Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant lesréférences utiles à savérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
La reine Wilhelmine et sa mère la reine douairière Emma (1890).
À la mort de Guillaume III le, Wilhelmine devient reine à l’âge de dix ans. Cependant, jusqu'à ses dix-huit ans, c’est sa mère Emma qui assure larégence du royaume. Pour legrand-duché de Luxembourg, l’hérédité est exclusivement masculine. La couronne grand-ducale passe donc à un autre membre de lamaison de Nassau,Adolphe, chef de la branche Walram de cette famille.
Toujours à l'époque de la régence, à l'occasion d'une visite officielle enFrance en1898[1], la presse française[2] la surnomme affectueusement lapetite reine et ce surnom aurait contribué[3], par un mécanisme demétonymie, à désigner ainsi labicyclette, en ces temps decyclisme naissant dont Wilhelmine est effectivement une pionnière[4],[5].
Le, Wilhelmine prête serment dans laNouvelle église àAmsterdam (les souverains constitutionnels des Pays-Bas ne sont pas couronnés). Un an avant, elle a eu l'immense chagrin de perdre sa tante paternelle, la grande-duchesseSophie de Saxe-Weimar. Dans son autobiographie, elle confie plus tard toute l'importance que sa tante a eue pour elle.
Alors qu'elle est encore une jeune fille de treize ans, Wilhelmine accompagne sa mère, la régente, chez l'empereur allemandGuillaume II. Celui-ci s'étant vanté devant la jeune reine de ses gardes du corps qui mesurent près de deux mètres, Wilhelmine sourit poliment et répond que dans son petit pays, si on ouvre les écluses, les eaux montent à deux mètres et demi. L'empereur reçoit de Wilhelmine lagrand-croix de l'ordre militaire de Guillaume et la grand-croix de l'ordre d'Orange-Nassau. Le, après laPremière Guerre mondiale, l'empereur demande l'asile politique que le gouvernement néerlandais lui accorde contre la volonté des puissances alliées, laFrance, leRoyaume-Uni et surtout laBelgique. Wilhelmine évite cependant tout contact avec l'empereur déchu. Elle lui reproche d'avoir failli à son rôle de chef et même d'avoir abandonné son peuple. Larévolution allemande aura des répercussions aux Pays-Bas, comme elle devra l'éprouver par la suite.
Wilhelmine tient à faire usage de tous ses pouvoirs. Même si elle en connaît les limites, elle les respecte à contrecœur. Elle n'avait pas non plus beaucoup d'affinités avec les hommes politiques de son temps, ce qui la met souvent en conflit avec ses ministres : en particulier, lorsque la presse fait savoir qu'elle a accru jusqu'à un milliard de dollars le capital de sa famille. La famille royale néerlandaise est en effet l'un des principaux actionnaires de la compagnie pétrolière royale. Elle se range dans le camp duRoyaume-Uni et desÉtats-Unis dans l'affaire de l'annexion du pétrolemexicain. Ses décisions mettent également les Pays-Bas en conflit avec leVenezuela sur la question desAntilles néerlandaises.
Wilhelmine est depuis Guillaume d'Orange un des monarques qui ont le plus d'influence. Après que les grandes puissances ont choisiLa Haye pour se rencontrer, la jeune reine de dix-neuf ans offre un de ses palais comme lieu où les pays pourront tenter de régler pacifiquement leurs litiges en les soumettant à laCour permanente d'arbitrage. Elle offre également un dîner de gala à l'issue de la première Conférence de la paix organisée à La Haye. Pourtant, elle n'attend pas beaucoup de ces initiatives, et même si les Pays-Bas sont un pays neutre, elle est soucieuse de garantir cette neutralité par une défense nationale forte.
Les Pays-Bas restent doncneutres pendant laPremière Guerre mondiale. L'Allemagne a fait des investissements considérables dans l'économie néerlandaise et les échanges commerciaux sont importants entre les deux pays. Pour affaiblir l'Empire allemand, leRoyaume-Uni fait leblocus des ports néerlandais. En réponse, le gouvernement néerlandais fait d'autant plus de commerce avec l'Allemagne. Avant une attaque, on donne aux soldats allemands dufromage d'Edam pour leursrations. Wilhelmine est une reine-soldat ; étant une femme, elle ne peut être lecommandant en chef mais ne manque jamais une occasion d'aller inspecter ses forces. À de nombreuses reprises, elle vient dans les unités sans avoir averti, voulant se rendre compte de la réalité et non voir un spectacle préparé. Elle aime ses soldats, mais doit affronter la plupart de ses gouvernements, qui ne cessent de voir dans l'armée le chapitre de dépense où l'on peut pratiquer des coupes de budget. Wilhelmine souhaite une armée petite mais bien entraînée et bien équipée.
On en est à vrai dire bien loin. Durant la guerre, elle estime qu'elle doit être sur ses gardes et se méfie toujours d'une possible attaque allemande, surtout au début. Et pourtant, la violation de souveraineté néerlandaise vient à la fois du Royaume-Uni et desÉtats-Unis, qui, en raison du blocus, capturent un grand nombre de navires de commerce néerlandais pour essayer de désorganiser l'effort de guerre allemand. Il en résulte un accroissement des tensions entre les Pays-Bas et les forces alliées. Au printemps 1918, des navires de commerce néerlandais sont arrêtés par les Britanniques, ce qui pousse les Pays-Bas à faire un geste fort de réaffirmation de sa souveraineté ; ainsi le un convoi marchand à destination desIndes orientales néerlandaises est escorté par lamarine royale néerlandaise battantpavillon tricolore.
Larévolution bolchévique de1917 enRussie impériale provoque des troubles aux Pays-Bas après la guerre. Le chef des socialistes,Pieter Jelles Troelstra(nl), tente de renverser le gouvernement et la reine. Au lieu d'une révolution violente, il veut prendre le contrôle de laTweede Kamer, la seconde chambre et organe législatif du Parlement, et espère atteindre ce but par les élections. Il est convaincu que la classe ouvrière le soutiendrait, mais la popularité de la jeune reine permet de rétablir la confiance dans le gouvernement. En paraissant avec sa fille dans une voiture à cheval découverte, Wilhelmine provoque dans la foule un fort mouvement en sa faveur, et on comprend que la révolution ne réussira pas.
Après l'armistice qui met fin à la guerre, l'empereur allemandGuillaume II se réfugie aux Pays-Bas, où le gouvernement néerlandais lui accorde l'asile politique, en partie en raison des liens de l'empereur avec la famille de Wilhelmine. En réponse aux demandes d'extradition duKaiser, déposées par lesAlliés, Wilhelmine convoque les ambassadeurs alliés et leur fait un véritable cours de droit sur les demandes d'asile.
Pendant lesannées 1920 et lesannées 1930, les Pays-Bas commencent à émerger comme puissance industrielle. Par leurstravaux du Zuiderzee, les ingénieurs reconquièrent sur l'eau de vastes territoires engloutis. En 1934, la mort du mari de Wilhelmine, le prince Henri, termine une année difficile qui voit aussi le décès de la reine-mère Emma.
En1939, le cinquième et dernier gouvernement Colijn est renversé par un vote de défiance deux jours après sa formation. Elle arrange aussi le mariage en1937 de sa fille Juliana et deBernard de Lippe-Biesterfeld, un prince allemand.
Le, pendant laSeconde Guerre mondiale, l'armée allemandeenvahit les Pays-Bas sans déclaration de guerre préalable. L'armée néerlandaise résiste une semaine. Pendant ce temps, la reine affrète ledestroyer britanniqueHMS Codrington pour exfiltrer (dans la nuit du 12 au[6]) sa famille, sa fille, la princesse héritière Juliana et son époux le prince Bernard ainsi que leurs filles (Beatrix et Irene), ainsi que les joyaux de la couronne, ayant eu vent d'une opération de l'armée allemande pour ne pas laisser s'échapper la famille royale[7]. Wilhelmine quitte le pays le[6] avec son gouvernement, à bord duHMS Hereward.
En mai 2020, le roiWillem-Alexander reconnaît l’indifférence de son arrière-grand-mère, la reine Wilhelmine, face au sort réservé auxJuifs du pays pendant laShoah et l'occupation allemande[8].
DeLondres, la reine anime les quelques foyers derésistance néerlandaise depuis laBBC et prend les rênes du pays : elle renvoie sonPremier ministreDirk Jan de Geer, en 1940, qui parlemente avecAdolf Hitler pour obtenir l'armistice ; elle déclare même :« On ne pactise pas avec le diable, l'ennemi de l'humanité »[9], nomme son gendre « commandant en chef des forces de la Résistance »[9] (malgré le refus du gouvernement britannique) et envoie sa fille Juliana et ses enfants àOttawa (Canada). Elle finance une radio de Résistance, « Radio Oranje »[9] et empêche l'occupant allemand de s'emparer de l'entreprise pétrolièreDutch Shell en achetant les actions mises sur le marché, grâce à sa fortune. Dès la Libération, elle visite, en, quelques lieux libérés dans le sud des Pays-Bas dontEindhoven le[10].
Elleabdique le, année des cinquante ans de son règne effectif, en faveur de sa filleJuliana. Lors de la crise politique provoquée par l'influence de laguérisseuseGreet Hofmans sur la souveraine, elle prend le parti de sa fille, contre son gendre et sa petite-fille, la princesse héritière. Il faut des élections anticipées, suivies de la convocation d'une commission parlementaire et l'influence du Premier ministreWillem Drees pour que Wilhelmine et Juliana consentent à se priver de l'influence de cette femme,astrologue etoccultiste leur donnant des cours dethéologie et dictant sa politique à Juliana[11].
Bien que dernière reine à être fille d'unOrange-Nassau, cette dynastie se perpétue sous les règnes de sa filleJuliana, de sa petite-filleBéatrix et de son arrière-petit-filsGuillaume-Alexandre. Les membres actuels de la maison royale des Pays-Bas portent le nom néerlandisévan Oranje-Nassau.
↑L’expressionpetite reine est probablement le fruit d’un télescopage entre cette source et plusieurs autres. Elle est popularisée par le livreLa Reine Bicyclette du journalistePierre Giffard en 1891 (la couverture représente une jeune femme portant à bout de bras une bicyclette au-dessus de sa tête). Lesyntagmepetite reine apparaît au début desannées 1890 dans des périodiques spécialisés dans lavélocipédie et est d’abord employé pour qualifier la cycliste, et non la bicyclette.
↑M. & B. Wattel,Les Grand'Croix de la Légion d'honneur de 1805 à nos jours. Titulaires français et étrangers, Paris, Archives & Culture,, 21, 500, 598(ISBN978-2-35077-135-9)