LesLibyens, de la tribu desMâchaouach (ouMâ) comme celle de la tribu desLibou, sont bien implantés dans ledelta du Nil, et ce depuis bien avant le règne deSheshonq Ier, peut-être dès le règne deRamsès III. En effet, les premiers sheshonqides exercèrent semble-t-il des fonctions militaires dans la région dePer-Sopdou[4]. Toujours est-il que, si les rois de la dynastie portent des noms libyens, ce n'est pas par une volonté de mettre en avant une culture libyque ancestrale maintenue sur plusieurs générations mais par tradition familiale (par exemple un fils se voyait attribuer le nom de son grand-père). Les Libyens devaient avoir été culturellement assimilés, parlant l'égyptien et honorant lesdieux égyptiens. Leurs titres de « Chef des Mâ » et de « Chef des Libou », s'ils ont bien une origine ethnique, ont bien plus pris la marque d'une fonction que la marque d'une ethnie et il est à noter que si les Hyksôs avant eux, et les Koushites, les Perses et les Grecs après eux ont bien une culture matérielle distincte de celle des Égyptiens, une culture matérielle libyque n'est en rien distinguable dans le registre archéologique[5].
C'est sous son règne que sont transportées dans la tombeDB320 les momies de la famille des grands prêtres d'Amon de laXXIe dynastie ainsi que celles de plusieurs rois duNouvel Empire. Le roi inaugure une politique d'apanage en octroyant des fonctions importantes à ses fils, politique poursuivie par ses successeurs. Ainsi,Ioupout devient généralissime du Sud et grand prêtre d'Amon,Nimlot devient général d'Héracléopolis et grand prêtre d'Héryshef tandis queDjedptahiouefânkh, qui était peut-être son fils, devient troisième prophète d'Amon et chef du district autour de Thèbes. De plus, sa probable fille Méhytemouskhet devientdivine adoratrice d'Amon vers 940 AEC[8]. Il continue de s'allier au cours de son règne aux puissantes familles locales : sa fille Tashepenbastet épouse le général et troisième prophète d'Amon Djeddhéhoutyiouefânkh, une fille de Ioupout épouse le quatrième prophète d'Amon Djedkhousouiouefânkh et une autre fille du roi, Tanytsepeh, épouse legrand prêtre de PtahChedsounéfertoum deMemphis[9].
Le roi est l'auteur d'un important programme architectural, son nom ayant été retrouvé àTanis (sphinx usurpés et temples d'Amon et de Mout),Memphis (table d'embaumement des taureauxApis au niveau dutemple de Ptah, untemple des millions d'années est également connu par les textes mais n'a pas été retrouvé),Héliopolis,Athribis,Pithom, Tell Tebilleh,Héracléopolis (bloc portant un décret rappelant les donations des élites locales au temple d'Héryshef),El Hibeh (construction d'un temple d'Amon),Thèbes (première cour dutemple d'Amon de Karnak principalement) etÉléphantine tandis que le nom de son fils Ioupout a été retrouvé àAbydos (édifice s'apparentant à un cénotaphe)[10].
De plus, le roi a organiséa minima une campagne en Palestine, comme figuré sur le mur sud de la cour du temple d'Amon à Karnak. Cette campagne est encore assez floue, que ce soit sa raison d'être, la date et les lieux visités mais il semble qu'elle avait des raisons économiques, qu'elle a eu lieu vers 927-926 AEC et que les armées égyptiennes visitèrent leNéguev, la plaine côtière (Gaza,Gezer) et les confins de ce qui sera où était déjà leroyaume d'Israël (vallée deJezraël avecMegiddo et vallée moyenne duJourdain). Le roi a également noué des relations étroites avec les cités phéniciennes alors en pleine expansion, comme l'atteste un fragment debase d'une statue(en) de SheshonqIer portant le nom du roiAbibaal[11].
Osorkon Ier succède à son pèreSheshonq Ier vers 922 AEC, pour un règne d'environ trente-cinq ans. Le roi poursuit la politique initiée par son père d'apanage des principales fonctions clés à des fils royaux avec peut-être une petite entorse avec un certain Osorkon qui serait grand prêtre d'Héryshef à la suite de son père Nimlot et donc un petit-fils du roi SheshonqIer, mais peut-être est-il devenu grand-prêtre pendant le règne de son grand-père. Un texte daté d'OsorkonIer et retrouvé àBubastis précise bien ce fonctionnement où lorsque le détendeur d'une des principales fonctions du pays meurt, le roi (Osorkon et ses successeurs) doit alors le remplacer par l'un de ses propres fils. La famille d'Osorkon étant moins bien connu que celle de son père ou celle de son petit-filsOsorkon II, l'évaluation de la mise en pratique d'une telle politique est difficile. Toujours est-il que le fils qu'il a eu avec la reineMaâtkarê, fille dePsousennès II, nomméSheshonq comme son grand-père, devient grand prêtre d'Amon à la suite de son oncleIoupout[12].
Le roi est bien attesté à travers l'Égypte : àBubastis, il construisit une cour et une colonnade hathorique en granit dans le temple deBastet ainsi que peut-être un petit temple dédié àAtoum ; àTanis, son nom est lié à son mobilier funéraire dans lanécropole royale ; àTell el-Yahoudieh, une statuette en bronze du roi a été retrouvée ; àMemphis, un linteau représentant le roi et deux notables locaux devantIsis etHorus a été retrouvé ; àAtfieh, un relief montre le roi allaité par Isis ; àEl Hibeh, il termine la construction du temple d'Amon commencé par son père ; àAbydos ont été trouvés des vases votifs à son nom ; enfin àThèbes, il continue la cour commencée par son père dans letemple d'Amon mais ne fait pas terminer les reliefs pour une raison inconnue[13].
Il semble, selon des stèles de donations, être l'auteur d'importantes donations d'or et d'argent sous forme de vaisselles (5 010deben d'or et 30 720deben d'argent) et de statues (15 345deben d'or et 14 150deben d'argent) aux temples deRê-Atoum àHéliopolis, deThot àHermopolis et d'Amon àThèbes. La valeur réelle dudeben pour cette période n'étant pas assurée et les quantités très importantes de métaux ne permettent pas de s'assurer de la réalité de ces dons : peut-être le roi a fait passer la quantité de métaux précieux possédée par les temples pour des donations[14].
Sheshonq IIa est connu uniquement par son inhumation (ou plutôt sa réinhumation) dans le tombeau dePsousennès Ier dans lanécropole royale de Tanis. S'il fait assurément partie de la famille royale, sa place au sein de cette famille est inconnue. Il a été auparavant assimilé au princeSheshonq, fils d'Osorkon Ier et deMaâtkarê et grand prêtre d'Amon, mais cette hypothèse a depuis été réfutée car jamais ce prince Sheshonq n'est mentionné comme étant roi par ses descendants[18].
Un second roi, ToutkhéperrêSheshonq IIb, n'est attesté que par un linteau àBubastis et un ostracon àAbydos. S'il fait lui aussi assurément partie de la famille royale, sa place au sein de cette famille est inconnue[19].
De plus, des documents du sud du delta contemporains de cette époque parlent d'un général Nimlot fils d'un roi Sheshonq. Si ce roi avait auparavant été assimilé àSheshonq Ier, il est possible qu'il s'agisse en fait de l'un de ces deux rois[19].
Stèle d'Horsaïset suivi de Karomânâ, épouse du dieu, face à Amon-Kamoutef.
Un personnage assez énigmatique émerge à Thèbes à cette période : le roiHorsaïsetIer. Rien n'est certain : s'est-il proclamé roi avant ou au début du règne d'Osorkon II ? est-il un descendant d'une famille de grands prêtres thébains ou d'une lignée collatérale de la famille sheshonqides ? est-il un corégent plus ou moins officiel du roi bubastite ou un roi en révolte ?[20]
Un fragment de statue assise d'OsorkonII retrouvée àByblos témoigne probablement de la continuité des cadeaux diplomatiques aux rois de Byblos faits par les prédécesseurs d'OsorkonII. De plus, une jarre au nom d'OsorkonII et trouvée dans le palais desOmrides àSamarie prouve les échanges commerciaux entre l'Égypte et leLevant, Levant qui s'est de plus en plus développé depuis l'époque du règne d'OsorkonIer. Enfin, alors que la menaceassyrienne commence à se faire sentir au Levant et à la suite de la conquête du nord de la Syrie par ces mêmes assyriens, une coalition composée des royaumes deHamath, deDamas et d'Israël se met en place et est rejoint par l'Égypte pour laquelle elle envoie seulement 1 000 soldats, Osorkon ne prenant peut-être pas la mesure de la menace assyrienne. La bataille a lieu àQarqar, sur l'Oronte, et se solde par une défaite assyrienne. L'Égypte reste par la suite spectatrice de ce qu'il se passe au Levant pour plusieurs décennies[25].
Osorkon se proclame roi peu après la reconquête de Thèbes. Son règne est semblet-il calme. Il est attesté jusqu'au nord d'Hermopolis, ainsi il n'est pas certain qu'Héracléopolis, verrou stratégique entre le nord et le sud, ait fait partie de son royaume. Il nomme son fils Takélot, le futurTakélot III, comme grand prêtre d'Amon et un autre fils, Djedptahiouefânkh, commechef des pays étrangers du sud, probablement pour gérer depuisÉléphantine (limite sud de son royaume) les relations avec leroyaume de Koush alors en plein essor. De plus, sa filleChepenoupet Ire est nomméedivine adoratrice d'Amon vers 765 AEC, elle inaugure unelignée de divines adoratrices au rayonnement bien supérieur à celles qui l'ont précédée. Le roi, à la fin de son règne, octogénaire, règne en corégence avec son filsTakélot III pendant cinq ans[41].
Takélot III, déjà âgé, règne donc seul après la mort de son pèreOsorkon III et une corégence de cinq ans, la seule reportée de manière indiscutable de l'histoire égyptienne[42]. La plus haute date connue de son règne date de l'anXIII (incluant donc la corégence avec son père) sur une stèle trouvée dans l'oasis de Dakhla, montrant que le pouvoir thébain était reconnua minima dans cette oasis. Peu de choses sont connues de son règne et laisse le trône à son frèreRoudamon[43]. Peu de choses sont connues du règne de Roudamon, si ce n'est qu'il semble plus présent àHermopolis en Moyenne-Égypte qu'enthébaïde, signe peut-être d'une première prise de contrôle de cette région par lesKoushites. Toujours est-il qu'aucun de ses fils ne lui succède sur le trône, mettant fin à la ligné thébaine de laXXIIe dynastie[44], à moins qu'un potentielSheshonq VII[45],[46],[47].
C'est dans le cadre de la lutte contre l'expansion koushite en Égypte que se forme une coalition de rois et chefs menée parTefnakht. Les faits sont relatés sur lastèle des victoires dePiânkhy (XXVe dynastie) qui voit la défaite de la coalition et la soumission à Piânkhy de l'ensemble des rois et chefs égyptiens.[50]. Le successeur de Tefnakht à Saïs,Bakenranef se proclame roi (XXIVe dynastie) et impose son autorité sur la Basse-Égypte et jusqu'à semble-t-ilHéracléopolis[51]. Ceci mène à une nouvelle campagne Koushite vers 712 AEC, cette fois-ci mené par le fils et successeur de Piânkhy, le roiChabataka, qui vainc Bakenranef et impose son autorité à l'ensemble de territoire égyptien, mettant fin aux diverses dynasties locales desXXIIe,XXIIIe etXXIVe dynasties[52], bien que des rois locaux réémergeront plus tard àTanis (voir les successeurs de laXXIIIe dynastie) etSaïs (XXVIe dynastie)[53].
Registre supérieur : le prêtre Padiouset offre de l'encens en l'honneur de Rê-Horakhty-Atoum ; registre inférieur : formule d'offrande à Osiris. Bois enduit et peint, vers 900 AEC (XXIIe dynastie).
Les rois de cette dynastie se placent sous la protection du dieuAmon (visible notamment dans leurtitulature avec de nombreuxMéry-Amon, « l'aimé d'Amon ») et délégueront une partie de leurs pouvoirs auxgrands prêtres d'Amon àThèbes. Mais ils font également référence au passé glorieux représenté parRamsès II, car de nombreux rois portent son nom de couronnement,Ousermaâtrê, « puissante est la justice (Maât) deRê », à commencer parSheshonq Ier.
On qualifie souvent cette dynastie de « bubastite » (de la ville deBubastis), mais bien qu'elle fût la ville d'origine du fondateur de cette dynastie, et même si ses successeurs y agrandirent le grand temple deBastet, il semble que le palais royal se trouvait toujours àTanis (c'est là, en tout cas, que se trouvent les tombes des rois de cette dynastie). Durant cette période, lacapitale administrative demeure àMemphis.
Les temples, qui avaient profité des largesses royales sous leNouvel Empire, sont devenus des relais indispensables en Égypte, depuis la déliquescence du pouvoir royal à la fin de laXXe dynastie. Ils ont assumé, à travers des modifications institutionnelles, la fonction de garants de l'ordre cosmique liée à la perception traditionnelle du monde. Ils ont développé de nouveaux aspects de la théologie, par exemple les cultes des dieux enfants, visant à permettre le renouvellement des grands cycles de l'univers égyptien.
Parallèlement, ils apparaissent comme les médiateurs par excellence entre hommes et dieux, dans la mouvance du développement de la piété personnelle. La montée considérable du culte des animaux sacrés s'inscrit dans ces évolutions, de même que la pratique officielle de l'oracle, et sa diffusion dans la sphère privée. Les Libyens s'assurent le soutien des clergés, en respectant scrupuleusement les obligations religieuses traditionnelles du pouvoir royal : ils reprennent une politique monumentale en faveur des temples, notamment àBubastis, mais aussi dans les grands sanctuaires deKarnak,Héliopolis,Hermonthis,Abydos, etTanis qui reste la capitale du nord.
L'art de la période marque la volonté des souverains de se rattacher à la grandeurramesside, tant dans l'architecture que dans la sculpture monumentale. Il se développe un art du bronze de grande qualité (cf. une statue de la divine adoratriceKaromama).