous" nerevient pas à faire oublier l'homosexualité, mais à conjurer les discours surle lobby homosexuel qui demande des droits particuliers, d'une part, et d'autrepart à écarter toute solution réservée aux gays et lesbiennes.»

 «C’est des trucs dejournalistes»

L’utilisation du mot«gay» a aussi le désavantage d’exclureles lesbiennes, les grandes oubliées de la communauté arc-en-ciel. Gilles Wullus,le directeur de la rédaction du magazine LGBT Têtu, confirme:

«Je me met à la placedes filles, et même si elles sont habituées ça doit être chiant pour elles.»

Le journaliste tempère cependant:

«C’est des trucs dejournalistes, parce que gay, tout simplement, c’est court. Ça ne part pas d’unemauvaise intention, on utilise le mot gay tout le temps maintenant parce quec’est moins sexualisant qu’homosexuel. C’est un problème de répétition.Malheureusement, "ouverture du mariage aux couples de même sexe", c’est long.Après on fait attention, sur la couverture de mai de Têtu, on a  juste "mariage". Par exemple sur la une deLibération ce n’est pas gênant, mais ça l’est plus d’une certainepresse.»


Cette«certaine presse», de droite et d’extrême-droite,utilise l’appellation«mariage gay» comme un repoussoir, comme a pu le fairepar exemple l’hebdomadaire Minute.

Le principal problème de l’expression«mariage gay» estqu’elle a été adoptée par la population, et que changer les pratiques est compliqué.D’ailleurs,sil’on compare les  recherches Googlepour les termes«mariage gay»,«mariage homo» et«mariage pour tous», on serend compte que la dernière expression est quasiment non-existante dans lemoteur de recherche.

Pour Eric Fassin, qui compare cette bataille à celle pour lesuffrage universel, il y a quand même de quoi espérer:

«Lorsqu'on dit qu'ilest instauré en 1848, on oublie que les femmes en étaient exclues. Pour lesféministes, il faudrait dire, avant 1946, "suffrage universelmasculin". De la même manière, la revendication du "mariage pourtous" pourrait amener à requalifier ce qu'on appelle aujourd'hui"mariage", pour dire plus précisément: "mariagehétérosexuel".»

Ainsi, si François Hollande respecte sa promesse et ouvre lemariage aux couples homosexuels, peut-être qu’un jour on ne dira plus mariagegay, mais simplement mariage.

Fabien Jannic

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