Lehéros (féminin :héroïne) est une personne réelle ou un personnage principalfictif qui, face au danger, combat l'adversité grâce à des exploits d'ingéniosité, decourage ou deforce[1]. Ils sont les premiers êtres humains de la littérature, une figurearchétypale, unpersonnage modèle, qui réunit, en lui-même, les attributs nécessaires pour surmonter, de manière exceptionnelle, un certain problème de dimension épique. Dugrec ἥρως (hērōs), en passant par le termelatinheros, le terme « héros » désignait à l'origine leprotagoniste d'une œuvre narrative oudramatique. Pour lesGrecs anciens, le héros était placé dans une position intermédiaire entre lesDieux et les Hommes, étant, en général, fils d'un Dieu et d'un Mortel (Héraclès etPersée), ou vice versa (Achille). Ainsi, pour les Grecs de l’Antiquité, le héros avait une dimension semi-divine. Lesantonymes de héros sontméchant[2],antagoniste (opposé au protagoniste) etanti-héros (l'antonyme de super-héros étantsuper-vilain).
Le type original de héros desépopées classiques accomplissait des actes au nom de la gloire et de l’honneur. Les héros postclassiques et modernes, en revanche, accomplissent de grands exploits ou des actesaltruistes pour le bien commun plutôt que pour l’objectif classique derichesse, defierté et derenommée[1]. L'héroïsme qui aboutit au sacrifice de soi s'appelle lemartyre. Laguerre ou lesaventures dangereuses sont l'occupation normale du héros. Il est entouré de nobles pairs et se montre magnanime envers ses partisans et impitoyable envers ses ennemis[1].
Le mot héros vient du grec ἥρως (hērōs), « héros » (littéralement « protecteur » ou « défenseur »)[3], en particulier celui comme Héraclès avec une ascendance divine ou qui reçut plus tard des honneurs divins[4]. Avant le déchiffrement dulinéaire B, la forme originale du mot était considérée comme *ἥρωϝ-,hērōw-, mais le composé mycénien ti-ri-se-ro-e démontre l'absence de -w-. Héro en tant quenom apparaît dans lamythologie grecque pré-homérique, oùHéro était uneprêtresse de la déesseAphrodite, dans un mythe fréquemment mentionné dans la littérature.
Selon l'American Heritage Dictionary of the English Language, la racineproto-indo-européenne est*ser, qui signifie « protéger ». Selon Eric Partridge dans le livreOrigins[5], le mot grechērōs « est similaire » au latinseruāre, qui signifiesauvegarder. Partridge conclut : « Le sens fondamental d'Héra et de héros serait donc celui de « protecteur ». Robert S. P. Beekes rejette une dérivation indo-européenne et affirme que le mot a une origine pré-grecque[6]. Héra était une déesse grecque dotée de nombreux attributs, notamment la protection, et son culte semble avoir des origines proto-indo-européennes similaires.
L'apparition des héros dans lalittérature marque unerévolution dans la pensée qui s'est produite lorsque lespoètes et leur public ont détourné leur attention desdieux immortels vers les hommes mortels, qui souffrent de ladouleur et de lamort mais, les défiant, vivent vaillamment et pleinement et créent, car à travers son propres effort, un moment de gloire qui survit dans lamémoire de ses descendants.
Appréhendé différemment selon les époques, les courants esthético-littéraires, les genres et sous-genres narratifs, le héros est marqué par une projection ambiguë : d'une part, il représente la condition humaine, dans sa complexitépsychologique,sociale etéthique ; d’autre part, il transcende la même condition, dans la mesure où il représente des facettes et desvertus que l’homme ordinaire ne peut pas atteindre mais aimerait atteindre – la foi, le courage, la volonté, la détermination, la patience, etc.
Il existe des cas où des individus sans vocation héroïque accomplissent des actions dignes du héros. Il y a aussi ceux dans lesquels des individus font preuve de vertus héroïques pour accomplir des exploits de nature égoïste, motivés par lavanité, l'orgueil, l'avidité, lahaine, etc. C'est le cas des chasseurs de fortune (pirates,mercenaires, etc.). De telles exceptions ne les empêchent pas d'être admirés comme des héros ; cependant, ils seront mieux représentés dans l’archétype de l’antihéros. Dans lalittérature classique, le héros est le personnage principal ou vénéré de la poésie épique héroïque célébrée à travers d'anciennes légendes d'unpeuple, luttant souvent pour la conquête militaire et vivant selon un code d'honneur personnel[1].
Le héros peut être guidé par des idéaux nobles etaltruistes –liberté,fraternité,sacrifice,courage,justice,morale oupaix. A terme, il recherchera des objectifs soi-disantégoïstes (lavengeance par exemple) ; cependant, ses motivations seront toujours moralement justes ou éthiquement acceptables, même si elles sont illicites. Le héros pouvait atteindre l'apothéose, l'élévation au statut de dieu[7]. Le terme vient du grecApotheoun, signifiant « faire un dieu », « déifier »[7]. Le terme latin correspondant estconsagratio[7].
Entrée d'Héraclès (tout à droite) dans l'Olympe, accueilli par Poséidon, précédé d'Hermès et Athéna, ,olpè d'Amasis et du Peintre d'Amasis, 550-530 av. J.-C.,musée du Louvre.
Dans le monde indo-européen, la conception sous-jacente au terme dehéros remonte à la préhistoire. SelonJean Haudry, elle est née initialement à la « traversée de l'eau de la ténèbre hivernale », à la « conquète du soleil » et à l'« obtention de l'année »[8]. Ainsi, la principale particularité d'Héraclès, par delà le foisonnement des cultes et des légendes, est sa conquête de l'immortalité, ce qu'il nomme la conquête de l'Année (Héra). Ses derniers travaux sont une victoire sur la mort et sa fin symbolise une conquête de l'immortalité solaire[9]. La concordance entre le grecHēraklễs et le russeJaroslav montre que la « conquète de l'année » s'est incarnée dans un personnage mythique[8].
PourVenceslas Kruta, « la consécration du héros marque donc l’aboutissement du long processus de désagrégation de la sociéténéolithique, où l’individu n’avait pas d’existence en dehors du cadre communautaire. Profondément enracinée, cette condition commencera probablement à être ébranlée, à la suite de l’impact d’idées nouvelles, dès la seconde moitié duIIIe millénaire avant J.-C.»[10]
Par la suite, lors de la « société héroïque »[11], le but n'est pas l'immortalisation par la « voie des Pères », par le souvenir des ancêtres au sein du lignage, mais l'immortalisation par la « gloire impérissable »κλέος ἄφθιτον / kléos áphthiton[8],[12]. Contrairement à l'homme du commun, le héros choisit son destin, celui d'une vie glorieuse, mais brève. C'est le choix d'Achille, deSigurd, deCúchulainn et duSanasar de l'épopée arménienne[13].
Un nouveau rapport s'établit entre les hommes et les dieux : il y a désormais des divinités protectrices non plus d'un lignage comme précédemment, mais d'un individu, le héros[13].
L'appartenance sociale de la société héroïque est, pour une part, contractuelle. Le compagnonnage est le substitut du lignage : lesFianna irlandais rompent tout lien avec celui dont ils sont issus. Les sociétés secrètes se multiplient. Les principales innovations historiques liées aux sociétés héroïques sont la constitution d'un compagnonnage royal qui avec le temps deviendra une cour ; la constitution de bandes de jeunes guerriers qui ont une divinité d'élection,Rudra en Inde,Apollon en Grèce[14],*Wōdanaz dans le monde germanique[15],[16]. Contrairement à la société lignagère qui était économe afin de préserver l'héritage familial, la société héroïque est prodigue : le seigneur doit rétribuer largement ses compagnons sur lesquels repose sa puissance, le personnel officiant qui lui assure la protection des dieux et les poètes qui assoient sa réputation[17].
Mise au second plan par la cité de l’Antiquité classique, qui pour l’essentiel prolonge la société lignagère, le Moyen Âge européen est pour une part le prolongement de ces conceptions.
Les héros des temps antiques sont, soit mythiques, ayant une parenté directe avec lepanthéon (c'est le cas d'Héraclès), soit légendaires, auquel cas ils sont fréquemment liés à un dieu tutélaire.
Le rapport est inversé : ce sont les hauts faits des hommes lors de leur vie qui les divinisent après leur disparition, les rendant immortels dans la mémoire de leurs héritiers.
La fonction du héros évolue ; il devient, pour l'admiration des populations, relais de la fusion du pouvoirrégulier et séculier réalisée en la personne du suzerain. Homme-lige, le héros donne donc par son geste de la légitimité à son seigneur.
Ses valeurs sont le courage et des vertus semblables à celles de la chevalerie; dirigeant ou inspirant les armées, ils leur servent de modèle.
Grâce aux effets produits par la littérature, le héros emblématique devient fictionnel, telDon Quichotte en Espagne.L'époque ultérieure desgrandes découvertes donne au monde une nouvelle sorte de héros : l'aventurier.
Les exploits étant écrits et non plus seulement oraux, par des journalistes autant que par des écrivains, le héros perd son caractère légendaire pour devenir plus réaliste et éphémère. Restent bien sûr les héros fictionnels qui perdurent.
Les héros de transition, aussi légendaires que réalistes :
Dans l’espace public contemporain, la notion de « héros » ou d’« héroïsme » s’applique à des champs très hétérogènes et a fait l'objet de recherches en sociologie et sémiologie pour comprendre les ressorts de la valeur "héros" (Debien 2020, Fournout 2019, 2022, Barbéris 2022, cités en bibliographie).
DansLe nouvel héroïsme, puissances des imaginaires, Olivier Fournout parle d’« héroïcomanie contemporaine » (2022, p.18, 70). Il en décrit et analyse différentes déclinaisons :
dans la publicité : cf. par exemple tous-les-héros.com (vêtements), « Burberry Hero » parfum pour homme (2021), autohero.com, ou encore les porteuses de soutiens-gorge Simone Pérèle « Nouvelles héroïnes » (2021)…
dans les entreprises : dans des manuels de management, il est question de « créer des héros dans tous les rôles », on y parle de « hero CEOs », d’« héroïsme cool », les patrons d’entreprises sont présentés comme des « héros » (Pierre Gattaz, patron du MEDEF, le 29 mars 2016 sur France Info).
face aux enjeux autour de l’écologie : dans le Guardian weekly (21/07/2017), les « héros environnementaux » sont préférés aux discours catastrophistes ; Camille Étienne, porte-parole de l’ONG « On est prêt », relève, dans un clip écologiste (Réveillons-nous, 2020), que « nous avons été des héros en pyjama » lors du premier confinement, qui entraîna une diminution des transports et donc de l’empreinte carbone de mars à juin 2020.
en politique : présentant son action de Président, Emmanuel Macron annonce « Nous devons renouer avec l’héroïsme politique » en page de couverture du magazine Le Point (31/08/2017). Quelques mois plus tard, il qualifie Johnny Hallyday de « héros français » (6/12/2017).
La liste des « héros » contemporains se complète :
Les héros patriotiques et nationaux :
le nouveau chef d’état-major français est qualifié de « héros » par la presse lors de sa nomination (19/07/2017)
Les héros qui ont donné leur vie dans le cadre de leur service : colonelArnaud Beltrame
Les héros de la société :
certains membres de professions reconnues pour leur abnégation, tels que lespompiers, sauveteurs, infirmières, policiers, etc., et en particulier le personnel médical dans son ensemble pendant les premiers temps de l’épidémie de Covid ;
les défenseurs des biens et valeurs communs comme l'environnement ;
les sportifs qui effectuent des exploits physiques.
Cinéma : les héros des époques précédentes ont fourni une manne d'inspiration pour le cinéma, inutile d'en dresser la liste (se référer plutôt à chaque biographie).
Apparus assez récemment dans l'histoire et la montée en puissance de la littératurefantasy, les héros incarnent ici des personnes courageuses, porteuses de valeurs telles que le courage, l'espoir, l'abnégation. Souvent, le lecteur peut ou tente de se reconnaître dans ces personnages marquants.
Néo alias Thomas A. Anderson, héros de la sérieMatrix qui lutte pour extirper la population d'un monde virtuel.
Katniss Everdeen, personnage deThe Hunger Games qui crée une révolution contre l'injustice que connaissent les districts de son pays.
Percy Jackson, demi-dieu luttant contre la renaissance du Titan Cronos et qui tente de sauver le monde.
Le Docteur (Doctor Who), extraterrestre consacrant sa vie à sauver les populations de diverses planètes (incluant la terre).
Batman, personnage de comics qui lutte pour sauver sa ville, Gotham City.
James Tiberius Kirk, personnage de la célèbre série de science-fiction utopiqueStar Trek et qui participa à six films qui ont fait suite à cette série ainsi que trois nouveaux films réalisés par J. J. Abrams et puis par Justin Lin.
Philippe Lombard,Pourquoi Sherlock s'appelle Sherlock. L'origine insolite des noms de héros de fiction, Éditions Omnibus / L'Express-Roularta,, 310 p.(lire en ligne)
Christophe Debien,Nos héros sont malades, Humensis,, 194 p.(lire en ligne)
Olivier Fournout, « L’héroïcomanie hypermoderne : le cas Trump », in Garnier A., Martinez M.-L. (dir.), « La victime émissaire dans l’hypermodernité »,Recherches & Educations, n°20, oct. 2019(lire en ligne)
Isabelle Barbéris, « L’héroïsme pour tous, figure du capitalisme tardif »,nonfiction.fr, 18 janvier 2022 (lire en ligne)