Zikrin ouDikrin (enarabe :ذكرين) est un ancien villagearabepalestinien dusous-district d'Hébron, vidé de sa population lors de laguerre de 1948.
Le site se trouve à environ six kilomètres au nord-ouest deBeit Gubrin, à une altitude moyenne de 212 mètres. Son accès est rendu malaisé par des haies denerprun et decactus. L'ensemble est parsemé de grottes, de cavernes et de vestiges de constructions rasées.
Le village s'appelaitKefar Dikrina à l'époque romaine[1]. Le géographeAdolf Neubauer mentionne quant à lui le nom deKefar Dikhrin (כפר דכרין) que lui donnent les sources rabbiniques qu'il cite[2], datées pour la plupart des troisième et quatrième siècles de notre ère. Selon l'une d'entre elles, ce nom viendrait de ce que les femmes du village ne donnaient naissance qu'à des garçons (dikhra, « mâle »). Une autre décrit la région comme l'une des plus densément peuplées de cette époque[3].Edward Henry Palmer (en) donneDhikerin el Baradan, « Dhikerin le frais », oùDhikerin serait un nom de personne[4].
En 1479, le village est mentionné par Tucher de Nurnberg, qui voyageait de Bethléem à Gaza et a logé à Zikrin. Il y remarque desciternes[5],[6].
En 1596, dans l'Empire ottoman, Zikrin faisait partie de lanahié (« sous-district ») deGaza et comptait une population de 40 ménagesmusulmans, soit environ 220 personnes. Les villageois payaient un impôt au taux fixe de 25% sur un certain nombre de produits, dont leblé, l'orge, lesésame, les fruits et lesvignobles, pour un total de 8 000akçes[7].
En 1838,Edward Robinson décrit Zikrin comme un « gros » villagemusulman du district de Gaza[5],[8].
En 1863,Victor Guérin dénombre àDikrin environ 600 habitants et, sur le côté ouest, pas moins de 40citernes. Il dépeint lecheikh du village, qui le lui a fait visiter, comme « un jeune homme de haute taille et d'une figure très intelligente », dont le père était le cheikh deBayt Jibrin, et dont les oncles avaient le même statut àTell es-Safi et'Ajjur[9]. Socin relève à partir d'une liste de villages ottomans établie vers 1870 que Zikrin comptait 38 maisons et une population masculine de 101 hommes[10]. Hartmann y trouve 60 maisons[11].
En 1883, leSurvey of Western Palestine (en) duPEF décritDhikerin[12] comme un village construit en pierre, doté de jardins et depuits d'eau « nombreux »[1].
En 1896, la population de Zikrin était estimée à 609 personnes[13].
Dans lerecensement de la Palestine de 1922 (en) mené par lesautorités mandataires, Zikrin compte une population de 693 habitants, tousmusulmans[14], dont les effectifs passent lors durecensement de 1931 à 726 habitants, toujours tous musulmans, pour un total de 181 maisons[15].
Le village moderne disposait d'une école primaire et de quelques magasins. Les villageois étaient agriculteurs[1].
Dans lesstatistiques de 1945 (en), il atteint une population de 960 habitants, tous musulmans[16],[17], vivant sur une superficie totale de 17 195dounams[16] ; 15 058 dounams sont plantés decéréales[1],[18] tandis que 63 dounams sont classés en zones bâties (urbaines)[19].
Le 6 août 1948, au milieu de ladeuxième trêve officielle, deux escouades du cinquante-troisième bataillon de labrigade Guivati ont attaqué Zikrin, lançant desgrenades et incendiant trois ou quatre maisons. Environ dix hommes adultes, deux enfants et une femme ont été tués dans le village, de sourcemilitaire israélienne. Les trois dernières victimes ont été tuées accidentellement, d'après le rapport, tandis qu'un soldat israélien a été « légèrement blessé »[20].
Zikrin perdit finalement sa population les 22 et 23 octobre 1948[21], au cours de la troisième étape de l'opération Yoav, commandée parYigal Allon[1]. SelonMorris, la plupart des villageois ont fui avant l'arrivée des troupes et ceux qui restaient ont été expulsés vers l'est[22] ; d'après lui, Yigal Allon est si bien parvenu à chasser complètement la population lors de cette opération que les villageois ont trouvé pratiquement impossible de se « réinfiltrer » dans leurs anciens villages, faute de population arabe locale pour les aider à se réinstaller. Un « ratissage » militaire mené au début de 1949 a trouvé la plupart des villages vides. À Zikrin, il est fait mention de « deux Arabes » qui « ont réussi à s'échapper »[23].
À la suite de la guerre, la zone a été intégrée à l'État d'Israël et les terres qui appartenaient au village ont été laissées à l'abandon. Le kibboutzBeit Nir (en) est implanté à environ trois kilomètres au sud du site du village[1].
L'historien palestinienWalid Khalidi décrit le site du village en 1992 comme « envahi de hautes herbes, de broussailles et autre végétation sauvage, dont des oliviers et des caroubiers. Des terrasses de pierre, tronquées, partiellement envahies de cactus, signalaient encore le site. Certaines des terres environnantes étaient cultivées en blé par les agriculteurs israéliens et le reste était utilisé comme pâture »[1].