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Unvoyage est un déplacement effectué vers un point plus ou moins éloigné dans un but personnel (tourisme) ou professionnel (affaires). Le voyage s'est considérablement développé et démocratisé, au cours du XXe siècle avec l'avènement de moyens de transports modernes et de plus en rapides et confortables, lechemin de fer d'abord, puis l'automobile et l'avion.
À quoi bon voyager ? […] Nous verrons en tout lieu la contrefaçon de l'Europe, les monuments aux morts, l'adoration plus ou moins perpétuelle du drapeau, les foules qui se donnent en spectacle et qui défilent devant elles-mêmes, le labyrinthe des bureaux emplis de bureaucrates soucieux de compliquer la vie pour légitimer leur présence, nous verrons en tout lieu des hommes avortés, moins hommes que nos singes, Européenns de pacotille et qui nous dégoûteront de nous-mêmes. A quoi bon voyager ?
Le XIXe siècle a beaucoup voyagé.Stendhal évidemment, habitué aux postes entre Rome et Paris, aux bateaux sur le Rhône, aux chemins de traverse en France, mais aussiBalzac qui va en diligence en Ukraine,Victor Hugo qui va voir des choses,George Sand, Byron, Shelley, Custine et sa Russie, Boucher de Perthes qui se promène de Lille au fin fond du Maghreb par l'Espagne, pousse jusqu'à Constantinople, revient par le Danube, les Portes de fer, etc., à pied, à cheval, en voiture, en bateau, en palanquin ;Alexandre Dumas qui parcourt la Suisse, L'Italie, l'Arabie, l'Espagne, l'Allemagne, le Caucase, la Syrie, la Russie, etc., à pied également la plupart du temps ;Chateaubriand, quoi qu'on dise (et quoi qu'il dise), le marquis de Virmont, Toppfer, Mme de Rémusat, Jules d'Abrantès, Arago, Victor Jacquemont, Monsieur Perrichon qui représente des milliers d'épiciers en mouvement. On me répondra que le XXe siècle voyage encore plus. Non, il ne voyage pas, il se fait transporter, il se transporte, c'est tout autre chose, c'est presque le contraire.
Il ne faudrait jamais entreprendre de raconter un voyage : on est d'avance vaincu. Comment restituer à la flèche son mouvement une fois qu'elle est tombée au pied du but ? Comment parler d'une traversée alors que le roulis du bateau ne verse plus aux veines son balancement sensuel, peindre le désert immobile alors que les roues d'une voiture ne crissent pas sur son sable doré ? Comment goûter jusqu'à l'angoisse, jusqu'à la volupté l'expression d'une figure nouvelle, le jeu d'un rayon, d'une guenille quand ce ne sont plus des spectacles passagers, mais des souvenirs fixés et morts, enfouis dans le cimetière de la mémoire ? Mais que faire ? Si l'on aime, il faut parler de l'objet de son amour.
Un voyage s'inscrit simultanément dans l'espace, dans le temps, et dans la hiérarchie sociale. Chaque impression n'est définissable qu'en les rapportant solidairement à ces trois axes, et comme l'espace possède à lui seul trois dimensions, il en faudrait au moins cinq pour se faire du voyage une représentation adéquate.
Le seul véritable voyage, le seul bain de jouvence, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux.
Propos recueillis par Serge Sanchez concernant le dernier roman de Jean-Claude Guillebaud,La Traversée du monde — Guillebaud cite ici un passage deLa Prisonnière de Marcel Proust parut à titre posthume en 1925.
« « Le voyage contraint à ne pas tricher » », Jean-Claude Guillebaud,Le Magazine Littéraire, nº 493, Janvier 2010, p. 35
On les appelaitvoyageurs, ouengagés du grand portage. Par les fleuves, les lacs, les rivières qui formaient une trame naturelle dans l'immensité nord-américaine, au XVIIe et XVIIIe siècles, convoyant à bord de leurs canots des explorateurs et des missionnaires, des marchands ou des officiers du roi, des soldats en tricorne gris des compagnies franches de la Marine, des pelleteries, des armes, des outils, renouvelant jour après jour, les mains crochées sur l'aviron, des exploits exténuants, ils donnèrent à la France un empire qui aurait pu la contenir sept fois. À chacun de leurs voyages, ils en repoussaient encore les frontières, vers le nord-ouest, vers l'ouest, vers le sud.
Un soir, avec Gras, nous nous retrouvâmes sur le pont avant. Des baleines soupiraient à la proue du bateau, nageaient mollement, roulaient sur le côté : la vie des gros.
– Il faut renouer avec le voyage, mon vieux. J'en ai marre de cette croisière de Mormons, dis-je. – Un vrai voyage, c'est quoi ? dit-il.
– Une folie qui nous obsède, dis-je, nous emporte dans le mythe ; une dérive, un délire quoi, traversé d'Histoire, de géographie, irrigué de vodka, une glissade à laKerouac, un truc qui nous laissera pantelants, le soir, en larmes sur le bord d'un fossé. Dans la fièvre...
On dit se frayer un chemin, mais s’effrayer un chemin serait encore plus juste. Il n’y a de naturel dans le geste de partir que la terreur. Le reste, ce ne sont que des excuses. Voyager se résume à trouver des raisons pour expliquer son absence.
Voyager léger, Mélissa Verreaut, éd. La Peuplade, 2011 (ISBN978-2-923530-28-4), p. 83
Idéalement, j’aurais pris un billet pour un vol qui n’atterrit pas. Un avion qui n’effectue que de grands cercles autour de la Terre, sans jamais se poser – début de révolution. (...) J’aurais été bien, parce que le ciel n’est pas un pays. En l’air, on n’est plus personne.
Voyager léger, Mélissa Verreaut, éd. La Peuplade, 2011 (ISBN978-2-923530-28-4), p. 88
Ceux qui croient que voyager signifie être en vacances n’ont jamais véritablement mis les pieds à l’extérieur de chez eux. Le monde ne nous donne pas de vacances : il nous force à être soi, soi et rien d’autre, à chaque coin de rue où l’on tourne.
Voyager léger, Mélissa Verreaut, éd. La Peuplade, 2011 (ISBN978-2-923530-28-4), p. 139
N'importe quel voyage fait que les choses changent : matières, fonctions, emplacements, manières d'être. Petites différences, décalages infinitésimaux, qui font que l'on est ailleurs.
Dernières nouvelles des choses,Roger-Pol Droit, éd. Odile Jacob, 2003, p. 178