Pour les articles homonymes, voirRonis.
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nationalité | |
Activités |
A travaillé pour | |
---|---|
Membre de | |
Mouvements | |
Distinctions | |
Archives conservées par |
Willy Ronis, né le àParis9e et mort le dans le20e arrondissement de Paris, est unphotographefrançais, lauréat duGrand Prix national de la photographie en1979 et duprix Nadar en1981.
Il est l’un des représentants les plus importants de laphotographie humaniste française avecÉdouard Boubat,Jean-Philippe Charbonnier,Robert Doisneau,Izis etSabine Weiss. Il définit l'école humaniste comme « le regard du photographe qui aime l'être humain »[1].
Emmanuel Ronis, le père du photographe, et son frère Marcus,juifs d’Odessa, arrivent à Paris en 1904. Tauba Gluckman, pianiste juive venant deLituanie, s’y est installée en 1899. Tous trois ont fui lespogroms de l’Empire russe.
Mélomanes, Emmanuel et Tauba se rencontrent dans une amicale d’exilés russes, puis s’installent dans le9e arrondissement. Un fonctionnaire de l’immigration qui enregistre les Ronis leur donne par erreur le nom de « Roness ». Willy Ronis signe donc « Roness » ses premiers travaux. Il ouvre son studio après un emploi de retoucheur en photographie dans un studio réputé,« pour effacer les rides des dames ». Ce n'est qu'à la fin de laguerre que l'erreur est rectifiée et que les Ronis récupèrent leur patronyme.
Willy naît en 1910 à Paris au pied de labutte Montmartre[2]. Pour ses 15 ans, son père lui offre un appareil photographique ; Willy Ronis veut cependant devenir compositeur de musique[3]. Cela ne l'empêchera pas de parcourir les rues de Paris et de s'essayer à la photographie.
En 1929, après sa scolarité au Lycée Rollin (actuelCollège-lycée Jacques-Decour[4]), il s'inscrit à la faculté de droit de la Sorbonne, dans l'objectif de devenir compositeur de musique[5],[6].
Willy Ronis signe ses premiers travaux sous le patronyme de « Roness ». Ce n’est qu’en 1945 que la famille Ronis retrouve son véritable patronyme.
Willy Ronis découvre laSociété française de photographie (notamment les travaux deBrassaï,Pierre Boucher,Rogi André) qui lui ouvre les yeux sur une pratique différente de la photographie que celle exercée par son père dans son studio : une pratique qui met en avant des images vivantes et anti-conventionnelles[7].
Mais lors de son retour du service militaire en 1932, son père, très malade, lui demande de l’aider au studio. Ainsi Willy Ronis fait-il lui-même les tirages de ses photos. Il est peu intéressé par la photographie conventionnelle, mais se passionne pour les expositions de photographies. Alors que la gauche se mobilise amenant l’avènement duFront populaire aux législatives de 1936, le jeune photographe, partisan de telles idées, suit avec entrain les manifestations ouvrières d’alors et prend ses premiers clichés marquants qui seront publiés par la revueRegards[8],[9].
L'année 1935 est ainsi décisive pour lui, puisqu’elle marque la mort de son père (des suites d'un cancer, après une agonie de quatre ans) et la vente d’un studio qui périclitait et qui est vécu par Willy Ronis comme un fardeau. La famille déménage ensuite dans le11e arrondissement[8],[5].
À partir de cette date, Willy Ronis se consacre au reportage. Ses premiers reportages sont des commandes de laSNCF ou du Commissariat au Tourisme. Avec la montée duFront populaire, les mêmes idéaux rapprochent Ronis deRobert Capa et deDavid Seymour, photographes déjà célèbres. Il a également l’occasion de rencontrerAndré Kertész,Brassaï etHenri Cartier-Bresson. Mais, par rapport à la vision de ses pairs, Willy Ronis développe une véritable originalité, marquée par l’attention portée à l’harmonie chorale des mouvements de foule et à la joie des fêtes populaires[10].
En 1937, il achète son premierRolleiflex avec lequel il effectue un reportage qui est publié dansPlaisir de France[11].
En 1938, il immortaliseRose Zehner, déléguée syndicale aux usines Citroën du quai de Javel haranguant ses collègues ouvrières. La photo est tirée d'un reportage, commande du magazineRegards[12]. En1982, dansUn voyage de Rose, le cinéastePatrick Barbéris filme ses retrouvailles avec Rose Zehner, personnage principal de son cliché pris lors des grèves de1938 chez Citroën-Javel et publié pour la première fois en1980 dansSur le fil du hasard[13].
À l'arrivée au pouvoir du régime vichyste, Willy Ronis est catégorisé commeJuif : sa carte d'identité est tamponnée de la mention « Juif ». Alors que sa mère, catégorisée comme juive elle aussi, décide de rester à Paris, Willy Ronis, qui ne veut pas porter l'étoile jaune, passe laligne de démarcation en 1941 et part vivre dans le sud de la France : Nice, Cannes puis le Vaucluse. Il vit la période de laSeconde Guerre mondiale comme une parenthèse : très peu de photographies des persécutions subies par les Juifs et pas de témoignages de la période d'épuration. Willy Ronis veut préserver sa foi en l'homme. Ayant mis la photographie de côté, il exerce divers métiers comme décorateur de studio, régisseur de théâtre et devient même l'assistant du photographe de plateauSam Lévin[1],[7],[11],[12].
En 1946, Willy Ronis entre à l’Agence Rapho et rejoint les grands noms de la photographie de l'époque que sontBrassaï,Doisneau,Ergy Landau. En 1945, il fait un reportage pour laSNCF sur le retour des prisonniers. Il collabore alors aux revuesPoint de vue,Regards,L'Écran français,Le Monde illustré,Time ouLife. Il est d'ailleurs le premier photographe français à travailler pourLife[8]. Il sillonne alors l'Europe : laBelgique (1951) et lesPays-Bas (1952 et 1954) donnent un reportage pour les lectrices du magazineNouveau Femina ;Londres (1955), l'Italie (1959) et enfin la RDA (1967)[14]. Il travaille également pour l'industrie (Air France), la publicité ou la mode (Vogue). Pour Air France, il effectue un reportage, qui est publié dans la revue interneAir France Revue, sous le titreFamilles de France dans le numéro de juin-.
En 1948, c'est une de ses photos les plus célèbres :Marie-Anne (Lansiaux), Gordes. Une série de quatre clichés de sa femme pris après la sieste lors de sa toilette. Un des clichés est publié par l'agence Rapho et connaît tout de suite un important succès. Willy Ronis a souvent été comparé à une peinture de Bonnard[15].
Dans les années 1950, Willy Ronis milite au sein duGroupe des XV pour que la photographie soit reconnue comme discipline artistique[8].
Sa période à l'agence Rapho est contrariée par sa volonté d'indépendance : il refuse plusieurs contrats qui ne lui conviennent pas et quitte l'agence en 1955 pour la rejoindre de nouveau en 1972[7].
En 1967, l'Association d'échanges franco-allemands lui passe une commande. Il se rend pour cela en Allemagne de l'Est et y photographie les villes, la campagne, les sites industriels, les gens, les Allemands. Cette commande fait l'objet d'une exposition itinérante qui est présentée, jusqu'en 1974, dans 70 sites en France[14]. Les photos prises en RDA font l'objet d'une nouvelle exposition à Versailles en 2021,Willy Ronis en RDA - La vie avant tout, 1960-1967, accompagnée de la publication d'un catalogue[16].
Belleville-Ménilmontant,Sur le fil du hasard etMon Paris sont parmi les livres importants qu’il a publiés. On a alors pu dire que Willy Ronis, avecRobert Doisneau etÉdouard Boubat, était l’un des photographes majeurs de cette école française de l’après-guerre qui a su concilier avec talent les valeurs humanistes et les exigences esthétiques du réalisme poétique[10]. Il a cette particularité de traiter les sujets — y compris les sujets difficiles — avec une tendresse accompagnée d'une certaine joie de vivre. Les critiques qualifient cette manière de photographier, de mièvre et sentimentaliste[3]. En revanche, contrairement à Robert Doisneau, il travaille ses clichés sur l'instant : en une ou deux prises de vue, sans mise en scène, laissant une place importante au hasard[5].
Il travaille beaucoup avecLife, qui lui passe régulièrement commande pour ses reportages ; deux clichés de cette époque donnent à Willy Ronis le respect de ses pairs mais sont aussi à l'origine de l'arrêt de sa collaboration avec le magazine américain. Il éprouve, avecLife comme avec l'agence Rapho, le déplaisir de voir son travail retouché afin de lui donner un autre sens que celui voulu originellement. Ainsi, le portrait du mineur silicosé de 1951 devient, dans les colonnes deLife, « L’évangélisation du monde ouvrier est-elle possible ? ». Plus tard, un cliché représentant des ouvriers en grève écoutant leur délégué syndical voit ce dernier escamoté. Willy Ronis tente de résister, maisLife ne lui passe plus de commande.
En 1972, déçu, Willy Ronis arrête le photojournalisme et quitte Paris pour le Midi de la France : sa volonté d'exercer un droit de regard sur l'utilisation qui est faite de ses clichés lui vaut une traversée du désert d'une dizaine d'années[17],[12],[18],[19],[20],[note 1].
Dans lesannées 1970-1980, parallèlement à ses activités de photographe, il consacre beaucoup de temps à l’enseignement : à l’École supérieure d'art d'Avignon, puis aux facultés d’Aix-en-Provence et deMarseille. Il y crée un cours d’histoire de la photographie etPierre-Jean Amar le rencontre alors. En1972, il s’installe àL'Isle-sur-la-Sorgue[7].
En1980, sur les conseils dePierre-Jean Amar etGuy Le Querrec,Claude Nori publie sa première monographieSur le fil du hasard aux Éditions Contrejour, lequel recevra le prix Nadar et l’encouragera à revenir sur le devant de la scène avec de nouveaux projets.
Bien que Willy Ronis ait publié de nombreux ouvrages et fait de nombreuses expositions, les années 1970 et 1980 sont difficiles financièrement pour lui. Il prend alors une importante décision et, en 1982, contre le paiement jusqu'à la fin de sa vie du loyer de son logement, il fait un premier don à la France. En 1983, il s'installe de nouveau à Paris[8],[11],[18].
En2001, il décide d'arrêter la photographie à titre professionnel[8]. En2002, frappé par l'arthrite, il cesse de prendre des photographies. Son dernier cliché est un nu qui figure dans le livreNues sorti en 2008[15],[5].
En2009, dans une interview auFigaro donnée à l'occasion des40eRencontres d'Arles, il avoue ne pas comprendre le monde de la photographie actuelle : trop d'exhibitionnisme[1].
Il souhaite organiser une exposition en 2010, pour son100e anniversaire. La mort de l'artiste empêche le projet de voir le jour. Cependant celui-ci est repris par le musée de lamonnaie de Paris[7].
Willy Ronis meurt presque centenaire dans la nuit du 11 au à l'hôpital Tenon (20e arrondissement) à Paris[21],[22],[23],[24].
Le 14 février 1946, Willy Ronis épousa l'artiste peintre et décoratrice Marie-Anne Lansiaux[25] (née à Reims en 1913 et décédée à Nogent-sur-Marne en 1991)[26]. Ils habitèrent le15e arrondissement de Paris avec leur fils Vincent, 7passage des Charbonniers[27],[6].
Vincent Kaldor, fils de Marie-Anne, a été adopté par Willy Ronis qui l'a élevé comme son fils. Il est mort en 1988 dans un accident de deltaplane[note 2],[18].
Depuis sa mort, l’œuvre de Willy Ronis est exposée dans le monde entier et ses images figurent dans les collections des plus grands musées.
Willy Ronis lègue son œuvre photographique à la France au travers de deux donations (1983 et 1989) et d'un testament[8],[11]. Conscient de l'utilisation qui peut être faite de ses clichés, il nomme, dans son testament, quatre exécuteurs testamentaires, détenteurs du droit moral de son œuvre et chargés de veiller à son utilisation. Par ailleurs son petit-fils, Stéphane Kovalsky, hérite de la part réservataire[32].
À la fin du règlement de succession, laMédiathèque du patrimoine et de la photographie est en possession de l’ensemble de son œuvre[33]: 82 000 négatifs, 6 000 diapositives couleurs, 18 000 tirages, 6 albums comportant 590 tirages de référence, 26 cartons d'archives, 720 volumes de bibliothèque, 400 volumes de périodiques.
Depuis 2015, unevoie porte son nom dans le20e arrondissement de Paris.
Willy Ronis date son engagement politique pour le parti communiste à l'année 1923. Il est subjugué par des ouvriers qui chantentLa Jeune Garde dans un bar parisien où il se trouve avec des amis. C'est alors un lycéen âgé de seulement 13 ans. Cette rencontre le mène plus tard à adhérer au parti communiste[1].
Il effectue son premier reportage sur le du Front Populaire, reportage qui est publié par la revueRegards, une revue d'obédience communiste qui donne la priorité au photojournalisme. Ce reportage agit comme un déclic en lui, alors que jusque-là la photographie l'ennuyait. Il décide alors de vivre de la photographie, plus précisément du reportage[3],[34].
Pendant lerégime de Vichy, il passe clandestinement enzone libre et se cache près de Marseille pour échapper à ladéportation[35].
Il reste proche du monde ouvrier qui est un axe majeur de son œuvre. On le retrouve notamment lors des grèves de Citroën en 1938-1939, sur le carreau des mines de Saint-Étienne en 1948 ou encore chez Renault en 1950[36]. C'est également l'époque où, avec son amiHenri Cartier-Bresson, il rejoint l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires, proche duParti communiste français[8] dont il fut par ailleurs membre pendant près de vingt ans, de 1945 à 1964[37] : « J'ai été membre du Parti communiste un certain temps, et j'ai travaillé quelques années pour ce mouvement, tout en restant indépendant. J'étais orienté, certes, mais je suis resté libre ! »[3].
En 1951, il participe auCongrès International de la Paix de Varsovie. On le retrouve en 1967 enRDA, à la recherche de l'idéal communautaire, photographiant sous l'étroite surveillance de laStasi l'apparenteutopiecommuniste que voulait montrer legouvernement (mais cette série ne sera exposée que deux fois, àAmiens et àMontreuil)[35],[14],[5]. En 2002, il est le signataire d'un manifeste de soutien à la candidature deRobert Hue pourl'élection présidentielle[38].