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| Nom de naissance | Yves Jean Bonnefoy |
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| Conjoint | Lucille Vines(d) |
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| Distinction | Grand prix de poésie de l'Académie française(1981) Commandeur des Arts et des Lettres (1984) Grand prix de littérature de la SGDL(1987) Prix mondial Cino-Del-Duca(1995) Prix Balzan(1995) Prix Franz Kafka(2007) Prix de poésie Pierrette-Micheloud(2011) Premio Internazionale Nonino(2015) |
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Yves Bonnefoy, né le àTours et mort le àParis15e[1], est unpoète,critique d'art ettraducteurfrançais. Il est considéré comme un poète majeur de la seconde moitié duXXe et du début du XXIe siècle.
Les parents d'Yves Jean[2] Bonnefoy, Élie Bonnefoy et Hélène Maury, originaires du Lot et de l’Aveyron, étaient venus après leur mariage s'installer àTours, l'un comme ouvrier monteur aux ateliers des chemins de fer, l'autre comme institutrice. Un premier enfant était né en 1914, Suzanne. La famille habita rue Galpin-Thiou une maison détruite par les bombardements de la Première Guerre mondiale, puis s'installa rue Lobin, deux ans avant la mort d'Élie Bonnefoy en 1936. L’été avaient lieu chaque année les voyages, évoqués dansL'Arrière-Pays, chez les grands-parents à Toirac, dans le Lot, où s'était retiré Auguste Maury, le grand-père instituteur. C'est dans cet essai qu'Yves Bonnefoy a aussi évoqué la première irruption du sentiment d'exil et du néant qui brisa l'état initial de plénitude de l'adolescence :
« Je me souviens : quand on allait chercher le lait à la ferme et qu'il brillait en bougeant sur le chemin du retour, sous les étoiles. Il y avait un moment difficile, à un certain tournant, où l'on enfonçait dans le noir de murs trop serrés et de l'herbe. Puis on passait à vingt mètres de lamaison neuve éclairée. C'est à une fenêtre de cette maison que j'ai vu une fois, se découpant sur le fond d'une paroi nue, la silhouette obscure d'un homme. Il était de dos, un peu incliné, il semblait parler. Et ce fut pour moi l'Étranger. »
— Un rêve fait à Mantoue (1967)
Yves Bonnefoy a passé les baccalauréats de mathématiques et de philosophie aulycée Descartes de Tours, où il fit la lecture, déterminante, de laPetite Anthologie du surréalisme deGeorges Hugnet, prêtée par le professeur de philosophie. Il a suivi des études de mathématiques, d'histoire des sciences et de philosophie dans les classes préparatoires dulycée Descartes, puis à l'université de Poitiers et à laSorbonne, lorsqu'il décida en 1943 de s'installer àParis et de se consacrer à la poésie.
De 1945 à 1947, il fut proche dessurréalistes et lié, parmi eux, avecÉdouard Jaguer,Jaroslav Serpan,Yves Battistini,Jean Brun. Puis avec les poètesGilbert Lely,Christian Dotremont et le peintreRaoul Ubac. Il créa en 1946 une revue,La Révolution la Nuit, dans laquelle il publia un fragment de son long poème encore surréaliste,Le Cœur-espace.
En 1947, Yves Bonnefoy refuse de signer le manifeste surréalisteRupture inaugurale,prenant ainsi ses distances avec le mouvement. Le poète reproche à l'image surréaliste de faire advenir une « mauvaise présence » en substituant à la réalité une surréalité[3].
De 1949 à 1953, il effectue des voyages d'études, grâce à des bourses, en Italie, aux Pays-Bas, en Angleterre. Son diplôme d’études supérieures (aujourd’hui détruit), sous la direction deJean Wahl, porta surBaudelaire et Kierkegaard ; puis, il fut pendant trois années attaché de recherches au CNRS pour une étude de la méthodologie critique aux États-Unis.
Encouragé parAdrienne Monnier[4], Yves Bonnefoy publie en 1953, auMercure de France, qui restera l'un de ses principaux éditeurs, son premier recueil de poèmes,Du mouvement et de l'immobilité de Douve.
Dans ce livre, salué d'emblée par la critique[5], Yves Bonnefoy cherche à« attacher du plus près le poème à la réalité de l’existence et du vivant[6] », qui est fondée sur l'expérience de la mort ; expérience dont la figure chimérique et allégorique de Douve, présente dans toutes les pages du livre, symbolise l'épreuve :
« Que le froid par ma mort se lève et prenne un sens[7]. »
C'est aussi pour le poète un moyen de consommer sa rupture avec le groupe surréaliste et notamment la figure d'André Breton, qui faisait de la notion d'image une des pierres de touche de sa poétique, d'où l'importance historique de ce recueil :
« La mer intérieure éclairée d'aigles tournants,
Ceci est une image
Je te détiens froide à une profondeur où les images ne prennent plus[8]. »
En 1955, il conçoit avec le réalisateur Roger Livet un film en 35 mm de 17 min,Royaumes de ce monde, sur le sens de l'Annonciation en peinture, qui reçut le grand prix des premières Journées internationales du court métrage, fondées àTours.
Les trois volumes de poèmes des années suivantes,Hier régnant désert (1958),Pierre écrite (1965),Dans le leurre du seuil (1975), ont été rassemblés, avecDu mouvement et de l'immobilité de Douve, dans un livre intituléPoèmes en 1978. Puis ce serontCe qui fut sans lumière en 1987,Début et fin de la neige en 1991,La Vie errante en 1993,Les Planches courbes en 2001 (inscrit au programme du baccalauréat littéraire en 2006 et 2007),La Longue Chaîne de l’ancre en 2008,Raturer outre en 2010.
AprèsL’Arrière-pays, de 1972, qui est un récit autobiographique dont le fil directeur est la tension entre la séduction exercée par le désir d’un ailleurs, suggéré par les œuvres de la peinture et le retour à l’ici et à la finitude, Yves Bonnefoy écrira aussi des poèmes en prose, avecRue Traversière (1977), qui inaugure les rassemblements ultérieurs deRécits en rêve.
Il définit la poésie comme étant une« articulation entre une existence et une parole ». Toute œuvre poétique est le fruit d'une existence. Il y a continuité entre l'être du poète, de la poétesse, et sa poésie. La parole se distingue du langage, qui est un système ; elle est une présence, par laquelle se manifeste cette existence. La parole a un caractère vivant, car elle est indissociable de l'être qui la prononce[9].
Les travaux historiques et critiques commencèrent à partir de 1954, avec une monographie consacrée auxPeintures murales de la France gothique. Ils se développèrent beaucoup par la suite et portent principalement sur l'histoire de la peinture, la relation des arts à la poésie, l'histoire de la poésie et son interprétation, la philosophie de l'œuvre et de l'acte poétiques.
Ils vont de pair avec une activité de traducteur deShakespeare (une quinzaine d'ouvrages), deWilliam Butler Yeats (Quarante-cinq poèmes de Yeats, 1989), dePétrarque et deLeopardi, ainsi que du poète grecGeorges Séféris à qui l'a lié une longue amitié ; il a conduit une réflexion sur l'acte du traducteur, réflexion engagée dans les préfaces qu'il a données à ses traductions de Shakespeare (Théâtre et poésie. Shakespeare et Yeats, 1998 ;La Communauté des traducteurs, 2000.)
Pour ces traductions, la question première est de se rapprocher de la personne de l'auteur. Bonnefoy parle à leur sujet d'empathie, d'admiration, d'affection, d'amour même. À partir de cette intimité avec l'auteur, le traducteur peut recréer, de par son propre mouvement, le texte de l'auteur en toute fidélité. Pour traduire Yeats il précise que son attention« est allée à un texte, bien sûr, mais plus encore à une personne. » Et ce mouvement se diffuse aux relations de l'auteur : lorsque Yeats, pour parler de l'Absolu, s'appuie sur son amie, alors le traducteur doit aussi retrouver cette amie. Pour Shakespeare, Bonnefoy pense qu'il s'est en quelque sorte incarné dans chacun des personnages de ses pièces ; pour traduire, il faut donc entendre Shakespeare derrière chacun des rôles[9].
Les mots portent la substance poétique. Ils incarnent la présence de Shakespeare ou de Yeats. Pour le traducteur Bonnefoy, il faut se placer« au plus près du débat qu’ont eu les mots dans le texte avec les données d’une vie et les chiffres d’un rêve. » Soit par exemple le mot anglais « labour », dans le poème de YeatsAmong School Children, mot que l'on traduit habituellement en français par le mot « travail ». Mais dans le poème il est associé avec des images de danse ou de floraison, ce qui va mal avec son acception française. Aussi, à partir des notes qu'Yeats a laissées sur ce poème, à partir de sa propre expérience d'écrivain et de vie, Bonnefoy a préféré traduire ce mot par « enfantement »[9].
À partir de 1960, Yves Bonnefoy a été régulièrement l'invité, pour des périodes d'enseignement, d'universités françaises ou étrangères, en Suisse et aux États-Unis. Il a été professeur associé aucentre universitaire de Vincennes (1969-1970), à l'université de Nice (1973-1976) et à l'université d'Aix-en-Provence (1979-1981), professeur invité à l'université de Genève (1970-1971 et 1971-1972). Devenu professeur auCollège de France en 1981, il continua à donner des conférences dans de nombreux pays.
L’ensemble de ses résumés de cours au Collège de France a été publié aux éditions du Seuil en 1999 :Lieux et destins de l’image : un cours de poétique au Collège de France (1981-1993). De 1993 à 2004, il a réuni à la Fondation Hugot du Collège de France une série de onze colloques fermés surLa Conscience de soi de la poésie. Seuls trois volumes d'actes de ces colloques ont été publiés :Jouve, poète, romancier, critique (1995),Poésie et rhétorique (1997),Poésie, mémoire et oubli (2005) ainsi qu'une anthologie :La Conscience de soi de la poésie, anthologie des colloques de la Fondation Hugot (2008).
Yves Bonnefoy a été rédacteur de la revueL'Éphémère pendant sa durée d'existence (1966-1972) avecAndré du Bouchet,Jacques Dupin,Louis-René des Forêts etGaëtan Picon.Michel Leiris etPaul Celan rejoignirent en 1968 le comité de rédaction, au moment du départ de Gaëtan Picon.
Il a dirigé, chezFlammarion, deux collections, « Sur les balances du temps » (quatre titres seulement :André Chastel,Le Sac de Rome, 1527 ;Jean Starobinski,1789. L'Invention de la liberté ;Gaëtan Picon,1863. Naissance de la peinture moderne ; et lui-même,Rome, 1630) puis « Idées et Recherches ». Le catalogue de cette dernière, référence en histoire des idées, en histoire de l’art et des systèmesiconologiques, et riche d'une quarantaine de titres en l’espace d’un peu moins de trente ans, témoigne de son engagement en faveur du dialogue des savoirs : on y trouve des livres d'André Chastel, qu’il avait rencontré au début desannées 1950 et sous la direction duquel il commença alors à travailler, d'Henri-Charles Puech,Marcel Detienne,Alexandre Leupin, André et OlegGrabar,Georges Duthuit,Ernst Gombrich,Rolf Stein,Louis Grodecki,Jurgis Baltrusaitis,Erwin Panofsky,Marc Fumaroli,Hubert Damisch,Georges Didi-Huberman,André Green, Oskar Bätschmann,André Berne-Joffroy,Jean Seznec,Pierre Schneider ouDaniel Arasse.
Il fut, chez le même éditeur, le maître d'œuvre duDictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique qui fit appel aux plus éminents spécialistes français (Ve section de l'École pratique des hautes études,Collège de France, etc.) et étrangers.
Depuis les premiers volumes réalisés en collaboration avec des artistes et édités parMaeght — Pierre écrite avecRaoul Ubac en 1958 etAnti-Platon avecJoan Miró en 1962 —, Yves Bonnefoy a régulièrement publié des livres de cette nature, dans lesquels un dialogue s'engage entre les mots du poème et l'œuvre graphique qui l'accompagne, avec notammentPierre Alechinsky,Nasser Assar,Eduardo Chillida,Claude Garache, Jacques Hartmann,Alexandre Hollan, George Nama,Farhad Ostovani,Antoni Tàpies,Gérard Titus-Carmel,Bram van Velde,Zao Wou-Ki.
En 2007, le compositeurThierry Machuel a utilisé une partie des textes du recueilLes Planches courbes pour sonoratorio intituléL'Encore Aveugle, créé avec un chœur de lycéens musiciens issus de plusieurs lycées de la région Champagne-Ardenne.
Le compositeurMirco De Stefani lui a dédié la trilogieConcert pour Douve pour piano (2001),Canzoni de La grande neige (2007) etCanzoni de L'été de nuit (2008) pour soprano et piano, dont Bonnefoy donne sa propre lecture poétique dans l’enregistrement[10].
Yves Bonnefoy épouse Éliane Catoni (1921-1994), rencontrée en 1943 à Paris, en 1947 et s'en sépare en 1961. En secondes noces, il épouse l'Américaine Lucy — ou Lucille — Vines en 1968[2], de qui il a une fille,Mathilde, née en 1972.
En octobre 2025, la ville de Paris lui rend hommage en nommantplace Yves-Bonnefoy l'emprise du6e arrondissement de la ville située entre les rues deCondé etCrébillon.
L'œuvre d'Yves Bonnefoy est traduite dans plus de trente-deux langues, en particulier en anglais, en allemand et en italien ; dans cette dernière langue, toute l'œuvre poétique d'Yves Bonnefoy est rassemblée en un volume[14] de la collection « I Meridiani » ; il est le premier auteur français à y entrer de son vivant.
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Il existe un fonds Yves Bonnefoy à labibliothèque municipale de Tours, qui s'enrichit régulièrement de ses livres et des travaux critiques sur son œuvre. Le service des Archives du Collège de France conserve également des documents et les enregistrements de ses cours au Collège de France.
Daniel Lançon, professeur à l'université de Grenoble, et auteur deL’Inscription et la réception critique de l’œuvre d’Yves Bonnefoy (thèse de doctorat dactylographiée, université Paris-VII, 1996, 4 vol.), poursuit la recension exhaustive de ses publications.