Dans l'autre pochette se trouvait une feuille de papier toute tachée, pliée et repliée. Ecrite avec un chicot de crayon. Cher Louie. Ecrite d'une prison fantôme en Espagne, pas l'Espagne dont les voyageurs ramenaient des mots de beauté propres à enflammer l'imagination d'un Irlandais basané; une Espagne où l'espoir avait été massacré, où les Brigades Internationales deviendraient une légende contée dans un futur lointain, une Espagne où un homme mort-vivant ne pouvait mourir tant que le mot évasion faisait vibrer ses organes vitaux.
Dune certaine façon, il trouvait amusant que Brub Nicolai puisse le joindre à sa guise. Oui, cétait amusant et plus excitant que tout ce qui lui était arrivé ces derniers temps. Le chasseur et la proie bras dessus, bras dessous. La chasse rendue plus savoureuse encore par le danger. En haut de lIncline, il replongea son regard vers les maisons, le sable et la mer. Mais, désormais, ils étaient tous hors datteinte, perdus dans la brume.
Elle avait un visage plus élégant que joli, un visage avec des traits accusés, des pommettes hautes et un nez bien droit. Ses yeux étaient beaux, bleu océan avec de longues paupières évoquant des ailes, et ses lèvres décrivaient une courbe harmonieuse. Pourtant, elle nétait pas belle ; dans une pièce remplie de jolies femmes, dans un bar ou une boîte de nuit, ce nétait pas elle quon regarderait. On ne la remarquerait pas ; elle serait trop discrète ; elle avait de la classe, le genre de classe des femmes qui ne tiennent pas à ce quon les remarque.
Il vit à nouveau son visage lorsquelle passa sous la lumière jaune du réverbère, il vit quelle naimait pas les ténèbres, le brouillard, lisolement de cet endroit. Elle sengagea sur la California Incline, la passerelle qui menait vers la plage ; il lentendait claquer fort ses talons contre le ciment déformé du trottoir, comme si ce bruit la rassurait.
Il ne la suivit pas immédiatement. En réalité, il navait pas eu lintention de la suivre. Ce fut sans le vouloir quil se retrouva à descendre la route sinueuse.
Les années de guerre furent les seules années heureuses que Dick eût jamais connues. On n'avait pas à faire la cour aux salopards de fils à papa ; tout le monde touchait la même solde, et, pour en gagner davantage, il suffisait de se foutre de tout et d'être le meilleur pilote de la formation ; l'avancement était rapide.
Chapitre 4, II.
Nous sommes une génération qui se pique dêtre désinvolte, Dix, nous ne voulons pas que les gens sachent que nous saignons si on nous blesse. Mais lautodéfense est lun des derniers instincts primaires qui nous restent. Et, malgré tout ce quon a pu en dire, cétait bien de ça quil sagissait. De légitime défense.
Bon polar. Dommage que la fin se termine sur une intrigue aussi douce. On aurait aimé avoir plus d'informations sur les motivations du personnage principal.
« Lorsquon est aussi seul, il faut bien parler à quelquun, se lancer à la recherche de quelquun, une fois la nuit tombée. »
J. M. SYNGE.
La plaine couleur de sable s'étirait à perte de vue. A l'horizon, les collines étaient voilées de brume.
Ses mains étaient pressées, mais il referma la porte avant de déplier le journal. Il n'y avait rien d'inhabituel en première page. Grandeur et décadence de la civilisation, conflits internationaux et nationaux, guerres et grèves, propagande politique.