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| Young Perez | |
Portrait de Young Perez. | |
| Fiche d’identité | |
|---|---|
| Nom de naissance | Messaoud Hai Victor Perez |
| Surnom | Young Perez |
| Nationalité | |
| Naissance | Tunis,protectorat français de Tunisie |
| Décès | Gleiwitz,Troisième Reich |
| Style | Boxe anglaise |
| Taille | 1,55 m (5′ 1″) |
| Catégorie | Poids mouches puiscoqs |
| Palmarès | |
| Professionnel | |
| Combats | 136 |
| Victoires | 91[1] |
| Victoires par KO | 27 |
| Défaites | 29[2] |
| Matchs nuls | 15 |
| Titres professionnels | Champion du monde poids mouches (1931-1932) |
| Titres amateurs | Champion de France poids mouches (1931-1932) |
| Distinction | Nichan Iftikhar |
| Dernière mise à jour : | |
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Young Perez, de son vrai nomMessaoud Hai Victor Perez, né le àTunis (protectorat français de Tunisie) et mort le àGliwice (Pologne), est unboxeurtunisien. En 2022, il détient toujours le titre de plus jeune champion du monde dans sa catégorie.
Issu d'une famille modeste de lacommunauté juive tunisienne, il se passionne assez tôt pour la boxe, un sport alors très populaire dans son pays, et se lance sous la protection de son entraîneur Joe Guez. S'illustrant vite sur la scène locale, il part pourParis où, devenu champion de France des poids mouches en battantValentin Angelmann, il finit par affronterFrankie Genaro pour le titre dechampion du monde de cette même catégorie. Sacré le, à l'âge de vingt ans, il est accueilli en héros à son retour à Tunis. Il entame durant cette période une relation amoureuse avec l'actrice françaiseMireille Balin, qui finit toutefois par décliner sa demande en mariage.
Après avoir cédé son titre de champion du monde le au profit deJackie Brown, il entame une période plus difficile, marquée notamment par sa prise de poids et sa défaite contrePanama Al Brown. Il accepte pourtant de combattre àBerlin, au lendemain de laNuit de Cristal (1938), dans un climat politique marqué par unantisémitisme déclaré. Faisant le choix de ne pas rentrer en Tunisie, malgré ladéclaration de guerre de, il est arrêté le et déporté de lagare de Bobigny vers le camp d'Auschwitz. Survivant, il est abattu au cours desmarches de la mort qui suivent l'évacuation partielle du camp.
Issu d'une famille juive tunisienne, Messaoud Hai Victor Perez naît place des Potiers àEl Kallaline[3], dans le quartier juif deTunis, laHara, le. D'autres sources donnent la date du[3], ou encore du[4]. Issu d'une fratrie de six enfants, il vit à Dar El Berdgana, qui signifie la « maison de la bergamote », sur la rue Ettoumi, une très célèbre résidence où vivent quatre familles juives, devenue modeste en raison de son mauvais entretien[5].
Bien que sa famille ne soit pas de nationalitéfrançaise[6], son père, Khaïlou, a francisé son nom en René, ce qui est à la mode à l'époque duprotectorat français de Tunisie[7]. Il tient une petite boutique de bibelots, située rue d'Espagne, dans lesouk El Grana, près du marché central dans lamédina[3],[8].

Lors dupogrom organisé à l'encontre de la communauté juive tunisienne par des civils français et arabes, survenu au lendemain de laPremière Guerre mondiale, il est caché sous son lit, avec son frère aîné Benjamin, par sa mère Khmaïssa[9]. Dès, Perez affirme vouloir devenir boxeur[7] : c'est pourquoi, dès l'âge de treize ans, il commence à ne plus fréquenter les cours que dispense l'Alliance israélite universelle[10].
Il est impressionné par les boxeursGeorges Carpentier,Jack Dempsey etEugène Criqui[10], mais surtout parBattling Siki qu'il découvre dansLe Miroir des sports et auquel il s'identifie par moments[11]. Victor rend souvent visite au cordonnier du quartier, Léon Benamou, surnommé Monsieur Léon, un Juif français originaire de Bône (actuelleAnnaba en Algérie), décoré de laCroix de guerre 1914-1918 et dont la boutique se situait rue Sidi Mardoum[12]. Il y va surtout le mardi soir, après avoir lu les journaux, pour commenter avec lui les actualités sportives[13].
Un soir, il y rencontre l'avocat Fernand Mossé, surnommé « Moustache d'or » en raison de samoustache blonde[14]. Ce dernier, avec son père également avocat à Tunis, préside le cerclepugilistique tunisien et de nombreuses organisations et clubs de sport[13]. Quelques jours plus tard, à quatorze ans, il intègre avec ses amis Abraham Smadja, Albert Zuili, les frères Édouard et Edmond Zerbib[15] et son frère aîné, leclub omnisports du Maccabi de Tunis, situé rue Haouarioun ; le club forme à l'époque de nombreux champions dont, entre autres, les footballeurs de l'Union sportive tunisienne (UST) et quelquesnageurs. Il y est entraîné par le directeur de la salle, Kiki Boccara, qui rêve de former des futurs champions, et son assistant Joe Guez, de son vrai prénom Joseph[16].

Le premier match auquel il peut assister oppose le Tunisien Ben Tahar à un boxeur algérien et voit le Tunisien s'imposer. Une fois les places achetées par maître Mossé, il se fait accompagner par ses amis et sa voisine Poupette,Italienne par son père et Juive tunisienne par sa mère[17]. Victor et ses amis commencent alors à assister à de nombreux combats grâce aux apports financiers de Mossé[18]. Un jour, chacun des membres du groupe choisit le surnom qu'il portera en tant que boxeur. Le frère de Victor, Benjamin, choisit« Kid Perez ». Victor Perez et Édouard Zerbib ont tous les deux envie de s'appeler« Young »[15]. Joe Guez leur propose alors de départager leur prénom sur lering, lui-même étant leur arbitre et juge unique. Ils acceptent et Victor remporte finalement le combat, commençant dès lors à s'appeler« Young Perez »[19]. Plus tard, Joe Guez se sépare de Kiki Boccara et ouvre sa propre salle sur l'avenue de Londres. Il est suivi par tout le groupe, dont Victor, auquel il s'est d'ailleurs beaucoup attaché. Selon lui, le jeune homme peut aller loin dans la catégorie des poids mouches. Aussi Victor commence à bien se débrouiller et peut livrer quelques combats : il réalise son premier combat officiel lors d'une soirée pugilistique au Palmarium contre un Tunisien à peine plus âgé que lui[20]. Il demande que sonshort noir soit orné de l'étoile de David.
Après un début de match hésitant, Victor impose son jeu de jambes et remporte le combat aux points[21] ; sa victoire lui rapporte soixantefrancs tunisiens[22]. Le lendemain, Victor est cité dans lequotidien localLe Petit Matin ; lereporter y écrit que Young Perez est promis à un grand avenir[23]. Âgé d'à peine seize ans, il se produit régulièrement contre d'autres jeunes amateurs et perçoit quelques petits cachets[24]. Son nom apparaît régulièrement dans la rubrique sportive du quotidienLe Petit Matin : « L'espoir tunisien Young Perez a battu aux points le jeuneSfaxien Kid Moktar ». Il remporte aussi un combat contre un Italien du même âge que lui àBizerte et effectue d'autres combats àSousse,Sfax etSouk El Arba[25]. Kid Perez part alors pourParis et commence à gagner sa vie commesparring-partner, envoyant des lettres pour inciter Young à le rejoindre : « Ici il y a plein de jolies femmes. On peut s'entraîner avec les meilleurs managers, rencontrer des gens connus, des sportifs et des artistes en se promenant le soir àMontparnasse ou àMontmartre »[26]. Young effectue son dernier combat avant de partir pour Paris contre le champion tunisien et d'Afrique du Nord, Salah El Bahri, ditYoung Salah, combat qui se solde par un nul[27].
Comme beaucoup de boxeursnord-africains vers la fin desannées 1920 ou dans lesannées 1930, Young part pour la France[28]. Il s'y rend en 1927[29] ou 1928 dans le plus parfait anonymat, avec ses amis Joseph Bellaïche, dit Jojo, et Julot Baranès, falsifiant la signature de l'autorisation parentale. Il parvient à obtenir un billet de quatrième classe sur leGouverneur général de Gueydon qui les emmène àMarseille[30] ; ils prennent ensuite le train pour Paris en troisième classe[31]. À Paris, il travaille comme vendeur de chaussures tout en s'entraînant à l'Alhambra, une salle situéerue Oberkampf[32] ; il y rencontre un agent coté de Paris, Léon Bellières, qui le remarque et devient sonentraîneur[33].
À l'âge de 17 ans, il signe son premier contrat et livre son premier match professionnel auCentral sporting club,rue du Faubourg-Saint-Denis, le, contre un jeuneItalien qu'il bat facilement aux points[34]. André Nahum considère ce match comme le « combat le plus important de sa courte carrière »[35]. Plus tard, Young Perez loge dans une pension de famille,boulevard Saint-Michel, près dujardin du Luxembourg, tout en continuant à suivre rigoureusement la discipline que lui impose Léon Bellières[36]. Le, il assiste au combat qui opposeFrankie Genaro àÉmile Pladner et qui voit ce dernier devenirchampion du monde poids mouches[37] après une victoire parKO. Le de la même année, il crée la« surprise » en battant l'espoir René Challenge ; à l'issue de ce match, le chroniqueur deMatch l'intran le qualifie de boxeur« à suivre »[38].

Au début de l'année 1930, alors que le titre de champion de France poids mouches est vacant, laFédération française de boxe décide de l'attribuer au vainqueur d'un combat qui oppose les meilleurs de la catégorie[39]. Il perd au quatrièmeround par KO sa rencontre disputée àLimoges le[40] contre le Marseillais Kid Oliva[39]. Néanmoins, le lendemain, la presse spécialisée rapporte les qualités de Perez ; ainsi, le chroniqueur duMiroir des sports écrit : « Je pense que Perez malgré cette défaite fournira une meilleure carrière que son heureux vis-à-vis »[41], ou qualifie Young de « pugiliste-né »[42]. Toujours est-il que Young veut rentrer en Tunisie pour se ressourcer[43]. Accompagné de Julot Baranès, ils prennent deux billets en deuxième classe sur leDuc d'Aumale, pour arriver le jour de la fête deLag Ba'omer. Deux semaines plus tard, il revient à Paris, réconforté par ses proches et Poupette[44].
Cependant, l'année 1931 commence plutôt mal pour Young après sa défaite contre Joé Mondolo qui réussit à le mettre KO dès le premier round[45]. Mais il parvient à prendre sa revanche un mois plus tard et commence alors une nouvelle série de victoires. Le, il affronteValentin Angelmann pour le titre de champion de France : le match, qui a lieu à lasalle Wagram, dure quinze rounds. Joe Guez et Fernand Mossé ne peuvent pas assister au match mais lui envoient un télégramme d'encouragement[45]. Young Perez, parti favori, remporte le match aux points et devient le nouveau champion de France des poids mouches. Cette victoire suscite l'enthousiasme du milieu sportif ;Le Miroir des sports écrit : « Le merveilleux Perez domine Angelman et enlève le titre français des mouches. Battra-t-il le mois prochain Genaro et deviendra-t-il champion du monde ? »[42]. Quelques jours plus tard, maître Mossé envoie à Young des articles deLa Dépêche tunisienne et duPetit Matin qui publient des textes élogieux sur lui[46]. Peu après, il bat leBelgeNicolas Petit-Biquet, devenant champion d'Europe de sa catégorie, même si « cette victoire, on ne sait pourquoi, ne fut jamais homologuée »[47].

À la suite d'une demande de son manager Bellières, l'AméricainFrankie Genaro, tenant du titre de champion du monde poids mouches, se dit favorable à une rencontre le[40],[48] (ou le[29]) auPalais des sports de Paris[49]. Certaines sources affirment que cette rencontre s'est déroulée àNew York[27],[50]. Les panneaux d'affichage, lescolonnes Morris et les journaux relaient l'information : « Grande rencontre de boxe entre l'Américain Frankie Genaro, champion du monde des mouches, et le Français Young Perez pour le titre »[51]. Favori du public et des commentateurs, Young se promet que, s'il « remporte le titre,[son] premier voyage sera un pèlerinage à laGhriba deDjerba ». Young demande même à Bellières, s'il peut « faire mieux que de l'avoir aux points » et Bellières de tempérer : « Doucement petit ! Tu veux le KO ? Tu es trop gourmand ! Gagne aux points, ça sera suffisant ! »[52].
Devant 16 000 spectateurs, il est sacré champion du monde par KO, au terme du deuxième round, après cinq minutes de combat[33], même si le tout début du match est difficile à gérer pour lui à cause de son manque d'expérience[53]. Il s'agit de la deuxième défaite par KO de Genaro, la première étant celle d'Émile Pladner en 1929[40]. Genaro refuse dans un premier temps sa défaite en protestant que son mauvaisfrançais lui avait fait comprendre « sept » alors que l'arbitre avait dit « huit ». Mais l'engouement de la salle est en faveur de Perez et tous ses amis sont là en compagnie de Léon Benamou, Joe Guez, Fernand Mossé et son frère Kid[54]. Dans le même temps,La Dépêche tunisienne etLe Petit Matin affichent les résultats du match en direct sur un tableau accroché à l'extérieur de leur siège[55]. À l'annonce de la victoire, toute la ville de Tunis laisse éclater sa joie ;Le Petit Matin publie même une édition spéciale sur Young Perez[56]. Les journaux françaisL'Auto,Le Petit Parisien etMatch parlent de cette victoire alors que de son côtéLe Miroir des sports écrit : « Boxant à une vitesse vertigineuse, le petit Tunisien Young Perez abat en cinq minutes le vétéran américain Frankie Genaro et devient ainsi à vingt ans et demi l'incontestable champion du monde des poids mouches »[57].

Quelques jours après le match, lors d'une grande réception organisée parLe Miroir des sports dans unpalace de Paris en l'honneur de Perez (devenu la coqueluche duTout-Paris), il rencontre l'actriceLilian Harvey, qu'il a vue dansLe Chemin du paradis[58]. Mais il se prend surtout d'affection pour la jeunemannequin vedette,Mireille Balin[33]. Il continue tout de même à jouer et, quinze jours après son sacre, retrouve àManchesterJohnny King ; il bat ensuite René Challenge une première fois à Paris et une deuxième fois àCasablanca[59].
Adulé et toujours entouré de jolies filles, il dépense sans compter : il sort ses parents de la Hara et les installe dans un palace de la rue Canrobert dans la ville européenne, il s'offre le derniercabriolet dePeugeot, couvre ses amis de cadeaux et de bijoux, aide les nécessiteux et fait aménager des douches dans son ancienne école de l'Alliance israélite universelle[33],[60],[61], la salle étant même appeléehammam Young-Perez[62]. Revenu à Tunis à bord duGouverneur général de Gueydon en cabine première classe, il est accompagné par Baranès et Bellières[63]. Une banderole proclame : « Gloire à notre champion du monde Young Perez » ; des dizaines de milliers de personnes, de toutes origines, l'attendent au port et scandent son nom[64]. Les parents Perez, accompagnés des petites sœurs de Perez (Betty et Marguerite), de Fernand Mossé et de Poupette, forment le comité d'accueil qui lui souhaite la bienvenue au port deLa Goulette[64].
Après avoir été embrassé par des centaines de personnes enthousiastes, il est conduit à la tribune officielle où sont présents les représentants des pouvoirs publics français et tunisiens, le président de la communauté israélite, tous les sportifs du Maccabi et les footballeurs de l'UST[65]. Plus de 100 000 personnes l'acclament tout le long de l'avenue Jules-Ferry. Reçu par lebey de Tunis, Perez est décoré duNichan Iftikhar, la plus haute décoration de Tunisie alors sousprotectorat français[33]. Le bey lui déclare que sa « victoire est un grand honneur pour la Tunisie. Juifs et musulmans, nous sommes tous les fils de la même terre et nous sommes fiers de toi »[66]. Honorant sa promesse, il effectue son pèlerinage à lasynagogue de la Ghriba en compagnie de ses parents et de ses quatre cadets[67]. Il participe aux soirées qu'organise en son honneur la communauté israélite ; il est aussi invité à larésidence générale de France[66] ainsi qu'au Tunisia Palace, l'hôtel le plus chic de la ville, où l'Organisation internationale des femmes sionistes, et d'autres associations, organisent un dîner de gala, toujours en son honneur[61], ou encore dans les jardins Bessis de l'Ariana où il préside une soirée au profit d'une œuvre d'assistance aux enfants[68]. Bellières dit alors que Young paie « la rançon de la gloire »[69]. Il lui fait faire une petite tournée de combats-exhibitions à Casablanca (Maroc) — où il remporte un combat contre leBelge René Challenge[40] —,Alger etConstantine (Algérie), « plus pour s'amuser que pour combattre vraiment »[70].
D'Alger, il reprend le bateau pour la France et, à son arrivée à Paris, Young recommence à fréquenter Mireille Balin dans les meilleurs restaurants, les casinos et les cabarets[70]. De ce fait, le retour à la compétition s'avère difficile en raison d'un entraînement moins rigoureux et moins régulier, mais aussi de sa prise de poids[70]. Il dispute, comme beaucoup de champions de l'époque, quelques combats, sans enjeu mais très lucratifs pour lui et son entourage. Il perd l'un de ces combats le à Paris contreÉmile Pladner, qui le bat très facilement aux points[71],[40]. Le, il est défait par l'Écossais Mickey McGuire àNewcastle (Angleterre), qui lui inflige un KO « particulièrement humiliant »[71], lors d'un combat de 33 secondes arbitré par Joe Tolley[40]. Mais, après que la presse critique son mode de vie —Le Miroir des sports le surnomme « l'enfant des souks »[71] —, Young Perez se reprend vite. Il réussit de belles victoires, notamment celle contre leBritannique Percy Dexter, gagné en sept rounds àVienne (Autriche) le[71],[40] ou contre l'Écossais Sandy McEwan, qui n'est pas« sensationnelle », mais où il a pu« faire montre de brio »[72].
Mais, bientôt, une discussion avec Mireille Balin tourne en dispute et Young repart pour Tunis avec Joseph Bellaïche sur unhydravionCAMS. Au bout de deux jours, cependant, ne pouvant rester séparé de Mireille, il revient à Paris, mais ne la trouve pas chez elle[73]. Le, au casino Bellevue àManchester, dans une salle comble où sont notamment présents Mireille Balin, Julot Baranès, Bellaïche et Kid[74], il cède son titre de champion du monde à l'AnglaisJackie Brown[33], qui lui inflige unKO technique[75], même si pendant les cinq premiers rounds, Young domine son adversaire grâce à sa vitesse et sa mobilité[76]. Pour ce match, il a dû suivre un régime draconien pour pouvoir combattre dans la catégorie des poids mouches : il perd plus de deux kilos en huit jours[74].
En raison de sa prise de poids, Young Perez choisit plus tard de passer dans la catégorie supérieure despoids coqs, plutôt que suivre un régime strict[77]. Il est relancé par plusieurs victoires, notamment contre l'ItalienCarlo Cavagnoli en à Paris ; celle-ci est appréciée de la presse qui y voit une amélioration du jeu de Young, plus sobre, précis et dur[78]. Mais, pour véritablement s'imposer dans sa nouvelle catégorie, il lui faut battreÉmile Pladner[78]. Une première tentative de rencontre à Paris en échoue[78] et le combat a finalement lieu au cinéma Palmarium de Tunis, le[40], lors du premier match de Perez disputé dans sa ville natale[33]. Young remporte le combat lors de cette rencontre qui se déroule à guichet fermé et pour laquelle les billets se sont vendus au marché noir deux à trois fois leur prix initial[78]. Il se fait pour l'occasion accompagner de Joseph, Kid, Julot et Mireille, ce qui lui permet de présenter cette dernière à ses parents, mais aussi de lui faire découvrir Tunis, sous les yeux de Poupette, toujours amoureuse de lui[79]. Le, Maurice Leroydans écrit dans l'hebdomadaireBoxe que Young Perez n'est pas Français, ce qui surprend le public ainsi que le président de la Fédération française de boxe[27].
Pendant son séjour à Tunis, l'ItalienPrimo Carnera, au gabarit hors norme, fait une tournée enAfrique du Nord et Young accepte de le rencontrer dans un combat sans enjeu au casino deLa Goulette[80]. Young se fait aussi accompagner de Mireille et de ses amis pour assister à un match de football, au stade Mossé, entre l'équipe arabe de l'Espérance sportive de Tunis et l'équipe juive de l'UST, dont le joueur vedette est l'attaquant Chouchou Lekhal, l'un de ses amis ;Henri Smadja, président de l'UST, annonce d'ailleurs la présence de Perez dans le stade afin que tout le public l'acclame[81]. La rencontre se solde par un match nul[81].
De retour à Paris, Mireille Balin refuse une demande en mariage de Young, qui remarque qu'elle n'a pas véritablement apprécié Tunis[82]. Le, auPalais de la Mutualité, l'ItalienVittorio Tamagnini bat, aux points et« sans douleur », Young qui, selon Robert Bré,« fut réduit à peu près pendant tout le match au rôle de plastron »[83].
Dans un climat politique de plus en plus dégradé par laxénophobie et l'antisémitisme, Young Perez rencontre le FrançaisEugène Huat à Paris, salle Wagram, le. Les deux boxeurs se détestent, parce que Huat a tenu publiquement des propos désobligeants à l'égard de Young[84]. Les 3 000 spectateurs venus assister au combat voient Young l'emporter aux points au bout de douze rounds très violents, même si l'un des trois juges penche pour un match nul[85]. Young apprend plus tard avec émotion lesémeutes du 6 février 1934, mais pense qu'il doit rester concentré sur la compétition. Il doit en effet rencontrerPanama Al Brown, le meilleur boxeur du moment[86] mais qui était couvert de dettes[87]. Pour gagner, Young engage commesparring-partner leGuinéen Henri Abraham Sayer dit Soya, mais Brown le défait aux points en quinze rounds, au Palais des sports de Paris le[33],[88],[40]. Le1er novembre, devant des milliers de spectateurs, une nouvelle rencontre entre les deux boxeurs a lieu à Tunis[40] en même temps que des manifestations contre leTroisième Reich[89]. Quelques jours avant son combat contre Brown, Young part àTestour avec Kid et Joseph afin de se recueillir sur la tombe durabbin Fraji Chaouat[90]. Finalement, Brown remporte également le combat par KO après avoir mené largement aux points pendant les dix premiers rounds[91].
Déçu par cette défaite, Young décide d'arrêter la boxe et se lance dans les affaires avec le peu d'argent qu'il a mis de côté. Mais, à cause de son manque d'expérience, ses placements dans un restaurant de Tunis et dans un café de La Goulette ne fructifient pas[92]. En outre, alors que ses travaux ne sont pas encore terminés, un hôtel de Tunis, que Young a acheté à crédit, fait faillite : l'immeuble et sa voiture personnelle sont saisis par un huissier[93]. Finalement, après ces échecs, il se remet à l'entraînement. Mais il échoue aux points contre l'EspagnolBaltasar Sangchili, aux arènes d'Eckmühl àOran le[94] et contreJoseph Decico, le auPalais des sports de Paris.
Le, il gagne aux points l'ItalienCarlo Cavagnoli, qui a été champion d'Italie, lors d'un« joli combat »[95]. Young Perez perd ensuite aux points contre Eugène Huat le à Paris[40]. Et, alors qu'il devient un boxeur de seconde zone, Mireille Balin devient de son côté une actrice célèbre pour son rôle-titre dansPépé le Moko avecJean Gabin[33],[93]. Bientôt, elle décide de le quitter en arguant de son désir de liberté et de leurs différences d'origine[33], alors qu'elle fréquenteTino Rossi[96].
Young Perez poursuit sa carrière en décrochant des petits contrats jusqu'en[97]. Durant cette période, il ne se rend que très peu à Tunis et Poupette finit par se marier à un Juif italien[98]. Le, il assiste au Palais des sports à la rencontre entre Valentin Angelmann et Al Brown, que ce dernier remporte par KO et auquel Young rend visite dans les vestiaires[99]. Le, Young combat l'AutrichienErnst Weiss à laDeutschlandhalle deBerlin[40], où il séjourne durant laNuit de Cristal dans un hôtel près de l'Alexanderplatz[33],[100]. Cette rencontre se déroule très mal pour Young vaincu aux points[40] ; le public allemand le hait, sans vraiment savoir qu'il est juif, et lui crache dessus, l'insultant et lui lançant toutes sortes de projectiles, tout en proférant des slogans antisémites[101]. Yossi Katz indique, lui, qu'il portait lors de cette rencontre l'étoile de David sur son torse[48]. Dès la fin du match, il prend le premier avion pour Paris[102].
Avec l'invasion de la Pologne et la « drôle de guerre », Young Perez se rend àMarseille, chez Chouchou Lekhal, et envisage son retour à Tunis. Il envoie un télégramme à sa famille pour lui demander l'argent nécessaire. Kid le lui envoie avec ces mots : « Tout le monde t'attend avec impatience. J'espère que tu vas te décider très vite »[103]. Mais Young finit par renoncer malgré les conseils de Julot Baranès qui retourne pour sa part à Tunis[104]. Enmai 1940, Young rejoint Joseph à Paris[105]. Il semble qu'il ait voulu retourner à Tunis à la seule condition de redevenir champion du monde[48], mais surtout, Young ne veut pas y retourner en tant que vaincu[98] et sans le sou[104]. Avec l'invasion allemande, il regrette sa décision et décide de partir avec Joseph mais, en raison des embouteillages, il leur faut une journée pour parcourir quelques kilomètres et parvenir àÉtampes[106]. Le lendemain, ils parviennent jusqu'àOrléans, effectuant la fin du trajet à pied, leurPeugeot 202 étant tombée en panne[107]. Ils y restent quelques jours et y rencontrent Aaron Cuckzinski, un Juifpolonais ayant combattu aux côtés de Léon Bénamou[107]. Avec la signature de l'armistice du 22 juin 1940, accueillie comme une bonne nouvelle, Young et Joseph regagnent Paris dans un train de marchandises[108].

Après l'avènement durégime de Vichy, une loi oblige lesJuifs à se faire recenser mais Young refuse de se présenter au commissariat de police[109] et ne respecte pas non plus les lois d'interdiction des cafés et restaurants aux juifs, se faisant passer pour unEspagnol[110]. Il assiste même le avec Joseph au match opposantMarcel Cerdan àGustave Humery au Palais des sports, où le premier assène au bout de 22 secondes un KO au second, qui tombe dans lecoma pendant 36 heures, et, en conséquence, arrête la boxe pour devenir porteur à lagare de Lyon[111]. Alors qu'il commence à envisager de quitter le pays, voyant les rafles de Juifs s'accumuler, il est dénoncé, arrêté par lamilice française le et interné àDrancy, où il est surnommé « Champion »[33],[112]. À ce titre, il se doit d'effectuer quelques démonstrations de boxe pour les détenus et les gardiens[113]. Mais, dix jours plus tard, il est informé qu'il va partir. Le, à bord d'unautobus mis à disposition desSS, il va à lagare de Bobigny, dans le convoino 60 qui transporte 1 000 déportés[114],[115].
De là, il est déporté àAuschwitz le lors d'un voyage de quatre jours dans un train sans eau ni nourriture[33],[116].
Aucamp de Monowitz, le commandant,Heinrich Schwarz, est un passionné de boxe, Young étant son favori parmi les boxeurs du camp[117] ; il est donc affecté aux cuisines de laBuna, usine decaoutchouc synthétique pourIG Farben. Il côtoiePrimo Levi etAlfred Nakache, un champion français denatation, d'autres boxeurs tels queSalamo Arouch etJacko Razon (de), deux anciens championsgrecs,Noah Klieger[117] ou encore le Français Gabriel Buriah, dit Bibi[118]. Selon des témoignages, les boxeurs sont forcés de jouer deux fois par semaine des matchs, au cours desquels les officiers nazis effectuent des paris[119]. Mais ils ont aussi droit à un traitement de faveur : une journée de repos par semaine pour pouvoir s'entraîner et un bol de soupe supplémentaire chaque soir[117]. Le gagnant de chaque match a droit à une ration de viande et de soupe tandis que le perdant est exécuté[119]. Perez gagne son premier match par KO contre unAllemand prénommé Iorry, plus grand et plus lourd que lui, et aurait par la suite gagné 140 combats toujours par KO[119]. Le commandant du camp organise même en 1944, devant les déportés réunis sur l'esplanade de la Buna, un combat arbitré par un SS entre Perez et un garde militaire du camp, boxeur poids lourd allemand, qui se termine par un match nul après douze rounds indécis, alors que le garde allemand est plus grand et plus lourd que lui[33],[120].
Son travail à la cuisine lui permet de se nourrir un peu mieux que les autres déportés mais il n'oublie pas ses compagnons d'infortune, dont entre autres Aaron Cuckzinski. Cependant, unkapo le surprend un jour avec une gamelle de soupe contenant de la viande et des pommes de terre. Young est bastonné puis emprisonné pendant quinze jours, dans un cachot sans air ni lumière infesté de rats, avec un quart de ration de pain et un seau d'eau. À sa sortie, Young perd son occupation aux cuisines et se retrouve dans un commando affecté à de durs travaux deterrassement[121].
Le, il est l'un des 31 survivants des 1 000 déportés du convoino 60[114]. Il participe à l'une desmarches de la mort qui suivent l'évacuation du camp. Le, il est abattu d'une rafale demitraillette par un boxeur SS qui l'avait affronté dans le camp ; selon les versions, il est affaibli par les conditions difficiles et ne peut plus suivre le rythme, il tente désespérément de s'enfuir ou, pour Noah Klieger, il était parti chercher du pain pour le reste du groupe[33],[122],[123],[124]. D'autres sources affirment qu'il est en réalité décédé en février, lorsqu'il est surpris en train d'aider un co-détenu[125],[119], ou en.
Dès la fin de laSeconde Guerre mondiale, des obsèques symboliques sont organisées à Tunis, en présence de ses proches et de sessupporters[126]. Dans lesannées 1960, sa sœur Marguerite, qui tenait à Paris un commerce debonneterie et qui voulait en savoir plus sur son frère, essaya d'entrer en contact avecMireille Balin, mais cette dernière refusera toujours, déclarant ne pas souhaiter réveiller le passé[127].


Le nom de Young Perez figure sur lemonument aux morts endéportation ducimetière du Borgel àTunis. Par ailleurs, le stade du club de football de l'Espérance sportive de Tunis porte son nom pendant quelques années avant d'être reconstruit en 1967 et de devenir l'actuelstade olympique d'El Menzah. En 1986, il est consacré par leInternational Jewish Sports Hall of Fame[128]. Le, à l'Institut national du sport et de l'éducation physique, situé sur l'avenue du Tremblay dans le12e arrondissement de Paris, uneplaque commémorative est apposée dans la salle de boxe, baptisée dès lors« salle Young-Perez » :« À la mémoire de Young (Victor) Perez, grand sportif français, champion du monde poids mouches de boxe en 1931. À l'âge de vingt ans, victime des lois raciales du gouvernement de Vichy, Juif déporté le 7 octobre 1943 à Auschwitz, assassiné par les nazis le 22 janvier 1945 ».
En 1999,Carton jaune !, unebande dessinée avec un texte deDidier Daeninckx et des dessins de l'IsraélienAsaf Hanuka, est publiée[129]. Elle est en fait une transposition dans le monde dufootball du destin de Perez à travers le personnage fictif de Jacques Benzara[130]. Une postface deMarie-George Buffet, alorsministre française de la Jeunesse et des Sports, adresse un hommage aux sportifs qui ont été victimes de mesures discriminatoires. En février2000,Carton jaune, quatrième des quatorze nouvelles de Daeninckx, est publiée dans son ouvrageLe Dernier guérillero auxéditions Verdier ; elle reprend le personnage fictif de Benzara. En2005, Gilles Rapaport, auteur et dessinateur, fait paraître unlivre jeunesse,Champion !, aux éditions Circonflexe. En2012, la bande dessinéeÀ l'ombre de la gloire, récit deDenis Lapière illustré parAude Samama, est publiée aux éditionsFuturopolis et s'inspire de la vie de Young Perez et de Mireille Balin ; en2013 une autre bande dessinée,Young, est publiée aux mêmes éditions, avec un récit d'Aurélien Ducoudray illustré par Eddy Vaccaro[131].
En2013 sortVictor « Young » Perez, film dumetteur en scèneJacques Ouaniche où le rôle principal est tenu par le boxeurBrahim Asloum, accompagné d'Isabella Orsini dans le rôle deMireille Balin[132]. Dans le même temps, unlong métrage d'animation,Young Perez, à poings fermés, est en cours de développement, réalisé par Jean-Jacques Kahn et Franck Van Leeuwen et basé sur le principe decapture de mouvement.
En2015, Sophie Nahum réalise le documentaireYoung et moi avecTomer Sisley[133].
Un film portrait,Champions de France - Victor Young Perez, lui est consacré dans la sérieChampions de France dePascal Blanchard etRachid Bouchareb, et raconté parRoschdy Zem en2016[134].
Le, lamairie de Paris rebaptise le gymnase Bercy-Bastille de larue de Bercy dans le12e arrondissement de Paris à son nom[135].
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