Boris Marshak
Le programme iconographique des peintures
de la « Salle des ambassadeurs » à Afrasiab (Samarkand)
Traduit du russe par Malgorzata Sadowska-Daguin et Frantz Grenet
Les célèbres peintures murales de la salle 1 du « palais » d'Afra- siab, datant du vne siècle et souvent publiées, n'ont pas reçu jusqu'à présent d'interprétation uniforme et généralement acceptée, bien que de nombreux points aient été élucidés lorsque V. A. Livshits eut déchiffré les inscriptions sogdiennes qu'elles comportaient *.
C'est dans les travaux de V. A. Shishkin (1966) et de L. I. Al'baum (1975) que ces peintures ont été traitées de la manière la plus détaillée. Certains compléments ont été apportés par Kh. Akhunbabaev qui a précisé les plans, la stratigraphie et la chronologie de l'édifice contenant les peintures (Akhunbabaev 1987, 1990), ainsi que par les chercheurs japonais V. Ana- zava et J. Manome (1976). L'un des résultats incontestables de toutes ces recherches est la datation de la salle 1 dans le troisième quart du vne siècle. Du fait que les inscriptions parlent du roi Avarkhumân (Varkhumân), mentionné dans les chroniques chinoises sous les années 650-655, on peut déduire que l'artiste décrivait un sujet d'actualité. De ce fait, les particularités du langage des inscriptions, relevées par V. A. Livshits dans sa communication au colloque franco-soviétique en 1990 et liées selon son hypothèse au caractère archaïque du style épique, doivent recevoir une autre explication. Dans la grande inscription est cité un texte encore plus long, citation interrompue au milieu d'une phrase par la lacune. Sans doute sommes-nous en présence d'un fragment du protocole officiel où étaient formulées les déclarations des ambassadeurs au roi de Sogdiane. En ce cas, l'inscription pourrait refléter un style particulier propre aux documents d'État et à la diplomatie, style qui se serait formé bien avant l'avènement de Varkhumân.
Une autre question essentielle est le caractère du bâtiment abritant la salle aux peintures. C'est tout récemment, grâce aux fouilles menées pendant plusieurs années par Kh. Akhunbabaev, qu'on a pu étudier l'histoire de cette construction et qu'ont été produites des données fiables permettant de décider s'il s'agissait là du palais du roi de Sogdiane ou bien d'un quartier d'habitation de la noblesse (Akhunbabaev 1987, 1990). A l'heure actuelle on peut affirmer avec certitude qu'à la fin du viie et au début du vme siècle il existait à cet endroit plusieurs maisons aristocratiques. Auparavant, dans le troisième quart du viie siècle, l'édifice était selon Akhunbabaev le palais du roi Varkhumân. Le complexe d'Afrasiab présente en effet certaines différences avec les habitations aristocratiques typiques de Pendjikent (Raspopova 1990), notamment la présence, outre l'obligatoire salle de réception de plan carré, d'une grande salle de plan rectangulaire et d'un passage reliant les pièces de deux
habitations. Toutefois, une grande salle rectangulaire existe également dans la plus vaste demeure de Pendjikent (id., p. 20). A Afrasiab le passage entre les maisons n'était pas définitivement bouché à la fin du VIIe siècle, puisque dans la coupe strati- graphique pratiquée sur l'ancien passage on voit des couches végétales intermédiaires situées bien au-dessus du sol initial, ce qui prouve que la liaison fut conservée durant une période manifestement postérieure à celle du « palais ». Prises isolément, les parties séparées du plan du « palais » correspondent parfaitement à celles des maisons ultérieures, dont chacune possédait une entrée indépendante. Une telle conformité pourrait s'expliquer si précisément ces maisons avaient été dès le départ conçues par l'architecte comme séparées. Dans les palais des citadelles de Pendjikent et de Varakhsha, les salles de réception sont regroupées, et non dispersées à travers des complexes différents comme on peut l'observer aussi bien à Afrasiab que dans les quartiers résidentiels de Pendjikent2.
Ainsi, n'étaient les peintures qui ornent les murs de la salle 1, on ne pourrait parler que d'une spécificité des habitations aristocratiques d'Afrasiab, spécificité qui se manifesterait par la présence d'une communication intérieure entre maisons voisines et que pourrait facilement expliquer, par exemple, un lien de parenté entre les propriétaires de ces demeures. Qui plus est, au moins deux parmi les propriétaires possédant des salles carrées et rectangulaires étaient incontestablement des personnalités de très haut rang.
Une contradiction apparaît entre la peinture murale liée au roi Varkhumân et l'architecture de l'édifice qui l'abrite : il est par trop modeste par rapport aux palais de Pendjikent et de Varakhsha. Or, de par sa dignité, le roi de Sogdiane vivant à Samarkand se plaçait au-dessus de tous les autres souverains sogdiens.
Cette disparité peut être expliquée si l'on prend en compte la situation sociale et politique de la Sogdiane telle que l'a analysée V. A. Livshits. Les rois étaient issus de différentes familles, parmi lesquelles la famille Unash. C'est à cette famille qu'appartenaient Varkhumân, à en juger par l'inscription d'Afrasiab, et Mastitch, si l'on croit une légende de monnaie (Livshits 1973). A côté du palais principal des rois de Sogdiane, dont les restes ont été découverts dans l'enceinte de la citadelle d'Afrasiab, chacune des familles rivales devait posséder sa propre résidence privée, non officielle. On peut penser que c'est précisément dans une telle résidence qu'a été dégagée la salle 1 contenant les peintures murales consacrées à Varkhumân. Une telle interprétation permet d'expliquer sans contradiction les






















