Les reconfigurations récentes du capitalisme industriel dans les sociétés occidentales ont jeté le trouble sur la définition même du travail et sa fonction dans la société. À partir des années 1970, ces métamorphoses ont suscité, dans le champ des sciences humaines et sociales, un mouvement d’extension consistant à qualifier de travail un nombre croissant d’activités considérées jusqu’alors comme relevant de la générosité, du partage, de la solidarité, du don, du plaisir, de la création ou de l’engagement. À un moment historique de remise en cause du travail salarié et de sa capacité intégrative dans la société, de montée du chômage et de marchandisation générale de l’activité humaine, ce numéro de la revueTracés souhaite poursuivre cette entreprise de dénaturalisation du travail en appréciant les luttes de qualification qui viennent régulièrement renégocier ses frontières. Le terme de frontières a son importance. Envisagé comme zones de contact mouvantes, il permet de sortir d’une réification des activités et de porter l’attention sur la plasticité du travail et de ses délimitations. Si chacune des contributions du numéro apporte un éclairage particulier à notre problématique, toutes défendent une même optique : restituer de façon positive les frontières mouvantes de l’activité laborieuse au plus près des pratiques sociales, saisir en quelque sorte la catégorie travail en action, dans un souci de reconnaissance des individus et de leur engagement dans la société.
The recent shifting of industrial capitalism in western societies has blurred the definition of work itself and its place in society.
From the 70’s on, these changes have led, in the fields of human and social sciences, to an extension consisting in calling work a growing number of activities which used to be qualified as generosity, sharing, solidarity, gift, pleasure, creation or commitment.
At this time of historical rethinking of employed labour and of its integrative capacity in society, of growing unemployment and of general merchandizing of human activity, this issue ofTracés Magazine wishes to follow this movement of denaturalization of work by appreciating the classification struggles which regularly renegotiate its boundaries.
The term “boundaries” is essential. Seen as moving contact areas, it allows to overcome the commodification of activities and to focus on the plasticity of works and its boundaries.
If each of the contributions of this issue sheds a light on our conundrum, all of them support a same vision: restore a positive view of the moving frontiers of work activities in close link with social practices, to seize as it is the work category in action, to achieve recognition of individuals and of their commitment to society.