AccueilNuméros130Informations bibliographiquesCarlo Brezzi, Democrazia e cultur...
1Dans ce volume de mélanges offert à Pietro Scoppola, et publiés par les soins avertis d'Il Mulino, les directeurs d'ouvrage ont réuni 22 auteurs italiens et 2 français (É. Poulat, J.-M. Mayeur). Le volume s'ouvre par une brève biographie, mais serrée, de Scoppola – inscrit comme on le sait dans cette tradition italienne d'universitaires accédant aux plus hautes fonctions politiques – et comporte à la fin une bibliographie complète de ses travaux (p. 513-540). Il ne faut naturellement pas rechercher d'unité à ce type d'ouvrage, aux contributions de très inégal intérêt, voire d'inégale qualité. Néanmoins, s'il est ici surtout question des systèmes et des idéologies ecclésiastiques, la place accordée aux relations entre Église catholique et État est essentielle, tout comme les réflexions relevant de l'histoire des idées (11 articles relèvent à des titres divers de la biographie intellectuelle). Le plan adopté – une partie consacrée auxixe siècle (6 articles), l'autre auxxe siècle (18 contributions) – indique le choix d'une progression temporelle allant des années 1860 (en fait) au début des années 1970. On aurait pu préférer d'autres regroupements autour des formes d'intransigeantisme catholique, du substrat chrétien de l'Europe ou de la démocratie chrétienne (incluant deux articles consacrés à Aldo Moro qui clôturent l'ouvrage et éclairent les conditions intellectuelles par lesquelles ce dernier a poussé au « compromis historique » avec la gauche italienne)... À l'inverse, les deux premiers articles, l'un de F. Traniello, l'autre de G. Tognon présentent les destinées spirituelles de Rosmini, Manzoni et Cattaneo (1801-1869) dans une perspective historiographique, en soulignant que leur modérantisme (sur certains aspects de la question italienne, comme des rapports entre Église et État), comme leur appel constant à la responsabilité individuelle ont contribué à leur occultation relative, face à l'ascendant des Gramsci et Croce. Parmi les réflexions consacrées auxixe siècle, signalons celle du père Giacomo Martina analysant en termes très évocateurs laCritica sociale de Filippo Turati (1857-1932), député socialiste de 1895 à 1926 (on s'étonne, p. 97, de voir daté le procès en révision de Dreyfus à Rennes en 1890). Revue de combat de l'anti-catholicisme (tant sur le plan spirituel que social ou encore caritatif), laCritica sociale fut aussi attentive aux expérimentations laïques françaises, espagnoles puis mexicaines. Mais, dans le même temps, l'auteur montre la complexité de ce courant qui ne saurait être qualifié d'anticlérical, la Première Guerre mondiale et le changement de génération préparant la maturation d'un socialisme chrétien. Quant à Jean-Marie Mayeur, il s'intéresse à la réception des idées de Toniolo en France, montrant à la fois la très sincère conversion de divers milieux catholiques à une démocratie faite « pour le peuple », mais qui, prisonniers de leur catholicisme intégral, ne purent dépasserGraves de communi frappant d'interdit l'engagement politique.
2Parmi les articles consacrés auxxe siècle – bizarrement ouvert par une très vigoureuse réflexion biblio-historiographique d'A. Riccardi sur « christianisme, guerre et violence » axée sur les théologies de la paix qu'on aurait plutôt vue à la fin – plusieurs se signalent à l'attention. Outre la présentation (L. Pazzaglia) d'éléments suggestifs de la correspondance Fogazzaro-Laberthonnière (dont 12 lettres attachantes datant de 1905-1907 qui éclairent la venue de Fogazzaro à Paris), et que complète une étude de N. Raponi sur une biographie de Fogazzaro publiée en 1920, un article substantiel de Renato Moro met en lumière la question méconnue de l'anti-protestantisme catholique italien dans les années 1920 (jusqu'alors seulement esquissée chez Spini et Rochat ou abordée, tel chez Scoppola, à travers l'unique filtre fasciste) ; alors que l'antisémitisme fut loin d'être partagé (devenant même un marqueur de différenciation entre catholiques philo-fascistes et démocrates-chrétiens), la dénonciation du « péril protestant » fut globale, arguant d'une opposition charnelle et irréductible depuis la Réforme. Néanmoins, la violence perceptible à la « Semaine sociale » de 1928 peut aussi se lire dans le temps court préludant aux accords du Latran. Ceux-ci font justement l'objet de deux analyses. C. Brezzi, étudie ainsi la « désillusion » croissante de Pie XI, pris au piège d'un rêve de restauration de la catholicité italienne très savamment entretenu par Mussolini. Finalement réduit à gouverner un État microscopique, le pape pourra seulement protester, en 1931, dansNon abbiamo bisogno – l'une des premières mesures adoptées par l'État fasciste au lendemain des accords étant, comme on sait l'interdiction de laCiviltà Cattolica – dont on perçoit certains matériaux dans une conférence prononcée en octobre 1929, à Lugano par E. L. Ferrari (M. C. Giuntella). Les rapports entre le Saint-Siège et l'État italien sont encore l'objet d'une très intéressante étude de M. Casella. À travers les archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères, une nouvelle pièce est versée au dossier de l'objectif quasi obsessionnel de Pie XII à vouloir préserver la paix – sur fond d'indécision personnelle à trancher les termes moraux du débat – et dont se joue l'entourage de Ciano, par ailleurs remarquablement secondé par d'excellents analystes. Si le volume paraît alors quelque peu orphelin de ne pas s'ouvrir à la période du second conflit mondial, ladopoguerra est examinée notamment à travers quatre contributions stimulantes. Dans un article très nuancé, F. Malgeri examine d'abord la double naissance (24 août 1944 ; 15 juin 1946) de l'« Ueci » (Union des éditeurs catholiques italiens) qui marque certes un progrès par rapport à l'avant-guerre dans le désir d'une action commune, mais dont les capacités d'action se révèlent limitées. Ce profil de témoin engagé sied d'ailleurs bien à P. Mazzolari (étudié par M. Guasco) en ce que, commentateur attentif du travail de Gasperi, ses articles dansLa Rescosa par exemple ont contribué à décomplexer les catholiques italiens de l'après-guerre. C'est alors avec un certain intérêt que l'on pourra lire la réflexion de G. Vecchio montrant le relatif désarroi initial de la hiérarchie catholique face à l'arrivée de la télévision. Mais, au fil de correspondances avec les évêques italiens, la doctrine de l'Église se construit pas à pas, donnant naissance en 1956 àl'Associazone Italiana degli Ascoltatori Radiofonici e Tetlespertatori, approuvée par la Commission épiscopale et la direction de l'Action catholique. Il n'en reste pas moins vrai que la dépendance de programmation n'a évidemment pu donner tout son sens à de telles mesures. C'est un peu dans le même ordre d'idée que C. Dau Novelli s'attarde sur les années cinquante et les relations entre les industriels (catholiques) et la politique, soulignant la relative impréparation intellectuelle des dirigeants à accepter l'interventionnisme étatique. Ce n'est qu'au milieu des années 1960 que le conflit se résorbe, ce qui éclaire d'une certaine manière la fonction cristalisatrice assumée par l'économie dans le débat public naguère largement déterminé par les options spirituelles.
PatrickHarismendy, « Carlo Brezzi,Democrazia e cultura religiosa. Studi in onore di Pietro Scoppola »,Archives de sciences sociales des religions, 130 | 2005, 113-202.
PatrickHarismendy, « Carlo Brezzi,Democrazia e cultura religiosa. Studi in onore di Pietro Scoppola »,Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 130 | avril - juin 2005, document 130.33, mis en ligne le 02 décembre 2005, consulté le 28 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/2405 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.2405
Haut de pageLe texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page