Dossier
Forest Whitaker le doux géant d'Hollywood

Forest Whitaker roule sans casque sur sa moto… Une pratique tolérée à la frontière du Mexique.
© (Photo Tessalit-Pathé Gregory Smith)
Oscarisé pour son incarnation d’Amin Dada, Forest Whitaker est dans le prochain film de Rachid Bouchareb, "La Voie de l'ennemi", où il reprend un rôle d’Alain Delon. Rencontre.
C'est un géant souriant qui fait son entrée dans ce salon d'un palace de la rue de la Paix à Paris. Blouson gris sur chemise blanche, pantalon sombre et sourire modeste,Forest Whitaker, c'est près d'un mètre quatre-vingt-dix de gentillesse, une démarche lente et chaloupée de gros nounours. Il se concentre beaucoup sur les questions et répond doucement, d'une voix grave et d'un ton égal.
Vous reprenez le rôle que tenait Alain Delon dans « Deux hommes dans la ville ». L'avez-vous déjà rencontré ?
« Non.Rachid Bouchareb, le réalisateur deLa Voie de l'ennemi, m'a donné assez tôt une copie du film, ça a été le premier élément qui m'a donné envie de lui dire oui.
« Je n'ai jamais rencontréAlain Delon, pourtant c'est la deuxième fois que nos destins se croisent, en tout cas virtuellement, puisqueGhost Dogde Jim Jarmush était inspiré duSamouraïde Melville. »
" J'ai beaucoup de souvenirs de prison "
Vous avez souvent choisi des metteurs en scène non-américains, pourquoi ?
« Tout ce que je recherche, finalement, c'est apprendre et m'enrichir à travers les rôles.Le réalisateur, c'est un guide pour moi . Quelqu'un comme Rachid Bouchared vous pousse plus loin, plus fort. On en ressort grandi.
« C'est ça que je recherche à chaque fois : des hommes ou des femmes qui ont une vision unique. Je ne m'attache pas à leur nationalité. »
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Pour le film, vous avez rencontré des prisonniers. Quelle émotion en avez-vous retiré ?
« Il se trouve que j'ai beaucoup de souvenir de prison, car j'ai déjà joué des rôles de prisonnier. Je sais ce que c'est, physiquement, que d'être plaqué au sol, ce froid, cette odeur, la sensation du métal.
« Ces rencontres récentes avec des prisonniers, mais aussi mes expériences passées s'ajoutent pour approcher de près la vérité : car c'est ça mon boulot, que mon personnage soit le plus proche possible de la vérité. »
A la question « Êtes-vous croyant », vous répondez volontiers que votre religion est la vérité. C'est-à-dire ?
« Ce n'est pas facile de vous répondre car c'est une expérience personnelle, mon ressenti. Lorsque, comme moi, on a étudié les religions, on constate qu'il y a des liens évidents entre l'islam, le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, certaines philosophies. Elles renferment des vérités communes qui, si on les réunit, donnent quelque chose d'encore plus universel et c'est ça qui m'intéresse. »
Comment ont réagi les Américains qui voyaient un Français venir, chez eux, faire un film sur la réinsertion, la peine de mort, etc. ?
« Je n'ai ressenti aucun jugement. Rachid a rencontré beaucoup de gens dont certains membres du Tea Party - la frange la plus réactionnaire de la droite américaine (ndlr) - et ça s'est bien passé. Peut-être parce qu'il venait d'ailleurs, justement, ils se sont montrés très ouverts.
« Ils ont expliqué leurs sentiments et ce qu'ils avaient en tête. Il n'y avait ni agressivité ni violence. Y compris avec les " Minutemen " qui pourchassent les émigrés à la frontière. »
Vous roulez beaucoup à moto dans le film… et sans casque ! ?
Il éclate de rire.« Dans cette partie frontalière du Mexique, c'est toléré… Mais ce n'est pas un exemple à suivre ! »
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