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TYPE. — Terme technique par lequel on désigneun personnage, un événement, une institution de l’AncienTestament qui annonce un personnage, un événement,une institution du Nouveau : Adam est le typedu Christ ; la traversée de la Mer Rouge par les Hébreuxest le type du baptême ; le rite sacrificiel du boucexpiatoire est le type de la passion rédemptrice deJésus.
I.Le mot et la chose dans le Nouveau Testament.
Le mot « type » est la simple transcription du mot grecτύπος, qui n’est jamais traduit dans la Vulgate partypus.Nous indiquerons au passage les diverses traductionsqu’en donne le latin.
Selon son étymologieτύπτω = frapper,τύπος estd’abord la trace matérielle laissée par un coup : « Sije ne vois dans ses mains, dit Thomas, leτύπος des clous (Vulg. :fixuram clavorum), je ne croirai pas. » Joa.,xx, 25. C’est aussi une image façonnée, forgée,telles les idoles anciennes. Dans son discours aux Juifs,Etienne reproche aux vieux Hébreux lesτύποι(figuras) qu’ils se sont faits à bien des reprises, pourles adorer.Act.,vii, 43. De là l’idée d’un modèle matérielà reproduire. Se référant au texte de l’Exode,Ex.,xxv, 40, le même Etienne parle du tabernacle queMoïse fit construire selon leτύπος (secundum formam)que Dieu lui avait montré sur le Sinaï.Act.,vii, 44.Par extension le mot désignera un emblème, une figurequi donne à l’avance l’idée d’une chose future : Adamest expressément qualifié par saint Paul deτύπος τοῦ μέλλοντος (qui est forma futuri). Rom.,v, 14. Noussommes arrivés ainsi au sens technique que le mot « type » a pris dans le vocabulaire de l’herméneutique.Mais ce sens technique est lui-même quelque peudiversifié : « Les aventures des Hébreux dans le désert,explique saint Paul, doivent être pour nous desτύποι (in figura fada sunt nostri) et nous apprendre à réprimer nos concupiscences. » I Cor.,x, 4-6. Et un peuplus loin : « Tout cela leur arrivaτυπικῶς (avec une variante intéressante :ταῦτα δὲ πάντα τύποι συνέβαινον) (Hæc autem omnia in figura contingebant illis) ».Ibid.,x, 11. Et l’apôtre d’ajouter : « Tout cela a d’ailleurs été consigné par écrit pour notre instruction à nous. » Comme on le voit, le mot a pris le sensd’enseignement moral, de leçon ; et c’est le même qui seretrouve dans Phil.,iii, 17 : « Soyez mes imitateurs etayez les yeux sur ceux qui marchent suivant leτύπος (formam) que vous avez en nous. » Et des ThessaloniciensPaul peut dire qu’ils sont une vivante leçon pourtous les fidèles d’Achale et de Macédoine :ὥστε γένεσθαι ὑμᾶς τύπον (ut facti sitis forma). IThess.,i, 7. Retenons en définitive ce sens de figure qui faitcomprendre autre chose et aussi de leçon et d’exemple.
D’autres expressions néotestamentaires sont égalementemployées pour désigner les leçons d’ordre intellectuelou pratique que donnent les événements dupassé. Parlant des règles lévitiques relatives aux observancesalimentaires ou autres, Paul déclare que lesfidèles n’ont plus à s’en préoccuper. Elles n’étaientque l’ombre de ce qui devait se réaliser,ἅ ἐστιν σκιὰ τῶν μελλόντων (umbra futurorum). Col.,ii, 17.Il en est d’elles comme des cérémonies saintes, qu’observent encore, au temps où est écrite l’épître auxHébreux, les prêtres de l’ancienne Loi. Ce culte n’estqu’une image (ὑπόδειγμα,exemplar) et une ombre(σκιά,umbra) du culte céleste.Heb.,viii, 5. Aussi bien la Loi tout entière n’est qu’une ombre (σκιά,umbra) des biens futurs, elle n’en fournit pas une image adéquate (οὐκ αὐτὴν τὴν εἰκόνα,non ipsam imaginem).Heb.,x, 1. Le tabernacle mosaïque n’était, somme toute, qu’une parabole (παραβολή,parabola), en vue du temps présent.Heb.,ix, 9.
Signalons enfin l’expression, destinée elle aussi àdevenir technique, et qui désigne la réalité qui correspond,dans la nouvelle économie de salut, à laréalité ancienne qui l’annonçait. Parlant de l’arche deNoé qui avait été pour ses huit occupants le moyen desauvetage, Pierre compare à celui-ci son « antitype »,le baptême,ὃ καὶ ὑμᾶς ἀντίτυπον νῦν σώζει βάπτισμα. I Petr.,iii, 21. En d’autres termes, l’arche de Noé a comme « réplique », dans l’économie nouvelle,le baptême, seul moyen de salut spirituel, tout commel’arche avait été l’unique chance de sauvetage matérielpour les contemporains de Noé. (La Vulgate est loinde rendre le sens précis du grec :Quod et vos nunc similis formae salvos facit baptisma.) On notera, d’ailleurs, que dansHeb.,ix, 24, le même motἀντίτυπος a exactement la même signification queτύπος : « Le Christ n’est pas entré dans le sanctuaire fait de main d’hommeἀντίτυπα τῶν ἀληθίνων (exemplaria verorum). » Ce qui est qualifié ici d’ἀντίτυπα, c’est la réalité de l’Ancien Testament, à laquelle correspondent dans l’économie nouvelle des réalités plus substantielles.
Affirmer l’existence dans l’AncienTestament de faits, de réalités qui annoncent d’autresréalités, d’autres faits qui se sont produits dans l’économienouvelle de salut, ce n’est pas faire autre choseque de professer l’unité de la révélation à travers lesâges. Comme le dit l’admirable prologue de l’épîtreaux Hébreux : « Après avoir à bien des reprises et endiverses manières parlé à nos pères par les prophètes,Dieu, dans ces derniers temps nous a parlé par le Fils,qu’il a établi héritier de toutes choses et par lequel ila aussi créé le monde. »Heb., t,i, 2. Le même Dieuqui s’est révélé dans et par son fils, Jésus-Christ, etpar celui-ci a enseigné aux hommes l’économie définitivede salut, ce même Dieu a préparé de longtempscette révélation. Cette préparation s’est faite par desprophéties, plus ou moins explicites annonçant, entermes parfois très clairs, d’autres fois plus voilés,la manifestation de Dieu. Les nombreuses prophétiesmessianiques qui jalonnent tout l’Ancien Testamentétaient le moyen le plus obvie de préparer le milieuoù se révélerait un jour le Fils de Dieu. Elles attiraientl’attention de ceux qui les entendaient, de ceuxqui, plus tard, les lisaient, sur la grande espérance queDieu faisait briller dans un avenir plus ou moinsproche. Mais elles n’étaient pas destinées seulement àencourager les espoirs ; l’événement réalisé, elles devenaientun signe. À constater l’accomplissement de cequi avait été prédit, les âmes de bonne volonté trouvaientla certitude de la divine mission de celui quiavait été annoncé et dont la vie réalisait les diversescirconstances consignées dans les prophéties.
Mais il était un autre moyen pour la Providence depréparer la venue du grand Révélateur. C’était d’insérerdans l’histoire des traits plus ou moins nets, desébauches plus ou moins appuyées, de ces grandes réalitésqui, un jour, seraient proposées aux hommes. Tel personnageparaîtrait dont les traits individuels reproduiraientpar avance certains aspects de la physiononomiedu grand envoyé divin ; certaines institutionsde salut seraient établies, telles que, à les considérerde près, elles seraient comme une esquisse de ce qui, plus tard, au jour des vraies réalisations, deviendraitle moyen normal de sanctification et de salut. À lavérité les témoins de ces faits, les usagers de ces institutionsn’auraient guère l’idée d’en faire des sortesde prophéties ; ils apercevraient difficilement le caractèrerelatif de telles réalités et seraient tentés de n’yvoir que ce qu’elles avaient d’absolu. Ce n’est pas àl’usage des bénéficiaires de l’économie ancienne queces esquisses, que ces ébauches sont marquées ; c’estau bénéfice, comme dit Paul, « de nous autres, quisommes venus à la fin des temps », I Cor.,x, 11,qu’elles ont été crayonnées. Ayant sous les yeux laréalité, nous voyons comment celle-ci a été préparée,si l’on peut dire, par approximations successives etcomment dans l’histoire de la révélation tout s’enchaîne.Pour le croyant — et cette constatation estbien faite pour confirmer sa foi — l’Ancien Testament,l’ancienne économie de salut contient en germe toutce que fera apparaître au grand jour la révélationdéfinitive :Novum Testamentum in Vetere latet, Vetus Testamentum in Novo patet.
Ainsi en raisonnait déjà Notre-Seigneur lui-même : « Vous scrutez les Écritures, disait-il aux Juifs, parceque vous pensez trouver en elles la vie éternelle ; or,ce sont elles qui rendent témoignage de moi. » Joa.,v, 39. Il ne s’agit pas seulement des prophéties explicites,mais bien de toute cette préparation que formel’ambiance générale des Livres saints. Ailleurs, faisantallusion à l’épisode du serpent d’airain, Num.,xxi, 9,Jésus disait à Nicodème : « Comme Moïse a élevé leserpent dans le désert, il faut de même que le Fils del’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit enlui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » Joa.,iii, 14, 15. Ou encore, aux scribes et aux pharisiens quilui demandent « un signe » : « Cette race méchante etadultère, répond-il, demande un signe ; il ne lui ensera pas donné d’autre que celui du prophète Jonas :de même que celui-ci fut trois jours et trois nuits dansle ventre du poisson, de même le Fils de l’homme seradans le sein de la terre trois jours et trois nuits. » Matth.,xii, 39, 40. Poursuivant, d’ailleurs, son discours,il déclare « qu’il y a ici (c’est-à-dire dans soncas personnel) plus que Jonas, « qu’il y a ici plus queSalomon ». Jésus voit donc en ces diverses personneset dans leurs gestes ou leurs paroles comme des anticipationsde son personnage à lui-même ; affirmantd’ailleurs, dans la pleine conscience de sa dignité etde son rôle, sa supériorité sur elles. De même, voit-ildans l’action de Moïse dressant comme gage de guérisonle serpent d’airain l’anticipation d’une autreréalité. À se tourner vers lui, pendu au gibet, les âmeséprouveront le même effet salutaire qu’éprouvaientdans leur corps les contemporains de Moïse quand ilsse tournaient vers l’emblème érigé dans le désert.
Nourrie d’une méditation continue des Écritures, lapensée de Jésus apercevait dans celles-ci nombre decirconstances, de faits, de détails qui illustraient àl’avance son histoire à lui-même. À un degré moindre,il en était de même pour les disciples du Sauveur,surtout quand une fréquentation prolongée avec leMaître et la vue de ses actions eurent amené chez euxune foi parfaite à sa divine mission. À plusieurs reprisessaint Jean fait remarquer que tel fait de la viede Jésus qui, au premier moment, n’avait point frappéles apôtres, leur revint ultérieurement en mémoire etqu’ils le rapprochèrent de telle prédiction, de tel faitsignalé par les Écritures. Cf. Joa.,iii, 17. Dans la circonstancequ’au soir de la passion les soldats ne fontpas subir au Christ lecrurifragium qu’ils venaientd’infliger aux deux larrons, Jean voit l’accomplissementd’une prescription légale relative à l’agneaupascal, à qui l’on ne devait point rompre les os. Joa.,xix, 36 ; cf. Ex.,xii, 46 ; Num.,ix, 12. Pour sommairequ’elle soit, l’indication de l’évangéliste est précieuse.Dans l’agneau pascal, qui, d’après son comput, étaitimmolé à l’heure même où le Christ expirait sur lacroix, il voit une anticipation du sacrifice du Calvaire.Le précurseur, d’ailleurs, n’avait-il pas salué à l’avancedans Jésus de Nazareth « l’agneau de Dieu, celui quiporte sur lui le péché du monde » ? Joa.,i, 29. Biend’autres traits de la vie du Christ auraient pu êtrerapprochés de circonstances narrées par l’Ancien Testament.Comme Isaac était monté vers le lieu du sacrificeportant lui-même le bois de l’holocauste, Gen.,xxii, 6, de même Jésus était parti pour le Calvaire, sechargeant de la croix,βαστάζων ἑαυτῷ τὸν σταυρόν.Encore qu’il ne soit pas fait explicitement par l’évangéliste,le rapprochement, à coup sûr, était dans sapensée. Il ne serait pas malaisé de multiplier ces exemples.
Entraîné à l’étude systématique de l’Écriture,n’ignorant rien des ressources que fournissait auxscribes la comparaison des textes, Paul était, de tousles apôtres, celui qui était le mieux préparé à faire cesrapprochements entre les institutions, les personnages,les faits de l’ancienne économie et les réalités de lanouvelle. Arrêtons-nous seulement à deux de ces « leçons » qu’il tire de la considération de l’Histoiresainte. Comparant à grands traits le rôle joué respectivementdans l’humanité par le premier père et parle Sauveur, il n’hésite pas à voir dans Adam le « typede celui qui devait venir ». Rom.,v, 14. Et l’expression « type », qui avait sans doute déjà dans l’usagerabbinique son sens technique, ne signifie pas que lepremier Adam est, sous tous les rapports, une figuredu deuxième. Il l’est en ce sens qu’il est pour l’humanitéentière l’auteur de la vie physique comme leChrist sera pour tous les hommes le point de départde la vie surnaturelle. Mais à côté de ce rapport parressemblance il y a un rapport par opposition. À ladésobéissance du premier Adam s’oppose la parfaiteobéissance du second : la prévarication primitive faitrégner la mort sur ceux-là mêmes qui n’ont pas péchépersonnellement ; la soumission parfaite du Sauveurfait, au contraire, abonder la grâce dans toute l’humanité.Rom.,v, 12-19. En trois insistances successives,Paul se plaît à accentuer cette opposition. Cet exempleest très propre à montrer ce que l’apôtre entend par untype.
Et semblablement, la comparaison qu’il institueentre la double histoire des fils d’Abraham, Ismaël etIsaac, et l’histoire des « deux testaments ».Gal.,iv,21-31. On voit s’impliquer dans un même passageplusieurs images diverses. Les deux testaments ne sontpas seulement représentés par Ismaël, le fils selon lachair, et Isaac, le fils de la promesse ; ils le sont encorepar le Sinaï d’une part (expressément relié au montSion sur lequel est bâti la Jérusalem terrestre) et leshauteurs de la céleste Sion, Jérusalem idéale à qui serapportent les grandes promesses du Livre des consolations.Pour être tout à fait dans le goût rabbinique,ces transpositions ne laissent pas de nous surprendrequelque peu.
L’étude de l’Épître aux Hébreux montre une manièrebien plus large et, en un certain sens, plus cohérented’utiliser, à des fins d’apologétique, l’argumentationà partir des types. Il s’agit de convaincre desconvertis du judaïsme qu’ils n’ont point à regretterles somptueuses cérémonies de leur ancien culte. Lesacerdoce aaronique qui est chargé de leur exécutionest de beaucoup inférieur au sacerdoce dont aété revêtu le Christ. Celui-ci est prêtre « selon l’ordrede Melchisédech », comme l’annonçait à l’avance lepsaumecx. Tablant sur cette donnée, l’auteur s’efforcedonc de montrer dans ce personnage mystérieux, quiparait un instant dans l’histoire d’Abraham, un prêtre investi d’une dignité supérieure à celle du sacerdoceinstitué par Moïse. On notera d’ailleurs qu’il n’estpoint fait usage, dans la démonstration, de la naturedes offrandes — le pain et le vin — présentées à Dieupar le roi de Salem. La seule chose qui soit mise enlumière, c’est la supériorité de Melchisédec sur Abrahamet dès lors sur Lévi, son descendant, et sur tout lesacerdoce lévitique. Prêtre selon l’ordre de Melchisédec,comme dit l’oracle davidique, le Christ est donchonoré d’un sacerdoce supérieur à celui des fils deLévi.Heb.,iv, 14-vii, 19. Mais ce thème se transformepeu à peu en un autre assez différent. Ayant proclaméJésus grand-prêtre, l’auteur est amené à méditer surl’acte essentiel du sacerdoce, le sacrifice, sur la médiationque le sacrifice réalise entre Dieu et l’humanité.Pour mettre en bonne lumière ces deux points de vue,il étudie ces deux actes dans le rituel que ses lecteursconnaissaient, le rituel lévitique. Le cérémonial del’Ancienne Loi, il le présente donc comme le prototypede l’acte sacrificiel offert par le Christ, c’est à savoirl’immolation de Jésus sur la croix, suivie par son entréeau sanctuaire céleste, où le prêtre éternel se constituepour jamais médiateur entre Dieu et les hommes.Heb.,viii, 1-x, 18. Menée avec beaucoup d’art etd’esprit de suite, la démonstration était bien de natureà faire impression sur des lecteurs fort au courant durituel lévitique. Peut-être nous frappe-t-elle moinsnous-mêmes. Mais il reste que la considération du cérémonialaaronique a inspiré à l’auteur quelques magnifiquesdéveloppements sur le sacerdoce en général etsur le sacerdoce du Christ en particulier. Nulle partdans le Nouveau Testament l’exploitation du thèmefourni par la méditation d’un « type » ne s’est faiteplus heureusement et de manière plus systématique.Une institution fort complexe de l’Ancienne Loidevient ainsi le point de départ de considérations fortélevées sur un des faits les plus importants de l’histoiredu salut.
D’ordre plus terre-à-terre sont les applicationsque fait à notre vie morale la Ire aux Corinthiens desaventures du peuple israélite au désert. I Cor.,x, 1-12.Les malheurs subis par les incrédules et les rebellessont pour nous une bonne « leçon » : « Ces choses ontété des figures de ce qui nous concerne, afin que nousn’ayons pas de concupiscences coupables comme ilsen ont eu ».Ibid., 7. C’est beaucoup dire que de voirdans les châtiments réservés aux Hébreux des « types » au sens propre du mot.
En définitive, soucieux de ne pas couper la communicationentre l’ancienne et la nouvelle économie desalut, le Nouveau Testament voit dans un certainnombre de faits et d’institutions du passé des moyenspréordonnés par Dieu pour mettre en bonne lumièredes faits et des institutions de la nouvelle histoire dusalut.
II. Systématisation des données scripturaires et traditionnelles.
1oÉlargissement par la Tradition de l’interprétation typologique.
La persuasionde la mutuelle dépendance des deux parties de l’Écritureétait trop ancrée chez les premiers prédicateurs etles premiers écrivains chrétiens, pour qu’ils aient hésitéà faire leurs et même à développer les vues duNouveau Testament sur les « types » qui se découvraientdans l’Ancien. Aussi bien les besoins mêmes dela prédication et de l’enseignement leur en faisaient-ilsune nécessité. Avant que se constituât le canonmême du Nouveau Testament, dans les primitivescommunautés chrétiennes formées à partir des juiveriesoù a d’abord été annoncée la bonne nouvelle, cesont les livres sacrés d’Israël qui servent à inculquerle nouvel enseignement. Bien que l’on soit mal renseignésur l’ordre et la tenue générale de ces premières « synaxes », il est infiniment vraisemblable que, pource qui est tout au moins de leur première partie, ellesse déroulaient sur un plan analogue à celui des réunionssynagogales. En ces dernières la lecture et l’explicationdes Livres saints jouaient le plus grand rôle.Semblablement dans les assemblées chrétiennes etpendant quelque temps, l’Écriture de l’Ancien Testamentdemeurera le thème sur lequel se développera laprédication évangélique. C’est à partir de la péricoped’Isaïe sur les souffrances du « serviteur de Jahvé » quele diacre Philippe annonçait à l’eunuque éthiopien lamission rédemptrice de Jésus.Act.,viii, 26-40. Cethème et d’autres analogues ont dû être fréquemmentexploités. Notre liturgie actuelle du samedi saint, quia de profondes attaches dans la tradition, nous présenteun raccourci des instructions préparatoires aubaptême. Au moment même où ils vont être régénérésdans la fontaine baptismale, que lit-on aux candidats ?toute une série de passages de l’Ancien Testament,choisis de manière à récapituler l’enseignement reçuau cours des semaines de la préparation immédiate.Successivement défilent sous les yeux des « compétents » le tableau de la création, Gen.,i, 1-31,ii, 1-2,mettant en évidence la grandeur créatrice de Dieu ;celui du déluge, Gen.,v-viii, dont ils seront eux-mêmessauvés par le baptême, cf. I Petr., tout de mêmeaussi que les Hébreux traversèrent sans dommage lamer Rouge, Ex.,xiv, 24-31 ;xv, 1. Le sacrificed’Abraham. Gen.,xxii, 1-19, si expressif du sacrificede Jésus, lequel n’a pas plus été épargné par son père,qu’Isaac ne le fut par Abraham ; les grandes prophétiesd’Isaïe et de Baruch annonçant la délivrance de lacaptivité et les splendeurs du nouvel Israël,Is.,liv,17 ;lv, 1-11 ; Bar.,iii, 9-38 ; le sacrifice de l’agneaupascal, Ex.,xii, 1-11, où saint Jean avait déjà vuune annonce de la passion du Sauveur ; l’histoire deJonas,iii, 1-10, à laquelle Jésus lui-même avait faitallusion ; la grande allégorie des ossements desséchésqui reprennent vie à la voix d’Ézéchiel, Ez.,xxxvii,1-14 ; l’héroïque résistance à l’idolâtrie des jeunesIsraélites de Babylone, Dan.,iii, 1-24, bien propre àsusciter des candidats au martyre.
Il suffit d’avoir présents à la pensée ces magnifiquestextes scripturaires, pour imaginer la façon dont a puse dérouler, à partir de l’Ancien Testament, la prédicationchrétienne. Quand, peu à peu s’ajoutèrent auxlivres de l’Ancienne Loi, les écrits racontant l’économienouvelle, qui furent bientôt mis sur le mêmepied que les autres, on ne laissa pas de recourir auxanciennes méthodes d’exposition. L’Ancien Testamentcontinua de jouer un rôle des plus considérablesdans la formation religieuse, intellectuelle et moraledes croyants. Et cela impliquait le recours à une exégèsequi ne se contentât point d’une simple expositionlittérale, mais qui cherchât à dégager du texte lesexemples, les leçons, les « types », propres à affermir lafoi des auditeurs et à former leur conscience morale.
Les tentatives faites par la Gnose et surtout par lemarcionisme pour dissocier complètement les deuxéconomies de salut, loin d’ébranler les habitudes prisesne firent que rendre plus intime le sens de la solidaritéentre les deux Testaments. Toutes les réfutations dugnosticisme et du marcionisme, de Justin à Tertullienen passant par Irénée, supposent que l’histoire saintene raconte pas seulement les faits et gestes d’Israël,mais qu’en une certaine manière elle esquisse paravance les traits majeurs de la nouvelle économie. Lapolémique avec les Juifs devait contribuer à des résultatsanalogues. Que l’on relise leDialogue de Justinavec Tryphon, on verra que le philosophe-martyr,désireux d’établir la transcendance du christianisme,fait état non seulement des prophéties explicites,annonçant la substitution à la religion Israélite d’unculte plus universel, mais encore des indications que fournissent, dans le même sens, les faits et les institutionsde l’Ancienne Loi. Cf.Dial.,xli, sur l’offrande defleur de farine prescrite en certains cas et qui est expressémentdonnée comme « la figure » de l’eucharistie.
Tout cela n’allait pas sans amener des exagérations.L’allégorisme va s’installer en maître dans le domainede l’exégèse du Vieux Testament. En son principel’allégorisme n’est pas autre chose que la recherche,dans les textes anciens, de ces types, de ces figures,de ces leçons, de ces exemples que le Christ et les apôtresen avaient tirés. Les Écritures, inspirées par Dieu,ont certainement une signification plus haute quecelle qui ressort de la lettre même, elles proclamentautre chose :ἄλλο ἀγορεύουσιν. Sans écarter l’histoiremême que racontent les textes, sans décrier (aumoins d’ordinaire) les institutions et les rites consignésdans la législation, on attachera beaucoup plus d’importanceà leur signification figurée et, dès lors, à leurinterprétation figurative. La grande affaire est dedécouvrir sous l’écorce de la lettre, laquelle importepeu, la vraie réalité que cette lettre esquissait et quidevait prendre consistance dans l’économie nouvelle.Mais, au lieu de se laisser guider par les exemplesqu’avaient donnés le Christ, les évangélistes, les apôtres,on n’hésita pas, en bien des milieux, à se laisseremporter par les fantaisies de l’imagination. L’idéeprédominante, en certains cercles, fut que tous lesdétails, même les plus minimes, du texte sacré, avaientquelque portée figurative, qu’il fallait trouver à tousles événements de l’histoire sainte une correspondancedans l’économie nouvelle, que les prescriptions les plusterre à terre en apparence de la législation mosaïquen’avaient de sens qu’en fonction des institutions,toutes morales, de la Loi nouvelle. Il s’agissait vraimentde « dire autre chose » que ce que fournissait letexte inspiré.
Nulle part cet état d’esprit ne pouvait mieux sedévelopper qu’à Alexandrie où, depuis le temps dePhilon (contemporain de Notre-Seigneur), l’allégorismerégnait en maître. À commenter allégoriquementles saintes Lois et non seulement la Loi proprementdite, mais l’ensemble de la Bible, Philon avaitconsacré toute son activité littéraire. C’était pour luiet pour toute l’école qu’il incarnait une nécessité del’apologétique. Pour défendre la Bible contre lesattaques des milieux païens, assez disposés à prendreavec ironie ou sarcasme les récits et les institutions del’histoire juive, pour gagner au monothéisme Israélitedes âmes que pouvaient rebuter tels détails singuliersou même scabreux de ces récits, il s’agissait de montrerque l’ensemble du texte sacré recelait tout autrechose que ce que paraissait fournir une lecture superficielle.Sous l’histoire, sous la législation transparaissaitune philosophie profonde, un système religieuxqui dépassait de beaucoup les plus belles trouvaillesdes penseurs grecs. À plusieurs philologues de l’époquehellénistique, l’allégorisme avait déjà permis de donnerdes fables homériques une interprétation rationnelle. Lemême procédé fut appliqué aux saintes Écritures parles Juifs alexandrins. La méthode d’interprétationallégorique était fondée. On voit en quoi elle se rapprocheet en quoi elle diffère de la méthode d’interprétationtypologique. Celle-ci est spécifiquement chrétienne,puisqu’elle pose en principe que l’Ancien Testamentne s’explique complètement qu’en fonction duNouveau, tandis que des préoccupations toutes différentesont donné naissance à l’apologétique juived’Alexandrie. Juifs et chrétiens ont cependant ceci decommun : pour eux, l’essentiel est moins de comprendrela lettre elle-même de l’Écriture que ce que nousdérobe le texte. Pour les uns et les autres le Livresacré devient un texte hermétique dont il s’agit, avanttout, de saisir la signification profonde.
L’école chrétienne d’Alexandrie ne pouvait qu’accueilliravec faveur des idées où la Tradition chrétiennese reconnaissait. Le plus illustre de ses représentants,Origène, sera aussi le champion le plus vigoureuxde l’allégorisme. C’est tout spécialement dans les « homélies » qu’il prononce comme prêtre à Césarée dePalestine, qu’il faut chercher l’application complètedu système. En quoi, d’ailleurs, il montre bien sadépendance par rapport à la tradition ecclésiastique.Au vrai qu’importe, pour la formation religieuse desfidèles, la « vérité historique » des narrations de laGenèse, de Josué, des Juges, des Rois, ou le minutieuxexposé de la législation contenue dans l’Exode, leLévitique et les Nombres ? Ce qui compte, c’est de tirerde tout cela des leçons d’ordre dogmatique et moral ; àquoi excelle notre exégète. Le sens « charnel » n’importeguère, le sens « spirituel » est tout. Sans doute le premierest-il la base du second. Mais, à bien des reprises,le grand exégète laisse tomber définitivement le senslittéral ; à vouloir le maintenir, pense-t-il, on se heurteraità bien des choses qu’il est impossible d’admettre,σχἀνδαλα χαἱ προσχόμματα ἀδύνατα. Il ne faut doncretenir que le sens spirituel. Ce sens peut bien être dittypologique — encore qu’Origène, nous semble-t-il,n’emploie pas ce mot technique — puisqu’il chercheavant tout, sous la lettre, les leçons, les exemples, lesvérités qui peuvent servir à l’édification du chrétien.Mais cette typologie n’est qu’un cas particulier del’allégorie, cette dernière consistant essentiellement àmettre sous la lettre autre chose que celle-ci ne présentepas au premier aspect :ἄλλο ἀγορεύειν. Le tortd’Origène et de tous ceux — ils sont légion — qui l’ontaveuglément suivi a été, délaissant résolument le senslittéral et historique, d’avoir retenu de manière presqueexclusive le sens allégorique ; il a été égalementde vouloir trouver à tous les détails les plus minimesen apparence du texte une signification typologique,à la recherche de laquelle l’imagination s’est donnéelibre carrière. L’allégorisme outrancier de l’Écoled’Alexandrie n’a été que la regrettable exagération dutypologisme initial de la tradition chrétienne.
Directe ou indirecte, l’influence d’Origène et de sonécole fut énorme. Toute l’Église d’Occident l’a subieplus ou moins consciemment ; par saint Hilaire, parsaint Ambroise, par saint Jérôme, elle s’est imposée àAugustin et par ce dernier à la tradition occidentaletout entière. Au seuil du Moyen Âge, le pape saintGrégoire le Grand en est profondément touché et sonadhésion, qui est totale, prolongera pendant des sièclesle retentissement de la méthode alexandrine d’interprétationscripturaire. Il faut attendre la Renaissanceduxvie siècle et l’humanisme pour percevoir lespremières critiques qui lui soient adressées.
En Orient au contraire l’allégorisme alexandrinrencontra, d’assez bonne heure, une vive opposition.Elle part d’Antioche, sans qu’il soit possible de diresi elle provient de l’école exégétique qui se formait,dans cette ville, autour du martyr Lucien, aux dernièresannées duiiie siècle. Cent ans plus tard, en toutcas, cette réaction a trouvé ses maîtres en Diodore deTarse et en Théodore de Mopsueste, qui seront leschefs de file reconnus de l’école exégétique d’Antioche.L’un et l’autre, en des ouvrages théoriques avaientcritiqué les modes d’interprétation scripturaire enusage à Alexandrie et proposé leurs vues sur la véritablemanière. Ces livres ont disparu, et des commentairesmêmes de Diodore il ne reste que des fragmentspeu utilisables. En dépit de mutilations considérables,l’œuvre exégétique de Théodore nous reste accessibleet nous donne de ses doctrines sur le sens et l’interprétationde l’Écriture une idée suffisante. Voir l’articleThéodore de Mopsueste, ci-dessus, col. 248-254.L’Exégète s’est efforcé, somme toute, de faire le départ entre l’interprétation allégorique, qu’il écarte résolument,et l’interprétation typologique, qui est légitime.Si la grande affaire, pour l’exégète, est de saisirau mieux le sens littéral de l’Écriture, l’obligation n’enreste pas moins pour lui de relever dans l’Ancien Testamenttout ce qui prépare, annonce, présage l’économienouvelle de salut. L’existence dans l’histoiresainte de « types » au sens le plus net du mot est pourThéodore une vérité incontestable et un principeessentiel d’herméneutique. Mais, dans la découverteet l’exploitation de ces types, on ne saurait procéderavec trop de prudence. Ce n’est pas à l’imaginationqu’il faut s’en remettre, mais à une considérationattentive de la réalité signalée par l’Ancien Testamentet de la contre-partie qu’on trouve à celle-ci dans leNouveau. Ce n’est pas sur des rapprochements fortuitsou fugitifs entre des « mots » du texte ancien etdes expressions du nouveau qu’il faut tabler, mais surune étude d’ensemble du personnage, de l’événement,de l’institution signalés par l’Histoire sainte et de ceque l’on croit leur correspondre dans notre narrationdu salut. Avant tout il faut se laisser guider par lesindications des auteurs néotestamentaires. Ce n’estpas sans raison que le Christ se compare à Jonas, queJean-Baptiste salue dans Notre-Seigneur l’agneau quiporte le péché du monde, que Paul voit dans le Sauveurune réplique du premier Adam. Ces indicationsfournissent des points de départ à une étude pluspoussée. Ajoutons que Théodore ne s’est pas senti fortgêné par ces restrictions. Pour retrouver dans despersonnages, dans des situations, des institutions del’Ancien Testament des types de l’avenir il s’est fondésurtout sur sa connaissance approfondie de l’histoirebiblique. Un certain nombre de faits très importantsde cette histoire ont spécialement attiré son attention :sortie d’Egypte, captivité de Babylone, restaurationen Terre sainte, insurrection machabéenne, qu’il aretenus pour en faire des centres de perspective d’oùla lumière se répand sur toute l’économie de salut. Cen’est pas le lieu d’établir ici le bien fondé de ses dires.Retenons seulement que, loin d’éliminer le sens typologique,il lui a donné dans son exégèse une importanceconsidérable. Le mot de « type » dans le sensrestreint et technique où il l’emploie était déjà enusage avant lui. Saint Jérôme l’a rapporté de sonséjour en Orient et l’a introduit tel quel en latin.Cf.In Os.,ii, 1, 2,P. L., t.xxv, col.916, où il est parléde ceux quitypi fuerunt Domini Salvatoris. Mais c’estincontestablement Théodore qui a vulgarisé l’emploidu terme, fait la théorie du sens typologique, a biendiscerné l’emploi de ce mode d’interprétation del’allégorisme pur et simple, montré enfin par la pratiquel’usage qu’il convenait d’en faire.
2°Systématisation des données de l’Écriture et de la Tradition.
Nous allons la présenter sous forme dequelques brèves conclusions, qui reprendront partiellementce qui a été dit plus haut.
1.Allégorisme et typologie.
L’allégorisme a mauvaisepresse aujourd’hui, non seulement parmi lesexégètes libéraux, mais chez des critiques ecclésiastiquesmêmes. Il ne faudrait pas que la typologie ourecherche du sens typique fût entraînée dans la mêmedéfaveur. L’essentiel est donc de bien distinguer entredeux. Or, la typologie est une forme de l’allégorisme,mais l’allégorisme est quelque chose de beaucoup plusvaste que la typologie. Il consiste essentiellement àchercher sous la lettre scripturaire autre chose que ceque signifie celle-ci, soit que l’on conserve le sens littéral,soit que, comme il est arrivé parfois, l’on enfasse bon marché. La typologie pose comme premierprincipe la conservation du sens littéral ; ce sens littéralest la donnée essentielle et son intelligence aussiexacte que possible est la loi suprême de l’exégèse. Cesens littéral, qu’il s’agisse de la narration d’un fait,de la description d’un rite, du portrait d’un personnagepeut, en certains cas, mais non pas toujours indiquerune réalité différente de celle qui ressort du textemême ; une association d’idées se crée entre le sensprimitif et un sens dérivé. Le fait, le personnage, l’institutionest évocateur d’une autre réalité, dont l’apparitiona été plus ou moins postérieure à la réalitépremière. Mais — et ceci il importe de le remarquer —cette association d’idées est voulue par l’auteur principalde la Bible, c’est-à-dire par Dieu inspirateur del’hagiographe. On n’admettra comme véritables
« types » que les réalités de l’Ancien Testament, dont il
est clair, par preuves péremptoires, qu’elles sont unepréfiguration des réalités du Nouveau. Ces preuvesressortent soit des indications mêmes fournies parl’Écriture elle-même, soit d’une étude attentive descas particuliers. Même établi ce rapport de préfiguration,il conviendra d’être sobre dans les rapprochementsque l’on établit entre « type » et « antitype ».Il ne s’agit pas de s’arrêter à tous les menus détailsmais bien plutôt de se laisser guider par la considérationde l’ensemble. Que les sacrifices de l’AncienneLoi, par exemple, aient valeur d’annonce prophétiqueet de figure par rapport au grand sacrifice de l’économienouvelle, tout croyant l’acceptera ; ce n’est pasune raison pour éplucher tous les détails du rituellévitique et pour leur découvrir une contre-partie dansles circonstances les plus diverses de la passion du Sauveur.En définitive, la typologie est un allégorismetrès modéré, très prudent, attentif à ne rien avancerqui ne se puisse prouver. Faute de quoi elle tomberaitdans les excès de ce que l’on a appelé le figurisme.Voir ce mot, t.v, col. 2999.
2.Réalité du sens typique.
La condamnation sansappel de l’allégorisme a amené, de la part des critiquesindépendants, le rejet quasi absolu de la typologie. Ilfaut en appeler de ce jugement sommaire. L’existencedans l’Ancien Testament de « types » ou « figures anticipées » des réalités de l’économie nouvelle estprécisément ce qui fait l’originalité de la sainte Écriturepar rapport aux livres ordinaires. Cette originalitétient au fait que la Bible a Dieu pour auteur principal.Maître des événements, d’une part, et les disposantde telle sorte qu’ils réalisent ses desseins, laProvidence peut fort bien avoir arrangé les chosespour qu’elles soient à l’avance une première ébauche,une première esquisse de réalités plus hautes, qui nedevaient se produire qu’ultérieurement. Maître, d’autrepart, de l’activité littéraire de l’hagiographe, Dieupeut inspirer à celui-ci telle rédaction qui fasse jusqu’àun certain point transparaître dans les récits du passéles grandes choses que Dieu réserve pour plus tard.En bref, l’existence d’un sens typique repose surl’unité d’auteur de la Bible et sur l’unité de sujet.Admettre la typologie, c’est avoir, comme nous l’avonsdit, le sens de la liaison entre les deux Testaments. Oncomprend dès lors cette phrase d’un théologien-exégète,résumant l’idée traditionnelle :Sine fidei detrimento typos, sensumque typicum non posse negari.R. Cornely,Introductio generalis in libros sacros, Paris,1894, p. 558.
3.De quelques divisions introduites dans le sens typique.
Les théoriciens du sens typique ont introduitdans celui-ci les divisions que la théologie scolastiqueavait établies dans ce qu’elle appelait le « sensspirituel », lequel se confond plus ou moins avec le « sens allégorique ». Il y aurait ainsi des « types prophétiques », des « types anagogiques », des « types tropologiques », les premiers préfigurant et annonçantles réalités de l’économie nouvelle : l’acte de Melchisédechannonce le sacerdoce du Christ ; les seconds faisantpenser aux réalités célestes : la Jérusalem dont l’Apocalypsexxi, 1 sq., décrit la descente sur la terreest l’image des splendeurs et des béatitudes du ciel ;les troisièmes nous invitant à une moralité plushaute : les aventures des Israélites dans le désert noussont une leçon de modération et de soumission à Dieu.C’est peut-être beaucoup raffiner. Tout d’abord onest bien tenté de bloquer « sens anagogique » et « senstropologique ». Dans l’un comme dans l’autre, ils’agit de trouver dans l’Écriture une règle de vie. Nousavons dit abondamment que les Pères ne s’étaientjamais privés, à la suite de saint Paul, de trouverdans les saints Livres de multiples leçons, que celles-ciy aient été mises explicitement par Dieu ou que l’ingéniositédes prédicateurs les en aient tirées. Le mot« type » du grec doit se traduire alors par « exemples »,« leçons », et c’est bien exactement ainsi que parlel’apôtre. Même dans ce cas, y a-t-il vraiment cettecorrespondance entre des événements du passé et desréalités de l’économie nouvelle qui justifierait l’usagedu terme technique de type ? On en pourrait douter.Disons simplement, que, suivant le mot de Paul àTimothée : « Toute Écriture est divinement inspirée etutile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger,pour former à la justice. » II Tim.,iii, 16. Pour nous,il faudrait restreindre la signification du mot « type » à ces sortes de prophéties en action que constituent lespersonnages, les actions, les institutions rapportés parl’Ancien Testament et qui annoncent, de manièrevoilée, les divines réalités qu’a manifestées l’économienouvelle.
Se reporter aux introductions générales à l’Écriture sainte. Voir en particulier R. Cornely, dans leCursus Scripturæ sacræ des Jésuites allemands, vol.i,Introductio generalis, t.I,Introductio generalis in utriusque Testamenti libros sacros, Paris, 1894, p. 552-566.
Voir encore, ici même, l’art.Testament (Ancien et Nouveau), §.Interprétation de l’Ancien Testament, ci-dessus, col. 188 sq., et les art.Alexandrie(École chrétienne d’), t.i, col. 814-815 ;Origène, t.xi, col. 1507-1508 ;Philon, t.xii, col. 1444 ;Antioche(École théologique d’), t.i, col. 1436 sq., et surtoutThéodore de Mopsueste, t.xv, spécialement col. 248-255.