Fixé au dixième jour dupremier mois de l’année juive civile, il est observé au temps desTemples de Jérusalem par un chômage complet, unjeûne et un rituel élaboré au cours duquel unbouc chargé des fautes d’Israël est envoyé dans le désert tandis que legrand-prêtre d’Israël pénètre pour la seule fois de l’année dans leSaint des saints afin de se présenter àDieu. Après la destruction des temples, seul le souvenir de ce rituel subsiste dans laliturgie ; laloi juive appuie en revanche sur le chômage et diverses privations outre lejeûne pour réaliser au mieux la « mortification des esprits » décrétée par laBible. Lesrabbins rapportent que Dieu signe en ce jour le destin dupeuple juif pour l’année à venir, et rappellent à la suite desprophètes que ce jourexpie seulement les fautes commises envers Dieu mais non enversautrui ; ils enseignent de surcroît qu’il est, en dépit de sa solennité et de son austérité, l’un des jours les plus attendus et joyeux ducalendrier juif.
Yom Kippour a lieu enseptembre ou enoctobre dans lecalendrier grégorien selon les années. Devenu au fil du temps le point culminant d’unepériode pénitentielle d'au moinsdix jours, il est marqué par un chômage et un jeûne complets, ainsi qu’une longueprière répartie en cinqoffices, et enrichie de nombreusescompositions liturgiques déclamées par unchantre souvent recruté pour l’occasion. Le jour se manifeste dans toute sa solennité, où il est observé par la majorité de la population juive à divers degrés, y compris parmi les non-pratiquants.
LorsqueMoïse reçoit sur lemont Sinaï lesTables de la Loi, un jour par an, « éminemment saint devant Dieu » est prévu pour la purification de l’autel de l’encens, situé derrière le voile dans leSaint des saints.Aaron doit recouvrir les cornes de cet autel avec le sang des offrandes expiatoires de propitiation (Exode 30:1-10). Cependant Moïse doit redescendre en hâte car son peuple a, en son absence, érigé unveau d’or (Exode 32:7-15).
Lors de l’inauguration duTabernacle, les deux fils aînés d’Aaron meurent, faute d’avoir respecté les instructions concernant l’encens (Lévitique 10:1-3).Après leur mort, Dieu prescrit un nouveaurituel de propitiation des fautes dans le sanctuaire, chargé de purifier non seulement le sanctuaire mais aussi le peuple. Il comporte, outre les offrandes, l’envoi dans le désert d’unbouc chargé de toutes les fautes d’Israël (Lévitique 16:1-28). Ce rituel est fixé au « dixième jour duseptième mois » et défini comme unshabbat shabbaton (« shabbat solennel »), jour annuel de chômage généralisé et demortification des âmes pour toutes les générations (Lévitique 16:29-34).
Ces prescriptions, à observer du soir du neuvième jour au soir du dixième jour du mois, sont rappelées plus loin ; il est ajouté que quiconque n’observerait pas le chômage ou la mortification, s’expose à êtreretranché du peuple (Lévitique 23:26-32).
C’est aussi à la fin de ce jour qu’il est prescrit de faire retentir dans tout le pays le son duchofar au terme de sept cycles de sept ans afin de marquer la cinquantième année dujubilé, où les habitants du pays recouvrent leur liberté et leurs biens (Lévitique 25:9-10).
Peut-être est-ce ce jour, avec ses pratiques et ses offrandes (Nombres 29:7-11), qu’évoqueIsaïe pour proclamer que Dieu demande avant tout des dispositionséthiques saines et traduites en actes (Isaïe 58:1-8). Leprophète ne mentionne cependant pasYom Kippour nommément et il n’apparaît plus dans la Bible de façon explicite.Ézéchiel indique bien recevoir des visions au commencement de l’année, le dix du mois (soit le dixième jour du septième mois selon l’exégèse rabbinique[1]) mais il ne mentionne ni le jeûne ni le rite (Ézéchiel 40:1) ; il prophétise d’autre part qu’après la reconstruction duTemple, deux jours seront consacrés à la purification dusanctuaire et à lapropitiation des fautes au moyen du sang d’untaureauexpiatoire mais ils ont lieu au premier et au septième jour du premier mois (Ézéchiel 45:18-20).Yom Kippour ne coïncide pas non plus avec les jeûnes deZacharie (Zacharie 7:1-5) ni avec celui d’Ezra etNéhémie (Néhémie 9:1), bien queRoch Hachana etSouccot qui ont respectivement lieu avant et aprèsYom Kippour soient mentionnés (Néhémie chap. 8 & 9).
Ce silence prophétique a conduit à des spéculations diverses : l’une d’elles, basée sur la version grecque d’Ézéchiel (qui ne lit pas le « septième jour du premier mois » mais le « premier jour du septième mois »[2]) et de l’apparente tendance de ce prophète à faire commencer le mois au dixième jour (Ezéchiel 40:1), déduit que cesversets d’Ézéchiel constitueraient la première trace du jour des propitiations et que les versets apparaissant comme antérieurs dans la Bible auraient été ultérieurement rédigés[3]. La tradition rabbinique laisse entendre quant à elle, fût-ce allusivement, que ce culte aurait bien eu lieu à l’époque de l’arche de l’alliance[4]. Tous s’accordent cependant pour reconnaître à ce jour une importance centrale à l’époque du second Temple[3].
« Moïse rassembla le peuple le lendemain de Yom Kippour »[5]. À Yom Kippour, Moïse avait obtenu le pardon des péchés des Juifs. Il l'a fait en priant pour que Dieu leur pardonne pour l'amour deSon Nom, qui inclut le nom d'Israel. Le lendemain de Yom Kippour est connu sous le nom de « Nom de Dieu ». Le pardon des péchés fait que le nom de Dieu soit glorifié et révélé[6]. C’est aussi pourquoi, le premier ordre que Moïse a donné aux Juifs après Yom Kippour était de construire leTabernacle, à condition qu’ils ne fassent aucun travail pour le Tabernacle leShabbat. Comme le Tabernacle, Shabbat révèle lapiété mais Shabbat est à un niveau supérieur au Tabernacle car « Shabbat » est le nom de Dieu lui-même[7]. Ainsi, l'observance du Shabbat prime sur la construction du Tabernacle. Moïse rassembla toute la communauté israélite : le bâtiment principal du Tabernacle est né de l'unité, lorsque leTzaddik réunit tout le monde[8].
« Le jeûne est le véhicule permettant d'assujettir ses désirs physiques à ses désirs spirituels pour Dieu »[9] : en jeûnant à Yom Kippour, le pénitent parvient à une révélation de sainteté - car ce jour-là seulement, leKohen Gadol pourrait entrer dans leSaint des Saints et à partir de là attirer la sainteté sur la nation juive[10].
Conformément à la tradition du Jour des Expiations (Yom Kippourim) dans Lévitique 16:22, et comme décrit dans leTalmud babylonien (Yoma 67b), unbouc émissaire est jeté du mont Azazel dans l'abîme,à Azael qui apparaît ici comme un démon cornu et griffu des montagnes. Illustration d'unMahzor édité en Allemagne, entre 1370 et 1400.
L’importance et la centralité deYom Kippour dans la vie juive à l’époque du Second Temple sont attestées par divers auteurs et ouvrages juifs de l’époque dontPhilon d’Alexandrie qui, décrivant le jour des propitiations à son publichellénisé, explique qu’il est suivi par tous, y compris « ceux qui ne font rien de religieux le reste du temps »[11].
LaMishna y consacre un traité entier, intituléYoma (« le jour »). Y sont décrits les préparatifs et le rite lui-même, tel qu’il avait cours avant ladestruction du second Temple, près de deux siècles avant la rédaction du traité[12]. Ce rite est, dans les grandes lignes, similaire à ce que prescrit la Bible mais le bouc émissaire est jeté d’unefalaise escarpée, plutôt que livré à son sort dans le désert[13] (Flavius Josèphe diverge sur ce point[14]). Les formules prononcées par leGrand-prêtre lors desconfessions[12] ne se trouvent pas non plus dans la Bible, de même que sa prière pour le peuple après avoir allumé l’encens[15] et sa lecture des passages de laTorah se rapportant au rituel (Lévitique 16 & 23:26-32, ainsi que Nombres 29:7-11, récité de mémoire)[16].
Les fondements de l’observance ont été précisés : le commandement de s’affliger le corps étant mentionné à cinq reprises dans la Torah (Lévitique 16:29, Lévitique 16:31, Lévitique 23:27, Lévitique 23:32, Nombres 29:7),les sagesen ont tiré cinq règles de mortification — abstention de nourriture et de boisson mais aussi de baignade, d’onction et de rapports sexuels[17]. De ces abstentions, seuls les deux premières sont explicitement mentionnées dans le corps du texte de sorte qu’elles seules sont passibles dekaret en cas d’enfreinte délibérée (il en va de même pourle travail). Les docteurs de la Mishna statuent aussi de ce qui est considéré comme une enfreinte, considérant par exemple que la prise de mets ou boissons impropres à la consommation n’en remplit pas les conditions. De plus, le « shabbat des shabbats » étant assimilable en tout point auchabbat à l’exception du châtiment pour les transgressions volontaires (lekaret divin pourYom Kippour, la mise à mort par untribunal rabbinique pour le chabbat)[18], les rabbins décrètent que lorsque la préservation d’une vie est en jeu, tous les statuts deYom Kippour sont annulés, ce qui en dispense les malades et les enfants (bien qu’il soit recommandé de les« éduquer » au jeûne avant d’avoir atteint l’âge de maturité)[19].
Les autres abstentions étant le fruit de déductions rabbiniques, elles sont soumises à leur discrétion ; toutefois, ceux-ci refusent l’opinion clémente deRabbi Eliezer, qui permet au roi de se laver la figure pour des raisons de prestige, et à la jeune mariée pour qu’elle ne déplaise pas à son mari[20].
En dépit de toutes ces manifestations d’affliction et de sa hautesolennité,Yom Kippour semble avoir été considéré comme un jour joyeux, à l’exception notable de la secte qui prenait pour base docrinale leLivre des Jubilés : selonson calendrier,Yom Kippour marquait le deuil pour lafaute des enfants de Jacob qui avaient vendu Joseph et menti à leur père[21] (ce calendrier entraînait par ailleurs ses adhérents à observerYom Kippour à une date différente du reste du monde juif[22]). Les docteurs de la Mishna enseignaient en revanche que le péché qui avait entraîné le besoin d’expiation, était celui duVeau d’or et queYom Kippour marquait le jour où Moïse était redescendu duSinaï avec les secondesTables de la Loi, qui entérinaient le pardon divin[23].Philon d'Alexandrie écrit que le jeûne, loin d’affliger l’homme, le libère descontingences matérielles et qu’en ce niveau despiritualité supérieur réside la joie du jour[11],Ben Sira décrit en termes majestueux leGrand-prêtre d’Israël accomplissant le rite du jour[24], etRabban Shimon ben Gamliel rapporte avec nostalgie les fastes de ce jour et du15 av, où les jeunes filles célibataires se rendaient dans les vignes, dansant en rondes en attendant d’être choisies par leur futur mari[25].
Revenant à l’ordre du jour, la tradition rabbinique enseigne que lachute du Temple et la cessation des offrandes qui en résulte, n’ont pas entraîné la fin deYom Kippour :Rabbi Akiva s’appuie sur Ezéchiel 36:25 etJérémie 17:13, pour affirmer que le pardon divin est, pour ainsi dire, automatiquement accordé en ce jour, et il est enseigné ailleurs que le jour peut assurer la propitiation des fautes par sa vertu propre[26]. Cependant, le message des prophètes a reçu un fort retentissement à travers laJudée : une réflexion approfondie des Sages sur les rôles respectifs du jour, desoffrandes et dubouc émissaire[27] parvient à la conclusion — partagée par les auteurs du Livre des Jubilés[28] et du Siracide[29] — qu’une participation humaine est requise pour lapropitiation des fautes, sous la forme d’un processus de « retour » à Dieu, lateshouva, qui constitue le but véritable des manifestations d’affliction[26],[30]. La Mishna enseigne de surcroît que ni lateshouva ni même le jour, ne sont pleinement efficaces face aux fautes particulièrement graves, comme ladésécration du nom divin. D’autre part,Rabbi Eléazar ben Azaria(en) tire de Lévitique 16:30 que le pardon divin n’a pas cours pour les fautes commises enversautrui si le fauteur n’a pas apaisé auparavant la ou les personnes lésées[30].
Si ce bandeau n'est plus pertinent, retirez-le. Cliquez ici pour en savoir plus.
Yom Kippour est le jour de la repentance, considéré comme étant le jour le plussaint et le plus solennel de l’année juive. Son thème central est lepardon et la réconciliation.
Lévitique 16:30 :« Car en ce jour on fera l’expiation pour vous, afin de vous purifier : vous serez purifiés de tous vos péchés devant l’Éternel ».
Lévitique 16:31 :« Ce sera pour vous unshabbat shabbaton, et vous affligerez vos âmes. C’est une loi perpétuelle ».
Du verset 16:31, les Sages ont déduit qu’il fallait respecter lesinterdictions duShabbat (par exemple, ne pas travailler, ni allumer de feu, ne pas écrire ni toucher l’électricité). Quant à l’affliction des âmes, elle est réalisée selon lamishnaYoma 8:1, par l’interdiction de nourriture, de baignade, d’utilisation decosmétiques, du port de la « sandale » (c’est-à-dire de semelles decuir) et de l’intimité conjugale.
L’abstention totale de nourriture et de boisson commence généralement une demi-heure avant lecoucher de soleil (ce qui s’appelle « tossefet (ajout)Yom Kippour »), afin de limiter le risque de manger pendant la fête par inadvertance. Elle termine après le coucher du soleil de la nuit suivante.
Bien que le jeûne soit obligatoire pour tout individu sain âgé de plus de 12 ans pour les femmes, 13 pour les hommes (bat oubar mitsva), y compris les femmes enceintes, il est spécifiquement interdit, en vertu dupikkouah nefesh, de jeûner pour toute personne qui pourrait s’en porter mal, particulièrement lesdiabétiques et les personnes devant prendre des médicaments. Les femmes qui viennent d’accoucher dans les trois derniers jours sont également exemptées.
L’observance de Yom Kippour varie légèrement selon les communautés. Les Juifsséfarades l’appellent « le jeûne blanc », et se revêtiront deblanc, afin de symboliser leur désir « blanc » (pureté) de se libérer des péchés lors de cette journée[31]. Leurliturgie comporte des musiques assez joyeuses, surtout par rapport à leurs frèresashkénazes qui, tout en reconnaissant la joie originelle de ce jour, auront une attitude plus solennelle, accentuant laremémoration des disparus et desmartyrs.
Yom Kippour est un jour si important qu’il est respecté par une vaste majorité de Juifs laïcs, quand bien même ils n’observent pas strictement les autres célébrations. Beaucoup assisteront à au moins un officesynagogal, ce qui en multiplie l’affluence, et a entraîné une habitude d’acheter sa place à lasynagogue en ce jour, de crainte de ne pouvoir en trouver. Plus encore jeûnent.
EnIsraël, la non-observance publique (comme manger ou conduire un véhicule motorisé) esttabou, au point que Yom Kippour y a reçu le surnom de « Fête des Bicyclettes »[32], vu le nombre d’enfants qui roulent librement dans les rues sans crainte des voitures. On dénombre toutefois beaucoup d’accidents de vélo (242 en 2010[33]). Les programmes télévisés sont suspendus, il n’y a ni transport public, ni transport aérien, ni commerce ouvert (dans les régions juives), comme la rue Dani'el Yanovski déserte ci-dessous, dans le quartier deTalpiot àJérusalem, en 2011.
Famille orthodoxe réunie autour de la table à la veille du Yom Kippour,Tel Aviv, 1960
Également appeléErev Yom Kippour, le jour précédant le Yom Kippour est une partie intégrante de cette fête. Plus qu'un jour destiné aux préparatifs, c'est un moment où chacun doit pardonner à son prochain,a fortiori manifester sonamour, sonamitié à tous, quels qu'ils soient. En bref, c'est une période qui, combinée avec le Yom Kippour, veut rectifier les habitudes de l'Homme[34].
Avant le début dujeûne de Kippour, il est de coutume de manger un grand repas festif appelé laseoudat hamafsèqet (littéralement, « repas de séparation » ou « repas de clôture »[31]) après la prière demin'ha précédant le jour de Kippour. On y consomme traditionnellement ducouscous chez lesSéfarades, deskreplach et duriz chez lesAshkénazes. Beaucoup ont également coutume de manger un autre repas riche enpoisson avant celui-là.
Leskapparot (hébreu :כפרות,kapores selon la prononciation ashkénaze) sont une cérémonie traditionnelle, consistant à faire tourner unpoulet vivant au-dessus de sa tête en récitant une formule traditionnelle :« Voici mon double, voici mon remplaçant, voici mon expiation. Puisse cette poule ou ce coq aller jusqu’à la mort pendant que je m’engagerai et continuerai une vie heureuse, longue et paisible »[35]. Autrefois populaire, elle fut abondamment critiquée vers lesXVe et XVIe siècles, comme substitut médiocre desoffrandes sacrificielles interdit au vu de l’absence deTemple fonctionnel, et n’est aujourd’hui pratiquée que par certaines franges des milieux religieux, principalementHassidim. D’autres préfèrent remettre la contre-valeur d’un poulet à une œuvre caritative.
Les hommes (et, chez lesRéformés, certaines femmes) se couvrent d’untallit (châle de prière) pour les prières du soir, Yom Kippour étant le seul office vespéral où cette pratique est réalisée[36] Beaucoup d’hommes mariés portent également unkittel, un vêtement blanc ressemblant quelque peu à un drap.
Lesoffices de prière commencent par celui de « Kol Nidre », spécifique à Yom Kippour, qui doit être récité avant le coucher du soleil, et se poursuit avec l’office du soir (ma'ariv ouarvith), qui comporte un service deSeli'hot (demandes de pardon) et deviddouï (« confession »)[37] particulièrement étendu.
Chaque Juif demande à Dieu de pardonner ses propres fautes et celles de la communauté, mais seulement celles commises à l’encontre de Dieu Lui-même. Les offenses commises à l’encontre du prochain (considérées comme plus graves que celles envers Dieu) doivent être individuellement réparées, de préférence avant Yom Kippour.
L’office du matin est précédé par deslitanies et desseli'hot ; à Yom Kippour, de nombreusesseli'hot sont entrelacées avec la liturgie habituelle. L’office deMoussaf[38] est, comme àRosh Hashana, particulièrement enrichi de prières etpiyyoutim (poème liturgique récité ou chanté).
Leshamash souffle dans leshofar à la fin de Yom Kippour à la synagogue Ohel Moed Sephardi à Tel Aviv, 1960
LaMin’ha de Kippour est suivie d’un office également spécifique à Yom Kippour, laNeʿila (« fermeture » -- des portes du ciel aux prières). Yom Kippour se termine par la récitation duShema Israël, ou duKaddish Titkabal (Kaddish complet), au cours duquel on sonne leshofar, qui marque la conclusion du jeûne. Les portes du Ciel se referment et plus aucune demande de pardon n’arrive à Dieu.
Soldats juifs américains à l'office deKippour,Chaumont (France), 1917
Soldats juifs américains, leurs familles et le rabbinaumônier Julius Mark à l'office de Kippour dans une salle d'exercices, aujourd'huichapellecatholique, à Great Lakes (Illinois), 1942 ou 1943
A gauche, Nathan Landman, rabbin aumônier de l'Armée de l'air pour la France, l'Espagne et la Libye, examine leshofar et d'autres équipements religieux du grand jour avant de décoller de labase aérienne d'Evreux-Fauville (France) pourTripoli (Libye), lors de la première étape d'un circuit de 3 000milles dans lequel il effectue huit services sur cinq bases avant de revenir à Evreux pour Yom Kippour. À droite, le spécialiste des services d'aumônerie juive, David Cohen d'Everett (Massachusetts),
Dans l'Océan Pacifique, le lieutenant et aumônier juif Yonina Creditor deRichmond (Virginie) conduit les prières de Kippour pour les marins juifs américains à bord du porte-avionsUSS George Washington (qui défend l'intérêt maritime collectif des États-Unis et de ses alliés et partenaires dans la régionAsie-Pacifique) dans lachapelle du navire,
Juifs allemands faisant pénitence en se laissant fouetter dans la synagogue Hoogduitse à Amsterdam, la veille du Jour des Expiations ou de Yom Kippour (avant 1661)
D’après leTalmud (Rosh Hashana 16b),Dieu ouvre trois livres le1erTishri ; l’un est pour les totalement justes, le second pour les totalement méchants, le troisième pour les [cas] intermédiaires. Ceux-ci voient leur jugement en suspens jusqu’à Yom Kippour.
SelonMaïmonide (Yad, Hilkhot Teshouva 3:4),« tout dépend si les mérites de l’homme dépassent les démérites portés sur son compte », il est donc désirable de multiplier les bonnes actions avant le comput final au Jour de l’Expiation (que lesJuifs de France appellent plus volontiers « Jour du Pardon »). Ceux qui sont jugés valables par Dieu entrent, selon la tradition, dans le Livre de la Vie, d’où la prière :« Fais-nous entrer dans le Livre de la Vie. » D’où également la salutation« Puisse cela terminer [pour vous par une] signature [pour une] bonne [année] » (« Gmar 'Hatima Tova »), à l’origine du « bonne année »[pas clair]. Les lettres de vœux écrites entre Rosh Hashana et Yom Kippour se concluent souvent par ce souhait.
Laconfession (viddouï) du pénitent est un prérequis« sine qua non » pour l’expiation qui se réalise sinon par des punitions et des afflictions. À Yom Kippour, chaque prière (qu’elle soit individuelle et silencieuse, ou collective et bruyante) inclut unviddouï.
Il s’agit d’une confession standardisée, courte ou longue (laquelle est omise lors de l’office de laNeʿila). Toutes deux se déroulent selon l’ordre alphabétique, probablement afin de faciliter la mémorisation[37].
À noter la confession pour le péché d’un « viddouï pè », une confession « de la bouche », qui ne va guère plus loin que celle-ci, et n’atteint en tout cas pas le cœur, en clair une confession peu sincère.
Pour cette raison, il est de coutume de résoudre les conflits et disputes au plus tard la veille du jeûne. Le processus commence lors de lapériode de dix jours entre Rosh Hashana et Yom Kippour. Les âmes des disparus sont comprises dans la communauté de ceux auxquels on pardonne à Yom Kippour.
Les enfants desdéfunts, outre la cérémonie deYizkor incluse dans la liturgie de Yom Kippour, auront coutume de faire une mention publique dans la synagogue de leurs parents disparus, et de faire des dons charitables en faveur de leur âme.
La salutation appropriée pour Yom Kippour est « G'mar Hatima Tova » (Puissiez-vous être scellé dans le Livre de Vie), ou la version plus courte « G'mar Tov »[31].
Yom Kippour est observé le dixième jour du mois deTichri et comme les autres fêtes, commence la veille. Selon lecalendrier hébraïque, il a lieu aux dates suivantes :
Après 25 heures sans s'alimenter ni s'hydrater, lesnutritionnistes et les traditionalistes conseillent de boire et manger léger et sucré[40]. Des boissons et des plats traditionnels permettent la rupture du jeûne de Yom Kippour, selon l'origine ethno-géographique desJuifs dans le monde, dont voici quelques exemples non-exhaustifs[41],[42],[43],[44] :
LesJuifs d'Algérie confectionnent lamouna oumona qu'ils consomment pour rompre le jeûne. Il s'agit d'une brioche en forme de dôme ou de couronne, parfumée auxagrumes ou à lafleur d’oranger avec dusucre perlé pour embellir sa croûte dorée, originaire d'Oran. LesPieds-Noirs partagent évidemment cette recette.
Les juifsd'Allemagne et égalementd'Alsace consomment deszimtsterne(de), des petits gâteaux en forme d'étoiles, glacés au sucre et aux saveurs decannelle (de l'allemandZimt « cannelle » etSterne « étoiles »), d’amande, declou de girofle et de zeste decitron. On retrouve leszimtsterne aussi lors desfêtes de Noël en Allemagne et autres contrées germaniques. « LesJuifs orthodoxes les appellent deserste sternen – ou « premières étoiles » – pour rappeler la nécessité d’apercevoir les premiers astres de la nuit avant la rupture du jeûne »[41].
La(es)pepitada oupipitada est la boisson commune pour lesJuifs séfarades de Bulgarie,de Grèce,de Turquie (et d'ailleurs)[45] qui rompent le jeûne. Il s'agit d'une boisson d'aspect laiteux (rappel du « jeûne blanc »), sorte dehorchata espagnole, voire une soupe, fabriquée à partir des graines grillées et éventuellement d'un peu de pulpe de plusieurs espèces demelon, souvent mélangés à de lavanille ou de l'eau de rose et généralement sucrée avec dumiel[46],[47],[48],[49],[50],[51].
Pour rompre leur jeûne, les Juifs duCosta Rica voire duNicaragua (tous deux enAmérique centrale) mangent dugallo pinto (plat de riz et haricots noirs, habituellement servi au petit-déjeuner dans ces pays) et desplatanos maduros qui sont desbananes plantains frites, aux côtés d'un filet de saumon ensaumure[52].
« Nora Rubel[53], qui enseigne à l'Université de Rochester, écrit qu'une copieuse rupture de jeûne semble être un artefact du dernier demi-siècle ; leGuide pour la femme juive au foyer (Guide for the Jewish Homemaker) de 1964, par exemple, propose qu'« à la maison, un repas léger soit mangé » »[54]. « Le repas d'après-jeûne peut sembler plus important aujourd'hui car il unit les juifs pratiquants avec un nombre croissant d'autres qui ressentent un lien culturel, mais non religieux, avec leur tradition »[54]. Auparavant, lesJuifs américains se contentaient d'un verre de jus de fruit, d'une tasse de café ou de thé, et d'une tranche ou deux dehallah beurrée mais de nos jours, au retour de lasynagogue, ils rompent leur jeûne avec un repas constitué debagels, de(en)blintzes (sortes de grandsblinis fourrés) tartinés defromage à la crème, desaumon fumé (lox) et d’accompagnements assortis, diverses salades dont celle decorrégone[55],[56],[57].
LesJuifs grecs préparent toute une gamme de plats lors de Yom Kippour et l'un d'entre eux est une variante de l’avgolemono (engrec :αυγολέμονο) appelée du nom espagnol desopa de huevos y limon qui est un aliment de base lors de cettefête juive, consommé avant ou après le jeûne[52]. C'est une soupe blanche (rappel du « jeûne blanc ») à l’œuf et au citron, d'origineséfarade, qui remonterait à l'expulsion des Juifs de la Péninsule Ibérique auXVe siècle. On l'appelleavgolémono tarbiya oubeida bi-lemoune (œuf au citron) enarabe etterbiye enturc ; dans lacuisine juive séfarade, on l’appelle aussiagristada ousalsa blanco[61] et, dans lacuisine italienne,bagna brusca,brodettato oubrodo brusco[62]. L’avgolémono est également largement utilisée dans la cuisine desBalkans[63].
Le gâteau sirupeux à lasemoule mêlée d'amandes, de cannelle et decardamome servi à table après le jeûne est lesamali[64] et la boisson peut être unepepitada (voirsupra)[47],[48],[51].
L'historien de la cuisine juive,(en)Gil Marks écrit dansThe World of Jewish Entertaining que pour rompre leur jeûne, lesJuifs irakiens dégustent souvent des biscuits à lacardamome où la pâte a été humidifiée avec de l'eau de rose[43]. Ils peuvent boire duhariri, un lait parfumé aussi à la cardamome[52] Au moins àBagdad, on savoure deskakas (biscuits aucarvi en forme d'anneau ) et desbabas (biscuits farcis aux dattes)[52]. Comme les Juifs syriens,ceux d'Irak consomment lekaak (plurielka'a'him) (biscuit rond, en forme d'anneau, et croquant au sésame, ressemblant à un petitbagel)[49].
Après cette entrée sucrée, certains se lancent dans un repas de viande complet, comme un plat de poulet farci au riz parfumé avec un mélange d'épices (dont la cardamome)[65], qui a cuit tout le long de Yom Kippour, habituellement servi leShabath[52].
Gousses et graines decardamome, une épice très présente dans la cuisine irakienne.
LesJuifs iraniens sont friands d’une boisson à la fin de Yom Kippour, qui s’appellefaloodeh seeb où sont mélangées des pommes râpées et de l’eau de rose additionnée demiel[66],[52]. « C’est une boisson rafraîchissante, qui étanche la soif et qui calme la faim. Cette recette peut s’accompagner d’alcool pour transformer la boisson en cocktail festif ».
Ils dégustent également une salade deyogourt nature mélangée à desconcombres râpés, assaisonnée dementhe, de sel et de poivre et servie avec du pain plat oupita, que peut suivre une omelette auxoignons etherbes fraîches appeléekookooh sabzi et servie avec du yogourt[67],[68].
Pour la rupture du jeûne, lesJuifs italiens préparent plusieurs mets dont lepesce al ‘Ebraica (poisson à la juive) qui est un plat de poisson à chair blanche, comme lecorégone (famille dusaumon) ou leflétan, cuisiné avec du miel, desraisins et despignons de pin. Ce plat est également présent sur les tables de fêtes.
Un corégone
Il peut être précédé ou suivi d'unebruscandole oubruscandoli qui est unebrioche (ou de la'hallah sucrée), ou de gâteaux au miel servis avec une tasse de thé au citron ou au miel, ou arrosés devin rouge parfumé auxépices (cannelle, sucre) dont la recette viendrait duPiémont, ou duvermouth sucré[43],[69].
ÀFerrare, il est d'usage que la communauté juive interrompe le jeûne de Kippour avec un plat decitrouille, appeléebarucca debaruch (béni), réduite en purée, ou avec dudictinobis, sorte de beignet ou de donut aucédrat ou au citron, dégusté aussi àRome[70].
Un autre gâteau appelébocca di dama[71] est unegénoise toscane[72] à la poudre d'amande, très aérienne et parfumée à lafleur d'oranger, au citron ou à la vanille, que l'on retrouve également sur les tables d'autres Juifs séfarades tels ceux de Tunisie et du Maroc (notamment deTanger). Un autre gâteau à base de jaunes d'œufs, originaire de laPéninsule Ibérique, appelétocino de cielo, est consommé à la rupture de jeûne.
Selon larabbine Deborah Prinz[73], lescrypto-Juifs qui vivaient auMexique et enAmérique centrale auXVIIe siècle, placés sous la surveillance desinquisiteurs espagnols, buvaient duchocolat « à la fin du jeûne de Yom Kippour – en miroir avec ce que faisaient chaque jour les Mexicains, mais attendant que l’obscurité tombe pour le faire – et ce, pour ne pas éveiller les soupçons sur leur judaïsme secret »[41].
À la table de rupture de jeûne (ou à celle d'autres fêtes), lesJuifs polonais ou du monde ashkenaze peuvent servir duhareng[52]. Pour la partie sucrée, sont présentés des(en)rugelach (yiddish : ראָגאַלעך,rōgaleḵ ) en forme de croissants fourrés à la crème ou au chocolat et/ou aux noisettes, à la cannelle, aux fruits[60],[74]... Certains d'entre eux savourent une tranche debabka sucrée oukranz, accompagnée d'un verre de thé au citron[49]. Ces gâteaux se retrouvent habituellement sur les étals israéliens.
Les Juifs originaires deSyrie dégustent lekaak (plurielka'a'him) (biscuit rond, en forme d'anneau croquant au sésame)[49], lesambusak ousambusek (petit gâteau en demi-lune ou triangulaire garni defromage ou d'épinards ou de viande ou dehoumous)[75],[76],[52] - que l'on retrouve fréquemment sur les étals israéliens -, et lejiben (casserole de légumes et de fromage), au repas traditionnel suivant Yom Kippour[43]. Des fruits à noyau comme les abricots secs et les prunes peuvent être mélangés avec du riz et du bœuf haché pour farcir l'intérieur de courgettes ;« les cerises aigres associées autamarin font unesauce aigre-douce pour les boulettes de viande »[52].
Ils peuvent boire de l'eau d'abricot, rafraîchissante pour se réhydrater[52].
Grandsambusak au fromage bulgare etpesto, et saupoudré dezaatar
Si lejachnoon et lemelawach sont des pains cuits lentement pour devenir les mets traditionnels des famillesjuives yéménites lors des fêtes et des repas deShabbat, une variété « populaire de cette recette lors de Yom Kippour est lakubana ou(en)kubaneh, un pain riche aubeurre qui peut être préparé en parts individuelles ».
↑Le tallit n’est normalement porté qu’au cours de la journée. Bien que cette pratique de Kippour ait fait l’objet de nombreuses interprétations plus ou moins récentes, la raison traditionnelle est qu’on porte le tallit afin d’honorer laPrésence Divine, particulièrement présente en ce jour.
↑Prière additionnelle, supplémentaire récitée le Chabbat et les jours de fête. Elle remplace lesacrifice supplémentaire qui était offert dans le Temple ces jours là. voir Lévitique 23 : 27 et Nombres 29,7.
↑Prof. Allan Nadler, « Holy Kugel: The Sanctification of Ashkenazic Ethnic Food in Hasidism , in Leonard J. Greenspoon, Ronald A. Simkins &Gerald Shapiro, eds.,Food & Judaism,Omaha,Creighton University Press, 2005.