Wole Soyinka (prononcé[wɔléʃójĩnká]), né le àAbeokuta auNigeria, est unécrivain etmetteur en scène nigérian. Lauréat duprix Nobel de littérature en 1986, il est le premier auteur noir à en être honoré. Artiste prolifique et éclectique, il a écrit de nombreuses pièces de théâtre, mais aussi des récits autobiographiques, des recueils de poèmes et de nouvelles, des romans, ainsi que des essais politiques et littéraires. Réputé pour la richesse de son imagerie poétique et la complexité de sa pensée, il compte parmi ses chefs-d'œuvre la tragédie anticolonialisteLa Mort et l'Écuyer du roi (1975).
Après des études aux universités d'Ibadan et deLeeds, Wole Soyinka travaille auRoyal Court Theatre deLondres. Par la suite, il fonde plusieurs troupes théâtrales auNigéria dont « 1960, Masks drama troupe » et occupe de nombreux postes universitaires àIbadan,Ife etLagos.
En1952, Soyinka crée l'association « The Pyrate » à l'université d'Ibadan afin de combattre la mentalité coloniale. En1961, il participe à la création duMbari Club, un centre d’activités culturelles composé d’écrivains, d’artistes et de musiciens africains. En1962, il oppose au célèbre concept denégritude, fondé parAimé Césaire et repris parLéopold Sédar Senghor, le concept de « tigritude » à propos duquel il dira« qu'un tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore[1]. » Il participe à une conférence controversée sur le sujet au sein de l'université Makerere (Ouganda), en1962. L'auteur est emprisonné au Nigéria entre1967 et1969 pour avoir soutenu le mouvement d'indépendance duBiafra[2]. Après sa libération, il reste au Nigéria et enseigne aux départements d'art dramatique d'Ife et Ibadan. Il voyage aussi à travers le monde pour mettre en scène ses pièces, donner des conférences et éditer des magazines littéraires commeTransition.
En1994, il est contraint à l'exil après avoir été condamné à mort par le gouvernement deSani Abacha. Il ne peut rentrer au pays qu'après la mort du dictateur, en1998[1]. Il s'implique également auParlement international des écrivains[4] et a présidé la Communauté africaine de culture (CAC) à partir de 2006[5].
Le, il annonce la création de son parti, leDemocratic Front for a People's Federation (DFPF, Front démocratique pour une fédération des peuples)[6], en vue des élections générales, prévues soit en, soit en[7].
En 2014, il signe la préface d'une anthologie intituléeAfrica39: New Writing d'Afrique du Sud du Sahara, mettant en avant 39 jeunes écrivains africains, dans le cadre du projetAfrica39[8]. L'Union internationale humaniste et éthique l'honore du prix de l'Humaniste international de l'année[9], mais, malade, il ne peut se rendre à la remise du prix au Congrès du monde humaniste à Oxford et se voit contraint d'envoyer une version enregistrée de son discours[10]. Le, il révèle dans une conférence de presse au Centre culturel d'Abeokuta, dans l'État d'Ogun, qu'il vient de sortir victorieux de sa lutte contre lecancer du côlon et qu'il souhaite mettre sa notoriété à profit pour encourager la prévention contre tout type decancer[11].
À la suite de l'élection deDonald Trump à la présidence desÉtats-Unis d'Amérique en 2017, Soyinka déchire sacarte verte en signe de protestation, renonçant ainsi au privilège du droit à la résidence permanente aux États-Unis alors qu'il y enseignait dans plusieurs universités[12], et se réinstalle alors au Nigéria[13]. Interrogé sur son geste auSalon du Livre de Paris, il dénonce l'instrumentalisation d'une « vague de xénophobie latente qui existe dans toutes les sociétés » et compare la politique anti-migratoire de Trump aux expulsions d'étrangers perpétrées par le gouvernement nigérian pendant la crise du pétrole de 1983[14],[15].
Fin octobre 2025, il annonce lors d'une conférence de presse que son visa américain a été annulé par le consulat desEtats-Unis àLagos, annulation dont il a assuré être très satisfait[17].
Soyinka s'est essayé à toutes les formes d'écriture. Il rend compte de la complexité du continent africain dont il restitue, sur le plan littéraire, la grandeur ancestrale et « l'âme noire ». Son œuvre, polymorphe et occidentalisée, est essentiellement rédigée enanglais et s'inspire des mythes et du folkloreyoruba dont il est issu. L'auteur a souvent recours à l'analepse et recherche dans sa prose un certain symbolisme[18]. Parfois fragmentaire et sensible à l'expérimentation, son style s'enrichit d'intrigues remarquablement construites et mêle légende, fantaisie et noirceur[18]. D'un pessimisme historique profond, ses textes tournent essentiellement autour du thème de la liberté bafouée et du concept de « viol des nations[19] ».
Ses productions théâtrales combinent généralement la tradition du spectacle africain à l'art classique et moderne du théâtre occidental. Parmi ses pièces les plus connues, on compte notammentLe Lion et la perle (1959) qui dépeint la vie de villageois ordinaires sur un mode humoristique,La Danse de la forêt (1960), écrite en l'honneur de l'indépendance nigériane, la comédieLes Tribulations de frère Jéro (1960),La Route (1965) qui met en parallèle accidents de voiture et forces divines et la satire politiqueLa Récolte de Kongi (1965). SuiventUn sang fort (1966) qui prend pour figure centrale le bouc émissaire,Fous et spécialistes (1970) qui évoque laguerre du Biafra,Bacchae (1973), transposition en Afrique desBacchantes d'Euripide,La Métamorphose de Jero (1973) etLa Mort et l'Écuyer du roi (1975).Opera Wonyosi (1981) s'inspire deL'Opéra de quat'sous deBertolt Brecht.
Soyinka est aussi l'auteur de nombreux recueils de poésie et de romans commeLes Interprètes (1965), satire féroce de la société nigériane pleine d'humour et d'ironie.Une Saison d'anomie (1973) revisite quant à lui le mythe d'Orphée dans le cadre des massacres commis auBiafra durant lesannées 1960. On doit également à l'auteur un récit autobiographique :Aké, les années d'enfance (1981) et quelques études critiques telles queMythes, littérature et le monde africain (1976) dans laquelle il expose ses théories artistiques et revient sur sa conception de lalittérature africaine.
En 2012, il a également prêté sa voix pour le documentaire deIshaya Bako, qui relate l'histoire du mouvementOccupy Nigeria, engagé dans la lutte contre la corruption et la pauvreté[20].
En 2021, le premier tome de son autobiographie figure au programme de français des classes préparatoires scientifiques françaises et il publie son dernier gros roman,Chronicles from the Land of the Happiest People on Earth[21].
Wole Soyinka a été le premier auteur africain et la première personnaliténoire à recevoir leprix Nobel de littérature, en1986. L'Académie suédoise salue ainsi un« écrivain qui met en scène, dans une vaste perspective culturelle enrichie de résonances poétiques, une représentation dramatique de l'existence[19]. » À propos de cette récompense, il déclare :« Il y a des gens qui pensent que le prix Nobel vous rend insensible aux balles, pour ma part, je ne l'ai jamais cru[1]. »
Prix Europe pour le Théâtre - Premio Europa per il Teatro
Un Prix spécial est décerné à Wole Soyinka, écrivain, dramaturge et poète, Prix Nobel de littérature en 1986, qui a su créer par son œuvre un pont idéal entre l'Europe et l'Afrique (...) Avec son art et son engagement, Wole Soyinka a contribué à renouveler la vie culturelle africaine et a participé activement au dialogue entre l’Afrique et l’Europe, en abordant des thèmes politiques de plus en plus actuels et en apportant, en anglais, de la richesse et de la beauté à la littérature, au théâtre et aux essais en Europe et aux quatre coins du monde[23].
Publié en français sous le titreLes Gens du marais, suivi deUn sang fort et deLes Tribulations de frère Jéro, Paris, P.J. Oswald, 1971 ; réédition, Paris, Harmattan, 1986
The Lion and the Jewel (1959)
Publié en français sous le titreLe Lion et la Perle, Yaoudé, Édition C.L.É., 1968
The Trials of Brother Jero (1959)
Publié en français sous le titreLes Tribulations de frère Jéro, précédé deLes Gens du marais, et deUn sang fort, Paris, P.J. Oswald, 1971 ; réédition, Paris, Harmattan, 1986
A Dance of the Forests (1960)
Publié en français sous le titreLa Danse de la forêt, Paris, P.J. Oswald, 1971 ; réédition dans une nouvelle traduction sous le titreLa Ronde de la forêt, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1991
My Father's Burden (1960)
The Strong Breed (1964)
Publié en français sous le titreUn sang fort, précédé deLes Gens du marais, et suivi deLes Tribulations de frère Jéro, Paris, P.J. Oswald, 1971 ; réédition, Paris, Harmattan, 1986
Before the Blackout (1964)
Kongi's Harvest (1964)
Publié en français sous le titreLa Récolte de Kongi, Paris, Éditions Silex, 1988
The Road (1965)
Publié en français sous le titreLa Route, Paris, Hatier, 1988
Madmen and Specialists (1970)
Publié en français sous le titreFous et Spécialistes, Ivry, Éditions Nouvelles du Sud/Centre National des Lettres, 1993
The Bacchae of Euripides (1973)
Publié en français sous le titreLes Bacchantes d'Euripide: Rite de communion, Paris, Éditions Silex, 1989
Camwood on the Leaves (1973)
Publié en français sous le titreDu rouge sur les feuilles de cam, Ivry, Éditions Nouvelles du Sud/Centre National des Lettres, 1992
Jero's Metamorphosis (1973)
Publié en français sous le titreLa Metamorphose de frère Jéro, Paris, Éditions Présence africaine, 1984
Publié en français sous le titreLes Interprètes, Paris, Éditions Présence africaine, 1979
Season of Anomy (1972)
Publié en français sous le titreUne saison d'anomie, Paris, Belfond, 1987 ; réédition, Livre de pocheno 9582, 1993
Chronicles From The Land of The Happiest People on Earth,Pantheon Books, 2021
Publié en français sous le titreChroniques du pays des gens les plus heureux du monde, 532 pages, Paris, Éditions du Seuil, 2023(ISBN978-2-02-149788-5)
A Big Airplane Crashed Into The Earth (ouPoems from Prison) (1969)
A Shuttle in the Crypt (1971)
Ogun Abibiman (1976)
Publié en français sous le titreCycles sombre, recueil français composé à partir deIdanre and other poems,A Shuttle in the Crypt etOgun Abibiman, Paris, Silex, 1987
Myth, Literature and the African World (1976)
Mandela's Earth and Other Poems (1988)
Publié en français sous le titreLa Terre de Mandela, Paris, Belfond, 1989
1994, 1999 (en entier), sur une musique deTania León,Le Maléfice des jacinthes (A Scourge of Hyacinths) est le premier opéra dont le livret soit tiré d'une pièce de Wole Soyinka
↑a etbArticle de Denise Coussy sur Wole SoyinkainLe Nouveau Dictionnaire des auteurs, de tous les temps et de tous les pays, Laffont-Bompiani,Paris,1994, volume 2, page 3031.
↑Nils C. Ahl, « « Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde » : le Nigeria de Wole Soyinka, entre allégresse et dégoût »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le).
Christiane Fioupou,La route : réalité et représentation dans l'œuvre de Wole Soyinka, Rodopi, Amsterdam, 1994, 390 p.(ISBN90-5183-731-3).
Michèle Lurdos,Côté cour, côté savane, le théâtre de Wole Soyinka, Presses universitaires de Nancy, Nancy, 1990, 133 p.(ISBN2-86480-399-2).
Jean-Jacques Ngor Sene,Mythe et rituel dans la production théâtrale de Wole Soyinka ou La matrice d'une conscience sociale toujours en éveil, Université de Haute-Bretagne, Rennes 2, 1999, 454 p. (thèse de doctorat d'Études anglaises).
Alain Ricard,Wole Soyinka ou l'Ambition démocratique, Silex, Paris ; les Nouvelles éd. africaines, Lomé, 1988, 79 p.(ISBN2-7236-0953-7).
Éliane Utudjian Saint-André,Le théâtre anglophone du Nigeria, du Ghana et de la Sierra Leone. Evolution des formes des origines à la fin du XXe siècle, Paris, éditions Karthala, 2007.
Wole Soyinka poète citoyen : Nigéria juillet et, film de Bankolé Bello, produit en 1990 par 5 Continents, la Sept, FR3, BB film and Video, Ateliers de Diffusion Audiovisuelle et 5 Continents, 52 min (VHS)
(en)Autobiographie sur le site de lafondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — leNobel Lecture — qui détaille ses apports)
Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :