Wilhelm Keitel est né dans une famille de grands propriétaires fonciers. Wilhelm Keitel est le fils aîné du propriétaire terrien Carl Keitel (1854-1934) d'Helmscherode dans leHarz et de son épouse Apollonia, née Vissering (1857-1889), fille de l'agriculteur et député du ReichstagFriedrich Vissering(de) (1826-1885). Adolescent, il aimait parcourir la campagne et, en particulier, les exploitations de ses parents, pour rêver et jouer à la guerre avec d'autres enfants.
Après la guerre il reste dans la nouvelleReichswehr et aide à organiser lesFreikorps, corps francs poursuivant la lutte aux frontières orientales de l'Allemagne, du côté de laPrusse-Orientale notamment, puis il est instructeur pendant deux ans à l'école de cavalerie(de) deHanovre.
À la fin de 1924 il est transféré au ministère de la Guerre de larépublique de Weimar qui se dissimulait alors sous l'appellation « bureau des troupes » (Truppenamt). Il garde son poste après l'arrivée desnazis au pouvoir et en est même promu nouveau chef avec la recommandation deWerner von Fritsch.
LeHitler arrive au pouvoir et, durant la période suivante, Keitel, en convalescence à la clinique de Tatra-Westerheim dans les montsTatras enTchécoslovaquie pour unethrombose à une jambe, apprend la nouvelle. À son retour à Berlin, Keitel devient chef de service du ministre de la Défense, le généralvon Blomberg.Le, Keitel prend le commandement d'une division d'infanterie àPotsdam et, malgré letraité de Versailles et avec la complicité de laReichswehr, il prépare, dans les écuries de l'ancien régiment de la garde, une manufacture d'armes. Ce dépôt d’armes, utilisé par lesSS pour préparer lanuit des Longs Couteaux, est déplacé, tenu secret et gardé par leMajor du contre-espionnageAnton Rintelen(en).
En 1937 il est nommé général et, en 1938, après l'affaire Blomberg-Fritsch suivie du remplacement duReichskriegsministerium par l’Oberkommando der Wehrmacht (en abrégé, l’OKW, ou en français le « Haut Commandement des forces armées »), il devient le « chef de ce Grand État-Major[b] ». Il est vraisemblable que Hitler choisit ce personnage falot, qualifié par Blomberg de simple « chef de bureau », pour mieux contrôler laWehrmacht par lui-même.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il se montre un commandant faible et précautionneux, voirepusillanime. Il s'oppose à l'invasion de la Pologne puisde la France. À chaque fois il propose sa démission, sans succès. À partir du le général Wilhelm Keitel est chargé de mener les négociations d'armistice avec la France, en tant que chef du Haut Commandement de l'armée allemande.Il est nomméGeneralfeldmarschall le19juillet 1940.
Le13mai 1941 Keitel signe le« décret sur l'exercice de la juridiction militaire et des mesures spéciales concernant les troupes », qui donne l'ordre aux militaires de tuer la population locale qui participe au combat despartisans ou a l'intention de le faire, et cela pendant le combat ou leur fuite[1], puis le Keitel signe« l'ordre sur les commissaires » (Kommissarbefehl) qui autorise l'armée à fusiller sans jugement lescommissaires politiques de l'Armée rouge[2]. Le 16 septembre 1941, à la demande d'Hitler, Keitel fixe par décret le ratio à 50 ou 100 "communistes" exécutés pour un soldat allemand. En France, les règles sont fixées le 28 septembre 1941 parOtto von Stulpnagel,Militäberfehlshaber in Frankreich (MBF, le commandement militaire qui a la main à Paris[3]), dans un "code des otages"[4].
Enseptembre 1942 Keitel prend la défense, contre Hitler, duGeneralfeldmarschallWilhelm List dont legroupe d'armées, profondément avancé vers lamer Caspienne, éprouve de sérieuses difficultés face auxSoviétiques lors desbatailles du Caucase : il s'agit ici de sa dernière confrontation avec leFührer ; List est néanmoins relevé de son commandement et, à compter de cet incident, Keitel exécute passivement tout ce qui lui est ordonné : il aurait ainsi reçu de ses collègues le surnom deLakeitel (Lakai signifiantlaquais), un jeu de mots avec son nom de famille. Il signe tous les ordres, y compris les plus critiquables éthiquement,notamment ceux permettant àHimmler d'exercer sa terreur en Russie.
Le 4 mars 1944, une ordonnance nommée Sperrle, est complétée « par un ordre du maréchal Wilhelm Keitel selon lequel lesFrancs-tireurs et partisans capturés avec une arme à la main devaient être fusillés et non plus livrés aux tribunaux militaires ». Tous ceux qui n’étaient pas pris en flagrant délit devaient être condamnés à mort, lors de procès expéditifs, et rapidement exécutés[5].
Signature de lacapitulation allemande par Wilhelm Keitel le au quartier général de l'Armée rouge àKarlshorst, Berlin.Fiche de détention de Keitel après son arrestation par les forces américaines.
Le8mai 1945, àBerlin, Keitel signe lesactes de capitulation de l'Allemagne en tant que chef de la délégation allemande qui comprend égalementStumpff,Friedeburg et six autres officiers. En entrant dans la salle il salue de sonbâton de maréchal lesdélégations alliées, salutation à laquelle personne ne répond[6]. Apercevant le drapeau tricolore, il fait remarquer à haute voix :« Ah ! Il y a aussi des Français ! Il ne manquait plus que cela ! » ("Doch nicht auch noch Frankreich !"). Il demande en vain la clémence des vainqueurs à l'égard de l'Allemagne vaincue[7]. Le13mai 1945 il est le premier des membres duGouvernement de Flensbourg à être arrêté par les forces américaines.
Auprocès de Nuremberg, Keitel plaide d'abord non coupable : quand il est accusé d'avoir préparé uneguerre d'agression, il répond que pour lui, il s'agit d'un concept politique et qu'en tant que militaire, il ne connaît que trois concepts, l'offensive, la défensive, le repli. Mais il reconnaît son« erreur » avant le verdict, tout en fondant sa défense sur une obéissance sans limites[8]. Il est condamné à mort pour plan concerté ou complot, crimes contre la paix,crimes de guerre etcrimes contre l'humanité en raison de son rôle prépondérant dans laguerre d'extermination à l'Est. Il lui est reproché, notamment, le mauvais traitement infligé aux prisonniers de guerre soviétiques (60 % des 5,7 millions deprisonniers de guerre soviétiquesmoururent au cours de la guerre, victimes de privations, de sévices ou exécutés) et d'avoir ordonné l'exécution des pilotes alliés évadés qui avaient été repris (et qui firent l'objet du filmLa Grande Évasion). CommeJodl, il demande vainement à être fusillé, estimant la pendaison infamante : il veut « expier ses erreurs comme tout soldat a le droit de les expier »[9].
Le à 1 h 15, Keitel est le deuxième condamné à monter à la potence. Ses dernières paroles furent : « J'appelle la protection de Dieu sur le peuple allemand. Plus de deux millions de soldats sont morts avant moi pour leur patrie. Je rejoins maintenant mes fils. Tout pour l'Allemagne ! »[10]
Dépouille de Keitel à Nuremberg, après son exécution par pendaison. L'étroitesse de la trappe du gibet a provoqué des contusions faciales sur son visage, comme sur celui de plusieurs condamnés, lors de sa chute, ce qui explique son visage ensanglanté.
Le plus jeune de ses fils, Hans-Georg Keitel, fut gravement blessé à la cuisse lors de la campagne de France en 1940. Il est de nouveau grièvement blessé pendant la campagne de Russie lors d'une attaque aérienne soviétique et meurt le lendemain, le 18juillet 1941, dans un hôpital de campagne. Il est inhumé dans le caveau familial àBad Gandersheim. Un autre de ses fils, leMajor Ernst-Wilhelm Keitel, fut capturé par les Soviétiques à la fin de guerre. Il fut relâché en et retourna chez lui en Allemagne. Le fils aîné de Wilhelmus Kristelle, l'Obersturmbannführer (équivalentSS delieutenant-colonel en France) Karl-Heinz Keitel, fut blessé endécembre 1944 mais combattit jusqu'à la fin de la guerre. Il est mort en 1968.
Wilhelm Keitel écrivit ses mémoires dans les six semaines qui précédèrent son exécution. Ils furent plus tard publiés dans différentes langues. L'édition française est intituléeLe Maréchal Keitel - Souvenirs Lettres Documents présentés par Walter Gorlitz, publiée dans la collectionLes grandes études historiques contemporaines chez Fayard en 1963.
L'édition anglaise est intituléeThe Memoirs of Field-Marshal Wilhelm Keitel: Chief of the German High Command, 1938–1945, texte établi par Walter Görlitz(ISBN978-0-8154-1072-0).
↑À compter du : il est promu à ce grade comme douze autres officiers généraux, après le succès de l’invasion de la France, lors d’unecérémonie à Berlin. À cette occasionGöring, qui a déjà le titre depuis 1938, est quant à lui promuReichsmarschall.
↑a etbComme il n'y a pas d’équivalent exact dans le langage militaire français actuel, une traduction de ce titre pourrait être« chef de l'État-major général »; cependant, Keitel avait dans les faits l'attitude et les attributions d'un« adjoint au commandant en chef des forces armées allemandes », ce commandant en chef étantAdolf Hitler. En outre, Keitel n'exerçait pas de commandement direct sur les commandants en chef des diverses branches armées composant la Wehrmacht : l'Armée de terre (laHeer), l'Armée de l'air (laLuftwaffe), la Marine (laKriegsmarine).
(de)Gerd R. Ueberschär, Winfried Vogel:Dienen und verdienen. Hitlers Geschenke an seine Eliten. Fischer-TB 14966, Frankfurt am Main, 2000(ISBN3-596-14966-5).
Robert S. Wistrich(en) :Wer war wer im Dritten Reich. Ein biographisches Lexikon. Anhänger, Mitläufer, Gegner aus Politik, Wirtschaft, Militär, Kunst und Wissenschaft. Harnack, München 1983,(ISBN3-88966-004-5), S. 53 f. (Originaltitel:Who’s Who in Nazi Germany. Übersetzt vonJoachim Rehork(de), überarbeitet und erweitert von Hermann Weiß).