Abstract
Aujourd’hui, de la sentence de « l’homme est la mesure de toutes choses, pour celles qui sont, de leur existence ; pour celles qui ne sont pas, de leur non-existence » du sophiste Protagoras, on ne retient, souvent, que le jugement incendiaire de Platon qui la tient pour un relativisme selon lequel « à chacun sa vérité » de sorte qu’il serait impossible de mentir. C’est ainsi que cette phrase, qui est à inscrire dans le contexte des débats qui opposèrent Protagoras aux éléates concernant les rapports entre le logos et la vérité, est brandie comme argument pour disqualifier, philosophiquement et moralement, Protagoras et l’ensemble des sophistes. Jugement à la hâte qui n’a rien de fécond pour qui veut étudier et comprendre la pensée du sophiste, principalement sa rhétorique politique. Le logos, dans la perspective de Protagoras, ne saurait être un discours sur l’être ou la vérité comme l’enseignait Parménide. Il est une sorte de démiurge qui fait advenir les choses : « Le choix intellectuel formulé par Protagoras est délibérément celui de la doxa, celui du non-être, celui du logos également qui ne dit pas ce qui est, mais qui fait être ce qu’il dit ». C’est à partir d’une étude du statut du logos que Protagoras va repenser les fondements de l’absolu et de la connaissance. Dans cette approche du statut du logos dans laquelle l’homme est considéré comme le critère des choses, l’originalité de Protagoras sera d’accorder à la parole un pouvoir absolu tout.