L'AUTHENTICITE DE L'« ADORO TE DEVOTE » (*)
Le séjour à Orvieto (1261-1265) a été pour frère Thomas d'Aquin une période particulièrement féconde. Outre l'achèvement de la Somme contre les Gentils, c'est l'époque où il a rédigé son Expositio in lob et mis en train la Catena aurea, ce commentaire suivi des quatre évangiles par des extraits des Pères de l'Eglise, qui le révèle comme un bon connaisseur des auteurs grecs. C'est aussi probablement alors qu'il écrit son commentaire sur Les Noms divins du Pseudo-Denys et de nombreuses consultations théologiques, dont le Contra errores graecorum à la demande du pape Urbain IV.
C'est dans cette catégorie de travaux « à la demande » que prend place l'office du Corpus Christi. Jadis contestée par les Bollandistes en raison de son attestation tardive, l'authenticité thomasienne de cette œuvre faisait encore problème naguère à des auteurs tels que C. Lam- bot ou L.M.J. Délaissé, mais après les travaux du Père Pierre-Marie Gy, l'attribution à saint Thomas ne peut plus guère être raisonnablement mise en doute (1).
Il n'en va pas encore tout à fait de même pour YAdoro Te. Dans
(*) Les pages qu'on va lire sont publiées à titre de « bonnes feuilles » d'un livre à paraître au printemps 1993, sous le titre Frère Thomas d'Aquin. Sa personne et son œuvre, « Pensée antique et médiévale. Vestigia », Cerf-Editions universitaires, Paris-Fribourg.
(1) P.-M. Gy, « L'Office du Corpus Christi et S. Thomas d'Aquin. Etat d'une recherche », RSPT 64 ( 1 980) 491-507 (repris à nouveaux frais dans Id., La Liturgie dans l'histoire, Paris, 1990, p. 223-245 ; le titre affirmatif - « L'office du Corpus Christi, œuvre de S. Thomas d'Aquin » - et la conclusion de cette reprise - qui omet le « probablement » de la première étude - montrent clairement que l'A. n'a plus aucun doute) ; cf. « L'Office du Corpus Christi et la théologie des accidents eucharistiques», RSPT 66 (1982) 81-86 ; nous remercions le P. Gy qui a eu l'amabilité de nous communiquer en avant-première le texte qu'il a établi pour l'édition critique (les trois premières leçons en ont été publiées depuis dans la « reprise » indiquée ci-dessus, p. 144-145).