Premier président démocratiquement élu d'une ex-républiquesoviétique, Zviad Gamsakhourdia fut aussi un professeur, un écrivain, un dissident soviétique et enfin un homme politique, craignant et accusant sans cesse leKremlin de comploter contre son gouvernement. Père de la Géorgie indépendante, il ne put recevoir l'aide des puissances étrangères pour développer son pays et dut se trouver un solide allié enDjokhar Doudaïev, présidenttchétchène dont la république fut reconnue par Gamsakhourdia.
Zviad Gamsakhourdia est né dans la capitale,Tbilissi, le, au sein d'une éminente famillegéorgienne originaire deZougdidi[3]. Son père, l'académicien Constantin Gamsakhourdia (1893 -1975), était l'un des plus célèbres écrivains géorgiens duXXe siècle et un ancien diplomate de la République démocratique de Géorgie[1]. Zviad a suivi des cours dephilologie avant de commencer une carrière de traducteur et de critique littéraire.
Bien queJoseph Staline futgéorgien[4] (ou peut être à cause de ce fait), les autorités soviétiques ont été particulièrement sévères envers laGéorgie durant lesannées 1950[5], essayant de restreindre l'expression de la culture géorgienne sous le régime deKhrouchtchev. En1955, Zviad Gamsakhourdia créa un groupe de jeunesse clandestin qu'il baptisaGorgassaliani en référence à l'ancien roi géorgienVakhtangIer Gorgassali. Ce groupe essayait de faire circuler des rapports sur les violations desDroits de l'homme. En1956, Gamsakhourdia fut arrêté lors d'une manifestation organisée àTbilissi contre la politiquesoviétique derussification de laRSS de Géorgie. Il fut à nouveau arrêté en1958 pour avoir distribué des documents anti-soviétiques[6]. Il fut enfermé six mois dans un hôpital psychiatrique deTbilissi où on lui diagnostiqua une « psychopathie avec décompensation »[1]. Il devint ainsi une des nombreuses victimes de la politique soviétique consistant à utiliser lapsychiatrie à des fins politiques.
Chota Roustaveli. Gamsakhourdia fut le plus réputé des Roustvelologistes de son temps.
En1972, lors de la campagne contre la corruption, Gamsakhourdia atteignit une plus grande notoriété en rencontrant le nouveauCatholicos de l'Église orthodoxe de Géorgie (Catholicossat-Patriarcat de toute la Géorgie), dont il était unfervent[7] adhérent, David V Devdariani. Il cofonda le Groupe d'initiative pour les Droits de l'Homme en1973, devint le premier Géorgien membre d'Amnesty International en1974 et cofonda le Groupe géorgien d'Helsinki en1976[8] (renommé l'Union géorgienne d'Helsinki en1989). Gamsakhourdia a été le président de cette organisation militant pour les Droits de l'homme. Il fut très actif au sein des éditeurs du réseau clandestinSamizdat, contribuant à une grande variété de périodiques politiques clandestins tels queOkros Satsmisi (la Toison d'Or),Sakartvelos Moambe (le Messager géorgien),Sakartvelo (Géorgie),Matiane (Annales) etВестник Грузии (le Journal de Géorgie). Il participa également au journal clandestin deMoscouХроника текущих событий (Chronique des évènements actuels) édité parSergueï Kovalev. Zviad Gamsakhourdia fut également le premier Géorgien membre de la Société internationale des Droits de l'homme (ISHR-IGFM).
Tout comme son père Constantin, Zviad Gamsakhourdia poursuivit également une carrière universitaire[6]. Il fut chercheur à l'Institut de Littérature Géorgienne de l'Académie Géorgienne des Sciences (1973-1977,1985-1990), professeur associé à l'Université d'État deTbilissi (1973-1975,1985-1990) et membre de l'Union des écrivains géorgiens (1966-1977,1985-1991). Il obtint un doctorat enphilologie en1973 et un doctorat en sciences en1991. Il écrivit de nombreux travaux littéraires et des monographies, ainsi que des traductions d'œuvres littéraires britanniques, françaises et américaines telles que les travaux deT. S. Eliot,William Shakespeare etCharles Baudelaire. Il était également un « roustvelologiste » exceptionnel[6] (deChota Roustavéli, un grand poète géorgien duXIIe siècle) et un spécialiste de la cultureibéro-caucasienne de l'Antiquité.
Bien qu'il ait été fréquemment harcelé et occasionnellement arrêté pour dissidence, Gamsakhourdia, pendant longtemps, échappa à de trop lourdes peines, probablement grâce au prestige de sa famille et à ses relations politiques. Mais sa chance tourna en1977, lorsque les activités des différents Groupes d'Helsinki présents enUnion soviétique devinrent une gêne sérieuse pour le gouvernement deLéonid Brejnev. Une répression nationale à l'encontre des activistes militant pour les Droits de l'homme débuta alors dans toute l'URSS. EnGéorgie, le gouvernement d'Edouard Chevardnadze (alors premier secrétaire duParti communiste géorgien) fit arrêter Gamsakhourdia ainsi que son compagnon dissidentMerab Kostava. Les deux activistes furent condamnés à trois ans de travaux forcés ainsi qu'à trois ans d'exil pour « activités anti-soviétiques ». Leur emprisonnement attira l'attention de la communauté internationale[9], conduisant les membres duCongrès des États-Unis à proposer Gamsakhourdia et Kostava pour leprix Nobel de la paix de1978 (ce prix revint finalement àAnouar el-Sadate etMenahem Begin). Kostava fut déporté enSibérie alors que Gamsakhourdia fut exilé auDaghestan.
À la fin du mois dejuin1979, Gamsakhourdia fut relâché et gracié dans des circonstances controversées après avoir purgé seulement deux années de sa peine (Kostava resta en prison jusqu'en1987). Les autorités soviétiques déclarèrent qu'il avait avoué les charges pesant contre lui et renié ses convictions ; une vidéo fut même diffusée par la télévision soviétique pour le prouver[10]. Dans une copie publiée par l'agence soviétique d'information TASS, Gamsakhourdia dit
« j'ai fait fausse route quand j'ai diffusé des documents hostiles à l'État soviétique. La propagande bourgeoise a profité de mes erreurs et a créé un vacarme autour de moi, ce qui me donne des remords. J'ai réalisé l'essentiel de la campagne lancée par l'Occident, camouflé sous le slogan de la défense des Droits de l'homme. »
Ses défenseurs, sa famille etMerab Kostava, ont soutenu que sa rétractation avait été soutirée par leKGB, et que bien qu'il ait publiquement reconnu que certains aspects de sa lutte anti-soviétique étaient erronés, il n'avait pas renoncé pour autant à diriger le mouvement dissident enGéorgie. Kostava et Gamsakhourdia ont tous les deux déclaré plus tard, et indépendamment l'un de l'autre, que la dernière rétractation avait été une manœuvre tactique. Dans une lettre ouverte àEdouard Chevardnadze, datée du, Gamsakhourdia a écrit« mes soi-disant aveux étaient nécessaires ... [car] sans cetteconfession ma sortie de prison en1979 n'aurait pas eu lieu, et alors il n'y aurait pas eu d'ascension du mouvement national[11]. ».
Gamsakhourdia reprit ses activités de dissident peu de temps après sa sortie de prison, continuant à contribuer aux journaux deSamizdat et militant pour la libération deMerab Kostava. En1981, il devint le porte-parole des étudiants et des autres manifestants qui protestaient contre les menaces pesant sur l'identité et l'héritage culturels géorgiens. Il envoya un exemplaire des « Demandes du peuple géorgien » àEdouard Chevardnadze à la fin du mois de mars1981, ce qui lui valut une autre condamnation et un emprisonnement.
Après la mise en place de la politique deGlasnost par le dirigeant soviétiqueMikhaïl Gorbatchev, Gamsakhourdia joua un rôle clef dans l'organisation de manifestations de masse pour l'indépendance de laGéorgie entre1987 et1990, rejoint parMerab Kostava, libéré en1987[12]. En1988, Gamsakhourdia devint l'un des fondateurs de la Société deSaint Ilia le Juste (SSIR), organisation combinant société religieuse et parti politique qui devint la base de son propre mouvement politique. L'année suivante, la répression brutale par les forces soviétiques d'une grande manifestation pacifique organisée àTbilissi du 4 au fut un élément crucial, rendant impossible le maintien du pouvoir soviétique sur laGéorgie. Le processus de réformes démocratiques s'accéléra par la suite, conduisant aux premières élections géorgiennes libres, démocratiques et multipartites le. Le parti SSIR de Gamsakhourdia et l'Union d'Helsinki géorgienne s'allièrent avec d'autres groupes d'opposition pour former une coalition réformiste appelée « Table ronde - Géorgie libre » (« Mrgvali Magida — Tavisupali Sakartvelo »). La coalition remporta une victoire écrasante, obtenant 64 % des voix contre seulement 29,6 % pour leParti communiste géorgien. Le, Zviad Gamsakhourdia fut élu à une large majorité président du Conseil suprême de la République de Géorgie[13].
Le[14], laGéorgie organisa un référendum au cours duquel 90,08 % des votants se prononcèrent en faveur d'un rétablissement de l'indépendance du pays. Le parlement géorgien proclama l'indépendance le[15], rétablissant dans les faits l'État géorgien indépendant de1918 à1921. Cependant l'indépendance ne fut pas reconnue par l'Union soviétique et, bien que de nombreuses puissances étrangères l'aient reconnue rapidement, la reconnaissance mondiale n'eut lieu que l'année suivante. Zviad Gamsakhourdia fut élu président de la République lors des élections du[16] avec 86,5 % des voix (participation de plus de 83 %).
En arrivant au pouvoir, Gamsakhourdia se trouva confronté à d'importantes difficultés tant économiques que politiques, notamment en ce qui concerne les relations avec l'Union soviétique. Un des autres problèmes clef était la situation des nombreuses minorités ethniques présentes enGéorgie (représentant jusqu'à 30 % de la population). Bien que les groupes ethniques minoritaires aient participé activement au retour de ladémocratie en Géorgie, ils étaient sous-représentés dans les institutions élues en octobre1990, avec seulement neuf députés « non géorgiens » sur les 245 que comptait le parlement. Même avant l'indépendance de la Géorgie, la situation des minorités nationales était problématique, conduisant par exemple au déclenchement d'importantes violences interethniques enAbkhazie en1989. Des Géorgiens avaient, lors des élections, fait campagne sous le slogan « la Géorgie aux Géorgiens »[17]. Pour les moins extrémistes, ce slogan pouvait signifier la fin de la domination soviétique et de la russification du pays. Cependant, d'autres l'utilisaient pour demander l'abolition du statut d'autonomie dont bénéficiaient certaines régions peuplées par des minorités ethniques, quelques extrémistes allant jusqu'à demander l'expulsion totale des minorités.
Ce slogan, et d'autres du même type, alarmèrent les minorités. Des nationalistes issus de ces minorités, demandèrent l'unification avec leurs homologues ethniques situés de l'autre côté de la frontière russe, ou dans les cas les plus extrêmes l'indépendance[18]. D'autres républiques soviétiques faisaient face à des problèmes interethniques du même ordre allant parfois jusqu'à la guerre civile comme enMoldavie[19] (minorité russe) et enAzerbaïdjan[20] (minorité arménienne).
En1989, des troubles violents se déclenchèrent dans laRépublique socialiste soviétique autonome d'Ossétie du Sud entre la population souhaitant l'indépendance de la Géorgie d'une part et les Ossètes favorables à l'intégration à la Russie d'autre part. Le Soviet régional d'Ossétie du Sud annonça que la région faisait sécession de la Géorgie pour former une « République soviétique démocratique » ossète. En réponse, leSoviet suprême géorgien supprima l'autonomie de l'Ossétie du Sud en mars1990[21].
Une épreuve de force tripartite commença dans la région entre les Géorgiens, les Ossètes et les forces militaires soviétiques, ce qui entraîna (en mars1991) la mort de 51 personnes et l'expulsion de plus de 25 000 personnes[22]. Après son élection au poste de président du Soviet Suprême, renommé Conseil suprême, Gamsakhourdia dénonça le mouvement ossète, le considérant comme une partie du stratagème russe pour miner la Géorgie, déclarant que les séparatistes ossètes étaient « des agents directs du Kremlin, ses outils ainsi que des terroristes »[22]. En février1991, il envoya une lettre àMikhaïl Gorbatchev lui demandant le retrait des troupes de l'armée soviétique et d'un contingent des forces de l'intérieur de l'URSS présents dans l'ancienne région autonome d'Ossétie du Sud[23].
Enseptembre1991, lesÉtats-Unis, en se basant sur un reportage issu l'ONGHelsinki Watch, accusèrent le gouvernement de Zviad Gamsakhourdia d'avoir commis des violations contre lesdroits de l'homme. Ces violations auraient notamment compris des emprisonnements politiques, le non-respect de la liberté de parole et de la presse, et des « nettoyages ethniques » enOssétie du Sud[24].
Les opposants de Gamsakhourdia critiquaient son comportement qu'ils jugeaient dictatorial et inacceptable, ce qui lui avait déjà valu des critiques avant même son élection en tant que président[3]. Le premier ministre Tengiz Sigua ainsi que deux ministres démissionnèrent le pour protester contre la politique de Gamsakhourdia. Ils rejoignirent l'opposition, accusant le président d'être « démagogue ettotalitaire » et se plaignant de la lenteur des réformes économiques[25]. Lors d'uneémission de télévision, Gamsakhourdia affirma que ses ennemis préparaient des « actes de sabotage et de trahison » dans le pays[26].
La réaction de Gamsakhourdia lors de la tentative decoup d'État contre le présidentMikhaïl Gorbatchev est une source supplémentaire de controverse[27]. Le, Gamsakhourdia, le gouvernement géorgien et la présidence du Conseil Suprême lancèrent un appel à la population géorgienne, leur demandant de rester calme, de rester sur leur lieu de travail et de continuer à travailler sans céder à la provocation et sans prendre part à des actions non autorisées. Le lendemain, Gamsakhourdia appela les dirigeants internationaux à reconnaître les Républiques de l'URSS (y compris la Géorgie) qui avaient proclamé leur indépendance. Il déclara publiquement le que le coup d'État avait été imaginé et programmé parMikhaïl Gorbatchev lui-même afin d'accroître sa popularité à l'approche des élections présidentielles soviétiques. Cette allégation fut rejetée et jugée « ridicule » par le président américainGeorge H. W. Bush[28].
Dans un développement particulièrement controversé, l'agence d'information russeInterfax a rapporté que Gamsakhourdia s'était mis d'accord avec les militaires soviétiques pour que la Garde Nationale Géorgienne fût désarmée le. Il signa des décrets abolissant le poste de commandant de la Garde Nationale Géorgienne et réassignant ses membres aux troupes de l'Intérieur, subordonnées au ministère des affaires intérieures. En signe de défiance à Gamsakhourdia, le commandant limogé de la Garde Nationale Tengiz Kitovani (ancien ami d'enfance de Gamsakhourdia[29].) fit quitterTbilissi à la plupart de ses troupes le. Cependant, à ce moment, le coup d'État avait clairement échoué et le président Gamsakhourdia félicita publiquement le présidentrusseBoris Eltsine pour sa victoire sur les putschistes[27]. LaGéorgie avait réchappé à ce coup d'État sans la moindre violence, mais les opposants à Gamsakhourdia l'accusèrent de ne rien avoir fait pour s'y opposer[30].
Gamsakhourdia réagit avec emportement, accusant les forces de l'ombre deMoscou de conspirer avec ses ennemis contre le mouvement d'indépendance de laGéorgie. Lors d'une manifestation de soutien début septembre, il déclara à ses partisans :
« La machine infernale duKremlin ne nous empêchera pas de devenir libres ... Ayant vaincu les traîtres, la Géorgie atteindra sa liberté ultime. »
Il fit fermer un journal d'opposition, « Molodiozh Gruzii », sous prétexte qu'il avait publié des appels à la rébellion nationale. Giorgi Chanturia, dont le Parti National Démocrate était un des groupes d'opposition les plus actifs à cette époque, fut arrêté et emprisonné pour avoir prétendument cherché l'aide de Moscou pour renverser le gouvernement légal. Il est également rapporté que la chaîne de télévision Channel 2 avait été fermée après que certains de ses employés aient pris part à une manifestation hostile au gouvernement[31].
Les activités du gouvernement accroissaient les controverses à l'intérieur du pays et les critiques de l'étranger. Une délégation de membres du Congrès américain, emmenée par le député Steny Hoyer, rapporte qu'il y avait de « sérieux problèmes concernant les Droits de l'Homme avec le nouveau gouvernement et que celui-ci refusait de les admettre, de s'en occuper ou de faire quoi que ce soit à ce propos ». Les rapporteurs américains citent le problème des Droits de l'Homme comme l'une des principales raisons empêchant une reconnaissance internationale de laGéorgie[24]. Le pays avait déjà obtenu la reconnaissance de son indépendance par un nombre limité de pays (dont laRoumanie[25], leCanada[32], laFinlande[33], l'Ukraine[34], lesÉtats baltes[35]...). La plupart des pays ne reconnurent l'indépendance géorgienne qu'au début1992, lorsque lesÉtats-Unis[36], laSuisse[37], laFrance[38], laBelgique[38], lePakistan[39], l'Inde[39] ainsi que d'autres pays l'eurent enfin reconnue.
La dispute politique devint violente à partir du, lorsqu'une manifestation anti-gouvernementale àTbilissi fut dispersée par la police. L'évènement le plus grave fut l'éclatement de la Garde Nationale en factions pro- et anti-gouvernementales. Des accrochages meurtriers entre les deux camps eurent lieu àTbilissi en octobre et en novembre. Des groupes para-militaires, dont l'un des plus importants était la milice nationaliste anti-Gamsakhourdia « Mkhedrioni » (Cavaliers ou Chevaliers), installèrent des barricades autour de la ville[40].
Le, des partisans armés de l'opposition organisèrent un coup d'État et attaquèrent plusieurs bâtiments officiels dont le bâtiment du parlement géorgien où Gamsakhourdia avait trouvé refuge. De lourds combats continuèrent dansTbilissi jusqu'au, entraînant la mort d'au moins 113 personnes. Le, Gamsakhourdia et les membres de son gouvernement traversèrent les lignes ennemies et s'échappèrent vers l'Azerbaïdjan qui leur refusa l'asile politique. L'Arménie, qui était d'accord pour accueillir la femme et les enfants de Zviad mais pas le président lui-même[41], accueillit finalement Gamsakhourdia pour une courte période, rejetant les demandes d'extradition de la Géorgie. Afin de ne pas compliquer les relations déjà tendues avec la Géorgie, les autorités arméniennes[41] autorisèrent Gamsakhourdia à partir vers la république séparatiste deTchétchénie où il se vit offrir l'asile politique par le gouvernement rebelle du généralDjokhar Doudaïev[42]. Si la thèse d'une aide russe au coup d'État a été évoquée, elle n'a jamais été prouvée[43].
Edouard Chevardnadze fut nommé président de Géorgie à la suite de la destitution de Zviad Gamsakhourdia
Un conseil militaire composé des opposants de Gamsakhourdia forma dès lors un gouvernement provisoire. Une de ses premières actions fut de déposer officiellement le président Gamsakhourdia. Il se transforma ensuite en Conseil d'État et offrit en le poste de président de ce Conseil au vieux rival de Gamsakhourdia,Edouard Chevardnadze[44]. Il ne fut procédé à aucune élection ou référendum pour avaliser le changement. Chevardnadzé gouvernade facto comme président.
Après son renversement, Gamsakhourdia continua à se considérer comme le président légitime de la République deGéorgie. Il était encore reconnu comme tel par certains gouvernements et par quelques organisations internationales, bien que le Conseil Militaire insurrectionnel ait été rapidement accepté comme l'autorité gouvernante dans le pays. Gamsakhourdia refusa d'accepter son renversement puisqu'il avait été élu au poste de président par une majorité écrasante de la population (contrairement àEdouard Chevardnadze, choisi non démocratiquement). En novembre et décembre1992, il fut invité enFinlande (par le groupe pour l'amitié avec la Géorgie du parlement finlandais) et enAutriche (par la Société Internationale des Droits de l'Homme). Dans les deux pays, il tint des conférences de presse et des meetings avec des parlementaires et des personnalités gouvernementales[45].
Des accrochages entre les forces pro- et anti-Gamsakhourdia continuaient durant les années1992 et1993. Des sympathisants de Gamsakhourdia firent prisonniers des membres du gouvernement entraînant des raids de représailles des forces gouvernementales. Un des plus sérieux incidents eut lieu àTbilissi le lorsque des sympathisants armés de Gamsakhourdia envahirent les bureaux de la télévision d'État. Ils parvinrent à diffuser un message radio déclarant :« le gouvernement légitime a été réinstallé. La junte rouge touche à sa fin ». Cependant, ils furent évacués après quelques heures par la Garde nationale. Ils espéraient ainsi entraîner un soulèvement massif contre le gouvernement deChevardnadze, mais ce fut un échec[46].
Le gouvernement deChevardnadze imposa un régime extrêmement répressif dans toute la Géorgie pour supprimer le « Zviadisme ». Les forces de sécurité et la milice pro-gouvernementale Mkhedrioni procédèrent à des arrestations massives et à un harcèlement des militants pro-Gamsakhourdia. Bien que les atteintes faites aux Droits de l'Homme aient été critiquées par lacommunauté internationale, le prestige personnel deChevardnadze lui permit d'être accepté par la communauté internationale[47]. Le, les troupes gouvernementales entrèrent enAbkhazie afin de déloger les sympathisants de Gamsakhourdia présents dans cette région[48], déclenchant ainsi laGuerre d'Abkhazie. Cependant les atteintes aux Droits de l'Homme ne firent que détériorer un peu plus les relations inter-ethniques déjà tendues. En, la guerre entre les forces géorgiennes et les séparatistes abkhazes prit fin. Ce conflit se termina par une défaite du gouvernement, entraînant le départ d'Abkhazie des forces gouvernementales et de 300 000 géorgiens ainsi que la mort d'environ 10 000 personnes[49].
Gamsakhourdia saisit rapidement l'occasion de renverserChevardnadze. Le, il retourna enGéorgie et établit un gouvernement « en exil » dans la ville de Zougdidi, dans l'ouest du pays[50]. Il annonça qu'il souhaitait continuer la « lutte pacifique contre la junte militaire illégale » et se concentra sur la formation d'une coalition anti-Chevardnadze basée sur le soutien des régions de Samegrelo (Mingrélie) et d'Abkhazie. Il créa également une force armée importante, capable d'agir relativement librement face aux faibles forces de sécurité du gouvernement[51]. Après avoir initialement demandé la tenue immédiate d'élections, Gamsakhourdia profita de la déroute de l'armée géorgienne pour récupérer d'importantes quantités d'armes, abandonnées lors du retrait des forces gouvernementales[52]. Une guerre civile embrasa l'ouest du pays à partir d'. Les forces de Gamsakhourdia prirent plusieurs villes clefs ainsi que d'importants nœuds ferroviaires et routiers. Les forces gouvernementales se replièrent dans le désordre, laissant peu d'obstacles entre les forces de Gamsakhourdia et la capitaleTbilissi. Cependant, la capture par Gamsakhourdia dePoti, port géorgien situé sur lamer Noire et vital pour l'économie de la région, menaça les intérêts de laRussie, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie (pays totalement enclavé dont les échanges dépendent des ports géorgiens)[53]. Dans un apparent, et très controversé, quiproquo, les trois pays apportèrent leur soutien au gouvernement deChevardnadze qui en retour accepta d'adhérer à laCEI. Alors que le soutien de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan n'était que purement politique, la Russie mobilisa rapidement des troupes pour aider le gouvernement géorgien. Le, environ 2 000 soldats russes se déployèrent en Géorgie pour protéger le réseau ferroviaire géorgien. Ils apportèrent également un soutien logistique et matériel aux forces gouvernementales, mal équipées[54]. Le soulèvement organisé par Gamsakhourdia échoua rapidement et la ville de Zougdidi tomba le[55].
Zviad Gamsakhourdia mourut le dans des circonstances qui restent encore actuellement extrêmement floues. Il est sûr qu'il est mort dans le village de Khibula dans la région deMingrélie (Géorgie occidentale) et qu'il fut ré-enterré dans le village de Djikhashkari (même région). Selon des rapports de presse britanniques, le corps a été trouvé avec une seule plaie au niveau de la tête correspondant à la trajectoire d'une balle. Plusieurs causes sont évoquées pour sa mort qui reste encore controversée et non résolue.
Zviad Gamsakhourdia laisse trois enfants, nés de deux mariages différents.
La veuve de Gamsakhourdia a raconté à l'agence d'informations Interfax que son mari s'était suicidé en se tirant une balle dans la tête le lorsque le bâtiment dans lequel il s'était réfugié avec des sympathisants s'est retrouvé encerclé par les troupes de la milice pro-Chevardnadze Mkhedrioni. Les médias russes ont rapporté que ses gardes du corps avaient entendu un coup de feu dans la pièce voisine et qu'ils y ont trouvé Gamsakhourdia mort après s'être tiré une balle dans la tête avec un pistoletStetchkin. Les autoritéstchéchènes publièrent une lettre qu'ils présentèrent comme écrite par Gamsakhourdia avant son suicide :« Ayant la conscience tranquille, je commets cet acte afin de protester contre le régime qui gouverne la Géorgie et parce que je suis privé de la possibilité d'agir en tant que président, de normaliser la situation et de restaurer la loi et l'ordre ». La plupart des observateurs étrangers acceptèrent l'hypothèse du suicide[56].
Le ministre de l'intérieur du régime deChevardnadze insinua qu'il avait été tué délibérément par ses propres sympathisants[56], ou lors d'une dispute avec son ancien commandant en chef, Loty Kobalia.
En Géorgie, la majorité des personnes pensent que Zviad Gamsakhourdia a été tué par le gouvernement russe, et une plus petite minorité, par les États-Unis. Cette hypothèse est due au fait qu'il représentait une grande menace aussi bien pour la Russie que pour les États-Unis. Les partisans de cette hypothèse, pour l'objet du meurtre, mettent en avant que Gamsakhourdia avait obtenu l'accord de plusieurs pays et de républiques séparatistes pour former une république caucasienne et qu'il était très patriote. De ce fait, ceux qui pensent que c'est la Russie qui a tué Gamsakhurdia, soutiennent qu'un Caucase uni était inconcevable pour la Russie - il est vrai que dès les premiers contacts, les Russes ont adopté une politique de division, de séparation envers la Géorgie, en prétextant, pour monter les différentes régions les uns contre les autres -. Ceux qui soutiennent l'autre hypothèse, affirment que les deux pays, comme enguerre froide, se disputent le territoire et que Gamsakhurdia était un homme des États-Unis, mais voyant son patriotisme et ses projets pour l'avenir, les services secrets ont décidé de l'éliminer, par peur que ni eux, ni la Russie n'exercent de pouvoir. Par ailleurs, la majorité de ceux qui soutiennent cette deuxième thèse, affirme que la Russie est dirigée elle aussi par les États-Unis. Des éléments, comme la fusillade du fils de Zviad Gamsakhurdia laissent penser à cette hypothèse ; la fusillade a eu lieu alors que ce dernier était dans une voiture avec quatre autres personnes et seul lui a été touché. Pour eux, que Gamsakhurdia se soit suicidé est inimaginable compte tenu de sa combativité et encore une fois de son patriotisme.
La mort de Gamsakhourdia est annoncée par le gouvernement géorgien le[57]. Certaines personnes refusent d'y croire, mais elle est finalement confirmée le suivant lorsque le corps est retrouvé. D'abord enterrée à Djikhachkari, en Mingrélie, la dépouille de Zviad Gamsakhourdia est ré-inhumée le dans la capitale deTchétchénie,Grozny. Le, le nouveau président pro-russeRamzan Kadyrov annonce que la sépulture de Gamsakhourdia, perdue dans les décombres et les ruines de Grozny, ravagée par la guerre, avait été retrouvée dans le centre de la capitale. Les restes de Gamsakhourdia sont identifiés par des experts russes àRostov-sur-le-Don. Le, le corps est rapatrié enGéorgie et est inhumé le auPanthéon de Mtatsminda, près d'autres illustres personnalités géorgiennes[58]. Des milliers de personnes originaires de toute la Géorgie rendent un dernier hommage à l'ancien président dans la cathédrale médiévale de Mtatsminda[59]. Le président Saakachvili déclare aux journalistes :« Nous mettons en œuvre la décision qui a été prise en2004 d'enterrer le président Gamsakhourdia dans sa terre natale. C'est une décision juste et absolument correcte ».
Le, lors d'une cérémonie organisée dans l'église Kashueti de Saint-Georges àTbilissi, le présidentMikheil Saakachvili réhabilita officiellement Gamsakhourdia afin de résoudre les effets politiques persistants depuis son renversement et pour « mettre fin à la désunion de notre société ». Il fit l'éloge du « grand homme d'État et patriote » qu'était Gamsakhourdia et promulgua un décret permettant que son corps soit enterré dans la capitale géorgienne, déclarant que « l'abandon de la sépulture du président géorgien dans une zone de conflit ... était une honte et un manque de respect pour lui et pour sa nation ». Il rebaptisa également un important axe deTbilissi du nom de Gamsakhourdia et fit libérer trente-deux sympathisants de l'ancien président, emprisonnés en1993-1994 par le gouvernement deChevardnadze. Ces prisonniers étaient considérés par beaucoup de Géorgiens et par certaines organisations internationales des Droits de l'Homme comme des prisonniers politiques[60].
Toutefois, malgré cela, la famille de Zviad Gamsakhourdia n'est pas du côté deSaakachvili. Ainsi, dès 2005, la veuve de Gamsakhourdia, Manana, s'opposa au président[61]. Durant les élections dejanvier 2008, un des fils de Zviad, Constantin, se présenta pour la présidence en tant que candidat d'opposition sous la bannière du partiTavisoupleba (« Liberté »)[62], tandis qu'un autre, Tsotné, fut arrêté à l'aéroport deTbilissi le. Celui-ci est actuellement accusé d'espionnage pour le compte de laRussie et de conspiration contre le Gouvernement deGéorgie[63].
Les sympathisants de Gamsakhourdia continuent de promouvoir ses idées au travers de nombreux groupes publics. En1996, une organisation non gouvernementale pour l'éducation et la culture baptisée Société de Zviad Gamsakhourdia est fondée auxPays-Bas, dans la ville deBois-le-Duc[64]. Elle possède désormais des membres dans de nombreux payseuropéens.
La version du 18 janvier 2009 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.