Croissance externe et mobilité du capital Les opérations de 10 groupes industriels
français, 1983-1989
Claude POTTIER
LAREA, CNRS
Université de Paris
La croissance externe des firmes, par prise de contrôle d'actifs extérieurs, présente, selon Y. Morvan (1972), trois avantages sur la croissance interne : elle permet un développement plus rapide, à un moindre coût et en réduisant les risques. On a depuis longtemps analysé la liaison entre la croissance externe et les phases des cycles économiques (par ex. Le Goc, 1976, Parent, 1970). Les opérations observées aujourd'hui doivent ainsi être rattachées à la situation actuelle de crise.
Mais les acquisitions et prises de contrôle s'inscrivent aussi dans la tendance fondamentale de mondialisation de l'économie et de centralisation du capital dans la zone constituée par les États-Unis et l'Europe (Michalet, 1985). En particulier, la poussée des investissements européens aux États-Unis, depuis le milieu des années 1960, prend de plus en plus la forme de la croissance externe (Thuillier, 1982, Michalet et al., 1983).
Nous analyserons ici la croissance externe comme moyen privilégié de la mobilité du capital dans le contexte de crise et de mondialisation de l'économie. Il s'agit d'évaluer l'impact des acquisitions et des prises de contrôle sur les mobilités sectorielles et internationales du capital et de s'interroger sur la stabilité des positions ainsi acquises au sein des oligopoles internationaux. Pour cela on donnera quelques conclusions d'une recherche qui vient de s'achever (Pottier, 1989) sur la croissance externe de 10 groupes industriels français dans les 6 dernières années.
L'hypothèse centrale est que la croissance externe permet un redéploiement du capital pour renouveler les bases de sa rentabilité face à la crise et, dans le contexte de la mondialisation de l'économie, face à l'affaiblissement des positions privilégiées que les groupes ont longtemps tenues en France. Alors que pour les plus grands groupes mondiaux la crise nécessite un recentrage, une spécialisation fine à l'échelle mondiale (Madeuf et al., 1984), les choses sont plus compliquées pour les groupes français dont la plupart n'avaient pas, il y a peu de temps encore, la taille mondiale. Le renouvellement des bases de leur accumulation s'appuie sur un double mouvement de mobilité sectorielle du capital et d'implantation à l'étranger.
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE - n° 47, 7" trimestre 1989 165