AccueilNuméros106Notes et travaux de rechercheMaurice Bouladoux, la CFTC, l’Alg...
La guerre d’Algérie a créé des clivages profonds et durables dans la société française. Au début du conflit, Maurice Bouladoux, président de la CFTC depuis 1953, est rapidement amené à comprendre la portée politique du problème. Néanmoins, l’école de pensée à laquelle il appartient le pousse à la neutralité dans ce domaine. Il s’efforce en parallèle de maintenir la cohésion d’une organisation divisée. Attaché aux institutions démocratiques et soucieux d’assister à une sortie rapide du conflit, ses positions évoluent face aux évènements, creusant un fossé avec la frange pro-Algérie française du syndicat.à partir de 1956, cette recherche de la paix et le refus d’une répression aveugle favorisent un rapprochement avec l’aile gauche de la centrale et contribuent à la cristallisation d’un centre confédéral. Celui-ci, davantage ouvert sur la décolonisation et les questions politiques, donnera l’impulsion à la transformation de la CFTC, qui deviendra en 1964 la CFDT.
The Algerian war created deep divisions in French society. When the conflict begins, Maurice Bouladoux, who had been the president of the Christian trade union CFTC since 1953, soon understood its political impact. However, the school of thought to which he belonged drove him to adopt a neutral posture. At the same time, Bouladoux strove to maintain cohesion in his divided organization. Out of loyalty for democratic institutions, he was a supporter of a rapid resolution of the conflict. His stance evolved in the face of events, creating a division with the colonialist faction of the union. From 1956, his interest in peace led him to bond with the left-wing of the CFTC, leading to the emergence of a confederal center. This movement, which was more open to decolonization and to politics, drove the evolution of the CFTC which became the CFDT in 1964.
Tout tranquillement, comme si cela allait de soi, par la plume de Bouladoux, la CFTC affichait sa décision d’entrer, en tant que force syndicale, dans le débat politique. Aujourd’hui, cela parait naturel, mais à l’époque ! Ce matin-là, Bouladoux faisait faire à la CFTC un bond formidable dans la conscience de ses responsabilités d’organisation syndicale ouvrière1.
1Quand vint l’heure de saluer la mémoire du « patron du syndicalisme français »2 qu’il seconda, André Jeanson3 vit une étape décisive dans la condamnation par Maurice Bouladoux du putsch du 13 mai 1958. Dans le cadre de cette étude, il est intéressant de comprendre comment la centrale chrétienne, déjà clivée, put se positionner efficacement face à une guerre qui divisa profondément la France, et dans quelle mesure le pacifisme de Maurice Bouladoux contribua au succès de cette entreprise incertaine.
2Pris entre la puissance tutélaire de Gaston Tessier4, dont l’histoire se confond avec celle de la CFTC5, et le secrétariat général d’Eugène Descamps6 qui voit l’organisation devenir une CFDT7 transformée et « gauchie », les huit années de présidence de Maurice Bouladoux et son apport à l’histoire sociale peuvent apparaître quelque peu négligés. C’est pourtant à lui qu’échut également la lourde tâche de temporiser les débats sur la déconfessionnalisation de la confédération.
3Certes, les événements de la guerre d’Algérie sont connus dans leur globalité et la bibliographie conséquente. En revanche, les travaux sur la CFTC durant cette période sont moins nombreux. Contextualisée dans un monde syndical en proie aux pressions extérieures, et où la CFTC se signale par son absence d’orthodoxie, cette mise au point va s’efforcer de mettre en lumière le déplacement, impulsé par Maurice Bouladoux, du centre de gravité de la centrale. La richesse des archives confédérales nous aidera à saisir ce processus. Si cette étude ne prétend pas à l’exhaustivité, elle a ceci d’intéressant d’être enrichie par les archives privées de Maurice Bouladoux et des témoignages jusque-là non utilisés. Son histoire individuelle s’inscrit en effet dans le schéma de transformation du catholicisme social à une période charnière pour l’ensemble de la société française. De ce fonds familial8, composé de quatre cartons d’ampleurs inégales, ne seront utilisés que les éléments ayant trait à la problématique.
4Afin de mieux saisir le phénomène étudié, nous nous intéresserons, dans un premier temps, à la position de la CFTC au milieu des années 1950, son implantation au sein de l’Algérie coloniale et les valeurs communes qui animent la centrale. Ces bases posées, nous verrons, au travers notamment des débats internes à l’organisation, l’évolution de pensée de Maurice Bouladoux, des « contacts valables » préconisés à l’automne 1956, à l’unité retrouvée de la centrale au plus fort de la bataille d’Alger. La dernière partie sera consacrée à la crise de 1958 et aux questionnements qu’elle engendre à la CFTC.
5Quand éclate la guerre d’Algérie, la CFTC est divisée entre une majorité attachée à la morale sociale chrétienne et une minorité partisane d’un socialisme démocratique.
6Maurice Bouladoux, né le 16 juillet 1907 à Parthenay (Deux-Sèvres), grandit à Paris dans un milieu populaire avec des parents employés. À l’âge de quinze ans, il entra dans le monde du travail. Simple coursier puis aide-comptable dans une usine textile, il adhère dès son entrée dans la vie active au syndicat des employés de la CFTC. Cet engagement peut être vu comme le prolongement de son éducation catholique lassallienne, cette congrégation étant à l’origine des premiers syndicats chrétiens. Son ascension est rapide et il figure dans l’organigramme en tant que secrétaire général adjoint en 1937. En novembre 1940, il est l’un des trois signataires CFTC9 du célèbreManifeste des Douze, réponse à la dissolution des confédérations ouvrières par Vichy. Secrétaire générale de la centrale en 1948, il accède à la présidence au printemps 1953 en prenant une certaine distance idéologique avec son prédécesseur, Gaston Tessier, dont il fut longtemps le bras droit. La non-représentation de celui-ci cache mal un retrait amer devant l’échec du « resserrement » tenté l’année précédente10.
7Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une tendance « minoritaire » émerge en effet au sein de la CFTC. Son but était de transformer la CFTC en un syndicat de masse soutenant les mouvements ouvriers, y compris politiques.
8Maurice Bouladoux a dû se porter garant de l’indépendance de l’organisation. En novembre 1952 il affirme dansSyndicalisme magazine, organe de presse de la CFTC, que celle-ci « est et restera non confessionnelle », réalité au sens étymologique du terme, et associe des minoritaires à la rédaction de rapports d’ouverture. Soucieux de maintenir l’unité et la cohésion d’une organisation dont il évite l’éclatement11, il s’attelle à donner à sa tendance, le centre, une consistance et un positionnement stratégiques réels à travers la maîtrise de l’exécutif confédéral. Il s’affranchit du traditionalisme catholique apparent, tout en affirmant cependant son attachement à la doctrine sociale chrétienne12.Le nouveau président appartient à la génération de syndicalistes nés au début duxxe siècle qui a su tisser des liens transpartisans, surtout avec des militants de la CGT13, durant la seconde guerre mondiale14. Au niveau politique, ses contacts se situent du côté du MRP15.
9Il réunit autour de lui une équipe restreinte pour élaborer les décisions importantes, composée d’André Jeanson, Théo Braun16 et Roger Reynaud17. Aux yeux de Bouladoux, ils « représentent à eux seuls une tendance dans le Mouvement et doivent donc avoir leur propre revue ». La concrétisation de ce projet est l’apparition en mai 1953 d’une publication intituléeRecherches, qu’il dirige. Le but est de créer un contre-feu auxCahiers Reconstruction, où s’exprimaient nombre de minoritaires. Le rapprochement entre majoritaires et minoritaires se gèle lors des grandes grèves d’août 1953, quand le MRP fait les bons offices entre le gouvernement de droite et les syndicalistes.
10Au moment où débute la guerre d’Algérie, Maurice Bouladoux ne semble pas nier la dimension politique du problème mais, comme la grande majorité des syndicalistes chrétiens, il la subordonne à l’économique et au social. Dans un discours au congrès de la CFTC Algérie qu’il préside en février 1955, après avoir longuement insisté, fait inédit, sur le désarroi des masses musulmanes, il avance que la confédération doit avoir une « vision plus lointaine que sa simple action quotidienne »18, participer à « construire une cité future et faire une révolution, sans que cela prenne un sens brutal, péjoratif et sanglant »19. Ces propos sont ceux d’un syndicaliste réformateur et le problème algérien est considéré encore comme franco-français.
11Bien que vu depuis la métropole comme des opérations de maintien de l’ordre dans les départements algériens, comment ne pas associer ce conflit naissant aux problématiques décolonisatrices ? Le congrès de la CFTC de Douala (Cameroun) de 1954, présidé par Maurice Bouladoux, démontre les progrès accomplis par la centrale chrétienne dans le domaine et la mise en place de structures ultramarines. Ces avancements créent parfois des frictions. La culture populaire française n’est alors pas exempte d’un racisme latent et insidieux, peu propice à la prise en compte de la misère de la classe ouvrière des pays colonisés par l’opinion publique métropolitaine. Bien qu’ils adhèrent à des principes généreux, nombre de démocrates d’inspiration chrétienne ont également du mal à s’éloigner d’une image idéalisée des colonies. S’il ne peut ignorer la situation réelle, les positionnements d’André Pailleux20, président de la commission confédérale d’outre-mer, nous éclairent sur cette ambivalence. Ancien député du MRP et ayant démontré un intérêt particulier pour les questions sociales dans l’exercice de ce mandat, il se révèle par ailleurs un opposant notoire à toute menée autonomiste ou indépendantiste et légitime la terrible répression à Madagascar en 1947. C’est motivé par la volonté de contrebalancer ses actions que Gérard Espéret21 met sur pied un secrétariat confédéral à l’outre-mer. N’appartenant à aucune tendance, il démontre un intérêt croissant pour la question décolonisatrice, étant un des premiers à en avoir saisi l’irréversibilité. Son impulsion donne un discours novateur à la CISC et débouche sur l’adoption d’une motion sur le sujet votée au congrès d’Alger de 1953.
12S’ils partagent le pessimisme de l’opinion publique sur l’Union Française22, les catholiques sociaux n’ont pas une vision unitaire de l’État. L’application du principe de subsidiarité pousse à la reconnaissance d’une certaine autonomie de la région. Comme souvent la pensée de Maurice Bouladoux se doit d’être une synthèse entre des principes généraux issus d’une doctrine vague, mais non monolithique, et la particularité des situations.
13La CFTC en Afrique du Nord compte alors une moitié de Musulmans et l’optimisme du président sur le devenir d’un syndicat chrétien non confessionnel trouve une de ses sources dans l’exemple de la CVTC23. Parallèlement, la CFTC Algérie a vu, tout comme CGT-FO24, ses effectifs profiter du départ de nombreux syndiqués CGT européens devant les actions anticoloniales de la centrale communiste durant la guerre d’Indochine25. Ces nouvelles adhésions nourrissent sa frange conservatrice qui se défie des dirigeants Alexandre Chaulet26 et François Fraudeau27 jugés trop peu tricolores28. Le premier entretient des liens d’amitié depuis l’hiver 1940 avec Maurice Bouladoux29. Les deux délégués, humanistes sincères, jouissent de la pleine confiance de la Confédération et sont proches des milieux « libéraux » d’Alger, dont le maire Jacques Chevallier30, catholique réformateur et donc suspect aux yeux de la frange irréductible des colons.
14Suite à une requête de la CFTC Algérie, une mission confédérale s’y rend en février 1956. Chaque tendance y est représentée, entre Théo Braun, André Pailleux et Yves Morel, minoritaire dont la présence peut être une réponse à la demande de militants locaux s’estimant incompris par eux31. Utilisant les réseaux catholiques, la mission multiplie les contacts dans tous les milieux et le rapport que fait oralement Théo Braun au Conseil Confédéral32, publié seulement en avril après une diffusion interne soigneusement filtrée, marque par son constat négatif. La peur est omniprésente, la population musulmane acquise à la cause du Front de Libération Nationale (FLN), les Européens s’estiment « lâchés » par la métropole et imaginent une ombre anglo-américaine derrière le FLN. Les demandes concomitantes des deux centrales syndicales algériennes créées au printemps, l’UGTA et l’USTA33, de rejoindre la CISL les confortent dans cette idée.
15Il existe différents gradients de « politique » dans un syndicat, qui vont d’un simple positionnement sur une question à une participation aux élections. Sur ce dernier point, les majoritaires se tiennent à l’écart malgré de fortes tentations à l’apogée du MRP. Après avoir « fichu royalement la paix »34 à Pierre Mendès France affairé à régler le conflit indochinois (neutralité volontairement bienveillante assurée au grand dam de majoritaires dont Théo Braun) Maurice Bouladoux exige une totale impartialité pour les élections législatives de 1956. Certains minoritaires passent outre et donnent des consignes de vote pour la coalition de gauche non communiste qu’est le Front Républicain. Vainqueur des élections en promettant une sortie rapide du conflit algérien, celui-ci essuie un revers en tentant de nommer le libéral Georges Cartroux résidant général en février 1956. La population européenne d’Algérie se révolte à cette annonce et prend violemment à partie le président du Conseil Guy Mollet35 lors de sa visite, le 6 février.
16L’année précédente a vu le rappel du contingent. Des manifestations de protestation éclatent et des militants de la CFTC y participent à titre individuel. Le problème est évoqué dans le cahierRecherchesde janvier 1956.L’éditorial ne verse pas dans la nostalgie de l’Empire, aliment d’orgueil et de nationalisme encore vivace dans l’électorat catholique. On y pressent toutefois un regret de « l’heureux temps »36 des armées de métier et des conflits moins coûteux en homme car « aucune haine (de classe ou de nationalité) ne séparait les armées combattantes »37. La guerre y est décrite comme parfois inévitable et la portée tragique des deux guerres mondiales expliquée autant par le progrès technique que par des idéologies mortifères. Il s’agit d’une réflexion sur le rôle de l’armée dont l’image se serait détériorée face à l’ascension d’une classe ouvrière antimilitariste et se conclut par les rôles prédominants du moral de la nation et de l’armée. Dans un pays où le traumatisme de la défaite de 1940 pèse encore sur l’inconscient collectif, le pacifisme des catholiques sociaux n’a en effet rien en commun avec celui, antimilitariste, voire démissionnaire, de l’extrême gauche et souvent issu des thèses anarchistes. Il se rapproche de son sens étymologique, où la paix – dont les pacifistes sont les partisans – est « la tranquillité dans l’ordre » et « un ordre organique » selon Ernest Pezet, cité par Françoise Mayeur38. Cette définition trouve une inspiration lointaine chez Saint Augustin, qui, dans « La cité de Dieu », voit « la paix dans la tranquillité de l’ordre ».
17Le 12 mars, le gouvernement obtient du Parlement les pouvoirs spéciaux en Algérie. Une résolution du conseil confédéral de la CFTC du 13 avril 1956 approuve l’intervention armée, si celle-ci rétablit la sécurité personnelle de tous dans le but de promouvoir des réformes (y compris politiques) afin d’aider les plus déshérités et d’instaurer une coexistence pacifique39. Ceci révèle quasiment de l’utopie depuis les massacres du 20 août 1955 et la répression qui a suivi40. Cette position publique ne peut et ne doit être vue comme la pensée collective du moment de la centrale : une motion de Gilbert Declercq41 sur d’éventuelles négociations est âprement discutée mais repoussée car elle « reviendrait à négocier avec des gens qui ne veulent pas »42. Pour Maurice Bouladoux, le terme ne présente pas la même signification selon le côté de la Méditerranée où l’on se trouve43. Deux évènements de portées inégales se déroulant au printemps peuvent être les prismes par lesquels s’analyse la position ambiguë de la CFTC : Hadj Baghdadi Lindoulsi, vice-président de l’union locale CFTC de Bône, est assassiné44 et Henri-Irénée Marrou, historien, membre du SGEN45 et haute figure morale de la démocratie chrétienne, subit des perquisitions policières suite à la publication d’un texte dénonçant la mise en place en Algérie de la torture, ceci sous couvert de demi-comparaisons avec les atrocités nazies46.
18La France réalise vraiment qu’elle s’enfonce dans la guerre quand tombent les premiers réservistes. Lorsque le fils cadet de Maurice Bouladoux apprend qu’il ira en Algérie, son père ne lui conseille aucunement de s’y soustraire. Si en privé il avoue ne se faire aucune illusion sur le long terme quant au futur des colonies47, il se garde d’émettre de telles opinions en public. Partisan d’une évolution progressive des mentalités par le biais de la pédagogie, il reconnaîtraa posterioriêtre alors « soucieux de voir comment les troupes réagissaient »48. Sans doute se défie-t-il d’une agitation comme celle que connaît en mai FO suite à une déclaration anticolonialiste de son secrétaire général Robert Bothereau49, qui y définit clairement l’indépendance algérienne comme une option, et se voit désavouée sous huitaine par la commission administrative de son organisation. Ce printemps voit également le Front Républicain se désagréger ; le 23 mai 1956, Pierre Mendès France démissionne du gouvernement et déplore que les modérés algériens soient persécutés. Reçu à Matignon le 30, Maurice Bouladoux entend par la voix du président du Conseil Guy Mollet qu’unstatu quo ou un retour en arrière sont totalement exclus.
19Dans la centrale, les appels à la négociation se multiplient et proviennent en grande partie de son aile gauche. Ses membres, implantés dans des secteurs où ils côtoient les ouvriers nord-africains résidant en métropole, sont davantage sensibilisés à la condition des Algériens. Au conseil confédéral, Gérard Espéret, bénéficiaire de contacts dans les cercles nationalistes algériens, œuvre également dans ce sens. Il est sur la question le principal conseil métropolitain de Maurice Bouladoux qui, dans un bulletin d’informations aux militants d’Algérie, reconnaît que le problème est « politique au plus haut degré ». Le rôle d’une organisation syndicale n’étant pas « de trancher de tout » mais de faire en sorte, « par son action quotidienne d’apporter sa pierre à l’œuvre sociale »50.
20Les relations entre la droite métropolitaine de la CFTC et les syndiqués partisans de l’Algérie française ne sont pas évidentes. Certes, Gaston Tessier, président honoraire, dresse un constat étonnamment optimiste de la situation sur place au retour de son voyage fin mai 1956, où il énonce sa volonté de voir une « Algérie doublement française à l’issue du conflit »51. Le « président-fondateur »52 est un homme âgé dont on peut se demander s’il ne souffre d’un ancrage dans le passé. Il publie un ouvrage en janvier de la même année,L’âme du syndicalisme. Sur la colonisation, la documentation inhérente et la définition empreinte de pudeur qu’il utilise sont toutes deux tirées d’un rapport de la CISC de 193253 ! Bien qu’étant attaché au centre confédéral, il est, de par son aura et son passé, la figure de proue d’une tendance réactionnaire qui a pour vivier le syndicat des employés. Son retrait et la prise de distance de Maurice Bouladoux, pourtant issu de ce bastion conservateur, ont porté des coups durs à cette tendance qui tente de contenir la montée des minoritaires. L’année 1956 marque le début d’une contre-offensive idéologique menée par Jacques Tessier54 qui crée un bulletin, lesÉquipes syndicales chrétiennes.Mais en refusant, officiellement par apolitisme, de s’engager sur toute question décolonisatrice, ils voient naître des divergences vis-à-vis du centre de Maurice Bouladoux dont la vision du conflit algérien évolue, après s’être initialement tenu à la dimension morale du conflit.
21Ces querelles internes à la centrale provoquent l’accroissement du sentiment d’abandon des syndicats chrétiens européens d’Afrique du Nord. Une critique éloquente vient du délégué des fonctionnaires Arthur Coste, pour qui « beaucoup ont donné l’impression d’être bien plus préoccupés du travaillisme et du marxisme, ou du confessionnalisme que d’action et de solidarité syndicale »55. Les ultras Algérie française de la CFTC arguent en effet de la morale sociale chrétienne pour justifier leur refus de négocier avec les combattants du bord opposé, et se montrent silencieux face à la répression, voir la justifient. Témoins directs, voir victimes d’une guerre de type révolutionnaire, leur prise de conscience est diamétralement inversée de celle des métropolitains.
22La majorité des syndicalistes (et particulièrement les dirigeants) appartenant à la matrice catholique, la direction trouve depuis le début de l’épreuve peu de soutien dans une hiérarchie ecclésiastique relativement silencieuse, malgré l’action positive de prêtres favorables à la décolonisation, dont Monseigneur Duval56, évêque d’Alger. Face à l’enlisement progressif de la situation, Maurice Bouladoux et son bureau sont désormais convaincus que la paix passe par la négociation avec la partie adverse. Le comité national d’octobre doit déboucher sur la rédaction d’une résolution « Algérie ». Chaque mot clé du texte est discuté57 et s’en trouve encombré de formules rhétoriques. Finalement le comité considère que « doivent être trouvées, sur le plan politique et grâce à des contacts valables, les solutions permettant, dans le respect des légitimes intérêts et aspirations de tous les éléments de la population, le retour rapide de la paix en Algérie ». Un texte des fonctionnaires d’Algérie proposant de limiter ces contacts aux « seuls éléments respectueux de la vie humaine », pensant ainsi exclure le FLN, est rejeté par 70 % des mandats. Dans les faits, un pas considérable est franchi et Maurice Bouladoux en a déjà conscience sur le moment58. Les assemblées précédentes demandaient l’intervention armée accompagnée de réformes sociales, celle-ci réclame une suspension des hostilités et des discussions en amont. Aucune autre centrale syndicale n’est alors allée aussi loin, pas davantage FO qui renvoie les négociations à un après cessez-le-feu (position dans laquelle s’est enfermée Guy Mollet tout en cherchant à contacter en secret le camp adverse) que la CGT, toutefois largement majoritaire chez les travailleurs algériens syndiqués59. Cet automne 1956, riche en évènements, ouvre des questions au niveau international et Gérard Adam a démontré leur utilisation dans les débats internes de la CFTC60. Même en réaction à l’intervention armée franco-britannique de Suez, il est par exemple impensable de faire cause commune avec la CGT qui a approuvé l’écrasement de la révolution hongroise par les Soviétiques. Maurice Bouladoux pressent que les évènements successifs en Europe de l’Est et l’inféodation patente de la CGT au PCF et à Moscou modifient à long terme la situation du communisme à l’intérieur de la classe ouvrière, et amènent à exiger d’une centrale libre des décisions audacieuses. Globalement, la perte de crédibilité de partis politiques associée à un régime instable incite la CFTC à prendre conscience du rôle qu’elle pourrait être conduite à endosser.
23Reçu à ce sujet en février par Guy Mollet et déplorant ouvertement la répression qui s’abat sur les syndicats algériens61, Maurice Bouladoux constate, lors d’une rencontre « très désagréable »62 et improductive, que le républicanisme du président du Conseil tend à s’effacer derrière son nationalisme. Sa trajectoire idéologique est contraire. Quoique moindre, le patriotisme63 des syndicalistes chrétiens ne peut en aucun cas servir à cautionner la mise en place d’un État militaire et ce début d’année voit l’armée prendre le contrôle d’Alger. Le même mois, il préside le congrès de l’union régionale d’Algérie et, dans une ambiance houleuse, rappelle que si faire le jeu des partis est exclu, la CFTC ne peut se désintéresser totalement des problèmes politiques. Il constate que le mouvement est clivé, fracture aggravée en Algérie, où la guerre exacerbe les tensions entre une base pro-Algérie française dont certaines sections menacent de faire sécession, et les dirigeants de l’union régionale dont les positions restent alignées sur la centrale. Par une ironie que l’on imagine partiellement issue d’une certaine forme de déterminisme, les deux enfants d’Alexandre Chaulet sont interpellés durant l’hiver et emprisonnés pour aide au FLN, alors que leur père invite régulièrement le fils de Maurice Bouladoux, membre du contingent, lors de ses permissions. La crédibilité d’Alexandre Chaulet face à la base s’en trouve fragilisée.
24Le président confédéral contribue au développement de la centrale durant cette période64. Il fait preuve d’intelligence en évitant d’être désavoué par ses troupes alors que son discours tend à se calquer sur celui des minoritaires, sort d’une vision moralisatrice pour chercher des réponses concrètes aux questions économiques, mais garde cependant un bureau confédéral homogène, comportement motivé par l’excessivité de certaines revendications de la minorité65. Il est néanmoins vain d’ignorer que ces derniers portent une dynamique intellectuelle et militante. La problématique réelle étant la transition entre des syndicats d’employés, avec le patronage comme norme de recrutement, et des fédérations d’industrie, Maurice Bouladoux a réalisé la nécessité de s’adapter aux enjeux du temps. Des témoignages de minoritaires nous renseignent sur son rôle durant les périodes de tension interne. Edmond Maire66 loue sa présence, « et quelle présence »67, ainsi que sa lucidité et son courage. Le secrétaire de la fédération CFTC métallurgie, Jean Lannes, reconnait prosaïquement « qu’il n’était pas un affreux »68, façon personnelle de louer son ouverture d’esprit et le distinguer d’emblée de la droite de la centrale.
25La direction confédérale, particulièrement Maurice Bouladoux et André Jeanson69, tentent de jeter des ponts entre les tendances et la guerre d’Algérie joue son rôle, l’aggravation du climat rendant un accord indispensable. Les représentants ont gardé contact en coulisses et une première tentative avorte au congrès de juin car Eugène Descamps refuse de rentrer au bureau confédéral pour une question de représentativité. Durant l’été, il est approché par les membres du bureau journalier70, et un compromis est trouvé à l’automne : le débat idéologique est gelé, tandis que des responsables minoritaires sont associés à la direction dans de meilleures proportions. Au sein de leur courant, certains ne voient pas d’un bon œil ce rapprochement et craignent l’éclatement de leur groupe. En effet, les promus perdent de la combattivité habituelle chez les contestataires et modèrent rapidement leurs positions, notamment sur les sujets ici étudiés71. Paul Vignaux, fondateur du SGEN72, et les siens voient avec une certaine suspicion la démarche pragmatique de ce « centre confédéral ». Les débats internes nous instruisent sur le marqueur interne qu’est la guerre d’Algérie et l’absence de linéarité dans la progression des mentalités. Ainsi, Georges Levard73, par ailleurs partisan de la décolonisation, propose au congrès de juin 1957 de revenir aux positions antérieures à 1956, que seuls quelques ultras persistent à défendre au sein de l’organisation. Il conforte alors les minoritaires dans le statut « d’homme à abattre » qu’ils lui ont attribué en réaction à son opposition farouche à toute discussion. S’ils sont les héritiers d’une même tendance, le président ne partage pas le point de vue de son secrétaire général. La dissociation entre l’attitude adoptée face au conflit et l’ouverture aux minoritaires se révèle ardue tant les phénomènes tendent à s’agréger devant l’envenimement d’une situation qui fournit le terrain à une radicalisation des oppositions internes.
26Le 21 janvier 1958 débute la bataille des Frontières. Victorieuse sur le plan militaire de la bataille d’Alger, l’armée française cherche à contenir les infiltrations à partir de la Tunisie. Le 8 février, l’aviation effectue un raid de représailles sur le village tunisien frontalier de Sakiet Sidi Youssef causant 72 morts, essentiellement civils74. Dans une lettre adressée au président du Conseil Félix Gaillard75, Maurice Bouladoux rappelle que les syndicalistes chrétiens ne sont pas, « bien au contraire, de ceux, bien qui cherchent à mettre systématiquement en accusation la France, sa politique, ou son armée »76. Mais il condamne très fermement cette action, et insiste sur l’inaptitude des politiques à contrôler les militaires. Il s’attire les foudres des fédérations les plus conservatrices d’Algérie, qui, dans une lettre, lui dénient le droit de lancer de telles accusations depuis Paris et affirment que l’immense majorité des adhérents, militants et habitants sur place réagissent inversement en face de cet évènement.
27Le comité national biannuel de la CFTC d’avril 1958 nous offre une photographie de l’état d’esprit interne. Les questions politiques et algériennes monopolisent le débat et l’assemblée est divisée : les majoritaires « fermés » s’évertuent à présenter les dangers d’une confusion des genres entre syndicalisme et politique, alors que minoritaires et majoritaires « éclairés » avancent l’articulation des phénomènes entre la guerre et la dégradation économique. Est adoptée une condamnation très ferme de la politique de force car, si en 1956 la répression avait pour but « d’assurer la sécurité des personnes de manière égale pour toutes », ce n’est plus le cas aujourd’hui et « le remède serait pire que le mal »77. En parallèle, une crise ministérielle secoue la Quatrième République, la vingt-deuxième depuis sa naissance, donnant corps aux propos des éditorialistes deRecherches, qui dans une atmosphère de lucidité pessimiste prophétisaient deux ans auparavant que la « France joue en Algérie son destin, et le régime son existence »78.
28Le 9 mai, le MRP Pierre Pflimlin reçoit, dans le cadre de ses entretiens politiques en vue de constituer un gouvernement, Maurice Bouladoux qui lui demande, au nom de son organisation, d’entamer des « négociations sans exclusives » en Algérie. Il est intéressant de signaler que la CFTC n’a pas encore directement utilisé ce terme en public. Présenté comme un libéral au sujet de l’Algérie, la désignation de Pierre Pflimlin en tant que Président du Conseil, et la simultanéité de rassemblements d’hommage à des prisonniers de guerre exécutés par le FLN, débouche le 13 mai sur une situation insurrectionnelle à Alger. Profitant d’une vacance du pouvoir depuis le départ de Robert Lacoste trois jours auparavant, un comité de salut public, rapidement noyauté par les gaullistes, effectue un coup d’État. D’autres sont installés ailleurs en Algérie par les militaires et des membres de la CFTC s’y greffent. L’union régionale se met en demi-sommeil afin d’éviter une récupération par les extrémistes.
29À Paris, la centrale prend très au sérieux le péril factieux et ordonne la mise en place d’un état d’alerte permanent des militants. Yvon Morondat79 sonde les syndicalistes sur une éventuelle aide qu’ils pourraient apporter si d’aventure « les militaires font les idiots »80 et Eugène Descamps le rassure sur ce point81. Des contacts réguliers sont maintenus avec les politiques, les autres organisations ouvrières et la présidence du Conseil. La CFTC condamne immédiatement le coup de force et l’impulsion vient de Maurice Bouladoux, dont Edmond Maire et André Jeanson décrivent la fermeté82.
30Le personnel politique paraît peu fiable vu depuis la CFTC. Le MRP, dont elle s’est éloignée idéologiquement depuis une décennie, n’a cessé en parallèle de décliner. Elle refuse d’être affilée aux socialistes tout comme au PCF qui, de par son incapacité à se renouveler, perd du terrain depuis deux ans83. Se résoudre à accepter le gaullisme est exclu, opposition motivée autant par l’ancien programme du RPF84, par les conditions de son accession de pouvoir85 que par le « césarisme » qui émane de cet appel au sauveur. Mais cette éventualité progresse rapidement, l’intéressé déclarant dès le 15 mai être « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». L’attrait pour ce courant au sein de la centrale doit pourtant être évoqué. Si le Général n’appartient à aucune école précise, ses maîtres à penser en matière sociale sont à regrouper sous l’étiquette des catholiques sociaux, créant là des convergences. En privé, Maurice Bouladoux ne cache pas son admiration pour l’homme du 18 Juin86. Néanmoins, une issue rapide à la guerre, inévitable pour bénéficier d’un appui casuel de la confédération, ne semble pas plus proche si de Gaulle préside aux destinées de la Nation.
31Cette période troublée est idéale à la création d’un front syndical ayant pour objectif la défense des institutions démocratiques et où le rôle de la CFTC serait capital. Une résolution peut n’être parfois qu’un compromis non appliqué entre différentes tendances et, dans ce cas, il ne s’agit pas de se limiter à des grèves ponctuelles. Maurice Bouladoux préconisait au congrès de juin 1957 de ne pas créer un « poujadisme ouvrier » et de faire montre de « solidarité avec paysannerie, ouvriers et intellectuels ». Ne pouvant prendre le risque de s’enfermer dans une unité d’action avec la CGT, la CFTC se rapproche de l’UNEF, la FEN et la CNJA87 et gagne ainsi de nouveaux alliés dans l’épreuve. Des débrayages ont lieu à compter du 27 mai.
32Si, au sujet du putsch, la centrale partage globalement l’état d’esprit de sa direction, celle-ci peine pourtant à convaincre ses troupes de manifester le 28 mai pour défendre la République avec toute la gauche de l’échiquier politique. Le président confédéral participe au cortège ainsi que Gaston Tessier, âgé et malade, dont la présence démontre que les clivages sont alors secondaires88. L’histoire contemporaine, des émeutes de 193489 à l’Occupation, démontre que, pour la CFTC, l’extrême droite est un ennemi plus naturel que l’extrême gauche. Pour une gauche non-communiste qui se cherche, la CFTC est un allié précieux. Sa présence aux côtés des communistes vaut à Maurice Bouladoux de recevoir nombre de courriers de protestation et lettres de démission. Défiler aux côtés de « staliniens » choque d’autant plus quand la finalité est la condamnation d’insurgés vus comme de sincères patriotes ! Le peu d’entrain des syndiqués chrétiens à témoigner de leur appui à la Quatrième République tient tant à la crise du régime qu’au positionnement idéologique équivoque de l’organisation et surtout de ces militants. Ne sommes-nous pas éclairés sur cette question par André Jeanson qui constate, toujours en 1958, l’image de « droite »90 associée à la centrale à l’aune d’une FO de gauche ? En revanche, la vitalité des syndicats et la volonté d’union nationale face à la crise peuvent partiellement expliquer les tentatives de séduction qu’entreprirent les gouvernants – ou pressentis – envers Maurice Bouladoux. René Pleven91, Pierre Pflimlin et le général de l’approche de manière informelle et il ne donne pas suite92.
33Grâce à la promesse de stabilité entrevue, rien n’empêche la naissance de la Cinquième République. Les oppositions, dont la marche républicaine du 28 mai, ne lui sont d’ailleurs pas directement hostiles. La CFTC s’abstient de toute consigne à l’occasion du référendum organisé le 28 septembre par le général de Gaulle. La crise de 1958 est significative pour Maurice Bouladoux. Si les oppositions et conflits internes à la CFTC se modèrent en métropole, en Algérie ils se révèlent sur la place publique. L’union régionale est complètement réorganisée à la suite d’un congrès houleux qu’il préside en février 1959. Renforcée par son union retrouvée, la centrale chrétienne peut affronter la période troublée de 1958 à 1962 où elle tient un rôle de pivot dans le front syndical qui prend toute sa dimension après le putsch d’Alger d’avril 1961. Une répercussion de cet engagement sera l’attentat de son centre de formation de Bierville par l’Organisation Armée Secrète dans la nuit du 26 au 27 mai 1961. La CFTC s’enracine dans le monde ouvrier et, de par ses positions sur la guerre d’Algérie, gagne en audience auprès d’une jeunesse fatalement concernée. Si ceci résulte d’un faisceau de circonstances, comment nier le rôle primordial joué par Maurice Bouladoux ? Faisant preuve d’ouverture quand nécessaire, il sut, quoique parfois bousculé par la succession des évènements, préparer ses militants à accepter un monde en pleine mutation dans lequel la colonisation et sa violence intrinsèque ne trouvent plus de justifications à leur existence.
1 Syndicalisme,17 novembre 1977, Archives familiales de Maurice Bouladoux (Arch. fam. M. Bouladoux).
2 Ibid.
3 Fonctionnaire, vice-président de la CFTC-CFDT de 1957 à 1967, puis président de 1967 à 1970.
4 Employé de commerce, secrétaire général de la CFTC dès sa création en 1919, il représente l’organisation à la naissance du Conseil national de la Résistance en 1943, puis préside la CFTC à partir de 1948.
5 Confédération française des travailleurs chrétiens.
6 Ouvrier ajusteur, partisan de la déconfessionnalisation de l’organisation, il en est le secrétaire général de 1961 à 1971.
7 Confédération française démocratique du travail.
8 Ce fonds est possession de l’auteur, arrière-petit-fils de Maurice Bouladoux. La masse de documents légués par l’intéressé à ses descendants étant complétée par des pièces postérieures à son décès, parler d’archives familiales sera plus adéquate que d’évoquer ses archives privées.
9 Aux côtés de Gaston Tessier et Jules Zirnheld, employé de banque et premier président de la CFTC jusqu’à son décès en décembre 1940, dont le portrait ornera le bureau du président confédéral.
10 Retour aux références doctrinales, et au recrutement confessionnel, qui avaient été écartées en 1947, mais aussi mise sous surveillance des fédérations « minoritaires ».
11 Frank Georgi,L’invention de la CFDT 1957-1970,Paris, Éditions de l’Atelier-CNRS, 1995, p. 27.
12 Théorisée dans l’encycliqueRerum Novarumpubliée en 1891 par le pape Léon XIII, elle répond à quatre principes majeurs : la dignité de la personne humaine, le bien commun, la subsidiarité et la solidarité. Le libéralisme individualiste et le socialisme collectiviste y sont condamnés. À ce sujet on pourra se reporter à : Denis Pelletier, Les catholiques en France depuis 1815, Paris, La découverte, 1997.
13 Confédération générale du travail.
14 Des syndicalistes CGT et CFTC, dont Maurice Bouladoux, sont à l’origine du mouvement Libération-Nord. Alya Aglan,La Résistance sacrifiée. Histoire du mouvement « Libération-Nord »,Paris, Flammarion, 2006, p. 119.
15 Mouvement républicain populaire. Il en fut adhérent à la Libération. Arch. fam. M. Bouladoux, Brouillon du CV de Maurice Bouladoux.
16 Dessinateur industriel, secrétaire général de la fédération des syndicats chrétiens d’Alsace-Lorraine.
17 Fonctionnaire au ministère des Finances, vice-président de la CFTC de 1951 à 1957.
18 Discours de Maurice Bouladoux au congrès de l’union régionale Alger des 26 et 27 février 1955, p. 2, Archives confédérales de la CFDT (Arch. conf. CFDT), CP/11/45.
19 Ibid.
20 Cheminot, député MRP de 1945 à 1946.
21 Ouvrier dans une imprimerie, secrétaire général adjoint de la CFTC à partir de 1947.
22 Organisation politique de la France et de son empire colonial de 1946 à 1958. La nouveauté réside surtout dans le statut de résident et l’abolition de l’indigénat. Elle souffre de contradictions jusqu’à son remplacement par la Communauté française en 1958.
23 Confédération vietnamienne des travailleurs chrétiens, qui compte 90 % de bouddhistes et se trouve être la première force syndicale du pays avec 180 000 adhérents.
24 Confédération générale du travail - Force ouvrière, « FO » est souvent utilisée. Issue d’une scission de la CGT en 1947, sa naissance acte la fin de la CFTC comme seule alternative au communisme dans le paysage syndical.
25 En 1950, la CGT déclenche plus de 1 500 arrêts de travail en vue de désorganiser les transports militaires ou la production d’armement.
26 Représentant de commerce, délégué confédéral pour la CFTC en Afrique du Nord de 1935 à 1943 puis de nouveau à partir de 1945. Il restera sur place après 1962 et sera conseiller social pour le gouvernement provisoire.
27 Contrôleur dans une caisse d’allocations familiales. Secrétaire général, puis président de l’union départementale puis régionale de la CFTC d’Algérie (1946-1962).
28 Nicolas Perrais, « La Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la guerre d’Algérie : les relations entre la Confédération et l’Union régionale CFTC d’Algérie à travers le fonds François Fraudeau (1925-1965) »,Migrance, no 44, 2014, p. 94.
29 Son épouse et lui-même logent au domicile de Maurice Bouladoux lors de leurs vacances en métropole : entretien de l’auteur avec Jean Bouladoux, fils de Maurice Bouladoux, 10 mars 2018.
30 Industriel, il occupe cette fonction de mai 1953 à mai 1958. Il restera en Algérie après l’indépendance et en acquiert la nationalité.
31 Arch. conf. CFDT, CP/11/46, Lettre de François Fraudeau à Georges Levard, 3 janvier 1956, Alger.
32 Arch. conf. CFDT, CP/11/46, Rapport de la mission confédérale de la CFTC en Algérie du 30 janvier au 7 février 1956.
33 Respectivement l’Union générale des travailleurs algériens, appartenant à la mouvance du FLN et l’Union syndicale des travailleurs algériens, proches des nationalistes modérés du Mouvement national algérien de Messali Hadj.
34 Arch. conf. CFDT, CG/3/173, Compte-rendu du bureau confédéral du 18 février 1955.
35 Socialiste (SFIO), président du Conseil de février 1956 à juin 1957.
36 Arch. conf. CFDT, CF/3/5,Recherches, janvier 1956.
37 Ibid.
38 Françoise Mayeur,L’Aube, étude d’un journal d’opinion (1932-1940), Paris, Presses de la FNSP, 1966, p. 108.
39 Arch. conf. CFDT, CP/11/46, Résolution du conseil confédéral (cons. conf.) 13 avril 1956.
40 Une insurrection secoue le Constantinois le 20 août 1955. Les émeutiers commettent deux massacres d’Européens : 35 personnes sont tuées à El Alia et 7 d’une même famille à Aïn Abid. La répression fera 7 500 victimes. Sur ce sujet, nous pourrons nous référer à : Claire Mauss-Copeaux,Algérie, 20 août 1955. Insurrection, répression, massacres,Paris, Payot, 2013.
41 Dessinateur dans la métallurgie, secrétaire de l’union des métaux de Nantes, une des plus à gauche de la CFTC.
42 Arch. conf. CFDT, CG/7/19, Compte-rendu du cons. conf. du 13 avril 1956, p. 16.
43 Ibid.
44 Supposément par le FLN, la presse locale et l’hommage de la CFTC faisant mention de « terroristes ». Fondateur de troupes scoutes musulmanes, il était, selon Gérard Espéret, également menacé par des ultras européens. Arch. conf. CFDT, CG/7/20, CR de la réunion du cons. conf. du 30 juin 1956, p. 8.
45 Syndicat général de l’éducation nationale appartenant à la CFTC, ses membres sont à la pointe de la tendance minoritaire.
46 Henri-Irénée Marrou, « France, ma patrie »,Le Monde,5 avril 1956. Résistant durant la seconde guerre mondiale, sa monumentaleHistoire de l’éducation dans l’antiquité, publiée en 1948 est dédiée à un de ses étudiants : « Ce livre est dédié à la mémoire de Gilbert Dru, étudiant français condamné à mort comme Résistant chrétien par l’Occupant national-socialiste allemand et barbarement exécuté place Bellecour, à Lyon, le 27 juillet 1944, à l’âge de vingt-quatre ans. »
47 Entretien avec Jean Bouladoux, déjà cité.
48 Maurice Bouladoux, dansLa CFDT, op. cit, p. 152.
49 Secrétaire général de FO de 1948 à 1963.
50 Arch. conf. CFDT, CP/11/45, Message aux militants d’Algérie du 12 juin 1956, Paris.
51 Arch. conf. CFDT, CP/11/46, Compte rendu de la visite à Alger de Gaston Tessier du 26 mai au 1er juin 1956, p. 6, 5 juin 1956, Genève.
52 Surnom de Gaston Tessier.
53 Gaston Tessier,L’âme du syndicalisme,Paris, Éditions SPES, 1956, p. 160-163.
54 Fils de Gaston Tessier, secrétaire général de la fédération des employés de la CFTC de 1946 à 1953, puis de nouveau à partir de 1956.
55 Arch. conf. CFDT, CP/2/16, Courrier d’Arthur Coste, union fédérale des fonctionnaires Maroc de la CFTC à la CFTC Paris, Rabat, 17 juillet 1956.
56 À ce sujet, il est intéressant de lire André Nozière,Algérie : les chrétiens dans la guerre, Paris, Cana, 2001 (1979).
57 Arch. conf. CFDT, CP/11/46, Compte-rendu manuscrit des débats sur la résolution « Algérie » du comité national d’octobre 1956.
58 Il propose pour mettre en place un « chapeau » explicatif qui sera finalement un article écrit de sa plume dansSyndicalisme,ibid.
59 Anissa Bouayed,La CGT et la guerre d’Algérie, doctorat de 3e cycle d’histoire sous la direction de Jacques Couland, Université Paris 7, 1985, p. 166.
60 Gérard Adam,La CFTC (1940-1958) histoire politique et idéologique, Paris, A. Colin, 1964.
61 En marge d’une manifestation du FLN de nombreux délégués syndicaux algériens sont arrêtés. Sur demande de la direction nationale et malgré des avis contraires sur place, la CFTC refuse d’occuper les postes laissés vacants.
62 Michel Branciard,Un syndicat dans la guerre d’Algérie, la CFTC qui deviendra CFDT,Paris, Syros, 1984, p. 76.
63 Seule grande centrale syndicale hexagonale dont le terme « Française » figure dans le sigle ; aucun débat n’évoque son retrait. Jules Zirnheld laissera l’image d’un patriote bien que pacifiste actif. Dans son « testament syndical » (son dernier discours de dirigeant) Maurice Bouladoux résumera cette recherche de la paix par l’accolade entre Jules Zirnheld aviateur puis prisonnier durant la Grande Guerre, et Adam Stegerwald, ministre prussien, au congrès constitutif de la CISC à La Haye en 1920. Arch. fam. M. Bouladoux, Brouillon du discours de Maurice Bouladoux au 18e congrès de la Confédération mondiale du travail, Évian, 28 septembre 1973.
64 Michel Branciard,Histoire de la CFDT, soixante-dix ans d’action syndicale,Paris, La Découverte, 1990,p. 127. La CFTC a vu ses effectifs passer de 340 000 en 1952 à 403 000 en 1957. « Estimations du total des effectifs d’adhérents » calculés par Gérard Adam,La CFTC, Paris, Presses de la FNSP, 1964, p. 126.
65 Les divergences sont celles exposées au premier chapitre.
66 Chimiste, secrétaire général de la CFDT de 1971 à 1988.
67 Arch. fam. M. Bouladoux, Allocution d’Edmond Maire aux obsèques de Maurice Bouladoux.
68 Le terme renvoie aux mercenaires combattant au Congo durant la sécession du Katanga. Il est utilisé au sein de la CFTC pour désigner son aile la plus réactionnaire, démontrant la persistance des animosités. Propos tenus par Jean Lannes à Frank Georgi lors de la préparation deSoufflons nous-mêmes notre forge. Une histoire de la fédération de la Métallurgie, CFTC-CFDT (1920-1974), Paris, Éditions ouvrières, 1991, et retranscrits par ce dernier lors de l’entretien au Centre d’histoire sociale duxxe siècle, Paris, 17 octobre 2018.
69 Entretien avec Frank Georgi,ibid.
70 Eugène Descamps,Militer, une vie pour un engagement collectif, Paris, Fayard, 1971, p. 83.
71 Frank Georgi,Eugène Descamps, chrétien et syndicaliste, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997, p. 191.
72 Syndicat général de l’éducation nationale appartenant à la CFTC, ses membres sont à la pointe de la tendance minoritaire.
73 Dessinateur industriel, secrétaire général de la CFTC de 1953 à 1961 et président de la CFTC- CFDT de 1961 à 1967. Il n’appartient pas au bureau journalier et n’a pas le pouvoir inhérent à sa fonction.
74 L’image de la France à l’international se dégrade et la Tunisie dépose une plainte auprès de l’ONU. Le Conseil de sécurité met en place une mission de bons offices américano-britannique. En acceptant cette médiation, le gouvernement perd la confiance de l’armée.
75 Radical, il accède à ce poste le 30 novembre 1957 après les six semaines de crise ministérielle suivant la chute, le 30 septembre, du gouvernement de Maurice Bourgès-Maunoury qui avait succédé lui-même à Guy Mollet le 21 mai 1957.
76 Arch. conf. CFDT, CG/7/34, Lettre de Maurice Bouladoux à Félix Gaillard, Paris, 14 février 1958.
77 Arch. conf. CFDT, CP/11/46, Résolution du comité national sur l’Algérie d’avril 1958.
78 Arch. conf. CFDT, CF/3/5,Recherches, avril 1956.
79 Ancien permanent de la CFTC devenu gaulliste de gauche.
80 Crainte justifiée : du 24 au 28 mai a lieu l’opération « Résurrection ». Les parachutistes créent sans effusion de sang une tête de pont à Ajaccio en prenant, entre autres, la préfecture. La seconde partie du plan devait être une opération aéroportée sur Paris qui n’aura jamais lieu.
81 Il reconnaîtra que la CGT paraissait « plus prête pour ces affaires là ». Descamps Eugène,Militer…, op. cit., p. 86.
82 Arch. fam. M. Bouladoux, Allocutions d’Edmond Maire et d’André Jeanson aux obsèques de Maurice Bouladoux.
83 Marc Lazar, « L’invention et la désagrégation de la culture communiste »,Vingtième siècle, revue d’histoire, no 44, octobre-décembre 1994, p. 17.
84 Rassemblement du Peuple Français, parti politique fondé par le Général de Gaulle en 1947 et définitivement mis en sommeil en 1955.
85 « Quand les légions savent qu’elles peuvent faire un empereur, elles ont tendance à recommencer… », Arch. conf. CFDT, CF/3/5,Recherches, juin 1958.
86 Entretien de l’auteur avec Jean Bouladoux, 13 janvier 2019.
87 Respectivement l’Union nationale des étudiants français, la Fédération de l’éducation nationale et le Cercle national des jeunes agriculteurs.
88 Une anecdote nous renseigne sur cette convergence. Quand Paul Vignaux croise le « président- fondateur » avec qui il partage tant de trajets communs et de rudes affrontements, il lui lance dans un sourire « Nous nous retrouvons ». Avec la même affabilité, Gaston Tessier lui répond : « Nous ne nous sommes jamais quittés ». Témoignage de Paul Vignaux, cité par Hervé Hamon et Patrick Rotman,La deuxième gauche, histoire intellectuelle et politique de la CFDT, Paris, Le Seuil, 1984, p. 112.
89 Le 6 février 1934, des manifestations antiparlementaires de ligues d’extrême droite dégénèrent en émeutes et on compte 15 morts.L’Aube, organe de presse des démocrates d’inspiration chrétienne où Maurice Bouladoux tient la chronique syndicale et sociale, condamne le comportement des ligues.
90 Arch. conf. CFDT, CP/11/46, Notes manuscrites du cons. conf. du 24 octobre 1958.
91 Il accède le 29 avril à la requête de René Coty de former un gouvernement, engage une véritable « course de lenteur » selon le terme de René Rémond, puis jette l’éponge le 8 mai. René Rémond,Le retour de De Gaulle, Bruxelles,Éditions Complexe,1983, p. 43.
92 Le Monde, 3 juin 1958. À noter que le Général de Gaulle et René Pleven ont approché également Robert Bothereau. Pour se focaliser sur Maurice Bouladoux, accepter un portefeuille ministériel aurait de lourdes répercussions sur sa carrière et sur l’avenir de la CFTC. Si notre sujet n’est pas d’étudier ces refus, notons que Maurice Bouladoux confie à ses proches être conscient de son absence totale de liberté dans un éventuel gouvernement. Entretien de l’auteur avec Marc Bouladoux, petit-fils de Maurice, 21 mai 2018.
Haut de pagePaul-JosephBouladoux,« Maurice Bouladoux, la CFTC, l’Algérie et la fin de la Quatrième République ou l’impossible solution pacifique », Cahiers de la Méditerranée, 106 | 2023, 251-265.
Paul-JosephBouladoux,« Maurice Bouladoux, la CFTC, l’Algérie et la fin de la Quatrième République ou l’impossible solution pacifique », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 106 | 2023, mis en ligne le01 décembre 2023, consulté le01 avril 2025.URL : http://journals.openedition.org/cdlm/17238 ;DOI : https://doi.org/10.4000/cdlm.17238
Haut de pagePaul-Joseph Bouladoux est rédacteur en chef de RCF Sarthe. Ses travaux portent particulièrement sur les positions du centre de la CFTC, tendance incarnée par Maurice Bouladoux, syndicaliste chrétien, qui préside par ailleurs la centrale, au cours de la guerre d’Algérie. Son master en histoire contemporaine, soutenu à l’Université de Corse, a été récompensé par le prix de recherche CFDT 2021.
Haut de pageLe texte seul est utilisable sous licenceCC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
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