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La fête du streamCentre national de la musique : le gouvernement déterre la taxe de guerre
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La fête du stream

Centre national de la musique : le gouvernement déterre la taxe de guerre

C’est tranché : l’organisme public sera financé via une contribution obligatoire de tous les acteurs du secteur. Les plateformes enragent, Spotify et Deezer en tête.

Taxe sur les acteurs de la musique en ligne
« On n’a jamais vu un financement d’un établissement public par l’aumône »
Ép. n° 14
Épisode n° 15
Illustration

Voilà le monde de la musique de retour à son point de départ quitté il y a plus d’un an, épuisé et divisé comme rarement. Ce mercredi, le gouvernement a finalement tranché en faveur d’une taxe sur les acteurs de la musique en ligne pour financer, à hauteur de 15 millions d’euros environ, leCentre national de la musique. Un organisme lancé au début du Covid sans moyens pérennes alors qu’il doit distribuer des aides à la production et à la diffusion, en faveur de la diversité musicale. C’était la piste recommandée parun rapport parlementaire rendu avant l’été et celle qu’Emmanuel Macron lui-même avait retenuelors d’une allocution le 21 juin dernier, avant qu’elle soit votée par le Sénat fin novembre dans le cadre du projet de loi de finances 2024. Dans le même temps, les opposants à cette piste fiscale (les plateformes de streaming et les majors du disque, principalement) s’activaient pour faire émerger une autre piste, celle d’une contribution volontaire encadrée et régulièrement renégociée (lire l’épisode 14,« “On n’a jamais vu un financement d’un établissement public par l’aumône” »). Leur objectif, c’était d’éviter à tout prix une taxe qui pourrait donner des idées à d’autres pays.

L’absence d’Amazon
Avant la décision, les plateformes annonçaient être prêtes à mettre 14 millions sur la table, sauf qu’il y avait un gros trou très visible dans ce plan : l’absence d’Amazon — Illustration Stéphane Marcault pourLes Jours.

Ce mercredi après-midi, le camp de la contribution a ainsi tenté de marquer le panier décisif en dégainantun communiqué triomphaliste qui annonçait« un accord exceptionnel qui réunit quasiment l’intégralité de la filière »– en faisant mine d’oublier que la grande majorité des labels indépendants et la plupart des organisateurs de concerts défendent une taxe depuis le début.Les plateformes annonçaient être prêtes à mettre 14 millions sur la table, sauf qu’il y avait un gros trou très visible dans ce plan : l’absence d’Amazon, qui rechigne depuis des semaines à prendre part à cette contribution volontaire.« Pour le gouvernement, avoir l’un descinq géants du numérique1 qui ne contribue pas, ce n’est juste pas possible », estime aujourd’hui Aurélie Hannedouche, la directrice duSyndicat des musiques actuelles (SMA), qui rassemble salles, tourneurs et labels. Symboliquement, le hors-jeu volontaire d’Amazon a peu à peu transformé la piste de la contribution volontaire en usine à gaz incertaine.« Oui, l’absence d’Amazon, ça pèse forcément, regrette aujourd’hui Ludovic Pouilly, le vice-président de Deezer chargé de ces questions. Quelque part, ça affaiblit le principe d’équité et de consensus. » Le camp de la contribution a tout tenté malgré tout, allant jusqu’à« proposer de payer à la place d’Amazon », avoue Bertrand Burgalat, le président du Snep (Syndicat national de l’édition phonographique), le syndicat qui représente principalement les majors de la musique.« On était arrivés à un accord et maintenant le gouvernement nous dit qu’il n’en veut pas ? » Une proposition d’accord où les plateformes ont tenté, selon nos informations, d’obtenir la défiscalisation de cette contribution volontaire. Ça n’a pas plu.

Le gouvernement a tranché pour une taxe à un taux unique de 1,20 % du chiffre d’affaires, imposée à tous les acteurs, même les petites plateformes

Le ministère de la Culture a donc fini par trancher, à la surprise de tout le monde, dans un rarecommuniqué adressé à l’AFP en fin de journée, annonçant son choix en faveur d’une taxe streaming. Ceci après validation d’un texte sur le sujet en commission des finances de l’Assemblée nationale qui a– point essentiel – validé un nouvel amendement et pas entériné celui voté par le Sénat. Cette nouvelle rédaction officialise la taxe streaming avec un taux unique de 1,20 % du chiffre d’affaires imposé à tous les acteurs, alors que les négociations avec le secteur avaient abouti ces derniers mois à des taux progressifs pour protéger la rentabilité des petites plateformes.« On se retrouve avec une taxe sans progressivité alors que tout le monde était d’accord sur ce principe pour limiter la casse sur les plateformes les plus petites, dit Ludovic Pouilly chez Deezer, une grosse fatigue dans la voix. C’est le pire qui pouvait nous arriver et on ne comprend pas ce choix. »

Pour Aurélie Hannedouche, c’est« la fin d’un long processus. Désormais, tous les bénéficiaires des aides du CNM participent à son financement. C’est une étape franchie, mais je le dis sans triomphalisme. Maintenant, il faut qu’on travaille ensemble ». Pour tenter de réparer les fissures laissés par les longs mois de réunions à répétition, les attaques personnelles et les stratégies de communication parfois délétères (lire l’épisode 13,« Budget du Centre national de la musique : le stream est passionnel »). Une partie du camp antitaxe est ainsi allé jusqu’à mener une campagne de désinformation toxique auprès d’artistes et médias hip-hop, en leur expliquant qu’elle serait une « taxe antirap » au profit des musiques qui le méprisent. Un strict mensonge, alors que le rap est soutenu comme toutes les musiques par les aides à la production et à la diffusion du CNM.

Les menaces de Spotify
Durant les négociations, Spotify a menacé de fermer son bureau parisien — Illustration Stéphane Marcault pourLes Jours.

Spotify, leader du marché et très engagé dans les négociations, a refusé de répondre à nos questions pour cet article, nous renvoyant àun entretien donné ce jeudi matin à France Info par Antoine Monin, son directeur général pour la France et le Benelux. Pour lui, cette taxe est« une monumentale erreur stratégique qui va à l’encontre des enjeux de souveraineté économique, culturelle et technologique européenne ». Et de rappeler que Spotify a dégagé ses premiers bénéfices seulement au dernier trimestre et reste« dans un équilibre financier fragile », tandis queDeezer a beaucoup réduit ses ambitions internationales ces dernières années. Pour Ludovic Pouilly,« cette taxe est un désastre » pour la plateforme française.« C’est une taxe bête et méchante qui va impacter avant tout ceux qui ont un gros chiffre d’affaires en France, Deezer et Spotify. » Pour Antoine Monin, cette taxe streaming va ainsi pénaliser en premier lieu les« plateformes européennes » dont le seul business est la mise à disposition de musique alors qu’Apple (qui vend des téléphones), YouTube (qui vend nos données à la publicité) et Amazon (qui veut tout nous vendre) se servent de la musique comme d’un produit d’appel. C’est une réalité du secteur, où les pure players sont aujourd’hui fragilisés face aux géants omnipotents du numérique, mais c’est aussi réduire Spotify à une petite chose moribonde alors que son premier actionnaire est le géant chinois Tencent. De même, Deezer est aujourd’hui financé par des fonds saoudiens et le milliardaire russo-britannique Len Blavatnik.

Spotify désinvestira la France et investira sur d’autres marchés. La France n’encourage pas l’innovation et l’investissement.

Antoine Monin, directeur général de Spotify pour la France et le Benelux

Cette taxe se fera, pour Ludovic Pouilly,« au détriment du développement du marché en France alors qu’il est déjà très en retard dans la pénétration du streaming en comparaison avec d’autres pays. On est vraiment dans l’atteinte à la souveraineté numérique pour protéger la souveraineté culturelle. » Dans son intervention sur France Info, Antoine Monin estime aussi que, face à cette taxe streaming imposée au secteur,« Spotify désinvestira la France et investira sur d’autres marchés. La France n’encourage pas l’innovation et l’investissement ». Selon lui, qui avait déjà mis la fermeture du bureau parisien de la plateforme sur la table lors des négociations,« la France ne sera plus une priorité pour Spotify ». Début décembre, l’entreprise a déjà menacé de se retirer d’un pays, l’Uruguay, pour protester contre une réforme portant sur la rémunération des artistes, mais le pays sud-américain – et ses 3,4 millionsd’habitants – n’est pas la France, qui est le sixième marché de la musique dans le monde et reste très observée pour son activité régulatrice qui influence toute l’Europe. Personne, dans le secteur de la musique, ne croit donc sérieusement au retrait de Spotify, mais les moyens de son bureau parisien pourraient être freinés.« J’ai entendu Apple et quelques autres dire la même chose, avertit également Ludovic Pouilly chez Deezer. C’est logique, quand tu es un acteur international, tu regardes où tu fais tes investissements et c’est évident que tu vas choisir les pays qui rapportent le plus. Il y aura évidemment une concurrence entre les pays et la France va y perdre. »

Au SMA, Aurélie Hannedouche a pour sa part pleinement conscience que tout le monde a à perdre à entretenir les crispations. Et de rappeler que l’autre syndicat de labels indépendants, l’UPFI (Union des producteurs phonographiques français indépendants), a proposé de« discuter avec les plateformes d’une répercussion partagée de la taxe streaming ». Une discussion qui doit encore débuter. Ce sera le programme de l’année 2024, où le secteur très peu solidaire de la musique va devoir apprendre à travailler ensemble dans sa maison commune désormais pérennisée. La taxe streaming ne sera pas opérationnelle tout de suite, elle doit encore être validée à Bruxelles puis donner ses premiers rendements. D’ici là, le gouvernement a déjà informé le secteur que l’État assurera un pont budgétaire de 15 millions d’euros nécessaire au fonctionnement du CNM.

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La fête du stream
Les plateformes sur le banc des accusés.
« On n’a jamais vu un financement d’un établissement public par l’aumône »
Une taxe ou une contribution volontaire ? Controversée, la seconde piste est à l’étude pour boucler le budget du Centre national de la musique.
Épisode n° 14

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