Yasser Arafat (enarabe :يَاسِرْ عَرَفَاتْ,Yāsir ʿArafāt), né le auCaire enÉgypte et mort le àClamart (Hauts-de-Seine,France), de son vrai nomMohamed Abdel Raouf Arafat al-Qoudwa al-Husseini (enarabe :مُحَمَّدُ عَبْدِ ٱلرَّؤُوفِ عَرَفَاتِ ٱلْقُدْوَةِ ٱلْحُسَيْنِي) et connu aussi sous son surnom (kounya) d'Abou Ammar, est unactiviste ethomme d'Étatpalestinien.
À partir de 2001, après l'échec dusommet de Taba et le déclenchement de laseconde intifada, il perd progressivement de son crédit auprès d'une partie de son peuple qui reproche à l'Autorité palestinienne sa corruption et sa passivité face à la colonisation israélienne. Il se retrouve isolé sur lascène internationale tandis que les IsraéliensélisentAriel Sharon au poste dePremier ministre d'Israël, amenant un durcissement de la position israélienne vis-à-vis du dirigeant palestinien, contraint à ne plus quitterRamallah (Cisjordanie). Cet isolement n'est rompu qu'à la veille desa mort, quand il est emmené d'urgence à Clamart, où il meurt à 75 ans.
En 2012, la dépouille de Yasser Arafat est exhumée pour étudier l'hypothèse d'une mort parempoisonnement aupolonium 210. L'équipe d'experts suisses conclut à l'empoisonnement mais les équipes russes et françaises à une mort de vieillesse à la suite d'unegastro-entérite. En 2015, leparquet deNanterre décide de classer sans suite l'enquête sur sa mort.
Son nom officiel est Mohammed Abdel Rahman Abdel Raouf Arafat al-Qudua al-Husseini. Son biographe palestinien,Saïd K. Aburich, précise que « Mohammed Abdel Rahman était son prénom ;Abdel Raouf, le nom de son père ;Arafat, celui de son grand-père ;al-Qudua, le nom de sa famille etal-Husseini, le nom duclan deGaza dont font partie les al-Qudua »[1],[2].Yasser,surnom d'enfance, signifie « facile à vivre » enarabe[3],[2]. Arafat se revendiquait encore comme étant le petit-neveu dugrand mufti de JérusalemMohammed Amin al-Husseini[4], bien qu'en réalité il était un cousin éloigné.
Yasser Arafat est né le, auCaire enÉgypte, où il a passé les premières années de sa vie dans lequartier de Sakakini(en) où viventJuifs etmusulmans[3],[2]. Un biographe de Yasser Arafat,Alan Hart(en), rapporte que des documents découverts à l'université du Caire par des chercheurs français ont permis de conclure qu'il était bien né dans la capitale égyptienne[5].Son père Abdel Raouf al-Qudua al-Husseini est un riche marchand d'épices etpropriétaire terrien originaire de Gaza, sixième d'une famille de sept enfants. Sa grand-mère paternelle estégyptienne et sa mère, Zahwa Abul Saud, est originaire deJérusalem où la famille Abul Saud prétend descendre directement duprophèteMahomet[6],[7],[8].Son père, quant à lui, réclamait « une grande partie du Caire qu'il croyait être la propriété légitime de sa famille »[2].
Cependant, Yasser Arafat déclarait être né à Jérusalem le[9], ce qui s'est révélé faux, selon les vérifications d'historiens[10],[11].
Selon son récit, sa mère aurait quitté le Caire durant sa grossesse à la suite d'une dispute avec son époux pour se rendre chez ses parents à Jérusalem où elle aurait donné naissance à Yasser[12]. Arafat insistait sur le fait qu'il aurait vu le jour dans une maison en pierre attenante aumur des Lamentations, puis indiquait comment il aurait vécu à Jérusalem avec son oncle Salim Abou Saoud puis en aurait été expulsé à lacréation d'Israël, en1948[8],[11]. Arafat se présentait ainsi comme une victime dusionisme, afin d' accroître sa crédibilité en tant que dirigeant palestinien[13],[11].
En réalité, après le décès de sa mère alors qu'il a quatre ans, il passe avec son frère,Fathi Arafat — Égyptien comme lui, qui devient plus tard le président duCroissant-Rouge palestinien —, quatre ans à Jérusalem chez un de leurs oncles maternels, Salim Abul Saoud[14],mufti chargé destribunaux islamiques[3], avant que son père, lorsqu'il se marie pour la deuxième fois avec une Égyptienne[15], le fasse rentrer au Caire où sa sœur aînée s'occupe de lui[16]. La maison de son enfance sera rasée par les autorités israéliennes en 1967, lors de l'annexion deJérusalem-Est[17].
Au Caire, il bénéficie de l'enseignement gratuit des écoles égyptiennes[14]. Il y passe la plus grande partie de son enfance et de son adolescence avec ses six frères et sœurs. Sa sœur indique qu'il n'aimait pas l'école et préférait faire du camping dans le jardin de la maison et être chef de bande à l'extérieur où il « portait un bâton pour battre ceux qui n'obéissaient pas à ses ordres »[2].
Au Caire, Arafat fréquente lesMacchabées — clubs sportifs juifs[18] — pour« étudier leur mentalité »[19]. Il se met également à lire les textes de penseurssionistes commeTheodor Herzl etVladimir Jabotinsky.« Il faut que je comprenne mon ennemi », déclare-t-il.
En 1946, il rencontre legrand mufti de Jérusalem,Mohammed Amin al-Husseini, qu'il viendra à admirer. Il entre dans son organisation en tant qu'assistant ducheikh Hassan, un religieux, principal confident du mufti. Il délivre des lettres, récolte de l'argent ou bien fournit des informations sur les activités politiques dans les écoles et universités égyptiennes. Il ne parvient pas à intégrer l'université du Texas[8] mais malgré ses activités, il s'inscrit à l'université Roi FouadIer en 1947, probablement avec l'aide financière du cheikh Hassan et du mufti qui sont à leur tour admiratifs de ce « jeune activiste dynamique »[20].
L'historienne Nadia Ben Jelloun rapporte une confidence que lui a faite Yasser Arafat sur sa « perception politique de la présence sioniste en Palestine que peu avant la guerre de 1948 »[8]. Quand éclate laguerre civile en Palestine mandataire, il participe — de façon marginale — à l'achat et l'envoi d'armes légères aux partisans du mufti - les combattants de laJaysh al-Jihad al-Muqaddas - qui affrontent des forces juives mieux équipées et mieux entraînées[16],[20].
Au cours de ses études universitaires, il fait la connaissance de Khaled Moheidine, professeur d'art militaire chargé de la formation des officiers de réserve. On rapporte que Yasser ne manque pas une seule fois son cours et obtient ainsi le certificat d'officier de réserve. Cette formation lui permet de côtoyer des fonctionnaires du gouvernement égyptien[23], mais le temps qu'il y consacre fait qu'il n'obtient son diplôme d'ingénieur qu'un peu tard par rapport à ses camarades, en juillet 1956[24].
Le père d'Arafat meurt en 1952. Yasser n'assiste pas à ses funérailles[22] : la sévérité de ce dernier avec ses enfants, ses mariages répétés et son expulsion à Gaza ont en effet contribué à l'éloigner de son fils.
Arafat, qui considère que lamonarchie égyptienne est corrompue, s'éloigne bientôt des « Frères » pour se rapprocher duMouvement des officiers libres égyptiens (Mohammed Naguib,Gamal Abdel Nasser,Anouar el-Sadate) qui préparent en secret le renversement de celle-ci, et qui accèdent au pouvoir en. L'année suivante, Arafat présente à Mohammed Naguib, alors président, une pétition au nom des étudiants palestiniens rédigée en lettres de sang avec trois mots enarabe signifiant : « N'oubliez pas la Palestine »[14].
En, Arafat est arrêté pendant quelques jours lors de la liquidation par le président Gamal Abdel Nasser de l'organisation des Frères musulmans qui s'opposent à son programme, considéré par eux comme étant « nationaliste athée »[26].
Durant lacrise du canal de Suez, il sert dans l'armée égyptienne avec le grade desous-lieutenant[21]. Mais avec la défaite des armées arabes, il s'éloigne peu à peu des dirigeants arabes qu'il estime être incapables de libérer la Palestine[27]. Il quitte le Caire à 28 ans.
Après plusieurs arrestations pour ses activités politiques avec lesFrères musulmans en Égypte, Yasser Arafat s'installe dans l'émirat duKoweït où de nombreuxPalestiniens travaillent et résident.
Timbre koweitien (1949)
Le Koweït est à l'époque unprotectoratbritannique et lesvisas de travail sont délivrés par l'ambassade britannique au Caire, qui examine avec soin les dossiers des demandeurs. Des compétences professionnelles solides sont exigées et les activités politiques sont très mal vues. L'obtention du visa par Yasser Arafat malgré son profil reste difficile à expliquer. L'auteur palestinien Audeh Butus Audeh estime que les Britanniques lui ont néanmoins accordé un visa parce qu'il était opposé à Nasser[28].
Arafat travaille comme ingénieur au département destravaux publics puis à la ville deKoweït, avant de développer sa propre affaire qui devient prospère ; il roule à bord d'unevoiture de sport rouge[8]. Les revenus générés par cette activité lui permettent en 1958 de financer la création duFatah, son parti politique[29].
Yasser Arafat est le seul parmi les fondateurs du mouvement à ne pas avoir d'enfants, et contrairement aux autres fondateurs, il ne prend pas le nom de l'enfant aîné. Il adopte le nom de guerre d'Abou Ammar, en hommage à Ammar Ben Yasser, un compagnon du prophèteMahomet et premierchahid de l'islam.Abou signifie « père de » en arabe.
Il crée le mouvement de libération de la Palestine (Harakat Tahrir Filastinحركة تحرير فلسطين) avecSalah Khalaf,Khalil al-Wazir etFarouk Kaddoumi, rebaptisé rapidement Fatah (« la conquête » en arabe). Cette nouvelle organisation a pour premier but l'établissement d'unÉtat palestinien de laMéditerranée auJourdain, recouvrant notamment les territoires d'Israël. Elle met en avant l'idée que lalibération de la Palestine est avant tout l'affaire des Palestiniens, et ne saurait être confiée aux régimes arabes ou rapportée à une problématique d'unité arabe. Cette doctrine est, à l'époque de Nasser et dupanarabisme triomphant, quasimenthérétique[22]. En 1959, Arafat fonde avec Salah Khalaf le journalFilistinuna (Notre Palestine) dont les colonnes, selon le diplomateÉric Rouleau, ne contiennent pas de proposantisémites mais qui préconisent lalutte armée contre Israël dit « ennemi sioniste »[16],[8].
Arafat, qui cherche à donner une certaine légitimité à son organisation, contacte les gouvernements arabes. En 1965, il réussit à ouvrir un bureau àAlger[30] enAlgérie.
L'intervention des Soviétiques et des Syriens en 1964 àMoscou facilite le choix de Yasser Arafat comme leader des Palestiniens:Ion Mihai Pacepa, ancien chef de laSecuritate roumaine, note dans son livreThe Kremlin Legacy, un jour de 1964, « nous avons été convoqués à une réunion conjointe duKGB, à Moscou ». Le sujet était d'importance : « il s'agissait de redéfinir la lutte contre Israël, considéré comme un allié de l'Occident dans le cadre de la guerre que nous menions contre lui ». La guerre arabe pour la destruction d'Israël n'était pas susceptible d'attirer beaucoup de soutiens dans les « mouvements pour la paix », satellites de l'Union Soviétique. Il fallait la redéfinir. L'époque était aux luttes delibération nationale. Il fut décidé que ce serait une lutte de libération nationale : celle du « peuple palestinien ». L'organisation s'appellerait OLP :Organisation de libération de la Palestine. Des membres des services syriens et des services égyptiens participaient. Les Syriens ont proposé leur homme pour en prendre la tête,Ahmed Choukairy, et il fut choisi. Les Égyptiens avaient leur candidat : Yasser Arafat. Quand il apparut que Choukairy ne faisait pas l'affaire, il fut décidé de le remplacer par Arafat, et, explique Pacepa, celui-ci fut « façonné » : costume deChe Guevara moyen-oriental, barbe de trois jours de baroudeur. « Il fallait séduire nos militants et nos relais en Europe »[31],[32].
En, àJérusalem-Est alors sous contrôle jordanien, leConseil national palestinien se réunit à l'hôtel Intercontinental, situé en haut dumont des Oliviers et adopte laCharte nationale palestinienne qui définit les objectifs nationalistes palestiniens. Un mois plus tard, laLigue arabe se réunit à l'instigation de Nasser pour créer l'OLP. Celle-ci a pour but de combattre l'État israélien. Sa branche politique est le Fatah. Quant à son bras militaire, l'Armée de libération de la Palestine, il est placé sous le commandement des différentes armées arabes[14].
Nasser s'inquiète en effet de la présence sur son sol de commandos palestiniens incontrôlés qui pourraient saboter l'armistice de 1957, en même temps qu'il doit montrer son soutien aux Palestiniens : d'où l'idée de créer une organisation qui sera sous son autorité.
La même année, Yasser Arafat rencontre le papePaulVI[27] : leVatican ne reconnaissait pas encore l'État d'Israël à cette époque.
Le mois de marque un tournant dans le parcours de l'organisation, lorsqu'un groupe du Fatah mène sa premièreopération militaire — la destruction d'unepompe à eau israélienne. Arafat envoie en personne un communiqué qui revendique l'opération au journal libanaisAn Nahar[33]. Toutefois, cette attaque est un échec et le Fatah est condamné par la quasi-totalité des gouvernements arabes. Le Fatah poursuit toutefois ses opérations contre des cibles civiles avec notamment les attaques à l'explosif de contreBeit Guvrin, et une voie ferrée près de KfarBattir.
Au printemps1966, Arafat est arrêté par les autorités syriennes pour son implication dans l'assassinat d'un activiste palestinien. Il ne s'est sorti d'affaire que grâce à l'intervention conjointe deFarouk Kaddoumi et deAbu Ali Iyad(en) auprès deHafez el-Assad, à cette époque ministre de la défense : on le soupçonnait d'être unagent égyptien du fait qu'il parlait l'arabe dialectal égyptien. Finalement, à la suite de leur insistance Assad accepta de le libérer tout en les mettant en garde contre Arafat[34].
Jusqu'à laguerre des Six Jours, labranche armée du Fatah mène une « centaine de raids ».« Le début de [cette] lutte armée [lui vaut] et plus particulièrement à Arafat, le soutien croissant de ladiaspora palestinienne, lui permettant de prendre (…) les rênes de l'OLP »[35].
Les organisations palestiniennes se réorganisent. Deux jours après la fin des combats, un congrès du Fatah tenu àDamas décide, sous l'impulsion de Yasser Arafat, d'accentuer lalutte armée. L'attention d'Israël se détourne alors des gouvernementsarabes pour se concentrer sur les diverses organisations palestiniennes, dont le Fatah[22].
Entre la guerre des Six Jours et le début de l'année1968, le Fatah organise la lutte intérieure en Cisjordanie en établissant des cellules et en perpétrantsabotages etattentats. Arafat se rend successivement àQabatiya,Naplouse puisRamallah où il est proche de se faire arrêter par leShin Beth[36]. La répression israélienne est « implacable » et fait plus de 200 tués parmi les Palestiniens[37]. Devant l'échec, Arafat et le Fatah décident alors de changer detactique. Ils établissent leur quartier général àKarameh et lancent, depuis la Jordanie, des opérations pour lesquelles ils obtiennent le soutien de laLégion arabe. En réponse, Israël établit des systèmes de surveillance renforcés et mène des raids au-delà duJourdain[38].
En, en représailles à l'explosion d'unbus de ramassage scolaire israélien sur unemine déposée par lesfedayins, l'armée israélienne lance une opération d'envergure visant à détruire le camp palestinien deKarameh. 300 Palestiniens, auxquels Yasser Arafat a ordonné de « tenir tête à l'ennemi », épaulés par une centaine de Jordaniens, font face pendant plusieurs heures à une incursion d'envergure menée par près de 6 500 hommes soutenus par l'aviation, lesblindés et l'artillerie. Le camp est finalement rasé et lesIsraéliens se retirent. 128 soldats jordaniens, 97 combattants palestiniens et 29 soldats israéliens sont tués[39]. Malgré le nombre élevé de morts côté arabe et la destruction du camp, la bataille est considérée comme une victoire par le Fatah car les Israéliens se sont finalement retirés après dix heures de combat. Arafat annonce la victoire à la radio et organise àAmman des funérailles officielles pour les fedayins qui ont été tués.
Cette nouvelle situation permet au Fatah de s'émanciper totalement de la tutelle desMoukhabarat (services de renseignements des pays arabes), et de prendre la même année le contrôle de l'OLP, Organisation de libération de la Palestine, organisme représentatif créé lors du sommet de laLigue arabe quatre ans auparavant.Nasser reconnaît le Fatah et son chef, qu'il avait cherché à circonvenir par tous les moyens.
Arafat est reconnu et largement financé par Nasser pour représenter le peuple palestinien et a pris définitivement le dessus pour le rôle derésistant contre Israël sur le SyrienAhmed Choukairy. Sur conseil desSoviétiques, Yasser Arafat s'inspire deChe Guevara dans le style vestimentaire : vêtu d'untreillis, barbe de trois jours etkheffieh.
Le, lacharte de l'OLP est modifiée avec l'ajout de sept nouveaux articles à la suite de la guerre de 1967 et devient laCharte nationale palestinienne, adoptée auCaire qui déclare le territoire de laPalestine mandataire comme « indivisible » et comme la « patrie du peuple arabe palestinien ». Cette charte est considérée par l’État d’Israël comme une véritabledéclaration de guerre, car elle définit le but de l'organisation palestinienne dans l'anéantissement de l'État d'Israël par lalutte armée.
Grâce aux différentes distinctions données par Nasser à Arafat, ce dernier est promu à la tête duFatah. Même ses détracteurs au sein de l'organisation le suivent, ce qui lui permet de disposer d'une base solide. Arafat prend également de l'importance sur lascène internationale : à l'occasion de labataille de Karameh, la couverture duTime offre les premières images publiques de cet homme qui est présenté comme le chef de laguérilla palestinienne. Une délégation du Fatah est acceptée enFrance, qui devient ainsi le premier pays non arabe à accepter une représentation permanente du mouvement.
La direction de l'OLP est plus que jamais à sa portée[40]. Le, durant leCongrès national palestinien, il en est nommé président du comité exécutif[41], en remplacement deYahya Hammouda.
Yasser Arafat, en faisant monter l'OLP en première ligne, amène la nature du combat des Palestiniens sur un terrain plus politique. Il modifie alors le cap de l'OLP, d'un mouvementpanarabe, pour en faire un mouvement qui se consacre à la « cause nationale palestinienne ». La lutte armée contre Israël a été acceptée par lesaccords du Caire en 1969[42]. À l'aube desannées 1970, l'OLP qu'il préside recourt à laviolence dans sa lutte contre Israël. Ses militants n'hésitent pas àdétourner des avions, à prendre desotages, à commettre des actions armées contre des civils israéliens, opérations qu'Arafat dirige et planifie[43].
À la suite de laguerre des Six Jours, entre 230 000 et 300 000 nouveauxréfugiés deCisjordanie etJérusalem-Est ainsi que desfedayins s'installent enJordanie. AprèsKarameh (Cisjordanie), l'OLP déplace son quartier général deDamas (Syrie) àAmman (Jordanie). En raison du prestige croissant de l'OLP, les combattants palestiniens commencent à parcourir en arme les rues des villes jordaniennes, ce qui provoque des heurts avec lesforces armées et les polices jordaniennes. Petit à petit, le pays devient la base de la lutte armée palestinienne : les bases et les camps palestiniens deviennent un « État dans l'État »[44].
À la suite dudétournement de trois avions par quatre Palestiniens duFPLP (Front populaire de libération de la Palestine) et de leur destruction sur le sol jordanien àZarqa[33], ainsi que de latentative d'assassinat raté à son encontre[45], leroi Hussein de Jordanie ordonne, le, lemassacre de dizaines de milliers de Palestiniens, qu'ils soientfedayins ouréfugiés. LaSyrie envoie deux centstanks sur le sol jordanien pour aider les forces armées de l'OLP. Cet épisode dramatique est connu sous le nom deSeptembre noir[14].
Le 27septembre 1970 au Caire,Nasser obtient, vingt-quatre heures avant sa mort, la fin de la tuerie en imposant un accord entre le roi Hussein et Yasser Arafat. Après plusieurs tentatives infructueuses de négociations avec le roi Hussein, Munib Masri, le Palestinien le plus haut placé dans le cabinet deWasfi Tal, réussit à emmener Arafat avec lui pour rencontrer le roi.
Après avoir atteint la ville deJarash, il se dirige vers la Syrie, d'où il prend la route duLiban avec deux mille de ses combattants[46]. Chassés du pays, Arafat et le Fatah s'installent au Liban. Arafat devient le commandant en chef des forces révolutionnaires palestiniennes deux ans plus tard, puis, en1973, le dirigeant du département politique de l'OLP.
La nouvellecharte de l'OLP définie à Beyrouth prévoit de « s'attaquer aux intérêts sionistes partout dans le monde » et de « soulever la base libanaise aux côtés des Palestiniens »[27].
Au Liban, Yasser Arafat contrôle les rentrées de fonds pour l'OLP. Il demande aux donateurs que les chèques soient rédigés à son ordre avant qu'il ne refasse un chèque pour l'OLP à son nom. « Ainsi, personne ne peut rien faire », constateMustapha Tlas[47]. Plus directement, les services soviétiques lui remettent environ 200 000 dollars en espèces chaque mois durant les années 1970[32]. Arafat devient une clé de voûte de la stratégie soviétique dans la région[2].
L'armée libanaise tente en1969 de reprendre le contrôle des camps, mais elle est trop faible. Un compromis est trouvé avec la signature auCaire sous l'égide de Nasser, en 1969, d'un accord entre Yasser Arafat — commandant de l'OLP — et le commandant en chef de l'armée reconnaissant l'extraterritorialité des camps desfedayins.
SelonBenny Morris, leFatah avait pris la décision de créer le groupeSeptembre noir lors d'un congrès du Fatah qui s'était tenu d'août à àDamas[49].
La condamnation internationale de l'attaque ainsi que d'autres opérations du groupeSeptembre noir a pour conséquence la distanciation du Fatah avec l'organisation responsable du massacre. Arafat ordonne même l'assassinat de deux de ses membres qui ont refusé d'arrêter leurs activités[50][source insuffisante].Mohammed Daoud Odeh, leader du commando qui a mené l'opération, indique dans un livre qu'il a publié en1999 qu'Arafat avait été informé des plans de l'opération mais ajoute que l'intention n'avait jamais été de tuer les athlètes israéliens[51]. SelonSaid Aburich, on ne dispose d'aucune preuve qu'Arafat ait été personnellement impliqué dans les actions du groupe Septembre noir mais il aurait eu les moyens de les faire cesser et ne l'a pas fait[52].
Le sommet arabe organisé àAlger en admet implicitement l'idée d'une « démarche progressive vis-à-vis d'Israël », en évoquant la libération prioritaire desterritoires occupés en 1967. L'OLP est désignée par le même sommet comme seul représentant desPalestiniens dans le but de faire adhérer Arafat à cette idée, ce qu'il accepte.
Arafat réunit la douzième conférence duConseil national palestinien dans le but de faire accepter aux Palestiniens cette démarche par étape que certains craignent de voir devenir une reconnaissance d'Israël. Pour faire face aux oppositions internes à l'OLP, il ajoute au comité exécutif quatre nouveaux membres de laCisjordanie et de labande de Gaza. Les habitants desterritoires occupés par Israël, et principalement les Cisjordaniens, sont en effet favorables à un règlement politique du conflit.
Yasser Arafat déclare à la sortie d'une réunion de l'ONU devant les caméras : « Je viens de créer un pays et un peuple qui jusque-là n'existait pas », en référenceironique aux mots de laPremière ministre israélienneGolda Meir du 15juin 1969 (« There was no such thing as Palestinian people, they never existed »[53],[54]).
Dans le même temps, Arafat essaie de prendre contact avec lesÉtats-Unis pour inciter Israël à reconnaître l'OLP. Il propose ainsi la protection par l'OLP des ressortissants et intérêts américains dans ses régions d'influence. Inquiet de ces développements, Israël prend alors contact avec la Jordanie qu'elle souhaite voir représenter les Palestiniens en lieu et place de l'OLP[55].
La nouvelle orientation d'Arafat divise l'OLP. LeFPLP gèle son adhésion[À quoi ?], suivi par leFPLP-CG, leFront de libération arabe. Certains groupes palestiniens, comme l'Union générale des étudiants palestiniens et d'autres opposants d'Arafat, recourent auterrorisme pour affaiblir sa tentative de rapprochement avec les États-Unis. En1974, le FPLP-CG mène plusieurs attentats dans les villes du nord d'Israël : le 11 avril 1974, 18 personnes (dont 9 enfants) sont tués dans un appartement deKiryat Shmona et le 15 mai, 21 enfants sont tués lors uneprise d'otages dans uneécole élémentaire à Ma'alot[56],[57]. Le, un commando de l'OLP arrivé àTel Aviv par la mer s'introduit dans l'hôtel Savoy et capture desotages. Huit de ces otages sont tués et 11 blessés par les Palestiniens qui finissent par se faire exploser durant leur retraite face à l'opération de sauvetage israélienne qui fait 3 morts parmi les soldats[56]. À la suite de ces attaques, le gouvernement d'Israël renforce son refus de toutes discussions avec l'OLP, considérécomme groupe terroriste, malgré les dénégations d'Arafat qui tente en vain de faire admettre que ni lui, ni l'OLP, ne sont responsables de ces attaques[58].
Le, l'Organisation est admise comme membre observateur à l'ONU[64], faisant d'Arafat le premier représentant d'uneorganisation non gouvernementale à participer à une session plénière de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies. Le droit des Palestiniens à l'autodétermination, à l'indépendance nationale et à lasouveraineté est également reconnu dans ce même mouvement par l'ONU[62].
Dans le monde arabe
Au mois de juin, l'OLP adopte le principe de création d'un État palestinien sur lesterritoires qui seront libérés.
Arafat déclare ne pas vouloir« que soit versée une seule goutte de sang, juif ou arabe », et ne pas vouloir« que les combats se poursuivent »[65] mais n'abroge pas la partie de lacharte de l'OLP visant la fin dusionisme étatique.
Le, lors du8e sommet arabe àRabat (Maroc), les chefs d'États arabes admettent l'OLP comme membre à part entière de laLigue arabe. Cette résolution implique également « l'obligation de tous les pays arabes de préserver l'unité palestinienne et de s'abstenir de toute ingérence dans les affaires palestiniennes »[66].
Activisme palestinien et interventions israéliennes au Liban
À partir de1975, laguerre civile fait rage auLiban. Yasser Arafat s’efforce de limiter l’implication de ses fedayines dans les combats, malgré la mobilisation de la propagande phalangiste duFront libanais contre « l’occupation palestinienne » du Liban. Tout bascule néanmoins en janvier 1976, avec leblocus phalangiste de Tell-el-Zaatar, un camp de réfugiés palestiniens enclavé dans la zone majoritairement chrétienne de Beyrouth-Est, puis lemassacre des habitants palestiniens du bidonville de la Quarantaine. C’est le début d’une forme de « nettoyage ethnique » de Beyrouth-Est par les forces phalangistes qui veulent en expurger toute présence palestinienne, voire musulmane, précipitant l'engagement de l'OLP dans la guerre civile au coté duMouvement national libanais constitué par les partis de gauche[67].
Pendant la période libanaise, les camps palestiniens deviennent de plus en plus indépendants. De sa base deBeyrouth, l'OLP prend en charge les services sociaux des réfugiés palestiniens. Mais dans le même temps, elle arme et organise les groupes defedayins qui lancent des attaques contre Israël et ses intérêts. Le, un commando palestinien débarque au sud deHaïfa et prend les passagers d'un autobus en otage.Le commando mitraille tout ce que rencontre l'autobus sur sa route. Ce dernier est finalement arrêté par uneunité militaire israélienne au nord deTel Aviv et les membres du commando palestinien sont tués. Le bilan est lourd avec un total de 39 morts et plus de 71 blessés graves dont de nombreux civils[68]. Israël attend du Liban qu'il assure sa sécurité en contrôlant l'activité des Palestiniens sur son territoire, mais le Liban est trop faible pour résoudre le problème.
C'est dans ce contexte qu'Israël intervient deux fois au Liban :en 1978 et plus largement,en 1982. Son objectif est de mettre les roquettes de l'OLP hors de portée d'Israël, de repousser l'armée syrienne du Liban (notamment les missiles syriens positionnés dans lavallée de la Bekaa)[69], puis de s'allier aux milices chrétiennes à Beyrouth pour en chasser l'OLP[70].
Le Premier ministre israélienMenahem Begin lance l'Opération Litani en1978. À son terme, l'armée israélienne et l'armée du Sud Liban (des chrétiens libanais alliés aux Israéliens) prennent le contrôle d'une étroite bande de terre, dite la « zone de sécurité » pour en refouler les forces palestiniennes[71]. Elle sera évacuée en1985.
En1982, un attentat est commis à Londres parAbou Nidal (qui avait aussi tenté auparavant d'assassiner Arafat), contre l'ambassadeur israélien,Shlomo Argov, et laisse ce dernier paralysé[72]. Israël accuse notamment l'OLP, qui envoie en continu depuis 1981 desroquettes du Liban sur son territoire mais qui nie toute implication dans l'affaire, et une seconde opération militaire, dite « opération Paix en Galilée », voit s'affronter 15 000 Palestiniens dirigés par Arafat et 85 000 soldats israéliens. La structure de commandement qu'il avait imaginée sur le terrain s'effondre, les officiers sur lesquels il comptait prennent la fuite.Said K. Aburish décrit cette situation comme suit :« La légendaire tendance d'Arafat à s'entourer d'incapables flagorneurs et son manque d'organisation coutaient cher aux Palestiniens »[73].
Arafat lance des appels dans les médias pour demander de l'aide auxpays arabes mais ceux-ci ne bougent pas. LaLigue arabe ne juge même pas utile de se réunir. Même laSyrie, avec laquelle Arafat avait établi unplan d'urgence en cas d'invasion israélienne, signe unetrêve unilatérale avec Israël qui occupe leLiban Sud au terme de l'opération[74].
Au cours de cette seconde intervention, lors dusiège de Beyrouth par l'armée israélienne, des civils palestiniens (entre 800 et 3 500 selon les sources) sontmassacrés dans les camps de réfugiés de Sabra et de Chatila par lesmilices chrétiennes desphalangistes libanais qui visent à éliminer deSabra et deChatila les combattantspalestiniens de l'OLP[75],[76],[77], pour venger ce faisant l'assassinat du président libanaisBachir Gemayel[78]. L'opération est décidée par le libanaisElie Hobeika qui appartient auxservices secrets syriens - et ne sera jamais inquiété. En tant que puissance occupante contrôlant les accès à la zone des massacres, Israël porte une responsabilité quant aux violences perpétrées[79],[80]. La responsabilité indirecte supposée[81] d'Ariel Sharon, alorsministre de la Défense d'Israël, dans cette opération, aura plus tard un impact négatif sur lespourparlers de paix lorsqu'il accèdera aux fonctions dePremier ministre, le. La commission d'enquête israélienne indique que d'autres parties pourraient être mises en cause, notamment les dirigeants libanais qui ont refusé (malgré la demande expresse des militaires israéliens) de faire entrer l'armée libanaise dans les camps, mais seuls les manquements des Israéliens sont pris en compte dans le rapport de la commission[82]. Après plusieurs semaines desiège de Beyrouth, un accord conduit à l’évacuation des combattants palestiniens en dehors du Liban. La guerre a fait 20 000 morts Libanais et Palestiniens[83] et quelques centaines de morts dans les rangs de l'armée israélienne[84].
En 1982, en pleineguerre du Liban, Arafat échappe à la mort en quittant de justesse un immeuble jeté à terre par une bombe israélienne[14]. Escorté et protégé par les légionnaires français du2e REP, il est forcé de quitter Beyrouth, assiégée par l'armée israélienne, le, à bord d'un navire marchand battant pavillon grec, l'Atlantis, protégé par une escorte conjointe franco-américaine (dont lesfrégatesDupleix etGeorges Leygues)[85]. Il est exfiltré vers laGrèce puis enTunisie, ce qui désorganise en partie ses rentrées financières. Le président tunisien,Habib Bourguiba, est peu enclin à héberger Arafat mais finit par accepter après les pressions de laLigue arabe et desa femme[86].
Un an après, Arafat revient àTripoli (Liban). Dès le mois de septembre, les partisans d'Arafat sont repoussés par desdissidents de l'OLP dirigés parAbou Moussa épaulés par des troupes syriennes[87] vers les camps de réfugiés de Tripoli. Yasser Arafat est contraint à l'exil. Le PalestinienFarouk Kaddoumi demande à l'URSS de protéger les navires quittant le port de la ville pour assurer le départ d'Arafat mais les Soviétiques refusent. Farouk Kaddoumi demande alors l'aide des Français qui acceptent. L'URSS justifie son refus par la volonté d'éviter tout conflit avec les États-Unis[88].
Arafat et 4 000 de ses partisans quittent Tripoli sur des bâtiments grecs protégés par lamarine française[89]. Il installe sonquartier général dans la ville deBorj Cédria tout près deTunis où il vit constamment sur ses gardes. Il n'a pas de domicile fixe et ne dort jamais plus d'une nuit au même endroit. Il accepte la dispersion de ses forces combattantes.
Malgré le renoncement au terrorisme de l'OLP en au Caire - tel que précédemment conseillé par les services secrets roumains[94] -, l'organisation est impliquée dans plus de 100actes de cet acabit lors des deux années suivantes[95].
Hommage à cet épisode[réf. nécessaire], en 2014 subsiste unboulevard du Leader Yesser Arafet à Tunis, à l'extrémité orientale du boulevard Mohamed Bouazizi[réf. nécessaire].
Yasser Arafat s'engage alors dans une démarche diplomatique, en accord avec sa nouvelle forme de lutte pour l'obtention d'un État palestinien. Le, devant l'Assemblée générale des Nations unies àGenève, Arafat en appelle à une résolution pacifique du conflit israélo-arabe sur base des résolutions 181, 242 et 338 et rappelle le rejet par le Conseil national palestinien et par l'OLP de toute forme deterrorisme[97]. Il aurait précisé le lendemain lors d'une conférence de presse que l'OLP reconnaissait la résolution 242, le droit à l'existence d'Israël et renoncer au terrorisme[98]
Le président américainRonald Reagan met fin aux treize années d'interdiction de discuter avec l'OLP en officialisant l'ouverture du dialogue avec l'organisation, lors d'une conférence de presse le 14 décembre[99].
Arafat rencontre le papeJean-PaulII auVatican, le[27], et affiche par exemple sa dévotion envers « Notre Seigneur Jésus-Christ » (« “palestinien” puisque né àBethléem, qui est un mot hébraïque qui veut dire“maison du pain” »), pour rallier à lui la minorité chrétienne palestinienne qui, bien souvent, est persécutée par les intégristes musulmans et obligée de fuir.
Dès cette époque, il assiste à toutes lesmesses de Noël à Bethléem, sauf lorsque l'accès lui en est interdit par Israël à la fin de sa vie.
Le, en visite officielle, pour la première fois à Paris, Arafat déclare « caduque » la charte de l'OLP qui affirmait que « la lutte armée est la seule voie pour la libération de la Palestine »[100]. C'est la condition qu'avait miseFrançois Mitterrand pour accepter de rencontrer le leader de l'OLP. Arafat fait état d'une « correspondance avec legénéral de Gaulle en1968 » et montre lacroix de Lorraine que ce dernier lui aurait envoyée, ce que niera le fils du général[101].
Le, plus de soixante sénateurs américains envoient une lettre au secrétaire d'ÉtatJames Baker, pour s'opposer au visa d'entrée d'Arafat en visite au siège de l'ONU aux États-Unis.
Alors qu'il répétait des années durant qu'il avait « épousé la Palestine », Arafat se marie à 60 ans avec sa secrétaire,Souha Tawil, de trente-quatre ans sa cadette, appartenant à l'Église grecque orthodoxe, fille d'un banquier et d'une militante nationaliste de la première heure, proche du leader, le. Les proches d'Arafat n'apprécient pas cette union, qu'ils estiment incongrue[102],[8].
Sa femme, Souha, affirme qu'elle a rencontré pour la première fois Arafat en1988. Il demande en mariage celle qu'il surnomme « Soussou », en1990[103]. Celui-ci est célébré en secret à Tunis. Arafat a convoqué pour l'occasion deux témoins, qui seraient deux de ses gardes, ainsi qu'uncheikh, comme le veut la loi islamique pour le mariage. Souha,convertie à l'islam, ne portait pas une robe de mariage mais une robe normale et Arafat portait son habit militaire traditionnel et unkeffieh.
Arafat a souhaité garder le mariage secret malgré le refus de sa femme. Selon elle, Arafat a agi ainsi car le mariage coïncidait avec la guerre du Golfe et la première intifada et qu'il était inquiet des conséquences que cela pourrait entraîner[104].
Ils ont ensemble une fille, Zahwa, née le àParis, prénommée comme la mère de Yasser Arafat[105],[2].
Après les premières années, Souha Arafat souffre de cette vie « terrible et injuste » qu'elle subit et dont elle impute la faute aux Israéliens ; elle tente à de nombreuses reprises de quitter Arafat mais il l'en empêche[106]. À partir du début de laseconde intifada, en2000, elle ne voit plus son mari et part vivre avec sa fille àParis enFrance où elle laisse s'exprimer ses goûts de luxe, en opposition avec ceux austères de son époux[103].
Quand Yasser sera hospitalisé àClamart, elle deviendra omniprésente auprès de lui, gèrera les visites à l'hôpital et distillera les communiqués médicaux à la direction palestinienne de Ramallah[103]. Après sa mort, Souha Arafat est accusée par des responsables palestiniens ou des journalistes occidentaux d'avoir capté une partie de l'argent qu'Arafat gardait dans ses comptes à l'étranger ce qu'elle a toujours nié[102],[103],[106],[2].
Cherchant une issue à son isolement, Yasser Arafat s'allie avecSaddam Hussein, de qui il aurait reçu de l'aide financière, et ne condamne pas l'invasion du Koweït par l'Irak, ce qui est perçu comme une trahison par leKoweït.
Dans les jours qui précèdent l'invasion, Yasser Arafat fait la navette entre Bagdad et la ville de Koweït pour tenter d'imposer sa médiation. Mais ses interlocuteurs koweïtiens ont remarqué qu'il semblait être étrangement réceptif aux arguments de Saddam Hussein et la communauté palestinienne, très importante (300 000 personnes) dans le petit émirat du Koweït, favorise la prise de cet État par l'armée irakienne en1990. Sa décision mènera à la faillite de l'OLP, puisque plusieurs États, comme l'Arabie saoudite et le Koweït, lui retirent alors leur soutien financier[43].
Cette alliance vaut à Yasser Arafat, après ladeuxième guerre du Golfe et la défaite des armées irakiennes, le ressentiment et la colère des monarchies pétrolières et des Américains.
Il est paradoxalement sauvé par le nouveau gouvernement israélien, où la gauche arrive au pouvoir en1992 avecYitzhak Rabin etShimon Peres, qui estiment que Yasser Arafat ne peut plus refuser de leur donner toutes les garanties nécessaires en matière de sécurité, en vue de la création d'un État autonome palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
En1992, Arafat échappe à la mort lorsque son avion, un Antonov 26, s'écrase enLibye alors qu'il effectue la liaisonKhartoum-Tripoli. Dès la disparition de l'appareil, les autorités palestiniennes ont fait appel à l'aide internationale. À la suite d'une intervention de l'ex-président américainJimmy Carter,George Bush autorise la fourniture d'informations enregistrées par les satellites américains. De leur côté, les autorités françaises envoient deux appareils, l'un basé auTchad, l'autre àDjibouti, pour participer aux recherches[107].
Les deux pilotes de l'avion du leader palestinien ainsi qu'un ingénieur sont retrouvés morts[105], Arafat ne souffre que de quelques contusions[14]. Quelques semaines plus tard, il est hospitalisé d'urgence àAmman, en Jordanie, pour être opéré d'uncaillot au cerveau.
Alors que leprocessus de paix entamé à laConférence de Madrid de 1991 ne donnait aucun résultat, des négociations secrètes sont menées àOslo entre des membres de l'OLP et du gouvernement israélien pour trouver un accord de paix.
Le, la Déclaration de Principes dite « accords d'Oslo », est signée à laMaison-Blanche sous l'égide du présidentBill Clinton. Le monde entier retient la poignée de main historique échangée entre le premier ministre israélienYitzhak Rabin et Yasser Arafat.
Arafat est alors invité par leParlement européen en décembre1993 (après avoir été reçu à titre non officiel au sein du Parlement en octobre 1988), et il insiste sur le rôle que l'Union européenne doit jouer dans le processus de paix[21].
Dans une lettre adressée àYitzhak Rabin le, Arafat déclare que l'OLP renonce officiellement à la lutte armée contre Israël en même temps qu'elle reconnaît la légitimité de cet État :« L'OLP reconnaît le droit de l'État d'Israël à vivre en paix et dans la sécurité. […] Ainsi, l'OLP renonce à recourir auterrorisme et à tout autre acte de violence »[109].
En1994, Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin reçoivent leprix Nobel de la paix pour leurs efforts en faveur de la paix dans cette région. L'un des cinq jurés du comité Nobel démissionne pour protester contre l'attribution du prix à Yasser Arafat[43]. Arafat et Yitzhak Rabin partagent également la même année leprix Princesse des Asturies de la coopération internationale« en reconnaissance de leurs efforts résolus pour créer des conditions de paix dans la région »[110] et le Prix de la Fondation du Forum Universale qui leur sera remis, lors d'un Forum annuel deCrans Montana conjointement par Jean-Paul Carteron, son fondateur, et le président de laConfédération suisse,Jean-Pascal Delamuraz[111].
Yasser Arafat prend ses quartiers àGaza à partir de et reçoit un accueil triomphal. L'accord dit « OsloII », conclu en septembre1995, permet la tenue d'élections générales en janvier 1996 qui opposent Arafat àSamiha Khalil. Arafat est élu sous le contrôle d'observateurs internationaux, avec 87,1 % des suffrages exprimés, président de la nouvelleAutorité palestinienne, née des accords d'Oslo[réf. nécessaire].
Le, Yitzhak Rabin est assassiné lors d'une assemblée pour la paix àTel Aviv.Nabil Shaath raconte« Je ne l'avais jamais vu comme ça. Quand Rabin est mort, j'ai vu tant de tristesse et de désespoir dans ses yeux ». Les journalistes John et Janet Wallah estiment qu'« Arafat a sûrement craint de subir le même sort ». On conseille à Arafat de ne pas assister aux obsèques. Il envoie alors des représentants du gouvernement et va quelques jours plus tard présenter ses condoléances àLeah Rabin.
Le 19 novembre, l'armée israélienne se retire deJénine. Il s'agit du premier retrait israélien et l'autonomie est étendue. Mais l'assassinat deYahia Ayache par leShin Beth met un terme aux efforts de Yasser Arafat de convaincre le mouvement islamisteHamas de présenter des candidats auxélections législatives.
Le Hamas répond par quatreattentats-suicides faisant plus de 60 victimes israéliennes. Arafat fait alors arrêter des centaines d'activistes islamistes, exige la fermeture de l'université islamique de Gaza et fait interpeller cinq des treize terroristes les plus recherchés par Israël[112].
En 1996, le nouveau premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, déclare qu'il ne parlerait pas à Arafat directement, ce qui rend Arafat furieux, qui promet à son entourage d'inverser ces intentions. Il demande alors aux Palestiniens d'organiser des manifestations et de provoquer les Israéliens ; après les premières violences, les Israéliens sont blâmés et Netanyahu téléphone pour la première fois à Arafat[2].
Dans les années qui suivent, l'économie palestinienne croît à un rythme de 9,28 % par an, selon un rapport duFMI, et les investissements de 150 %, ce qui en fait l'un des taux de développement les plus rapides au monde au cours de cette période.
L'évolution duprocessus de paix se ralentit et en, le président américainBill Clinton doit persuader Arafat et le nouveau Premier ministre israélien,Benjamin Netanyahou, pour les amener à signer lemémorandum de Wye Plantation prévoyant de nouvelles étapes à entreprendre pour parvenir à la paix entre les deux parties.
Sur la scène palestinienne, Arafat entretient de mauvaises relations avec leHamas. Celui-ci a semblé lui déclarer la guerre dès son retour dans les territoires palestiniens. Il a cherché à l'affaiblir en soutenant un parti islamiste fondé en1995[Lequel ?], soit un an après son retour dans les territoires[114]. Des membres du Hamas ont été également arrêtés : 170 sympathisants sont ainsi arrêtés en 1995, lors de sa première année dans les territoires occupés.
Depuis sa création, le Hamas rejette la coopération avec l'OLP et à plusieurs reprises, ses militants se heurtent, sur le terrain, aux militants de Yasser Arafat[115]. Celui-ci déclare dans une interview auCorriere della Sera, en décembre 2001, que le gouvernement israélien a favorisé la création du Hamas, par le biais de subventions budgétaires ; le même mois, dansL'Espresso, il précise que l'objectif d'Israël« était de créer une organisation hostile à l'OLP ».
Lorsqu'Arafat déclare la fin de la lutte armée contre Israël le, des voix s'élèvent contre sa décision et les relations avec le Hamas se dégradent encore. L'Autorité palestinienne déclare avoir déjoué une tentative d'assassiner Arafat par le mouvement islamiste et arrête sept personnes qui devaient l'assassiner pendant l'Aïd al-Adha[116].
Aussi, Arafat assigne à résidenceAhmed Yassine, le chef spirituel et fondateur du Hamas[117]. Toutefois, à la suite de son assassinat par Israël, le, Yasser Arafat dénoncera comme un « crime barbare » l'assassinat d'Ahmed Yassine et décrétera trois jours de deuil dans les territoires palestiniens[118].
Si, sur le plan extérieur, son régime doit faire face à de nombreuses accusations decorruption et de violation des règlesdémocratiques — certains accusent Arafat d'être corrompu et des chiffres circulent sur les sommes détournées vers un compte personnel de Yasser Arafat (le rapport duFMI les estime à 800 millions de dollars, d'autres sources à plusieurs milliards sans pour autant savoir s'il s'agit d'une fortune personnelle ou de fonds de l'OLP[119]) —, sur le plan intérieur, leleadership de Yasser Arafat, qui muselle toute tentative d'opposition et censure les médias, ne paraît que rarement être remis en cause. SelonAmnesty International, les prisonniers politiques sont souventtorturés, avec son aval. Bassam Eid, journaliste palestinien et directeur dePalestinian Human Rights Monitor Group, confirme qu'« il est à l'origine de chacun des actes de ses services de sécurité […] il les libère après une enquête bidon »[120].
Arafat en 1999.
Le, 20 intellectuels et hommes politiques palestiniens signent une pétition traitant le gouvernement palestinien de« corrompu, non juste et manipulateur ». Arafat ordonne l'arrestation de 11 d'entre eux. Les 9 restants sont protégés par la loi et ne sont pas arrêtés, mais deux d'entre eux disent avoir été attaqués par la police palestinienne[99].
Il est aussi accusé de participer au conditionnement de la population palestinienne à la guerre contre Israël, à l'école, à la mosquée, par la presse et la télévision.
Les critiques ne viennent pas seulement des opposants à un État palestinien. Ainsi, par exemple, le « Centre palestinien pour les droits humains » accuse l'Autorité palestinienne de procéder à des arrestations politiques de militants islamistes.Mohammed Dahlan, ex-ministre de l'intérieur, accuse Arafat d'avoir gaspillé 5 milliards de dollars[121], ce qui pousse Arafat à essayer à plusieurs reprises d'écarter Dahlan après ces accusations portées contre lui.
En, lesommet de Camp David entre Yasser Arafat etEhud Barak évoque la reconnaissance d'un État palestinien. Il achoppe néanmoins sur de nombreux points. À l'issue du sommet, chacune des deux parties rejette sur l'autre la responsabilité de l'échec des discussions. Les Palestiniens considèrent qu'Israël ne leur a pas proposé assez, tandis que les Israéliens clament qu'ils ne peuvent raisonnablement pas offrir davantage.
Aux États-Unis comme en Israël, l'échec est largement attribué à Yasser Arafat qui, pour eux, avait quitté la table des négociations sans faire de contre-proposition. À l'inverse, de nombreux ouvrages et articles, comme celui de Robert Malley, conseiller deBill Clinton et membre de l'équipe américaine organisatrice du sommet de Camp David, ont été écrits pour clamer que la proposition d'Ehoud Barak à Yasser Arafat, prétendument généreuse selon l'opinion israélienne et américaine, était en réalité un mythe[122].
Affrontements entre Palestiniens et soldats israéliens àRamallah, le 20 octobre 2000, au cours de laSeconde intifada.
Laseconde intifada est initiée en, à la suite de l'échec des discussions israélo-palestiniennes ; elle tourne rapidement à la guerre ouverte avec Israël. La visite du parlementaire duLikoud,Ariel Sharon, sur l'Esplanade des Mosquées/Mont du Temple est vécue par eux comme une provocation. La veille, Arafat demande au Premier ministre israélien,Ehud Barak, d'annuler cette visite car selon lui, elle risque de provoquer de nouvelles émeutes sanglantes[123]. Barak n'interdira pas cet acte politique de Sharon.
Cette visite est le point de départ de mois de violence qu'Arafat n'arrive pas à maitriser. Des attentats-suicides, visant la population civile, sont perpétrés en Israël. Impuissant à calmer la révolte, y compris parmi lesFaucons du Fatah, Arafat décide de se joindre à l'Intifada en diffusant un appel dans lequel il exhorte les Palestiniens à se soulever contre « l'usurpateur israélien ». Mais c'est la faction du Fatah dirigée parMarouan Barghouti, qui ne reçoit aucun ordre d'Arafat, qui dirige cette deuxième intifada[124].
Dans un rapport établi à ce sujet,Human Rights Watch déclare ne pas avoir trouvé de preuves que Yasser Arafat ou l'Autorité palestinienne aient jamais participé à la mise en œuvre de ces attaques, mais souligne que cette dernière n'a pas fait suffisamment pour poursuivre les organisateurs et n'a pas pris de mesures préventives. Aussi Kenneth Roath, directeur exécutif deHuman rights watch, déclare qu'Arafat et l'Autorité palestinienne portent un degré de responsabilité politique élevé dans les atrocités qui se sont produites[125]. Selon les sources officielles israéliennes, 506 personnes auraient trouvé la mort dans les attentats-suicides entre 2000 et 2004[126] et elles accusent les dirigeants palestiniens de n'avoir rien fait pour arrêter les kamikazes voire de les avoir encouragés[127].
Des négociations de paix sont engagées dans l'urgence en au cours dusommet de Taba alors que les violences sur le terrain se multiplient. Elles n'aboutissent pas, à la veille d'élections anticipées enIsraël.
D'après al-Jazeera, Arafat refuse également les propositions du président américainBill Clinton de renoncer au droit au retour desréfugiés palestiniens en échange du statut deJérusalem comme capitale de la Palestine et d'Israël[30]. Selon un de ses gardes de corps, Arafat aurait dit à Clinton que s'il acceptait cette offre, il serait tué des mains de son propre peuple. Des personnalités arabes, comme le président égyptienHosni Moubarak, pressent Arafat d'accepter cette offre mais celui-ci répond que cela est impossible[128].
Les pourparlers de Taba sont interrompus, le, après six jours de négociations intenses à la suite de la mise en terme aux discussions parShlomo Ben-Ami, ministre des Affaires étrangères et chef de la délégation israélienne à la demande expresse d'Ehoud Barak[129].
Considéré comme responsable du déclenchement de la seconde intifada et des attentats-suicides par le gouvernement israélien, boycotté par le gouvernement américain, Yasser Arafat va passer les dernières années de sa vie enfermé dans laMouqata'a, son quartier général deRamallah, encerclée par les forces israéliennes. Interdit de voyage aussi bien en Palestine qu'à l'étranger, il va perdre toute prise sur les évènements, gardant toutefois le contrôle de l'Autorité palestinienne et de l'OLP.
Pour les responsables israéliens, le président de l'Autorité palestinienne n'est plus un interlocuteur valable. Une conviction partagée par Washington, qui fait de son départ une condition préalable à la création d'un État palestinien indépendant[43]. Bush décrit Sharon comme un homme de paix et refuse de recevoir Arafat. Selon certains observateurs politiques, Yasser Arafat était « diabolisé » et était devenu « infréquentable ». « Enfermé sans que les opinions publiques internationales ne s'en indignent réellement », il semblait être ressenti comme un « gêneur », le peuple palestinien ne « le voyant presque plus » et s'étant « habitué à vivre et à combattre sans lui ».
L'assassinat ciblé deRaed Karmi, membre duTanzim, de la région deToulkarem, par les forces israéliennes, change la nature des attentats en Israël. Ceux-ci sont dorénavant perpétrés enCisjordanie et àGaza. De son côté,Ariel Sharon lance une série de représailles à grande échelle avec l'accord deGeorge W. Bush et deDonald Rumsfeld.George W. Bush déclare qu'Arafat est inapte à gouverner[130] et appelle les« Palestiniens à élire de nouveaux dirigeants qui ne soient pas compromis dans le terrorisme »[14].
L'Union européenne exige de Yasser Arafat une dénonciation catégorique et « en langue arabe » du terrorisme, ce qu'il fait le et, en, il publie une « vision de lapaix ». En2002, l'« Affaire du Karine A » met directement en cause Yasser Arafat : un bateau transportant 50 tonnes d'armement est arraisonné par l'armée israélienne : selon cette dernière, la cargaison est destinée aux Palestiniens. Des documents montreront que le bateau était possédé par l'Irakien Ali Mohamed Abbas. Certains officiels américains ont suggéré par la suite que le bateau n'était pas destiné à l'Autorité palestinienne mais auHezbollah[131].
Affiche réunissant Yasser Arafat et Mahmoud Abbas, 2011
En vertu des réformes exigées par Israël et les États-Unis, Yasser Arafat doit toutefois se résigner, en, à nommer un premier ministre qui seraMahmoud Abbas. Deux ans et demi après le début de laseconde intifada, le poste depremier ministre, qui n'était pas prévu à la création de l'Autorité palestinienne, est imposé à Arafat par les occidentaux, notamment par les Américains, qui y voient une façon de contourner l'obstacle à la paix qu'est devenu pour eux Arafat gouvernant seul. Pour eux, il faut un nouvel interlocuteur. Washington fait alors pression pour que soit créé ce poste de premier ministre au sein de l'Autorité palestinienne.
Un bras de fer oppose rapidement Arafat à son premier ministreMahmoud Abbas. Au centre des divergences, lafeuille de route pour la paix et la proposition de Mahmoud Abbas de nommerMohammed Dahlan au poste deministre de l'Intérieur. À la suite d'un conflit de pouvoir avec Yasser Arafat autour de la question du contrôle des forces de sécurité, Mahmoud Abbas renonce à son poste le. Le refus d'Arafat de lui conférer des pouvoirs essentiels, ainsi que son maintien du contrôle de certains services de sécurité, ont limité la capacité d'agir de l'ex-Premier Ministre[132].Ahmed Qoreï est alors nommé à sa place.
C'est en2003 également que des membres du gouvernement Sharon vont jusqu'à proposer publiquement de « l'éliminer ». La très forte réaction de la communauté internationale force le gouvernement Sharon à se rétracter[43]. En 2004, Ariel Sharon franchit une étape supplémentaire en déclarant, le 2 avril, que son adversaire n'a « aucune assurance » sur la vie. Le journaliste israélienUri Dan rapporte, dans son livreAriel Sharon : Entretiens intimes avec Uri Dan, une conversation téléphonique qui se serait alors tenue entre Ariel Sharon et George W. Bush, Sharon informant Bush qu'il ne se sentait plus tenu par la promesse qu'il lui avait faite en mars 2001 de ne pas toucher à la vie d'Arafat. Bush lui aurait répondu qu'il fallait laisser le destin d'Arafat entre les mains de Dieu, ce à quoi Sharon avait répondu que parfois, Dieu a besoin d'une aide[133].
À la suite de ces menaces, le pacifiste israélien pro-palestinien,Uri Avnery, déclare dans son éditorial pour leGush Shalom, être prêt à servir commebouclier humain pour protéger Arafat. Il se rend avec un groupe de pacifistes à la Mouqata'a où Arafat les invite à dîner. Au cours du diner, Arafat déclare« J'étais alors et je reste aujourd'hui engagé dans l'espérance d'un avenir pacifié, un avenir dans lequel les enfants de nos deux peuples pourront grandir sans la peur »[134].
Dans la foulée, Sharon confirme que si Arafat quitte Ramallah et les territoires autonomes pour se rendre à l'étranger, il ne sera pas autorisé à revenir.
« Qui n'a pas l'argent n'a pas le pouvoir », confiait-il[3]. Yasser Arafat est accusé d'avoir détourné au profit de son organisation plusieurs centaines de millions de dollars qui étaient destinés au peuple palestinien, et un conflit d'intérêts financiers sur les sommes disparues a persisté entre sa femme résidant àParis en France et àGammarth en Tunisie, et l'OLP. Précédemment, les services soviétiques lui remettaient mensuellement environ 200 000 dollars en espèces durant les années 1970[32],[135]. Le ministre syrien de la Défense,Moustafa Tlas, raconte qu'un jour une délégation d'hommes d'affaires koweïtiens avait remis à Arafat un chèque de 800 000 dollars rédigé à l'ordre de l'OLP ; Arafat l'a fait refaire à son nom. Tlas ajoute« Chaque fois qu'un chef d'État arabe veut lui remettre un chèque, il insiste pour qu'il soit rédigé à son ordre »[47]. La question est d'autant plus complexe qu'en l'absence d'État palestinien, les sommes destinées au peuple palestinien ne devaient être encaissées que sur les comptes de l'OLP qui était seul juge des dépenses.
Dès 1991, Abou Ali Shahin, l'un des premiers alliés d'Arafat, écrit un rapport secret accusant le leader palestinien de « dégradation morale inconcevable », où il le qualifie demégalomaniaque,dictateur, de pharaon financièrement corrompu[2],[136].
En 2002, Ozrad Lev, un conseiller en investissement israélien avoue dans le journal israélienMaariv ne plus pouvoir vivre plus longtemps avec la honte d'avoir transféré illégalement 300 millions $ de l'Autorité palestinienne, avec son partenaire d'affaires Yossi Ginossar et en étroite collaboration avec l'argentier d'Arafat, le KurdeMuhammad Rachid, sur un compte suisse secret appartenant à Yasser Arafat et ouvert auprès de laLombard Odier & Cie, en avril 1997 — argent qui a ensuite disparu[137]. Outre cette « goutte dans l'océan », Lev s'épanche au sujet de son propre rôle dans le blanchiment de centaines de millions de dollars volés par Yasser Arafat au peuple palestinien avec la complicité du gouvernement israélien et des autorités internationales, et dit en avoir terminé après une décennie de mensonges et de corruption flagrants qui étaient justifiés au nom de lapaix[138],[139]. En juillet 1997, Lev avait rencontré Yasser Arafat qu'il a trouvé « humble et charmant » mais constatait qu'il connaissait tous les détails de ses comptes. Selon Lev, le chef palestinien était corrompu tout comme l'Autorité palestinienne et même le processus de paix, pas moins que l'occupation[139]. La collaboration avec Rachid prend fin en 2001 ; les comptes sont fermés et 65 millions $ sont transférés sur des comptes inconnus dans d'autres banques entre Londres et Le Caire, après l'Intifada[2],[139],[137].
Le diplomate américainDennis Ross qui l'a longuement fréquenté soutient qu'Arafat possédait uncabinet noir, un placard financier et un système de blanchiment d'argent.
Des magazines commeForbes estiment qu'Arafat était riche de 300 millions de dollars[140] alors que des officiels américains estiment sa fortune à 1 milliard de dollars. Alors qu'elle vivait à Paris, sa femme aurait reçu 100 000 dollars chaque mois de la part de l'autorité palestinienne[141].
LeFMI estime àau moins 898 millions de dollars[142] le montant desdétournements sur les financements alloués à l'autorité palestinienne entre 1994 et 2000, sans compter l'argent qu'Arafat et sa famille obtenaient de l'Autorité palestinienne par des moyens secondaires tels que des contrats sans appel d'offres, des commissions occultes, etc.[2]. Un rapport secret préparé sous l'autorité d'« un cousin d'Arafat a conclu qu'en 1996 seulement, 326 millions $, soit 43 % du budget de l'État, avait été détourné »[2]. Mohamed Rachid, diamantaire et homme d'affaires, présenté comme l'agent financier personnel de Yasser Arafat, aurait ainsi géré sur plusieurs années une fortune considérable à travers de nombreux investissements aux rendements avérés et des comptes occultes[142],[2] ; il est considéré comme un personnage clé derrière la corruption au sein de l'Autorité palestinienne[139].
Un certain nombre des 200 comptes bancaires d'Arafat répartis dans le monde entier ont été mis à jour depuis sa mort[2].
Fin connaisseur du pouvoir, Arafat utilise l'argent qu'il aurait volé pour acheter de l'influence, pour assurer des monopoles sur des biens et des services, pour provoquer ou désamorcer des conspirations, etc.[2].
Arafat est également accusé de financer leterrorisme palestinien et d'utiliser les aides internationales pour acheter des armes[143]. Certains groupes auteurs d'attentats-suicides en Israël sont liés directement auRaïs palestinien[144]. Maslama Thabet, l'un des leaders du groupe[Lequel ?], s'exprimant dans le quotidienUSA Today, affirme :« nous recevons nos instructions du Fatah. Notre chef est Yasser Arafat lui-même ».
Israël publie des documents trouvés dans les dossiers d'Arafat cencés prouver que celui-ci avait tacitement approuvé les attentats perpétrés par lesBrigades des martyrs d'Al-Aqsa. De son côté, l'Union européenne enquête sur les allégations de détournement de ses aides par l'Autorité palestinienne. L'Office européen de lutte antifraude (OELAF) conclut qu'il n'existe aucune preuve que des aides aient été détournées pour financer des activités illégales. Néanmoins, elle ajoute que l'UE est convaincue que l'Autorité doit réformer ses institutions financières pour lutter contre la corruption et les détournements de fonds[145].
En, Arafat se plaint de douleurs à l'estomac et de vomissements. Malgré une première intervention chirurgicale dans son quartier général de laMouqata'a àRamallah, enCisjordanie, le 25 octobre, sa santé continue à se dégrader. Le, gravement malade, Yasser Arafat quitteRamallah pour rejoindre laJordanie, d'où il se rend enFrance, à bord d'un avion médicalisé. Il est hospitalisé dans l'hôpital d'instruction des armées Percy àClamart près de Paris.
Il meurt officiellement en France àClamart le, à3 h 30, heure de Paris, dans la seconde partie du mois deRamadan.Mahmoud Abbas est nommé chef de l'Organisation de libération de la Palestine,Farouk Kaddoumi est élu chef du Fatah, etAhmed Qoreï maintenu dans ses fonctions de chef du gouvernement. Après un hommage officiel à l'aérodrome militaire de Villacoublay en présence du Premier ministre françaisJean-Pierre Raffarin et une cérémonie officielle auCaire, en présence de nombreux représentants politiques étrangers, Yasser Arafat est inhumé le 12 novembre, dans laMouqata'a, son dernier quartier général deRamallah, enCisjordanie, le gouvernement israélien ayant refusé qu'il soit enterré àJérusalem alors que Yasser Arafat avait à plusieurs reprises exprimé le souhait d'y être inhumé. Une foule de près de 100 000 personnes est présente pour accueillir sa dépouille à son arrivée d'Égypte.
Huit ans après le décès de Yasser Arafat à Paris, uneinformation judiciaire a été ouverte en août 2012 par leparquet deNanterre, pour déterminer les causes de la mort du leader palestinien sur laquelle pèsent des soupçons d'empoisonnement[146]. La veuve du chef de l'autorité palestinienne avait d'ailleurs déposéplainte contre X pour assassinat avec constitution de partie civile le 31 juillet par Souha Arafat[147]. Ce dépôt de plainte était consécutif à la découverte depolonium, une substanceradioactive hautementtoxique, sur des effets personnels de l'ex-dirigeant palestinien, qui a relancé la thèse d'un empoisonnement.Cette même année, un documentaire de la chaîne arabeAl-Jazeera attribuerait sa mort à un empoisonnement au polonium[148],[149], mais le laboratoire qui a effectué l'analyse des effets personnels de Yasser Arafat pourAl-Jazeera précise que lessymptômes cliniques de Yasser Arafat ne correspondaient pas à un empoisonnement au polonium. De plus, la période de demi-vie du polonium 210 étant de 138 jours, la présence de cette substance 8 ans après la mort laisse à penser que les vêtements ont été contaminés bien après la mort de Yasser Arafat et qu'une analyse sur sa dépouille est indispensable mais malaisée[150].
À la suite des révélations d'Al Jazeera, Souha Arafat a porté plainte et obtenu dutribunal de Nanterre l'exhumation de la dépouille de son mari, en novembre 2012 ; une soixantaine d'échantillons ont été prélevés et adressés à trois équipes d'expertises, suisse, française, russe, chacune travaillant sans contact avec les autres[151].
Le 12 octobre 2013, la revue médicaleThe Lancet publie les premiers résultats des travaux des experts suisses mandatés dans le cadre de la procédure ordonnée par le tribunal de Nanterre.
La plupart des observateurs relèvent que,« le dossier (étant) ultra-sensible », il convient de« garder la tête froide et de ne pas se prononcer trop rapidement »[152]. De fait, la publication duLancet ne rapporte que les conclusions d'un examen partiel, l'analyse ne portant que sur lesfluides corporels relevés sur les effets personnels du leader défunt[153].
Les experts suisses concluent que leurs analyses conduisent à envisager« la possibilité » d'un scénario d'empoisonnement. Sans se prononcer sur le processus qui aurait conduit à l'ingestion par Yasser Arafat depolonium 210, les scientifiques établissent la présence de« radio-activité élevée », due à la présence de polonium 210[154]. Ils soulignent que la découverte de ce poison extrêmement puissant est cohérente avec les symptômes cliniques (« nausées, vomissements, fatigue, diarrhée et anorexie puis défaillances hépatiques et rénales »[155]) relevés par les médecins français ayant traité le président Arafat lors de son hospitalisation à l'hôpital militaire Percy (Clamart -Hauts-de-Seine).
SelonAl-Jazeera, l'empoisonnement par le polonium a été confirmé par le rapport établi par des chercheurs suisses et rendu public par la chaîne d'information le 6 novembre 2013[156]. Patrice Mangin, directeur du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), indiquait que l'on pouvait « raisonnablement » supposer que la mort avait été « la conséquence d'un empoisonnement au polonium 210 » et jugeait cette hypothèse comme la « plus cohérente » au vu des résultats obtenus, mais « sans être parfaitement catégorique sur le lien entre le poison et le décès »[157].
Selon le mensuel belge flamandJoods Actueel qui avait déjà dénoncé les conclusions suisses[158], leCHUV admet dans un article scientifique publié le 30 novembre 2015 dans la revueForensic Science International[159] que leur analyse ne permet pas de trouver des preuves directes de l'empoisonnement d'Arafat[160].
Le CHUV confirme dans son texte « Frequently asked questions regarding the expertise conducted on President Yasser Arafat's personal belongings and remains » que, par manque de preuves probantes, il ne peut donner une probabilité concernant l'hypothèse de l'empoisonnement mais précise toutefois pouvoir conclure sur base d'une analysebayesienne non chiffrée que « dans le cadre de l'hypothèse de l'empoisonnement au polonium toutes (ses) observations étaient plus cohérentes qu'avec l'hypothèse alternative selon laquelle la personne impliquée n'aurait pas été empoisonnée au polonium »[161].
Les experts russes chargés de l'enquête ont déclaré le qu'ils excluent tout empoisonnement au polonium et ont conclu en 2013 à une mort naturelle[162].
Ayant eu accès au dossier médical de Yasser Arafat (personnalité qu'il avait rencontrée), le professeur de médecineMarcel-Francis Kahn, par ailleurs militant juif de lacause palestinienne, est interrogé en 2013 sur les causes de sa mort : il affirme que les traces depolonium sont bien présentes dans les affaires et le corps du dirigeant palestinien, mais que letableau clinique et les analyses faites durant son hospitalisation ne correspondent pas à un empoisonnement par unradionucléide comme le polonium. Ainsi, Yasser Arafat a gardé ses cheveux jusqu'au bout et ses analyses ne montrent pas deleucopénie[163].
France Inter annonce le que Yasser Arafat n'est pas mort empoisonné[164]. La conclusion des experts mandatés par la justice française pour déterminer les causes du décès de l'ancien leader palestinien est que le leader palestinien est mort de vieillesse, à la suite d'uneinfection généralisée[165].
La veuve de Yasser Arafat s'est dite « bouleversée » par le caractère contradictoire des analyses et annonce qu'une contre-expertise sera demandée[157].
Dans son étude « Histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël », le journaliste israélienRonen Bergman confirme clairement le désir deSharon d'assassiner Arafat. Il note également que la mort d'Arafat est survenue au « bon moment ».
Sur la question de savoir s'il a été effectivement assassiné, Bergman a une phrase très alambiquée qui laisse entendre que même s'il savait la vérité, il ne serait pas autorisé par la censure israélienne à la divulguer. Cela ne permet certainement pas d'exclure l'hypothèse de l'assassinat[166].
À la demande deSouha Arafat, la veuve de Yasser Arafat, la justice française avait ouvert une enquête pour assassinat de l'ancien chef d'État palestinien. La veuve d'Arafat avait fait appel du premiernon-lieu en septembre 2015 et demandé l'annulation d'une expertise-clé pour l'enquête. La justice française a confirmé le 24 juin 2016 le non-lieu prononcé par les magistrats chargés de l'enquête pour « assassinat » ouverte après la mort en 2004 de Yasser Arafat[167],[168].
Le 2 juillet 2021 laCour européenne des droits de l'homme rejette une requête déposée par la veuve et la fille de Yasser Arafat. Elle juge que « l'enquête conduite par la justice française avait été sérieuse et qu'elle ne portait pas atteinte au droit à un procès équitable »[169].
Yasser Arafat était souvent considéré comme l'ennemi numéro un par Israël. Il a été qualifié de « chef terroriste » et de « menteur congénital », voire de « réincarnation d'Hitler »[14].
Les Israéliens ne prêtent attention à Yasser Arafat qu'après 1965, lorsqu'il se lance dans la lutte armée[170].
Il devient une cible après labataille de Karameh.Moshe Dayan tente discrètement de prendre contact avec lui, en vain, pour le sonder sur ses intentions maisGolda Meir adopte une position tranchée qui restera celle des autorités israéliennes pendant deux décennies :« Yasser Arafat est le chef d'une bande d'assassins », déclare-t-elle.
Uri Avnery et Yasser Arafat, 1982
Après le départ d'Arafat de Beyrouth, des députés de la gauche israélienne, comme le fondateur duBloc de la paix,Uri Avnery ou l'intellectuel d'extrême gaucheantisionisteIlan Halevi, commencent à rencontrer Arafat[8]. LaKnesset vote alors en 1986 une loi interdisant aux Israéliens de rencontrer des membres de l'OLP, sous peine de prison.
En 1991, le soutien d'Arafat àSaddam Hussein est perçu par les Israéliens comme une alliance avec l'homme qui bombarde leur pays de missilesScud.
Shimon Peres, chef de file de l'opposition travailliste israélienne et qui a partagé leprix Nobel de la paix avec Arafat en 1994 à la suite desaccords d'Oslo, a dit :« Arafat a commis sa plus grande erreur lorsqu'il s'est tourné vers le terrorisme. Il a enregistré ses plus grands succès lorsqu'il a tenté de se tourner vers la paix ». Après la signature des accords d'Oslo, la gauche adopte une position plus souple comparée à celle de la droite israélienne.
Les discours d'Arafat se terminant souvent par le credo juif « L'an prochain à Jérusalem ! », des Israéliens peuvent y percevoir unevolonté de substitution religieuse, politique ou territoriale[8].
Lors desaccords de Wye Plantation en, seulAriel Sharon, homme de droite et ministre des Affaires étrangères, refuse de serrer la main d'Arafat car, selon lui, il a « du sang juif sur les mains ».
Après le, Sharon, qui avait juré en 1982 de le tuer, déclare : « Nous aussi avons notreben Laden : Arafat »[14]. Les relations entre les deux nations se dégradent d'autant plus que Sharon refuse de le rencontrer. Mais des personnalités de gauche, comme Peres, refusent une telle comparaison.
Arafat est considéré comme le premier responsable de l'échec dusommet de Camp David II et dusommet de Taba par les Américains et les Israéliens, pour avoir refusé ce qu'ils considèrent comme des offres généreuses des Israéliens. PourShlomo Ben-Ami, ancienministre des Affaires étrangères israélien,« Arafat s'est montré tout à fait incapable d'accepter un compromis et d'orienter les négociations vers la paix ».
À la suite du déclenchement de laseconde intifada et l'élection de Sharon, les discussions de paix sont interrompues et Yasser Arafat redevient, pour la plupart des Israéliens, un « assassin »[14]. Les Israéliens, notamment les membres duLikoud, pensent alors qu'il faut changer la direction palestinienne pour faire avancer les choses[171].
Les dirigeants arabes dans leur ensemble n'ont jamais porté Yasser Arafat dans leur cœur. Quatre d'entre eux en particulier :Gamal Abdel Nasser,Hussein de Jordanie,Anouar el-Sadate etHafez el-Assad, ont entretenu avec lui des relations difficiles, complexes et ambivalentes. En effet, les dirigeants arabes voulaient instrumentaliser la cause palestinienne pour étendre leur influence régionale et considéraient que l'émergence d'une direction palestinienne incontrôlable, perturberait leurs plans.
C'est pour cette raison que Gamal Abdel Nasser a créé l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Nasser, d'abord opposé à Arafat, finit par devenir son allié, parfois décevant. Arafat a connu à plusieurs reprises la prison sous son régime, surtout lorsqu'il était proche desFrères musulmans.
Hafez El-Assad, qui a emprisonné Arafat en, n'a pas cessé de chercher à affaiblir le président de l'OLP pour contrôler lui-même le mouvement, n'hésitant pas à susciter des scissions au sein même duFatah et à intervenir militairement au Liban, dès 1976, contre les forces « palestino-progressistes »[22].
EnJordanie, Arafat s'est constitué un État dans l'État qui représentait une menace pour le pouvoir en place. L'armée israélienne attaqua les villages jordaniens où se trouvaient les bases du Fatah, ce qui rendit le roi Hussein de Jordanie, qui cherchait un accord avec Israël, méfiant à son égard après la découverte d'un complot et déclencha leSeptembre noir[14].
Anouar el-Sadate est le premier chef d'un État arabe à avoir signé untraité de paix avec Israël. À la suite de cette signature, les contacts entre l'OLP et l'Égypte sont interrompus et ne reprennent que six ans plus tard, c'est-à-dire après l'assassinat de Sadate et l'arrivée de Moubarak au pouvoir[172].
Dans la « rue arabe », la popularité d'Arafat commence à croître après la guerre de 1967. On y considère que ses combattants vaincussauvaient l'honneur des Arabes. Ébranlés par la défaite, les civils ainsi que les militaires lui apportent leur soutien ; par respect, on le surnomme toujoursal-Khityar (le Vieux)[173],[8]. Après labataille de Karameh, considérée comme une victoire par les Arabes, Arafat organise des funérailles officielles pour les fedayins morts. Des dizaines de milliers de personnes y assistent, scandant :« Fatah ! Fatah ! Fatah ! ».
Après la signature des accords d'Oslo, Arafat est autorisé à revenir dans les territoires pour la première fois depuis 1967. Il effectue un retour triomphal. Des millions de Palestiniens accueillent « le héros de l'OLP » à Gaza[173].
Les Palestiniens reconnaissent sa grande générosité ; Arafat finançait les études et le mariage d'un certain nombre d'orphelins qu'il avait pris sous son aile, dont des enfants deshahids, ces dits martyres palestiniens ayant commis des actes terroristes[2] ; les documents saisis par les Israéliens à la Mouqata montrent une grande variété de demandes d'aide auprès du Raïs, par voie postale ou par le biais de petites annonces dans le journal, pour un mariage, un pèlerinage, des frais de scolarité ou des funérailles de Palestiniens :« Quand il visitait les villes, il était suivi d'une aide chargé d'un porte-documents Samsonite bourré de liasses de billets qu'il distribuait aux gens qui faisaient la queue pour en mendier ». Sa garde rapprochée a également largement bénéficié de ses largesses, et plus encore, les hauts fonctionnaires de l'Autorité palestinienne[174]. De la rue au sommet, tous le considèrent comme leur père bienfaisant et peuvent ainsi tolérer ses autres lubies[2]. Pour sa part, Arafat mène à son habitude, une vie austère et rangée, se contentant de conditions de vie presque spartiates[8],[3].
Ses proches apprécient le fin politique, le « renard rusé » qui, ne voulant se brouiller avec personne, tour à tour progressiste, islamiste, conservateur ou éclairé suivant son interlocuteur, encense tout le monde pour laisser toutes les lignes ouvertes et dont la vertu maîtresse est la patience[2],[8].
L'image d'Arafat se dégrade au cours des années qui suivent son retour à Gaza à cause du blocage du processus de paix, de la dégradation de la situation des Palestiniens due à la corruption et des fausses promesses[2], mais le siège de sa résidence à Ramallah ne fait qu'augmenter sa popularité auprès de ces derniers, et après sa mort, de père les Palestiniens en font une sorte d'icône[8].
Toutefois, Arafat a été notamment critiqué par l'intellectuelEdward Saïd :« C'est un tyran : il a établi une censure totale sur les médias et développé une bureaucratie qui absorbe 60 % du budget de l'Autorité » mais également par l'un de ses proches, le ministre palestinienNabil Amr, pour l'échec duSommet de Camp DavidII et par d'autres encore commeHaïdar Abdel Shafi parce qu'il négociait avec les Israéliens[3].
Régulièrement, Yasser Arafat transformait les échecs et les défaites en victoires pour garder toujours haut le moral et l'espoir palestiniens. Le diplomateTerje Roed-Larsen qui l'a côtoyé une dizaine d'années désigne Yasser Arafat comme un « guignol » qui « mentait tout le temps » : ce n'était jamais lui mais la faute du Hamas, celle d'al-Qaïda, des Iraniens, des Libanais ou des Syriens, alors que tout le monde savait que c'était lui derrière ces échecs[2].Dennis Ross, négociateur du Moyen-Orient pour les États-Unis, qualifie Arafat d'acteur et de manipulateur ayant commis des erreurs catastrophiques sur le plan moral et politique ; il rapporte également qu'un jour de 1994, il déplorait les attentats palestiniens à la bombe deHadera etAfula, et leRaïs lui a répondu qu'ils étaient l'œuvre d'un commando israélien d'Ehud Barak[2].
Lechancelier autrichienBruno Kreisky, le chancelier allemandWily Brandt et d'autres personnalités encore s'étonnaient de rencontrer en Yasser Arafat une personne bien différente du portrait qu'ils en avaient[8].
Né comme Arafat à Heliopolis, le journaliste et diplomate françaisEric Rouleau considère Arafat comme un fin stratège malgré ses échecs, ses erreurs de jugement et ses faux-pas, qu'il trouve compréhensibles, tout autant que sa versatilité, son double langage, ses demi-vérités, ses exagérations ou ses silences. Amateur de longues tirades qui ne souffraient pas l'interruption, ses conversations pouvaient n'aboutir à rien, aucune réponse concrète, et agacer par leur vacuité. Rouleau indique lui aussi qu'Arafat niait systématiquement toute responsabilité dans les échecs de sa politique, les imputants aux autres. Pour les Palestiniens, même sa mort serait due aux Israéliens. Par diplomatie, le Raïs avait refusé toutes les offres d'écrire sa biographie, afin de n'avoir pas à s'en prendre à quelque dirigeant qui lui a nui mais dont il aurait besoin[8].
De nombreux diplomates ont remarqué qu'à travers les années, Yasser Arafat appréciait les égards occidentaux, lestapis rouges et les avions privés[8],[2].
Yasser Arafat adopte labarbe à laChe Guevara et l'uniforme militaire sur conseil du KGB[31],[32]. Porté parFidel Castro, cet habit servait de signe distinctif avec les masses[175],[176]. Arafat doit apparaître comme étant un soldat et non comme un terroriste[177]. Il porte lekeffieh, coiffe arabe traditionnelle et symbole palestinien. Il le drape sur son épaule droite de manière à symboliser la représentation de la forme de la Palestine[178],[179],[180].
Comme le lui avaient conseillé les services secrets soviétiques et roumains dans les années 1960, lorsqu'il apparaissait devant une audience européenne, il parlait de son intérêt pour la paix, tandis qu'en s'adressant à une audience arabe, il parlait de bataille, de conquête et de sacrifice d' « un million deshuhada » [martyres] pour la rédemption de la Palestine[181],[94]. Il était persuadé que la stabilité du Moyen-Orient dépendait de sa personne. Et lorsqu'il n'était pas satisfait, il menaçait de déchaîner la colère palestinienne, de déstabiliser le Moyen-Orient et de menacer les intérêts américains[177].
Arafat était un musulman convaincu, croyant que les fondements de l'islam pouvaient attirer à lui et à sa cause une audience très large. Ses discours en arabe où perdurait son accent égyptien dont il ne parvint jamais à se débarrasser étaient agrémentés par des citations coraniques, séduisant un public islamique large[177],[8],[2].
Bien qu'Arafat apparaissait comme un dirigeant charismatique et chaleureux, manifestant sans cesse, selonClaude Cheysson, un « souci de plaire à tout prix », une « sorte de Machiavel sentimental », son gouvernement était centralisé et il dirigeait le Fatah et l'Autorité palestinienne d'« une main de fer »[3]. LeRaïs est perçu dans la culture populaire palestinienne, comme le père et le symbole du mouvement nationaliste palestinien[182], et dans le reste du monde comme unanti-hérosiconique[136].
↑Muhammad Abd al-Raouf Arafat al-Qudua al-Husseini habitait avec sa famille au 24A rue du Baron Empain àHéliopolis.Christophe Boltanski etJihan El-Tahri,Les sept vies de Yasser Arafat, Grasset, 1997.
↑Ion Mihai Pacepa : « Il fallut des années auKGB et à ma DIE pour doter Arafat d'un certificat de naissance palestinien et autres documents d'identité qui soient crédibles, pour lui fabriquer un nouveau passé. » (Disinformation, WND Books, Washington, 2013).
↑Cf.Rapport Kahane :« (...)the terrorists did not fulfill their obligation to evacuate all their forces from West Beirut and hand their weapons over to the Lebanese army but left in West Beirut, according to various estimates, approximately 2,000 fighters (...) This coordination between Brigadier-General Yaron and the Phalangist commanders would take place on Thursday afternoon at the forward command post. It was likewise agreed at that meeting that a company of 150 fighters from the Phalangist force would enter the camps and that they would do so from south to north and from west to east. Brigadier-General Yaron spoke with the Phalangists about the places where the terrorists were located in the camps and also warned them not to harm the civilian population. He had mentioned that, he stated, because he knew that the Phalangists' norms of conduct are not like those of the I.D.F. and he had had arguments with the Phalangists over this issue in the past, Brigadier-General Yaron set up lookout posts on the roof of the forward command post and on a nearby roof even though he knew that it was impossible to see very much of what was going on in the camps from these lookouts An order was also issued regarding an additional precautionary measure whose purpose was to ascertain the actions of the Phalangist forces during their operation in the camps (this measure is cited in section 5, Appendix B) »
↑Cf.Rapport Kahane :« Only one element, and that is the I.D.F., shall command the forces in the area. For the operation in the camps the Phalangists should be sent in. » Compte rendu du ministère de la Défense, rédigé le par Avi Dudai, concernant des instructions données par Ariel Sharon le 15 septembre. Exhibit 34.
↑(en)SeánMacBride et A. K. Asmal, B. Bercusson, R. A. Falk, G. de la Pradelle, S. Wild,Israel in Lebanon : The Report of International Commission to enquire into reported violations of International Law by Israel during its invasion of the Lebanon, Londres, Ithaca Press,,1reéd., poche(ISBN978-0-903729-96-3,LCCN83178899),p. 191–2.
↑« Une commission officielle d'enquête (la Commission Kahane) le tient indirectement responsable des massacres perpétrés dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila en septembre 1982. Il démissionne de son poste à la Défense en 1983 mais reste ministre sans portefeuille jusqu'en 1984 »Site de MEDEA Institut Européen de Recherche sur la Coopération Méditerranéenne et Euro-ArabeSharon, Ariel, mars 2006.
↑[1]Ce qui s'est passé à Sabra et Chatila, Dan Galili.
↑Nuit d'Orient Michel Gurfinkiel évoque une interview accordée par Philippe de Gaulle, fils du général, paru dans le magazineValeurs actuelles à la date du 12 décembre 1988.
↑« M. Arafat reconnait le droit d'Israël à vivre "en paix et en sécurité" et déclare "renoncer totalement" au terrorisme »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le)
Éric Rouleau,Dans les coulisses du Proche-Orient: Mémoires d'un journaliste diplomate (1952-2012), préface d'Alain Gresh, Fayard, 2012, 9782213674568.Lire en ligne
(en)Biographie sur le site de lafondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — leNobel Lecture — qui détaille ses apports)