LA FRANCE ET L'EUROPE D'ARISTIDE BRIAND
À ROBERT SCHUMAN. NAISSANCE, DÉCLIN ET REDÉPLOIEMENT
D'UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE (1929-1950)
En 1929, Gaston Riou publiait chez Valois un ouvrage intitulé S'unir ou mourir1. Il présentait, dès cette date, « l'Union européenne » comme une impérieuse nécessité. Si l'Europe n'était pas capable de faire tomber les barrières économiques et si les nationalismes se dressaient à nouveau comme des « murs » entre les États ou les blocs antagonistes, le continent européen serait tôt ou tard condamné à un déclin cette fois-ci irréversible. En septembre 1929, le Président du Conseil français Aristide Briand, ministre des Affaires étrangères, prenait à Genève une importante initiative et proposait aux délégués européens, membres de la Société des Nations, de créer entre les États européens « une sorte de lien fédéral ».
Cette démarche n'était pas un geste isolé et l'historiographie qui s'attache à l'étude de la préhistoire de la construction européenne, a profondément renouvelé l'interprétation des initiatives qui se développent en Europe après la Première Guerre mondiale.
Dans l'ouvrage, paru chez Perrin, L'Europe, histoire de ses peuples, Jean- Baptiste Duroselle, dont le jugement sur l'œuvre d'Aristide Briand est plutôt critique, estimait cependant que le « Mémorandum » de mai 1930 sur le projet d'Union européenne était un document « prophétique » qui devait jouir en Europe d'un retentissement notable. « C'était la première fois dans écrit-il, qu'un chef de gouvernement en fonction se déclarait en faveur des États-Unis d'Europe » 2. Le projet présenté à Genève n'était cependant que l'ébauche d'une politique européenne et était rapidement condamné à l'échec.
Dès 1933, Julien Benda dénonçait les périls à venir dans son Discours à la nation européenne : « II paraîtra plaisant de parler de nation européenne à l'heure où certains peuples de l'Europe affirment leur volonté de s'accroître aux dépens de leurs voisins avec une précision que l'histoire n'avait jamais vue ». S'il critiquait vivement les politiques d'expansion de certains États européens, il estimait aussi qu'il fallait clarifier le débat sur l'idée d'Union européene : « L'Europe ne sera pas le fruit d'une simple transformation
1. Gaston Riou, S'unir ou mourir, Paris, Valois, 1929.
2. Jean-Baptisté Duroselle, L'Europe, Histoire de ses peuples, Paris, Perrin, 1990, p. 359.
Revue d'histoire moderne et contemporaine, 42-4, octobre-décembre 1995.
