Sa présidence est marquée par la lutte contre les trusts, la réforme du commerce interétatique, l'instauration d'unimpôt fédéral sur le revenu et une diplomatie active surnommée « politique du dollar ». La rupture provoque une profonde division duParti républicain : Roosevelt fonde leParti progressiste en 1912, entraînant la dispersion des voix conservatrices et progressistes et causant la défaite de Taft face audémocrateWoodrow Wilson à l'élection présidentielle de 1912.
Après son départ de la vie politique, il réalise son ambition de longue date en devenantjuge en chef des États-Unis, où il œuvre pour renforcer l'efficacité et l'autorité de l'institution. Il demeure à ce jour le seul président américain à avoir également exercé la fonction de juge en chef de laCour suprême.
William Howard Taft naît le àCincinnati, dans l'Ohio. Son pèreAlphonso Taft, un des membres importants du Parti républicain, a été secrétaire à la Guerre et procureur général sous la présidence deUlysses S. Grant avant d'être nommé ambassadeur en Autriche-Hongrie et en Russie. Il étaitfranc-maçon[1] et était membre desSkull and Bones en 1878.
William Taft fait ses études à l'université Yale puis se spécialise en droit et est admis au barreau de l'Ohio en 1880 en même temps qu'il entame une carrière politique qu’il rêve de terminer en siégeant à la Cour suprême des États-Unis. Sa femme, Helen Herron, qu’il épouse le, n’apprécie pas son manque d’ambition et le pousse vers des postes plus en vue.
Grâce à ses compétences de juriste et sous la pression de son épouse, le présidentWilliam McKinley le nomme, en 1900, à la tête d'une commission destinée à organiser un gouvernement civil auxPhilippines sous protectorat desÉtats-Unis à la fin de laguerre hispano-américaine. De1901 à1904, il est le premier gouverneur civil des Philippines.
Il joue un rôle central dans la mise en marche du gouvernement et des institutions des Philippines mais il reste persuadé que les habitants ne sont pas assez matures pour exercer seuls le pouvoir. Les Philippines resteront sous contrôle américain jusqu’en 1946.
Devenu secrétaire à la Guerre en, Taft ne consacra pas beaucoup de temps à la gestion de l'armée. Roosevelt voulait utiliser Taft pour débloquer des situations difficiles, lui servir de conseiller sur les questions juridiques et prononcer des discours en son nom dans le cadre de sa campagne pour l'élection présidentielle de 1904. Taft défendit farouchement le bilan de Roosevelt et écrivit à propos des efforts faits par Roosevelt pour se faire élire : « je ne me présenterais pas à la présidence si vous garantissez cette fonction. C'est terrible d'avoir peur de l'ombre de quelqu'un »[2],[3].
Entre 1905 et 1907, Taft songea très sérieusement à être le prochain candidat du Parti républicain à l'élection présidentielle, même s'il n'envisageait pas de faire campagne activement pour obtenir la nomination de son parti. Lorsque le jugeHenry B. Brown démissionna en 1905, Roosevelt offrit le poste à Taft mais celui-ci le refusa. Un autre siège se libéra en 1906 mais Taft déclina à nouveau la proposition[4]. La Première dameEdith Roosevelt voyait d'un mauvais œil la proximité croissante entre les deux hommes, estimant qu'ils avaient trop de points communs et que son mari ne bénéficiait pas beaucoup des conseils de quelqu'un qui le contredisait rarement[5].
Taft et le colonel George W. Goethals.
Dans le même temps, Taft voulait être nommé juge en chef de la Cour suprême et il fut attentif à l'état de santé du juge en chefMelville Fuller, qui fêtait ses 75 ans en 1908. Taft pensait que Fuller avait encore de nombreuses années à vivre mais Roosevelt indiqua qu'il était prêt à nommer Taft si l'occasion de pourvoir un siège de la Cour se présentait, même si certains considéraient que le procureur généralPhilander C. Knox était un meilleur candidat pour le poste. Fuller conserva finalement ses fonctions de juge en chef pendant toute la durée de la présidence de Roosevelt[6].
Après laséparation du Panama de la Colombie en 1903 et letraité Hay-Bunau-Varilla, les États-Unis avaient obtenu la permission de construire uncanal dans l'isthme de Panama. La législation qui autorisait la construction ne précisait pas de quel ministère dépendait le chantier et Roosevelt désigna le département de la Guerre. En 1904, Taft séjourna au Panama, visita le site du canal et rencontra les dirigeants panaméens. La commission sur le canal de l'isthme eut des difficultés à recruter un ingénieur en chef et, lorsqueJohn D. Stevens démissionna en, Taft recommanda un ingénieur de l'armée,George W. Goethals. Sous la direction de Goethals, les travaux avancèrent rapidement[7].
L'Espagne avait perdu sa colonie deCuba en 1898, mais l'île n'avait pas été annexée par les États-Unis et, après une période d'occupation, Cuba obtint son indépendance en 1902. Le climat se détériora néanmoins rapidement à cause de la corruption, de la fraude électorale et des conflits entre factions. En, le présidentTomás Estrada Palma demanda l'aide des États-Unis. Taft se rendit à Cuba avec un petit contingent américain et s'autoproclama gouverneur provisoire de l'île, selon les termes dutraité américano-cubain de 1903. Il occupa cette position pendant deux semaines avant d'être remplacé parCharles Edward Magoon. Durant son séjour à Cuba, Taft chercha à convaincre les Cubains que les États-Unis recherchaient la stabilité et non l'occupation[8].
Taft continuait de suivre de près la situation aux Philippines. Pendant la campagne de Roosevelt en 1904, il demanda à ce que les produits agricoles philippins soient admis sur le territoire américain sans restriction. Les producteurs américains de sucre et de tabac se plaignirent auprès de Roosevelt qui eut à son tour une explication assez vive avec son secrétaire à la Guerre. Taft refusa de changer d'avis et menaça même de donner sa démission[9]. Roosevelt lâcha rapidement l'affaire[10]. Taft retourna dans les îles en 1905 avec une délégation du Congrès, puis une nouvelle fois en 1907 pour inaugurer l'assemblée des Philippines[11].
Pendant les deux voyages qu'il effectua aux Philippines en tant que secrétaire à la Guerre, Taft se rendit auJapon et y rencontra plusieurs responsables locaux[12]. En, un mois avant la conférence devant mettre un terme à laguerre russo-japonaise, il eut une entrevue avec le Premier ministre japonaisKatsura Tarō. À l'issue de la réunion, les deux hommes signèrent un mémorandum qui ne contenait rien de nouveau mais réaffirmait au contraire les positions officielles de chaque pays : le Japon promettait de ne pas envahir les Philippines tandis que les États-Unis s'engageaient à ne pas s'opposer à l'occupation japonaise de la Corée[13]. Les États-Unis s'inquiétaient néanmoins du nombre de travailleurs japonais qui émigraient vers la côte ouest-américaine. Lors de la deuxième visite de Taft, en, le ministre des Affaires étrangèresHayashi Tadasu accepta de manière informelle de réduire le nombre de passeports octroyés[14].
Photo extraite d'une série intituléeEvolution of a Smile (« évolution d'un sourire »), prise juste après une séance de pose officielle, montrant Taft au moment où celui-ci est informé au téléphone par Roosevelt de sa nomination comme candidat du Parti républicain à l'élection présidentielle.
Élu sur son nom propre en 1904, Theodore Roosevelt annonça publiquement qu'il ne chercherait pas à se représenter pour un second mandat complet en 1908, une promesse qu'il regretta rapidement. Décidé malgré tout à respecter son engagement, Roosevelt considérait que Taft était son successeur logique, même si le secrétaire à la Guerre était initialement réticent à entrer dans la course. Roosevelt profita du fait qu'il contrôlait la machine du parti pour promouvoir la candidature de son héritier désigné[15]. De leur côté, les fonctionnaires politiques furent tenus de se prononcer en faveur de Taft ou de rester silencieux, sous peine de perdre leur emploi[16].
Un certain nombre de responsables républicains, comme le secrétaire au TrésorGeorge B. Cortelyou, hésitèrent à participer à l'élection mais choisirent finalement de rester en retrait. Le gouverneur de New York,Charles Evans Hughes, décida d'être candidat mais Roosevelt fit exprès d'envoyer au Congrès un message spécial qui mettait en garde les parlementaires contre la corruption dans les entreprises le jour où Hughes devait prononcer un discours important de politique étrangère, ce qui eut pour effet de reléguer ce dernier au second plan[17]. Roosevelt rejeta également à contrecœur les tentatives de ses partisans qui l'incitaient à briguer un nouveau mandat[18].
Le directeur général adjoint des Postes,Frank H. Hitchcock, quitta ses fonctions en pour diriger la campagne de Taft[19]. En avril, Taft donna plusieurs conférences à travers le pays, voyageant très à l'ouest jusqu'àOmaha avant d'être rappelé au Panama pour y arbitrer une élection contestée. À la convention nationale républicaine de 1908 qui eut lieu àChicago au mois de juin, il n'eut aucun concurrent sérieux et il remporta la nomination dès le premier tour de scrutin. Pour le choix de son colistier, Taft n'obtint pas satisfaction car il avait espéré que celui-ci serait un progressiste duMidwest comme le sénateur de l'Iowa,Jonathan Dolliver ; à la place, la convention désigna le représentantJames Sherman de New York, un conservateur. Le, Taft démissionna du portefeuille de la Guerre pour se consacrer à plein temps à sa campagne[20],[21].
: Taft utilise son veto contre l’admission de l’Arizona en tant qu’État de l’Union. Le différend porte sur une clause de la Constitution de l’Arizona qui autorise le renvoi des juges, et donc les soumet au pouvoir législatif.
novembre : Taft a été choisi par le Parti républicain pour se présenter à un second mandat. Théodore Roosevelt, déçu par la politique menée par son successeur, décide de se représenter et fonde un parti dissident, leParti progressiste. Le désaccord entre les républicains permettra aux démocrates d’emporter l’élection.
La politique de Taft est surnommée « politique du dollar ». Taft cherche à développer les investissements à l’étranger et le commerce international pour augmenter l’influence des États-Unis dans le monde. Il n’hésite pas non plus à utiliser la force pour protéger les intérêts américains en Amérique latine comme au Honduras et au Nicaragua.
Taft est le continuateur de la politique de Théodore Roosevelt, en particulier dans la lutte contre les grands conglomérats industriels et financiers. Son manque de charisme lui vaudra d’être lâché par les progressistes au sein de son propre parti ce qui l’empêchera d’être réélu. Pourtant il aura réussi à augmenter le pouvoir fédéral à travers une agence chargée de contrôler le commerce entre les États et qui se verra confier la juridiction des moyens de communication de l’époque :téléphone,télégraphe etradio. En soutenant le passage d’unamendement à la Constitution qui institue l’impôt sur le revenu, il permet au gouvernement fédéral de financer son action (le budget du gouvernement était, jusque-là, alimenté essentiellement par les droits de douane).
Politique concernant les droits civiques, les minorités et l’immigration
Théodore Roosevelt, très populaire, refuse de se représenter en 1908 après avoir exercé pratiquement deux mandats. Il promeut à sa place William Taft qui, avec son aide, bat facilement le candidat démocrateWilliam Jennings Bryan. Pendant la durée de sa présidence, Taft devra faire face aux critiques des républicains libéraux qui continuent à considérer l'ancien président Roosevelt comme leur vrai chef.
À l'élection de 1912 seuls quelques États ont instauré un système d’élections primaires. La plupart des délégués sont donc nommés par l’appareil du Parti. C’est ainsi que Roosevelt, soutenu par les républicains progressistes, qui se représente face à Taft ne sera pas choisi comme candidat alors qu’il remporte les primaires. Roosevelt créera un parti dissident, leParti progressiste, et se présente contre Taft à l’élection présidentielle. La division des votes républicains entraîne la victoire du candidat démocrateWoodrow Wilson.
De1921 à1930, Taft siège en tant que président de laCour suprême. Afin de permettre à la cour de travailler plus efficacement, il défend le passage du « Judges Act » de 1925 donnant à la Cour la prééminence dans les affaires d'importance nationale.
Taft pesait environ 175 kg et était atteint d'hypersomnie diurne avec tous les inconvénients que cela pouvait avoir pour un homme public (assoupissements, ronflement)[22]. Il fut le premier président à s’adonner augolf et à le populariser : la famille de Taft possédait en effet une maison d’été à Murray Bay (Pointe-au-Pic) dans la provincecanadienne duQuébec. Il y passait ses étés et inaugura en1929 le parcours du Club de golf duManoir Richelieu aménagé dans la foulée de la destruction par le feu du célèbre hôtel et sa reconstruction. Sa descendance conserve toujours la résidence située dans la côte et vient encore y passer du temps en été. Le, Taft ouvre la saison de baseball en lançant la première balle. Traditionnellement, tous les présidents en font autant depuis.
Mellander, Gustavo A.; Nelly Maldonado Mellander (1999).Charles Edward Magoon: The Panama Years. Río Piedras, Puerto Rico: Editorial Plaza Mayor.(ISBN1-56328-155-4). OCLC 42970390.
Mellander, Gustavo A. (1971).The United States in Panamanian Politics: The Intriguing Formative Years. Danville, Ill.: Interstate Publishers. OCLC 138568.