Voltaire, de son vrai nomFrançois-Marie Arouet, né le àParis où il meurt le, est unécrivain etphilosophe[n 1]français, jouissant de son vivant d'unecélébrité internationale et considéré aujourd'hui comme figure emblématique et centrale desLumières[1].
Partisan d’unemonarchie modérée etlibérale éclairée par les « philosophes », il a pour modèle le système britannique de gouvernement issu de larévolution de 1688, qu'il a pu observer lui-même lors de son séjour anglais de 1726 à 1728[3]. Il croit un moment trouver dans les « despotes éclairés » (Frédéric de Prusse etCatherine de Russie) des princes modèles. Il est en revanche méfiant à l'égard du régime républicain, à la différence deRousseau, citoyen de larépublique de Genève.
Tout au long de sa vie, Voltaire fréquente les grands de ce monde et lesmonarques, mais se retrouve souvent aux prises avec les autorités politiques, ce qui le conduit à laBastille à deux reprises dans sa jeunesse, et par la suite à une série d'exils : d'abord l'Angleterre, ensuite dans la commune deCirey auprès d'Émilie du Châtelet, puis la cour dePrusse où il se brouille avecFrédéric II avant de fuirBerlin en 1753. Après plusieurs mois d'errance, interdit de rentrer à Paris[7], il se réfugie auxDélices sur le territoire deGenève, puis acquiert en 1759 le domaine deFerney, à la frontière entre le royaume de France et larépublique de Genève[8]. Revenu à Paris en 1778, après une absence de près de vingt-huit ans, il y est ovationné par ses admirateurs et y meurt quelques semaines plus tard à83 ans.
Voltaire aime leconfort, les plaisirs de la table et de la conversation qu’il considère, avec lethéâtre, comme l’une des formes les plus abouties de la vie en société. Il acquiert une fortune considérable dans des opérations spéculatives, surtout la vente d'armes, et dans la vente de ses ouvrages, ce qui lui permet de s’installer en 1759 auchâteau de Ferney et d'y vivre sur un grand pied, tenant table et porte ouvertes. Le pèlerinage à Ferney fait partie en 1770-1775 du périple de formation des classes supérieures européennes sympathisant avec leparti philosophique. Investissant ses capitaux, il fait du village misérable de Ferney une petite ville prospère. Généreux, d'humeur gaie, il est néanmoins chicanier et parfois féroce et mesquin avec ses adversaires commeJean-Jacques Rousseau,Crébillon[9] ouLefranc de Pompignan.
François-Marie Arouet est né officiellement le à Paris et a étébaptisé le lendemain à l'église deSaint-André-des-Arts. Il est le deuxième fils de François Arouet, notaire auChâtelet depuis 1675, marié le àSaint-Germain-l'Auxerrois avec Marie-Marguerite d'Aumart, fille d’ungreffier criminel auParlement. Le couple a cinq enfants dont trois atteignent l'âge adulte :
Armand Arouet (1685-1745), avocat au Parlement, puis successeur de son père comme receveur des épices, personnalité très engagée dans lejansénisme parisien à l'époque de la fronde contre la bulleUnigenitus et dudiacre Pâris.
Marie Arouet (1686-1726), seule personne de sa famille qui ait inspiré de l’affection à Voltaire, épouse Pierre François Mignot, correcteur à la Chambre des comptes. Elle est la mère de l’abbé Mignot, qui s'occupe du corps de Voltaire à sa mort et deMarie-Louise, la future « Madame Denis », qui partage une partie de la vie de l'écrivain.
François-Marie (1694-1778) dit Voltaire
Le père revend en 1696 sa charge de notaire pour acquérir celle deconseiller du roi, receveur des épices à laChambre des comptes. Voltaire perd sa mère à l’âge de sept ans.
Cependant, Voltaire a plusieurs fois affirmé qu'il était né le àChâtenay-Malabry, où son père avait une propriété, lechâteau de la Petite Roseraie. Ce fait semble confirmé par la personne devenue propriétaire du château, lacomtesse de Boigne, ainsi qu'elle l'écrit dans ses mémoires :« La naissance de Voltaire dans cette maison lui donne prétention à quelque célébrité »[11]. Il a contesté aussi sa filiation paternelle, persuadé que son vrai père était un certain Roquebrune[n 2],[12] :« Je crois aussi certain que d’Alembert est le fils deFontenelle, comme il est sûr que je le suis de Roquebrune ». Voltaire prétendit que l’honneur de sa mère consistait à avoir préféré un homme d’esprit comme était Roquebrune, « mousquetaire, officier, auteur et homme d'esprit », à son père, le notaire Arouet[n 3] dont Roquebrune était le client, car Arouet était, selon Voltaire, un homme très commun. Le baptême à Paris aurait été retardé du fait de la naissance illégitime et du peu d’espoir de survie de l’enfant. Aucune certitude n’existe sinon que l’idée d’une naissance illégitime et d’un lien de sang avec la noblesse d’épée ne déplaisait pas à Voltaire.
Du côté paternel, les Arouet sont originaires d’un petit village du nord duPoitou,Saint-Loup-sur-Thouet, près d'Airvault, où ils exercent auxXVe et XVIe siècles une activité de marchandstanneurs, qui enrichit l'aïeul de Voltaire, Helenus Arouet (1569-1625), propriétaire de la seigneurie de Puy-Terrois, acquéreur en 1612 pour 4 000 livres tournois de « la maison noble terre et seigneurie et métairie de la Routte » à Saint-Loup, qu'il revend en 1615[13],[14]. Le premier Arouet à quitter sa province s’installe à Paris en 1625 où il ouvre une boutique de marchand de draps et de soie. Il épouse la fille d’un riche marchand drapier et s’enrichit suffisamment pour acheter en 1675 pour son fils, François, le père de Voltaire, une charge anoblissante de notaire auChâtelet, assurant à son titulaire l’accès à la petitenoblesse de robe. Le père de Voltaire, travailleur austère et probe aux relations importantes, arrondit encore la fortune familiale en épousant le la fille d’ungreffier criminel auParlement.
Études chez les Jésuites (1704-1711)
À la différence de son frère aîné qui étudie chez lesjansénistes, François-Marie entre à dix ans commeinterne (pour un coût de 400 puis 500livres par an) au collègeLouis-le-Grand, tenu par lesJésuites, et y reste sept ans. Les jésuites enseignent leslangues classiques et larhétorique mais, dans la ligne de leurRatio Studiorum, veulent avant toutformer des hommes du monde et initient leurs élèves aux arts de société :joutes oratoires,plaidoyers, concours deversification etthéâtre. Un spectacle théâtral, le plus souvent enlatin où sont par principe exclues les scènes d'amour, les rôles de femmes étant joués par des hommes, est donné chaque fin d'année lors de la distribution des prix.
Arouet est un élève brillant, vite célèbre par sa facilité à versifier : sa toute première publication est sonOde sur sainte Geneviève (1709). Imprimée par les Pères, cetteode est répandue hors les murs de Louis-le-Grand (au grand dam du Voltaire adulte). Le tout jeune Arouet apprend au collège Louis-le-Grand à s'adresser d’égal à égal aux fils de puissants personnages et tisse de précieux liens d’amitié qui lui seront très utiles toute sa vie : entre bien d'autres, les frères d’Argenson,René-Louis etMarc-Pierre, futurs ministres deLouis XV, et le futurduc de Richelieu. Bien que très critique envers lareligion en général et les ecclésiastiques en particulier, il garde toute sa vie une grande vénération pour son professeurjésuiteCharles Porée. Voltaire écrit en 1746 :« Rien n’effacera dans mon cœur la mémoire du père Porée, qui est également cher à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit l’étude et la vertu plus aimables. Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses ; et j’aurais voulu qu’il eût été établi dans Paris, comme dans Athènes, qu’on pût assister à de telles leçons ; je serais revenu souvent les entendre »[15].
Débuts comme homme de lettres et premières provocations (1711-1718)
LeTemple, détail du plan de Turgot, 1739. Le palais du grand prieur (à droite de la porte d’entrée) réunit une société libertine que fréquente assidûment Arouet à la sortie du collège.
Arouet quitte le collège en 1711 à dix-sept ans et annonce à son père qu’il veut être homme de lettres, et non avocat ou titulaire d’une charge de conseiller auParlement, investissement pourtant considérable que ce dernier est prêt à faire pour lui. Devant l’opposition paternelle, il s’inscrit à l’école de droit et fréquente lasociété du Temple, qui réunit dans l’hôtel dePhilippe de Vendôme, des membres de la haute noblesse et des poètes (dontChaulieu),épicuriens lettrés connus pour leur esprit, leurlibertinage et leurscepticisme.L’abbé de Châteauneuf, son parrain, qui y avait ses habitudes, l’avait présenté dès 1708. En leur compagnie, il se persuade qu’il est né grand seigneur libertin et n’a rien à voir avec les Arouet et les gens du commun. C'est aussi pour lui une école de poésie ; il va ainsi y apprendre à faire des vers« légers, rapides, piquants, nourris de référence antiques, libres de ton jusqu’à la grivoiserie, plaisantant sans retenue sur la religion et la monarchie »[16].
Son père l’éloigne un moment de ce milieu en l’envoyant àCaen, puis en le confiant au frère de son parrain,le marquis de Châteauneuf, qui vient d’être nommé ambassadeur àLa Haye et accepte de faire de lui son secrétaire privé. Mais son éloignement ne dure pas. À Noël 1713, il est de retour, chassé de son poste et des Pays-Bas pour cause de relations tapageuses avec Olympe du Noyer, la fille deAnne-Marguerite Petit du Noyer. Furieux, son père veut l’envoyer en Amérique mais finit par le placer dans l’étude d’un magistrat parisien. Il est sauvé par un ancien client d’Arouet, lettré et fort riche,M. de Caumartin, marquis de Saint-Ange, qui le convainc de lui confier son fils pour tester le talent poétique du jeune rebelle. Arouet fils passe ainsi des vacances auchâteau de Saint-Ange près deFontainebleau à lire, à écrire et à écouter les récits de son hôte[n 4] qui lui serviront pourLa Henriade etLe Siècle de Louis XIV.
En 1714, il perd de peu le prix de poésie de l'Académie française, qui est décerné à l'abbé Juillard du Jarry deBussac enSaintonge, pour sa poésieLe Vœu de Louis XIII[17]. Il publie alors anonymement des invectives à l'égard de l'abbé dansune lettre à M. D***, au sujet des prix de poésie donné par l'Académie française[18].
Le château de Sceaux. Laduchesse du Maine y tient une cour royale et exige de ses hôtes des vers sur tout et sur rien. À ces jeux, Arouet est de toute première force.
En 1715, alors que débute laRégence, Arouet a21 ans, et se retrouve dans le camp des ennemis du Régent. Invité auchâteau de Sceaux, centre d’opposition le plus actif au nouveau pouvoir[n 5], où laduchesse du Maine, mariée auduc du Maine, bâtard légitimé deLouis XIV, tient une cour brillante, il ne peut s’empêcher de faire des vers injurieux sur les relations amoureuses du Régent ou de sa fille[19], laduchesse de Berry, qui vient d'accoucher clandestinement.
Le, il est exilé àTulle[20]. Son père use de son influence auprès de ses anciens clients pour fléchir le Régent qui remplace Tulle parSully-sur-Loire, où Arouet fils s’installe dans le château du jeune duc de Sully, une connaissance du Temple, qui vit avec son entourage dans une succession de bals, de festins et de spectacles divers. À l’approche de l’hiver, il sollicite la grâce du Régent qui la lui accorde. Le jeune Arouet alors recommence sa vie turbulente à Saint-Ange[n 6] et àSceaux, profitant de l’hospitalité des nantis et du confort de leurs châteaux. Mais, pris par l’ambiance, quelques semaines plus tard, il récidive. S'étant lié d'amitié avec un certain Beauregard, en réalité un indicateur de la police chargé de le faire parler, il lui confie être l'auteur de nouveaux ouvrages de vers satiriques contre le Régent et sa fille[21]. Le, il est envoyé à laBastille parlettre de cachet. Arouet a alors23 ans et il restera embastillé durant onze mois.
Premiers succès littéraires et retour à la Bastille (1718-1726)
Voltaire devient célèbre à24 ans grâce au succès de sa tragédieŒdipe (1718). « Il fit croire, des Enfers, Racine revenu » écrit leprince de Conti.
À sa première sortie de la prison de la Bastille, conscient d’avoir jusque-là gaspillé son temps et son talent, il veut donner un nouveau cours à sa vie, et devenir célèbre dans les genres les plus nobles de la littérature de son époque : latragédie et lapoésie épique.
Pour rompre avec son passé, et notamment avec sa famille, afin d'effacer un patronyme aux consonances vulgaires et équivoques[n 7], il se crée un nomeuphonique : Voltaire. On ne sait pas à partir de quels éléments il a élaboré cepseudonyme. De nombreuses hypothèses ont été avancées, toutes vraisemblables mais jamais prouvées : inversion des syllabes de la petite ville d'Airvault (proche du village dont est originaire la famille Arouet) ;anagramme d’Arouet l.j. (le jeune)[n 8] ; ou évocation de la ville de Volterra en Toscane : organisée enrépublique de Volterra dans la ligue Guelfe, elle fut fière et rebelle et s'opposa à l'autorité des évêques. Il a été dit que Voltaire, en voyage et malade, y fut si bien soigné qu'il en fut reconnaissant[22] ; l'hypothèse est belle mais contestée par Chaudon[23].
Le, la première pièce écrite sous le pseudonyme de Voltaire,Œdipe, obtient un immense succès[n 9]. Le public apprécie ses vers en forme de maximes[n 10] et ses allusions impertinentes au roi défunt et à la religion[n 11]. Ses talents de poètemondain triomphent dans les salons et les châteaux. Il devient l’intime desVillars, qui le reçoivent dans leurchâteau de Vaux, et l’amant de Madame de Bernières, épouse duprésident à mortier du parlement deRouen.
Après l’échec d’une deuxième tragédie,Artémire, il connaît un nouveau succès en 1723 avecLa Henriade, poèmeépique de 4 300 alexandrins se référant aux modèles classiques(Iliade d'Homère,Énéide deVirgile) dont le sujet est le siège deParis parHenri IV et qui trace le portrait d’un souverain idéal, ennemi de tous les fanatismes : vendu à 4 000 exemplaires en quelques semaines, ce poème connaîtra soixante éditions successives du vivant de son auteur. Il y développe notamment l'épisode dupanache blanc d'Henri IV. Pour ses contemporains, Voltaire restera longtemps l'auteur deLa Henriade, le « Virgile français », le premier à avoir écrit une épopée nationale, mais le mouvementromantique duXIXe siècle la reléguera dans l'oubli[n 12].
En, il subit une humiliation qui le marquera toute sa vie[n 13]. Le chevalierGuy-Auguste de Rohan-Chabot, jeune gentilhomme arrogant, appartenant à l'une des plus illustres familles du royaume, l’apostrophe à laComédie-Française :« Monsieur de Voltaire, Monsieur Arouet, comment vous appelez-vous ? » ; Voltaire réplique alors :« Voltaire ! Je commence mon nom et vous finissez le vôtre ». Quelques jours plus tard, on le fait appeler alors qu’il dîne chez son ami le duc de Sully. Dans la rue, il est frappé à coups de gourdin par les laquais du chevalier, qui surveille l’opération de son carrosse. Blessé et humilié, Voltaire veut obtenir réparation, mais aucun de ses amis aristocrates ne prend son parti. Le duc de Sully refuse ainsi de l’accompagner chez le commissaire de police pour appuyer sa plainte. Il n’est pas question d’inquiéter un Rohan pour avoir fait rouer de coups un écrivain :« Nous serions bien malheureux si les poètes n’avaient pas d’épaules », dit un parent de Caumartin[26]. Leprince de Conti note à propos de l'incident que les coups de bâtons« ont été bien reçus mais mal donnés ». Voltaire veut venger son honneur par les armes, mais son ardeur à vouloir se faire justice lui-même indispose tout le monde. Les Rohan obtiennent que l’on procède à l’arrestation de Voltaire, qui est conduit à laBastille le. Il n’est libéré, deux semaines plus tard, qu’à la condition qu’il s’exile.
En Angleterre, « terre de Liberté » (1726-1728)
Écrites en partie en Angleterre, lesLettres philosophiques sont « la première bombe lancée contre l’Ancien Régime » (Gustave Lanson). Elles vont faire à Paris en 1734 un énorme scandale et condamner leur auteur à l’exil.
Voltaire a32 ans. Cette expérience va le marquer d’une empreinte indélébile. Il est profondément impressionné par l'esprit de liberté qu'il voit dans la société anglaise (ce qui ne l'empêche pas d'apercevoir les ombres du tableau, surtout vers la fin de son séjour). Alors qu’en France règnent leslettres de cachet, la loi d’Habeas corpus de 1679 (nul ne peut demeurer détenu sinon par décision d’un juge) et laDéclaration des droits de 1689 protègent les citoyens anglais contre le pouvoir du roi. L'Angleterre, cette « nation de philosophes », rend justice aux vraies grandeurs qui sont celles de l'esprit. Présent en 1727 aux obsèques solennelles deNewton à l'abbaye de Westminster, il fait la comparaison : à supposer queDescartes soit mort à Paris, on ne lui aurait certainement pas accordé d'être enseveli àSaint-Denis, auprès des sépultures royales. La réussite matérielle du peuple d’Angleterre suscite aussi son admiration. Il fait le lien avec le retard de la France dans le domaine économique et l’archaïsme de ses institutions.
Il ne lui faut que peu de temps pour acquérir une excellente maîtrise de l’anglais. En novembre1726, il s’installe à Londres. Il rencontre des écrivains, des philosophes, des savants (physiciens, mathématiciens, naturalistes) et s’initie à des domaines de connaissance qu’il ignorait jusqu’ici. Son séjour en Angleterre lui donne l'occasion de découvrirNewton dont il n'aura de cesse de faire connaître l'œuvre. Ainsi s’esquisse la mutation de l’homme de lettres en « philosophe », qui le conduit à s’investir dans des genres jusqu’alors considérés comme peu prestigieux : l’histoire, l’essai politique et plus tard le roman. C’est en Angleterre qu’il commence à rédiger en anglais l’ouvrage où il expose ses observations sur l’Angleterre, qu’il fera paraître en 1733 à Londres sous le titreLetters Concerning the English Nation et dont la version française n’est autre que lesLettres philosophiques.
Il se rapproche de la cour deGeorgeIer puis deGeorgeII et prépare une édition deLa Henriade en souscription, accompagnée de deux essais en anglais. Cet ouvrage remporte un grand succès (343 souscripteurs) et renfloue ses finances. Une souscription analogue ouverte en France par son ami Thériot n’en rassemble que 80 et fera l’objet de nombreuses saisies de la police.
Retour d'Angleterre (1728-1733)
À l’automne1728, il est autorisé à rentrer en France pourvu qu’il se tienne éloigné de la capitale. L’affaire Rohan remonte à plus de trois ans. Voltaire procède précautionneusement, séjournant plusieurs mois àDieppe où il se fait passer pour un Anglais. Il obtient en avril l’autorisation de venir àParis, maisVersailles lui reste interdit.
À son retour d’Angleterre, il n’a que quelques économies qu’il s’emploie activement à faire fructifier. Selon certains historiens et son autobiographie, il gagne un capital important, sur une idée du mathématicienLa Condamine, en participant à une loterie d’État mal conçue[27]. Puis il part àNancy spéculer sur des actions émises par le ducFrançois III de Lorraine, qui introduit la franc-maçonnerie en Autriche, opération dans laquelle il aurait « triplé son or »[28]. Il reçoit aussi en sa part de l’héritage paternel. Ces fonds vont être judicieusement placés[29] dans le commerce, « les affaires de Barbarie », vente des blés d’Afrique du Nord vers l’Espagne et l’Italie où elle est plus lucrative qu’àMarseille et les « transactions deCadix », échange de produits des colonies françaises contre l’or et l’argent duPérou et duMexique. En 1734, il confie ses capitaux auxfrères Pâris dans leur entreprise de fournitures aux armées. Selon certains historiens, c'estJoseph Pâris qui a fait la fortune de Voltaire[30]. Enfin, à partir de 1736, Voltaire va surtout prêter de l’argent à des grands personnages et des princes européens, prêts transformés en rentes viagères selon une pratique courante de l'époque (à lui d'actionner ses débiteurs, désinvoltes mais ayant du répondant, pour obtenir le paiement de ses rentes).« J’ai vu tant de gens de lettres pauvres et méprisés que j’ai conclu dès longtemps que je ne devais pas en augmenter le nombre ». Programme réalisé à son retour d’Angleterre.
En 1730, un incident, dont il se souviendra à l’heure de sa mort, le bouleverse et le scandalise. Il est auprès d’Adrienne Lecouvreur, une actrice qui a joué dans ses pièces et avec laquelle il a eu une liaison, lorsqu’elle meurt. Le prêtre de la paroisse de Saint-Sulpice lui refuse une sépulture (la France est alors le seul pays catholique où les comédiens sont frappés d’excommunication). Le cadavre doit être placé dans un fiacre jusqu’à un terrain vague à la limite de la ville où elle est enterrée sans aucun monument pour marquer sa tombe[31]. Quelques mois plus tard meurt à Londres une comédienne, Mrs Oldfield, enterrée àWestminster Abbey. Là encore, Voltaire fait la comparaison.
Voltaire fait sa rentrée littéraire à Paris par le théâtre, en travaillant selon son habitude à plusieurs œuvres en même temps. Sans beaucoup de succès avecBrutus,La mort de César etÉriphyle. MaisZaïre en 1732 remporte un triomphe comparable à celui d’Œdipe et est joué dans toute l’Europe (la488e représentation a eu lieu en 1936).
LesLettres philosophiques et l'Académie (1733-1749)
Voltaire à41 ans. « Il est maigre, d’un tempérament sec. Il a la bile brulée, le visage décharné, l’air spirituel et caustique, les yeux étincelants et malins. Vif jusqu’à l’étourderie, c’est un ardent qui va et vient, qui vous éblouit et qui pétille[32]. »Émilie du Châtelet (1706-1749) à sa table de travail tenant un compas sur un cahier ouvert (portrait de Quentin de La Tour)
Depuis des mois, sa santé délabrée fait que Voltaire vit sans maîtresse. En 1733, il devient l’amant deMme du Châtelet.Émilie du Châtelet a27 ans, douze de moins que Voltaire. Fille de son ancien protecteur, lebaron de Breteuil, elle décide pendant seize ans de l’orientation de sa vie, dans une situation quasi conjugale (son mari, un militaire appelé à parcourir l’Europe à la tête de son régiment, n’exige pas d’elle la fidélité, à condition que les apparences soient sauves, une règle que Voltaire « ami de la famille » sait respecter). Ils ont un enthousiasme commun pour l’étude et sous l’influence de son amie, Voltaire va se passionner pour les sciences. Il« apprend d’elle à penser »[33], dit-il. Elle joue un rôle essentiel dans la métamorphose de l’homme de lettres en « philosophe ». Elle lui apprend la diplomatie, freine son ardeur désordonnée. Ils vont connaître dix années de bonheur et de vie commune. La passion se refroidit ensuite. Les infidélités sont réciproques (la nièce de Voltaire,Mme Denis, devient sa maîtresse fin 1745, secret bien gardé de son vivant ;Émilie du Châtelet s’éprend passionnément deSaint-Lambert en 1748), mais ils ne se sépareront pas pour autant, l’entente entre les deux esprits demeurant la plus forte. À sa mort, en 1749, elle ne sera jamais remplacée.Mme Denis, que Voltaire aimera tendrement, va régner sur son ménage (ce dont ne se souciait pas Émilie du Châtelet), mais elle ne sera jamais la confidente et la conseillère de ses travaux.
Première page deLa Voltairomanie, ou Lettre d'un jeune avocat, en forme de mémoire de l’abbé Desfontaines, en représailles à sonPréservatif ou Critique des observations sur les écrits modernes (1738).
Émilie est une véritable femme de sciences. L’étendue de ses connaissances en mathématiques et en physique en fait une exception dans le siècle. C’est aussi une femme du monde qui mène une vie mondaine assez frénétique en dehors de ses études. Elle aime l’amour (elle a déjà eu plusieurs amants, dont leduc de Richelieu ; elle devient, en 1734, la maîtresse de son professeur de mathématiques,Maupertuis, que lui a présenté Voltaire) et le jeu, où elle perd beaucoup d’argent. Elle cherche un homme à sa mesure pour asseoir sa réussite intellectuelle : Voltaire est un écrivain de tout premier plan, de réputation européenne, avide de réussite lui aussi.
1734 est l’année de la publication clandestine desLettres philosophiques, le « manifeste des Lumières »[34], grand reportage intellectuel et polémique sur la modernité anglaise, publié dans toute l’Europe à 20 000 exemplaires, selon l’estimation deRené Pomeau[35], chiffre particulièrement élevé à l’époque. L’éloge de la « liberté et de la tolérance anglaises » est perçu à Paris comme une attaque contre le gouvernement et la religion. Le livre est condamné par le Parlement à majoritéjanséniste et brulé au bas du grand escalier duPalais. Unelettre de cachet est alors lancée contre Voltaire, et Émilie du Châtelet lui propose de se réfugier auchâteau de Cirey, situé enChampagne[36],[37]. Un an plus tard, après une lettre de désaveu où il « proteste de sa soumission entière à la religion de ses pères », il sera autorisé à revenir à Paris si nécessaire, mais la lettre de cachet ne sera pas révoquée.
le Château de Cirey-sur-Blaise.
Pendant les dix années suivantes, passées pour l’essentiel auchâteau de Cirey, Voltaire joue un double jeu : rassurer ses adversaires pour éviter laBastille, tout en continuant son œuvre philosophique pour gagner les hésitants. Tous les moyens sont bons : publications clandestines désavouées, manuscrits dont on fait savoir qu’il s’agit de fantaisies privées non destinées à la publication et qu’on lit aux amis et visiteurs qui en répandent les passages les plus féroces (exempleLa Pucelle qui ridiculiseJeanne d'Arc). Son engagement est inséparable d’un combat antireligieux. Il considère l’intolérance religieuse comme responsable du retard de la France en matière d'organisation sociale.
Frontispice desElémens de la philosophie de Neuton, 1738.
Voltaire restaure le château grâce à son argent et le fait agrandir[38],[39]. Il fait des expériences scientifiques dans le laboratoire d’Émilie pour le concours de l’Académie des sciences. Aidé parÉmilie du Châtelet, il est l'un des premiers à vulgariser en France les idées deNewton sur lagravitation universelle en publiant lesÉléments de la philosophie de Newton (1737). Il commenceLa Pucelle (pour s’amuser dit-il) etLe Siècle de Louis XIV (pour convaincre son amie qui n’aime pas l’histoire), prépare l’Essai sur les mœurs, histoire générale des civilisations, où il dénombre les horreurs engendrées par le fanatisme. Il enrichit son œuvre théâtrale avecAlzire (qui fait « perdre la respiration » au jeune Rousseau) etMérope qui est un grand succès. Un poème, où il fait l’apologie du luxe (« Le superflu, chose très nécessaire »),Le Mondain, et évoque la vie d’Adam[40], scandalise à Paris les milieuxjansénistes. Prévenu, il s’enfuit enHollande par crainte des représailles. En 1742, sa pièceLe Fanatisme ou Mahomet le prophète est applaudie à Paris. Mais les jansénistes considèrent que Voltaire, sous prétexte d'islam, attaque en réalité le christianisme. Ils obtiennent du pouvoir royal plutôt réticent l’interdiction de fait de la pièce, que Voltaire, toujours sous le coup de la lettre de cachet de 1734, doit retirer après la3e représentation. Elle ne sera reprise qu’en 1751. Voltaire apparaît de plus en plus comme un adversaire de la religion.
En 1736, Voltaire reçoit la première lettre du futur roi dePrusseFrédéric II, initié à lafranc-maçonnerie en 1738. Commence alors une correspondance qui durera jusqu’à la mort de Voltaire (interrompue en 1754, après l’avanie deFrancfort, elle reprendra en 1757).« Continuez, Monsieur, à éclairer le monde. Le flambeau de la vérité ne pouvait être confié à de meilleures mains »[41], lui écrit Frédéric II qui veut l’attacher à sa cour par tous les moyens. Voltaire lui rend plusieurs fois visite, mais refuse de s’installer àBerlin du vivant deMme du Châtelet qui se méfie du roi-philosophe.
Pour cette raison peut-être, Madame du Châtelet pousse Voltaire à chercher un retour en grâce auprès deLouis XV. De son côté, Voltaire ne conçoit d’avenir pour ses idées qu'avec l’accord du roi. En 1744, il est aidé par la conjoncture : le nouveau ministre des Affaires étrangères estd’Argenson, son ancien condisciple deLouis-le-Grand, et surtout il a le soutien de la nouvelle favoriteMadame de Pompadour, filleule du frère de son associéJoseph Pâris, l'homme le plus riche de France. Son amitié avec le roi de Prusse est un atout. Il se rêve en artisan d’une alliance entre les deux rois et accepte une mission diplomatique, qui échoue. Grâce à ses appuis, il obtient la place d’historiographe de France, le titre de « gentilhomme ordinaire de la chambre du roi » et les entrées de sa chambre. Dans le cadre de ses fonctions, il compose un poème lyrique,La Bataille de Fontenoy et un opéra, avecRameau, à la gloire du roi. Mais Louis XV ne l’aime pas et Voltaire ne sera jamais un courtisan.
De même, la conquête de l’Académie française lui paraît « absolument nécessaire ». Il veut se protéger de ses adversaires et y faire rentrer ses amis (à sa mort, elle sera majoritairement voltairienne et aura à sa têted'Alembert qui lui est tout dévoué). Après deux échecs et beaucoup d’hypocrisies (un éloge desJésuites et le canular de la bénédiction papale[42]), il réussit à se faire élire le, aufauteuil numéro 33.
La même année,Zadig, un petit livre publié clandestinement àAmsterdam est désavoué par Voltaire :« Je serais très fâché de passer pour l’auteur deZadig qu’on ose accuser de contenir des dogmes téméraires contre notre sainte religion[43]. » Outre ses aspects philosophiques,Zadig apparaît comme un bilan autocritique qu'établit Voltaire à50 ans, estimePierre Lepape[44]. La gloire ne s'obtient qu'au prix du ridicule et de la honte du métier de courtisan, le bonheur est saccagé par les persécutions qu'il faut subir, l'amour est un échec, la science est une manière de se cacher l'absurdité de la vie. L'histoire de l'humanité est celle d'un cheminement de la conscience malgré les obstacles : ignorance, superstition, intolérance, injustice, déraison.Zadig est celui qui lutte contre cette obscurité de la conscience :« Son principal talent était de démêler la vérité, que tous les hommes cherchent à s'obscurcir »[45]. En,Mme du Châtelet, enceinte deSaint-Lambert, officier de la cour du roiStanislas et poète, meurt dans les jours qui suivent son accouchement.
À la mort de Madame du Châtelet, femme avec qui il croyait terminer ses jours malgré leurs querelles et infidélités réciproques, Voltaire est désemparé et souffre de dépression (« la seule vraie souffrance de ma vie », dira-t-il). Il a54 ans. Il ne reste que six mois à Paris. L’hostilité deLouis XV et l’échec de sa tragédieOreste le poussent à accepter les invitations réitérées deFrédéric II.
La maturité (1750-1768)
Le voyage à Berlin (1750-1753)
Frédéric II en 1745. « Je redouble d’envie de vous revoir, c’est-à-dire de parler de littérature, et de m’instruire de choses que vous seul pouvez m’apprendre (Lettre du 20 janvier 1750 à Voltaire) »Les soupers dans la salle de marbre du château de Sans-Souci (on reconnaît Voltaire parmi les invités). « Le roi avait de l’esprit et en faisait avoir », dit Voltaire.
Il part en pour la cour dePrusse. Le, il est àBerlin. Magnifiquement logé dans l’appartement dumaréchal de Saxe, il travaille deux heures par jour avec le roi qu’il aide à mettre au point ses œuvres. Le soir, des soupers délicieux avec la petite cour très francisée dePotsdam où il retrouveMaupertuis, président del’Académie des sciences de Berlin,La Mettrie qu'il déteste,d’Argens. Il a sa chambre[46] auchâteau de Sans-Souci et un appartement dans la ville au palais de la Résidence. En août, il reçoit la dignité dechambellan, avec l’ordre du Mérite.
Voltaire passe plus de deux ans et demi en Prusse (il y termineLe Siècle de Louis XIV et écritMicromégas). Mais après l’euphorie des débuts, ses relations avec Frédéric se détériorent, les brouilles se font plus fréquentes, parfois provoquées par les imprudences de Voltaire (affaire Hirschel[47]).
Un pamphlet de Voltaire contre Maupertuis (ce dernier avait commis, en tant que président de l’Académie des sciences, un abus de pouvoir contre l’ancien précepteur deMme du Châtelet,König, académicien lui aussi) provoque la rupture. Le pamphlet,La Diatribe du docteur Akakia, est imprimé par Voltaire sans l’accord du roi et en utilisant une permission accordée pour un autre ouvrage. Se sentant berné, furieux que l’on attaque son Académie, Frédéric fait saisir les exemplaires qui sont brûlés sur la place publique par le bourreau. Voltaire demande son congé.
Le Souper des philosophes (Huber). Voltaire lève la main pour imposer le silence. À sa gaucheDiderot, puis le père Adam[49],Condorcet,d'Alembert,l'abbé Maury etLa Harpe. La scène se passe à Ferney en 1772. Elle est fictive, mais seul Diderot ne s'est jamais rendu à Ferney.
Jusqu'à la fin de l’année, il attend àColmar[50] la permission de revenir à Paris, mais le, l'interdiction d'approcher de la capitale lui est notifiée. Il se dirige alors, parLyon, versGenève. Il pense trouver un havre de liberté dans cette républiquecalviniste de notables et de banquiers cultivés parmi lesquels il compte de nombreux admirateurs et partisans.
Grâce à son amiFrançois Tronchin[51], Voltaire achète sous un prête-nom (les catholiques ne peuvent pas être propriétaires àGenève) la belle résidence desDélices et en loue une autre dans lecanton de Vaud pour passer la saison d'hiver. Les Délices annoncent son château de Ferney-Voltaire, il embellit la maison, y mène grand train, reçoit beaucoup (la visite du grand homme, au cœur de la propagande voltairienne, devient à la mode), donne en privé des pièces de théâtre (le théâtre est toujours interdit dans la ville deCalvin). Très vite, les pasteurs genevois lui « conseillent » de ne rien publier contre la religion tant qu’il habite parmi eux.
Voltaire collabore aussi àl’Encyclopédie deDiderot etd’Alembert (125 auteurs recensés). Ce grand dictionnaire vendu dans toute l’Europe[56] (la souscription coûte une fortune) défend aussi la liberté de penser et d’écrire, la séparation des pouvoirs et attaque la monarchie de droit divin[57]. Voltaire rédige une trentaine d’articles[58], mais il est en désaccord sur la tactique (« Je voudrais bien savoir quel mal peut faire un livre qui coûte cent écus. Jamais vingt volumes in-folio ne feront de révolution ; ce sont les petits livres portatifs à trente sous qui sont à craindre »[59]). Il voudrait imposer sa marque, faire de l’Encyclopédie l’organe du combat antichrétien, l’imprimer hors de France, mais, s’il possède en d’Alembert un allié de poids, il ne peut gagnerDiderot à ses vues.
Largement inspiré par Voltaire, l’article « Genève »[60] de d’Alembert paru dans le volume VII en 1757 fait scandale auprès du clergé genevois.
En France, après l’attentat deDamiens contreLouis XV, une offensive antiphilosophique se déclenche : après le livre d’Helvétius,De l’Esprit, interdit en, l’Encyclopédie est interdite à son tour le, par décret royal.
Pour mieux assurer son indépendance et échapper aux tracasseries des pasteurs deGenève, Voltaire achète lechâteau de Ferney (ainsi que lechâteau de Tournay qui forme avec le précédent un vaste ensemble d’un seul tenant) et s’y installe en. Ferney est dans lePays de Gex, en territoire français, mais loin deVersailles et à quatre kilomètres de larépublique genevoise où il peut trouver refuge et où se situe son éditeurCramer et bon nombre de ses partisans dans les milieux dirigeants.
Ferney est la période la plus active de la vie de Voltaire. Il y réside vingt ans jusqu’à son retour àParis. Il a64 ans.
Voltaire est riche et en est fier :« Je suis né assez pauvre, j’ai fait toute ma vie un métier de gueux, de barbouilleur de papier, celui deJean-Jacques Rousseau, et cependant me voilà maintenant avec deux châteaux,70 000 livres de rente et200 000 livres d’argent comptant »[61], écrit-il à son banquier en 1761. Sa fortune lui permet de reconstruire lechâteau, d’en embellir les abords, d’y construire un théâtre, de faire de son vivant du village misérable deFerney une petite ville prospère[62] et aussi de tenir table et porte ouvertes, jusqu’à ce que l’afflux de visiteurs et la fatigue l’obligent à restreindre l’accueil.
C’est la nièce et compagne de Voltaire,Madame Denis, qui reçoit en tant que maîtresse de maison. Lui-même ne se montre qu’aux repas, se réservant d’apparaître à l’improviste si cela lui convient, car il se ménage de longues heures de travail (« J’ai quelquefois 50 personnes à table. Je les laisse avec Mme Denis qui fait les honneurs, et je m’enferme »[63]). Ses visiteurs, qui l’attendent impatiemment, sont en général frappés par le charme de sa conversation, la vivacité de son regard, sa maigreur, son accoutrement (habituellement Voltaire ne « s’habille » pas). Il aime conduire ses hôtes dans son jardin et leur faire admirer le paysage. Les grandes heures sont celles de son théâtre privé (« Rien n'anime plus la société, rien ne donne plus de grâce au corps et à l'esprit, rien ne forme plus le goût », dit-il). Installé à côté duchâteau, il peut contenir300 personnes. Voltaire etMme Denis y jouent eux-mêmes leurs rôles préférés.
Lutte contre l'injustice : Calas, Sirven et La Barre (1761-1765)
À partir de l'affaire Calas, le mot d'ordre « Écrasez l'Infâme » apparaît sous sa plume.
Le, Voltaire est informé que, par ordre duparlement de Toulouse, un vieux commerçant protestant, nommé Calas, vient d’être roué, puis étranglé et brûlé. Il aurait assassiné son fils qui voulait se convertir au catholicisme. Voltaire entend dire que Calas aurait été condamné sans preuves. Des témoignages le persuadent de son innocence. Convaincu qu’il s’agit d’une tragédie de l’intolérance, que les juges ont été influencés par ce qu'il considère comme le « fanatisme ambiant », il entreprend la réhabilitation du supplicié et réclame l’acquittement des autres membres de la famille Calas qui restent inculpés. Pendant trois ans, de 1762 à 1765, il mène une intense campagne : écrits, lettres, mettent en mouvement tout ce qui a de l'influence en France et en Europe. C'est à partir de l'affaire Calas que le mot d'ordre « Écrasez l'Infâme » (chez Voltaire, la religion, la superstition, le fanatisme et l'intolérance), abrégé à l'usage enEcr.linf., apparaît dans sa correspondance à la fin de ses lettres. Il élève le débat par unTraité sur la tolérance (1763). Une sentence d’un parlement n’étant pas susceptible d’appel, le seul recours est leConseil privé du roi. Seul Voltaire a assez de prestige pour saisir une telle instance. De Ferney, n’ayant que son écritoire et son papier, il parvient à faire casser l’arrêt du Parlement et à faire indemniser la famille.
Il réussit de même à faire réhabiliterSirven, un autre protestant condamné parcontumace le à être pendu, ainsi que sa femme, pour le meurtre de leur fille que l’on savait folle et que l’on trouva noyée dans un puits. On accusait son père et sa mère de l’avoir assassinée pour l’empêcher de se convertir. Les deux parents vont solliciter Voltaire qui obtient leur acquittement après un long procès.
Il intervient également dans l’affaireLa Barre. ÀAbbeville, le, est découvert en pleine ville, sur le Pont-Neuf, un crucifix de bois mutilé. Une enquête est ouverte. Les soupçons se portent sur un groupe de jeunes gens qui se sont fait remarquer en ne se découvrant pas devant la procession duSaint-Sacrement, en chantant des chansons obscènes et en affectant de lire leDictionnaire philosophique de Voltaire. Deux d'entre eux s’enfuient. Le chevalier de La Barre, âgé de19 ans, est condamné à avoir la langue coupée, puis à être décapité et brûlé. LeParlement de Paris confirme la sentence. L’exécution a lieu le. LeDictionnaire philosophique est brûlé en même temps que le corps et la tête du condamné. Voltaire rédige l’exposé détaillé de l’affaire, fait ressortir le scandale, provoque un revirement de l’opinion. Le juge d’Abbeville est révoqué, les coïnculpés acquittés.« Ce sang innocent crie, et moi je crierai aussi ; et je crierai jusqu’à ma mort » écrit Voltaire àd’Argental.
Son engagement contre l'injustice va durer jusqu'à sa mort (réhabilitation posthume deLally-Tollendal, affaires Morangiés, Monbailli, serfs du Mont-Jura).« Il faut dans cette vie combattre jusqu’au dernier moment »[64], déclare-t-il en 1775.
LeDictionnaire philosophique portatif (1764-1768)
Le lever de Voltaire de Jean Huber (vers 1768-1772) Voltaire enfile sa culotte en dictant une lettre.
À Ferney, Voltaire va s’affirmer comme le champion de la « philosophie », cette pensée desLumières portée par de très nombreux individus — mais dispersés et constamment engagés entre eux en d’âpres discussions. Sa production imprimée pendant ces années va être considérable.« J’écris pour agir »[65], affirme-t-il. Il veut gagner ses lecteurs à la cause des Lumières. Il choisit pour sa propagande des œuvres« utiles et courtes »[66]. Contrairement àL’Encyclopédie, avec ses gros volumes facilement bloqués chez l’éditeur, il privilégie les brochures de quelques pages qui se dissimulent aisément, échappent aux perquisitions de la douane et de la police et se vendent pour quelques sous.
Quand il s’installe à Ferney, la diffusion clandestine deCandide, son ouvrage le plus connu, a commencé. René Pomeau estime qu’il a dû se vendre en 1759 environ 20 000Candide, chiffre énorme à une époque oùL’Encyclopédie elle-même ne dépasse pas 4 000 exemplaires[67].
En France, le pouvoir et les milieux conservateurs ont lancé une campagne contre les idées du parti philosophique : interdiction deL’Encyclopédie, discours deLe Franc de Pompignan à l’Académie, comédie dePalissot contreles Philosophes auThéâtre-Français. Les attaques deFréron, journaliste influent et polémiste redoutable, contre les pièces de théâtre de Voltaire, provoquent de virulentes réactions depuis Ferney, où Voltaire organise la contre-offensive : articles, brochures, petits vers[68], comédies, pièces, tout est bon pour faire taire et ridiculiser les ennemis du parti philosophique. Voltaire et le parti philosophique utilisent aussi leurs relations politiques pour déstabiliser leurs adversaires, aboutissant à des suspensions du journal de Fréron,L'Année littéraire, et son incarcération à laBastille.
En 1764, leDictionnaire philosophique portatif, recueil de maximes et pensées, se répand, toujours clandestinement, en Europe. Considéré comme impie, il est condamné en France par le Parlement le (Louis XV, après avoir pris connaissance du livre aurait demandé :« Est-ce qu’on ne peut pas faire taire cet homme-là ? »), mais aussi àGenève et àBerne où il est brûlé. Manifeste des Lumières (Voltaire en donne quatre nouvelles éditions de 1764 à 1769 chaque fois enrichies d’articles nouveaux), leDictionnaire est composé de textes brefs et vifs, rangés dans l’ordre alphabétique.« Ce livre n’exige pas une lecture suivie », écrit Voltaire en tête de volume,« mais, à quelque endroit qu’on l’ouvre, on trouve de quoi réfléchir ». De 1770 à 1774, l'ouvrage est complété et considérablement enrichi par lesQuestions sur l'Encyclopédie.
À Ferney, l’artiste genevoisJean Huber, devenu un familier de la maison, a fait d’innombrables croquis et aquarelles de Voltaire, à la fois comiques et familiers, dans l’ordinaire de sa vie quotidienne. En 1768, l'impératriceCatherine II lui commande un cycle de peintures voltairiennes dont neuf toiles sont conservées aumusée de l'Ermitage.
Les capitaux que Voltaire investit tirent Ferney de la misère. Dès son arrivée, il améliore la production agricole, draine les marécages, plante des arbres, achète une nouveauté dont il est fier, la charrue à semoir et donne l’exemple en labourant lui-même chaque année un de ses champs. Il fait construire des maisons pour accueillir de nouveaux habitants, développe des activités économiques, soieries, horlogerie surtout.« Un repaire de40 sauvages est devenu une petite ville opulente habitée par 1 200 personnes utiles », peut-il écrire en 1777.
En 1770, l'échec de larévolte des natifs genevois en amène plusieurs centaines à se réfugier sur les terres de Voltaire, leur protecteur. Celui-ci les prend sous son aile, leur construisant des maisons et, à76 ans, se faisant entrepreneur. Il lance ainsi sur ses fonds une entreprise de soierie, de tuilerie et, surtout, d’horlogerie (une branche où la main d’œuvre genevoise des natifs trouvera à s’employer utilement). Entre 1770 et sa mort en 1778, Voltaire devient le banquier des émigrés genevois, il leur fournit les matières premières nécessaires à leurs entreprises, négocie les termes de leur présence en terre française, leur obtient des avantages fiscaux, exporte leurs produits à travers la Turquie, la Russie, le Maghreb, l’Amérique et les pays européens, ouvrant des filiales et vendant à son vaste réseau aristocratique[70].
Bien avant la mort deLouis XV, Voltaire souhaite revenir à Paris après une absence de près de28 ans.
Le dernier combat (1773-1776)
Depuis le début de, Voltaire souffre de ce que les historiens ont longtemps cru être uncancer de la prostate (un diagnostic rétrospectif établi à l'époque contemporaine grâce au rapport de l’autopsie pratiquée le lendemain de son décès[71]). Une analyse menée en 2025 sur son cœur embaumé a retrouvé une protéine caractéristique d'uncancer de la vessie[72],[n 14]. La dysurie est majeure, les accès de fièvre fréquents ainsi que les pertes de connaissance. Les jambes gonflées font parler d'hydropisie (affection dont son probable père biologique serait mort en 1719). Le, il informe d'Alembert :« Je vois la mort au bout de mon nez ». Les mictions sont difficiles. L'été 1773, des forces reviennent, mais la crise de rétention aiguë d'urines de, le reprend en.
Les nouvelles autorités font comprendre à ses amis qu’on fermerait les yeux s’il se rendait aux répétitions parisiennes de sa dernière tragédie. Après beaucoup d’hésitations, il décide de rallier la capitale en à l’occasion de la création d'Irène à laComédie-Française. Il arrive le et s’installe dans un bel appartement de l’hôtel dumarquis de Villette (qui a épousé en 1777 sa fille adoptive,Reine Philiberte de Varicourt surnommée « Belle et Bonne ») au coin de larue de Beaune et du quai des Théatins (aujourd’huiquai Voltaire).
Dès le lendemain de son arrivée, Voltaire a la surprise de voir des dizaines de visiteurs envahir la demeure du marquis de Villette qui va devenir pendant tout son séjour le lieu de rendez-vous du Tout-Paris « philosophe ».
Le est le jour de son triomphe à l’Académie, à laComédie-Française et dans les rues de Paris. Sur son parcours, une foule énorme l’entoure et l’applaudit. L’Académie en corps vient l’accueillir dans la première salle. Il assiste à la séance, assis à la place du directeur. À la sortie, la même foule immense l’attend et suit le carrosse. On monte sur la voiture, on veut le voir, le toucher. À la Comédie-Française, l’enthousiasme redouble. Le public est venu pour l’auteur, non pour la pièce. La représentation d’Irène est constamment interrompue par des cris. À la fin, on lui apporte une couronne de laurier dans sa loge et son buste est placé sur un piédestal au milieu de la scène[73]. À la sortie, il est retenu longtemps à la porte par la foule qui réclame des flambeaux pour mieux le voir. On s’exclame :« Vive le défenseur des Calas ! ».
Voltaire peut mesurer ce soir-là l’indéniable portée de son action, même si la cour, le clergé et l’opinion antiphilosophique lui restent hostiles et se déchaînent contre lui et ses amis du parti philosophique, ennemis de la religion catholique.
La maladie (mars-mai 1778)
« Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, et en détestant la superstition ».
Voltaire a83 ans. Atteint d’un mal qui progresse insidieusement pour entrer dans sa phase finale le, Voltaire se comporte comme s'il était indestructible. Son état de santé et son humeur changent pourtant d’un jour à l’autre. Il envisage son retour à Ferney pourPâques, mais il se sent si bien à Paris qu'il pense sérieusement à s'y fixer. Madame Denis, ravie, part à la recherche d'une maison. Il veut se prémunir contre un refus de sépulture[74]. Dès le, il fait venir un obscur prêtre de la paroisse deSaint-Sulpice, l’abbé Gaultier, à qui il remet une confession de foi minimale[75] (qui sera rendue publique dès le)[76] en échange de son absolution.
Le, il écrit à son secrétaireWagnière :« Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, et en détestant la superstition ».
À partir du, malgré l'assistance du docteurThéodore Tronchin, ses souffrances deviennent intolérables. Pour calmer ses douleurs, il prend de fortes doses d’opium qui le font sombrer dans une somnolence entrecoupée de phases de délire. Mais une fois passée l’action de l’opium, le mal se réveille pire que jamais[77].
La conversion de Voltaire, au sommet de sa gloire, aurait constitué une grande victoire de l’Église sur la « secte philosophique ». Le curé de Saint-Sulpice et l’archevêque de Paris, désavouant l’abbé Gaultier, font savoir que le mourant doit signer une rétractation franche s’il veut obtenir une inhumation en terre chrétienne. Mais Voltaire refuse de se renier. Des tractations commencent entre la famille et les autorités soucieuses d’éviter un scandale. Un arrangement est trouvé. Dès la mort de Voltaire on le transportera « comme malade » à Ferney. S’il décède pendant le voyage, son corps sera conduit à destination.
Le neveu de Voltaire, l’abbé Mignot, ne veut pas courir le risque d’un transport à Ferney. Il a l’idée de l’enterrer provisoirement dans la petiteabbaye de Sellières près deRomilly-sur-Seine, dont il est abbécommendataire. Le, le corps de Voltaire embaumé est installé assis, tout habillé et bien ficelé, avec un serviteur, dans un carrosse qui arrive à Sellières le lendemain après-midi. Grâce au billet de confession signé de l’abbé Gaultier, il est inhumé religieusement dans un caveau de l’église avant queClaude-Mathias-Joseph de Barral,évêque du diocèse du lieu, celui deTroyes, averti par l’archevêque de ParisChristophe de Beaumont, n’ait eu le temps d’ordonner au prieur de Sellières de surseoir à l'enterrement.
Le, jour anniversaire de sa mort, l’Assemblée, malgré de fortes oppositions (les membres du clergé constituent le quart des députés) décide le transfert. Le, après la mort deMirabeau survenue le 2, l’Assemblée décrète que« le nouvel édifice de Sainte-Geneviève sera destiné à recevoir les cendres des grands hommes ». Mirabeau est le premier « panthéonisé ». Voltaire le suit le. Comme le corps de Mirabeau fut retiré de ce monument des suites de la découverte de l'armoire de fer, Voltaire est devenu le plus ancien hôte du Panthéon.
Le cortège comprend des formations militaires, puis des délégations d’enfants. Derrière une statue de Voltaire d’aprèsHoudon, portée par desélèves des beaux-arts costumés à l’antique, viennent les académiciens et gens de lettres, accompagnés des 70 volumes de l’édition deKehl, offerts parBeaumarchais et illustrés parJean Dambrun. Sur le sarcophage se lit une inscription :« Il vengeaCalas,La Barre,Sirven et Monbailli[79]. Poète, philosophe, historien, il a fait prendre un grand essor à l’esprit humain, et nous a préparés à être libres ».
La production littéraire de Voltaire inclut des pièces de théâtre, des ouvrages historiques et philosophiques, de nombreux poèmes ou textes en vers, des contes, beaucoup de textes polémiques, et une importante correspondance. De son vivant, sesŒuvres complètes comptent 40 volumesin-8° (édition deGenève de 1775). Après sa mort, l’édition de Kehl commanditée parBeaumarchais et éditée entre 1784 et 1780, inclut sa correspondance en 30 volumes in-8°, bien que de nombreux destinataires aient refusé de communiquer les lettres en leur possession. L'édition publiée de 1968 à 2022 par laVoltaire Foundation de l'université d'Oxford compte 205 volumes[80].
Exilé à Ferney, Voltaire correspond avec tous ceux qui comptent en Europe. L’abondance de sa correspondance (de l’ordre de 23 000 lettres retrouvées, 13 tomes dans labibliothèque de la Pléiade) rend nécessaire la publication de lettres choisies.
Citons, entre autres, la correspondance suivie avecMadame du Deffand, âgée et aveugle, sceptique désabusée et lucide qui réunit dans son salon tout le grand monde parisien (« avec Voltaire, dans la prose, le classique le plus pur de cette époque »[82] selonSainte-Beuve).« Le pessimisme deMme du Deffand est tellement absolu », écritBenedetta Craveri[83],« qu’il oblige son correspondant à se prononcer sur le destin de l’homme, avec une précision qu’on ne retrouve pas dans le reste de son œuvre ».« C’est dans ses lettres qu’il faut chercher l’expression la plus intime de la philosophie de Voltaire ; sa manière d’accepter la vie et d’affronter la mort, ses idées métaphysiques et son scepticisme, ses luttes passionnées au nom de l’humanité et ses accès de résignation mystiques »[84].
Le théâtre de Voltaire, qui a fait sa gloire et passionné ses contemporains, est aujourd’hui largement oublié. Voltaire a cependant été le plus grand auteur dramatique duXVIIIe siècle et a régné sur la scène de laComédie-Française de 1718 à sa mort. Il a écrit une cinquantaine de tragédies qui, selon l’estimation de René Pomeau[85], ont été applaudies, rarement sifflées, par environ deux millions de spectateurs.
Certaines de ses tragédies ont été parodiées, sa comédieL'Écossaise devenant par exempleL’Écosseuse[86] sous la plume dePoinsinet etAnseaume.
L’œuvre poétique
La versification, pratiquée dès l’enfance, était devenue pour Voltaire un mode d’écriture naturel. Sa production poétique a été évaluée à 250 000 vers[87]. Il n’avait pas son pareil pour manier l’alexandrin. Longtemps il sera pour ses contemporains l’auteur deLa Henriade que Beaumarchais place au même niveau que l’Iliade et qui connaitra encore 67 éditions entre 1789 et 1830 avant d’être rejetée dans l’oubli par leRomantisme. Cette œuvre versifiée (La Pucelle d’Orléans,Le Mondain, lePoème sur le désastre de Lisbonne) est moins lisible pour nous aujourd’hui, mais il existe, en particulier à travers ses épîtres, un Voltaire poète de la gaîté et du sourire, à la verve inventive, inspiré souvent par l’esprit satirique.
Elle est devenue à présent désuète, même si Voltaire fut l’un des pionniers dunewtonisme. De passage à Leyde (1738), Voltaire avait souhaité suivre des cours de l'illustre physicien’s Gravesande. Il obtint de lui lire quelques chapitres de sesÉléments de la philosophie deNewton, pour recueillir ses observations avant de le publier ; or le savant hollandais, s'il admira« la facilité et l’élégance avec lesquelles Voltaire avait traité des matières aussi arides »[89], se déroba habilement à sa demande. CesÉléments restent cependant un témoignage des débats duXVIIIe siècle, impliquantLeibniz,Locke, Newton ouBuffon.
Les idées de Voltaire
Voltaire nu parPigalle. En 1770, dans le salon deMme Necker, une souscription[90] est ouverte pour ériger une statue au grand homme.Pigalle choisit de le représenter en nu héroïque, à l'antique, sans masquer la vérité anatomique d’un corps marqué par l’âge, en magnifiant par contraste la tête pleine d’espérance. L’œuvre, défendue parDiderot, va susciter de nombreuses critiques[91].
Le libéralisme
Dans la pensée du philosophe anglaisJohn Locke, Voltaire trouve une doctrine qui s’adapte parfaitement à son idéal positif et utilitaire. John Locke apparaît comme le défenseur dulibéralisme en affirmant que le pacte social ne supprime pas lesdroits naturels des individus. En outre, c’est l’expérience seule qui nous instruit ; tout ce qui la dépasse n’est qu’hypothèse ; le champ du certain coïncide avec celui de l’utile et du vérifiable. Voltaire tire de cette doctrine la ligne directrice de sa morale : la tâche de l’homme est de prendre en main sa destinée, d’améliorer sa condition, d’assurer, d’embellir sa vie par lascience, l’industrie, les arts et par une bonne « police » des sociétés. Ainsi, la vie en commun ne serait pas possible sans une convention où chacun trouve son compte. Bien que s’exprimant par des lois particulières à chaque pays, la justice, qui assure cette convention, est universelle. Tous les hommes sont capables d’en concevoir l’idée, d’abord parce que tous sont des êtres plus ou moins raisonnables, ensuite parce qu’ils sont tous capables de comprendre que ce qui est utile à la société est utile à chacun. La vertu, « commerce de bienfaits, leur est dictée à la fois par le sentiment et par l’intérêt. Le rôle de la morale, selon Voltaire, est de nous enseigner les principes de cette « police » et de nous accoutumer à les respecter.
Cependant, la conception oligarchique et hiérarchisée de la société de Voltaire ne permet pas de le situer clairement parmi les philosophes du libéralisme démocratique : il affirme par exemple dansEssai sur les mœurs et l'esprit des nations :« Quand nous parlons de la sagesse qui a présidé quatre mille ans à la constitution de la Chine, nous ne prétendons pas parler de la populace ; elle est en tout pays uniquement occupée du travail des mains : l’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre, qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne. Certainement cet esprit de la nation chinoise est le plus ancien monument de la raison qui soit sur la terre »[92].
Le peuple
Voltaire a une attitude ambivalente envers le peuple. Celle-ci est analysée de manière légèrement différente par la critique contemporaine.
Jean Goulemot fait remarquer que s'il est vrai que Voltaire considère le peuple comme superstitieux, fanatique, obscurantiste et rétrograde, il en fait pourtant parfois, comme dans lesLettres philosophiques,« la plus nombreuse, la plus vertueuse et par conséquent la plus respectable partie des hommes ». Celle-ci est cependant limitée aux artisans et aux négociants, ce qui exclut les paysans. Selon lui, si Voltaire admet que le progrès peut en partie venir du travail du peuple, il considère que ce sont surtout les productions de l'esprit qui produiront une dynamique historique[93].
Roland Mortier est plus sévère. Il qualifie l'attitude de Voltaire de dédaigneuse, méprisante parfois même hostile envers une masse populaire jugée uniquement grossière, inculte et pleine de superstition. Cette ignorance et le fanatisme qui en découle sont en soi un obstacle au progrès. Mais le peuple n'étant pas homogène, Voltaire attend plus d'une élite ouvrière que des travailleurs misérables et peu qualifiés. Pour ces derniers, il considère que, plutôt que l'éducation, c'est une lente évolution des mentalités, descendant par degrés, qui permettra au peuple de se détacher du fanatisme religieux et d'ainsi s'émanciper[94].
L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger. (Les Cabales. 1772)
Ainsi, selon Voltaire, l’ordre de l’univers peut-il nous amener à constater l'existence d'un « éternel géomètre ». C'est pour lui une évidence rationnelle : un effet ne peut exister sans qu'il y ait aussi une cause préalable, de même que la lumière naturelle ne peut exister sans tirer son origine du soleil – ou qu'une bougie ne peut être allumée sans qu'un « athée » ait auparavant décidé d'enflammer sa mèche ; ce que Voltaire nomme « Dieu », c'est laCause ultime, absolue qui ordonne éternellement et présentement tous les desseins cosmiques : le soleil est ainsi « fait pour éclairer notre portion d'univers »[95].
« Une cause sans effet est une chimère, une absurdité, aussi bien qu'un effet sans cause. Il y a donc éternellement, et il y aura toujours des effets de cette cause universelle. Ces effets ne peuvent venir de rien ; ils sont donc des émanations éternelles de cette cause éternelle. La matière de l'univers appartient donc à Dieu tout autant que les idées, et les idées tout autant que la matière. Dire que quelque chose est hors de lui, ce serait dire qu'il y a quelque chose hors de l'infini. Dieu étant le principe universel de toutes les choses, toutes existent en lui et par lui. […] On ne fait point Dieu l'universalité des choses : nous disons que l'universalité des choses émane de lui ; et pour nous servir […] de l'indigne comparaison du soleil et de ses rayons, nous disons qu'un trait de lumière lancé du globe du soleil, et absorbé dans le plus infect des cloaques, ne peut laisser aucune souillure dans cet astre. Ce cloaque n'empêche pas que le soleil ne vivifie toute la nature dans notre globe. […] Nous pourrions dire encore qu'un trait de lumière, pénétrant dans la fange, ne se mêle point avec elle, et qu'elle y conserve son essence invisible ; mais il vaut mieux avouer que la lumière la plus pure ne peut représenter Dieu. La lumière émane du soleil, et tout émane de Dieu. Nous ne savons pas comment ; mais nous pouvons […] concevoir Dieu comme l'Être nécessaire de qui tout émane. [Note : « nécessaire » signifie philosophiquement : « qui ne peut pas ne pas être – ni être autrement »]. »
Mais, au-delà, il ne voit qu'incertitudes :« J'ai contemplé le divin ouvrage, et je n'ai point vu l'ouvrier ; j'ai interrogé la nature, elle est demeurée muette »[96]. Il conclut :« Il m'est impossible de nier l'existence de ce Dieu », ajoutant qu'il est « impossible de le connaître ». Il rejette toute incarnation,« tous ces prétendus fils de Dieu ». Ce sont« des contes de sorciers ».« Un Dieu se joindre à la nature humaine ! J'aimerais autant dire que les éléphants ont fait l'amour à des puces, et en ont eu de la race : ce serait bien moins impertinent »[97]. S’il reste attaché audéisme, qui correspond à un théisme philosophique, il dénonce comme dérisoire leprovidentialisme (dansCandide par exemple) et repose cette question formulée dèssaint Augustin dont la réponse est inaccessible à la logique humaine parfaitement limitée : « Pourquoi existe-t-il tant de mal, tout étant formé par un Dieu que tous lesthéistes se sont accordés à nommer bon ? ». Voltaire n'apporte à ce sujet que cette précision :
« La terre est couverte de crimes […] ; cela empêche-t-il qu'il y ait une cause universelle ? […] Il y a une suite infinie de vérités, et l'Être infini peut seul comprendre cette suite. […] Demander pourquoi il y a du mal sur terre, c'est demander pourquoi nous ne vivons pas autant que les chênes. […] Le grand Être est fort ; mais les émanations sont nécessairement faibles. Servons-nous […] de la comparaison du soleil. Ses rayons réunis fondent les métaux ; mais quand vous réunissez ceux qu'il a dardés sur le disque de la lune, ils n'excitent pas la plus légère chaleur. Nous sommes aussi nécessairement bornés que le grand Être est nécessairement immense. »
— Voltaire,Tout en Dieu, commentaire sur Malebranche.
Voltaire, dans leDictionnaire philosophique, affirme que l'authentique miracle est l'ordre du monde, que l'apparition divine en ce monde est la nature des choses et non ce qui semble « surnaturel » :
« Un miracle, selon l'énergie du mot, est une chose admirable. En ce cas, tout est miracle. L'ordre prodigieux de la nature, la rotation de cent millions de globes autour d'un million de soleils, l'activité de la lumière, la vie des animaux sont des miracles perpétuels. Selon les idées reçues, nous appelons miracle la violation de ces lois divines et éternelles. (…) Plusieurs physiciens soutiennent qu'en ce sens il n'y a point de miracles ; (…) un miracle est la violation des lois mathématiques divines, immuables, éternelles. Par ce seul exposé, un miracle est une contradiction dans les termes. Une loi ne peut être à la fois immuable et violée. Mais, une loi, leur dit-on, étant établie par Dieu même, ne peut-elle être suspendue par son auteur ? Ils ont la hardiesse de répondre que non. »[98]
Enfin, pour Voltaire, la croyance en un Dieu est utile sur le plan moral et social. Il est l'auteur du célèbre alexandrin[99] :
Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.
On lui attribue aussi cette phrase :« Nous pouvons, si vous le désirez, parler de l’existence deDieu, mais comme je n’ai pas envie d’être volé ni égorgé dans mon sommeil, souffrez que je donne au préalable congé à mes domestiques »[100].
Le polémiste
DèsLa Henriade en1723, toute l’œuvre de Voltaire est un combat contre le fanatisme et l'intolérance.
Tracts,pamphlets, tout fut bon pour mobiliser les classes fortunées européennes. Il utilise l'ironie pour susciter l’indignation. Les ennemis de Voltaire avaient tout à craindre de son persiflage. Quand en1755, il reçoit leDiscours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, qui désapprouve l’ouvrage, répond en une lettre aussi habile qu’ironique :
« J’ai reçu, monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain, je vous en remercie. […] On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes ; il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j’en ai perdu l’habitude, je sens malheureusement qu’il m’est impossible de la reprendre et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi. […] »
— Lettre à Rousseau,
SelonSainte-Beuve,« […] tant qu’un souffle de vie l’anima, il eut en lui ce que j’appelle le bon démon : l’indignation et l’ardeur.Apôtre de laraison jusqu’au bout, on peut dire que Voltaire est mort en combattant ».
La justice
Voltaire s’est passionné pour plusieurs affaires et s’est démené afin que justice soit rendue.
Voltaire à83 ans. Houdon a su capter l'âge et la souffrance, la malice et la vitalité de l'écrivain dans ce buste réalisé quelques semaines avant sa mort.
L'attachement de Voltaire à laliberté d'expression serait illustré par la citation qu'on lui attribue à tort :« Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ».
Certains commentateurs (Norbert Guterman,A Book of French Quotations, 1963), prétendent que cette citation est extraite d’une lettre du à un abbé Le Riche où Voltaire écrirait : « Monsieur l'abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire ». En fait, cette lettre existe, mais la phrase n'y figure pas, ni même l'idée. LeTraité de la tolérance auquel est parfois rattachée la citation ne la contient pas non plus.
De fait, la citation est absolumentapocryphe (elle n’apparaît nulle part dans son œuvre publiée) et trouve sa source en 1906, non dans une citation erronée, mais dans un commentaire de l’auteure britanniqueEvelyn Hall, dans son ouvrageThe Friends of Voltaire[101], où, pensant résumer la posture de Voltaire à propos de l’auteur d’un ouvrage publié en 1758 condamné par les autorités religieuses et civiles, elle écrivait« “I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it” was his attitude now » (« "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu'à la mort votre droit de le dire" était désormais son attitude »). Les guillemets maladroitement utilisés par Evelyn Hall ont été interprétés comme permettant d'attribuer la déclaration à Voltaire. En 1935, elle déclara« I did not intend to imply that Voltaire used these words verbatim, and should be much surprised if they are found in any of his works » (« Je n'ai pas eu l'intention de suggérer que Voltaire avait utilisé exactement ces mots, et serais extrêmement surprise s'ils se trouvaient dans ses œuvres »)[102],[103].
L'affaire à propos de laquelle Evelyn Hall écrivait concernait la publication parHelvétius en 1758 deDe l’Esprit, livre condamné par les autorités civiles et religieuses et brulé. Voici ce que Voltaire écrivait dans l'article « Homme » desQuestions sur l'Encyclopédie :
« J'aimais l'auteur du livreDe l'Esprit. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n'ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu'il débite avec emphase. J'ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l'ont condamné pour ces vérités mêmes. »
Cependant, dans son existence, Voltaire respectait peu le droit des autres à s'exprimer. Il mit ainsi beaucoup d'énergie à compromettre par exemple les carrières de Rousseau et de La Mettrie. Il se réjouit publiquement de l'expulsion des Jésuites en 1765.
La laïcité
Voltaire, à l'âge de70 ans.
Même s'il n'utilise pas le mot « laïcité » qui fut inventé un siècle plus tard, Voltaire est, par ses écrits et ses démarches visant à conserver une justice dénuée d'intérêt religieux, l'un des instigateurs d'uncivisme équidistant envers toutes les attitudes religieuses et opinions métaphysiques (athéisme compris).
Il oppose la figure de « l'homme laïc », nommé « Citoyen », vu comme l'ami policé de tous et du bien public, pour faire valoir le devoir commun de s'entre-tolérer tout en refusant de promouvoir telle ou telleprofession de foi.
« Je suis citoyen et par conséquent l'ami de tous ces messieurs [de différentes confessions]. Je ne disputerai avec aucun d'eux ; je souhaite seulement qu'ils soient tous unis dans le dessein de s'aider mutuellement, de s'aimer et de se rendre heureux les uns les autres, autant que des hommes d'opinions si diverses peuvent s'aimer, et autant qu'ils peuvent contribuer à leur bonheur ; ce qui est aussi difficile que nécessaire. Pour cet effet, je leur conseille d'abord de jeter dans le feu […] laGazette ecclésiastique, et tous autres libelles qui ne sont que l'aliment de la guerre civile des sots. Ensuite chacun de nos frères, soitthéiste, soitturc, soitpaïen, soitchrétien grec, ouchrétien latin, ouanglican, ouscandinave, soitjuif, soitathée, lira attentivement quelques pages desOffices deCicéron, ou deMontaigne, et quelques fables deLa Fontaine. Cette lecture dispose insensiblement les hommes à la concorde […]. On ne vendra nicirconcision, nibaptême, nisépulture, ni la permission de courir dans lekaaba autour de lapierre noire, ni l'agrément de s'endurcir les genoux devant laNotre-Dame de Lorette, qui est plus noire encore. Dans toutes les disputes qui surviendront, il est interdit de se traiter de chien, quelque colère qu'on soit ; à moins qu'on ne traite d'hommes les chiens, quand ils nous emporteront notre dîner et qu'ils nous mordront, etc., etc., etc. »
— Voltaire,Il faut prendre un parti, XXV Discours d'un Citoyen.
Voltaire est convaincu que les hommes, non parce que formant un groupe de mêmes convictions, mais parce que liés entre eux par cecivisme, peuvent s'allier pour œuvrer ensemble à la constitution d'une société pacifiée et équitable. Voltaire conçoit donc une « morale civique » ou « éthique citoyenne » universelle.
Au doute deBlaise Pascal considérant, dans sesPensées, qu'il est impossible que les hommes puissent se respecter entre eux hors de la sphère duchristianisme (« Le port règle ceux qui sont dans un vaisseau ; mais où trouverons-nous ce point dans la morale ? »), Voltaire répond très simplement :« Dans cette seule maxime reçue de toutes les nations : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît. »[105]
Théiste, Voltaire n'en condamne pas moins fermement les religions dévalorisant, selon lui, lavie, lanature et les relations sociales et familiales :
« Pensées deBlaise Pascal : « S’il y a un Dieu, il ne faut aimer que lui, et non les créatures. » [Réponse de Voltaire :] Il faut aimer, et très tendrement, les créatures ; il faut aimer sapatrie, sa femme, son père, ses enfants ; et il faut si bien les aimer queDieu nous les fait aimer malgré nous. Les principes contraires ne sont propres qu’à faire de barbares raisonneurs. »
— Voltaire,Vingt-cinquième lettre sur les Pensées de M. Pascal, X.
Le végétarisme
Peinture deJean Huber :Voltaire narrant une fable.
Voltaire refusait de voir les êtres humains comme supérieurs, par leuressence, aux autres espèces animales ; cela correspond à son rejet desreligions abrahamiques (où l'animal est le plus souvent considéré comme inférieur à l'homme) et de la doctrine des « animaux-machines » duDiscours de la méthode deRené Descartes — qu'il déteste, et considère comme étant la « vaine excuse de la barbarie[106] » permettant de dédouaner l'homme de tout sentiment de compassion face à la détresse animale[107].
Voltaire commence à s'intéresser avec constance auvégétarisme, et à sa défense, vers 1761-1762 environ, comme l'a montréRenan Larue[107] ; diverses lectures sont en lien avec cette affirmation « pythagoricienne » de la part du philosophe[108] : le testament deJean Meslier, l’Émile de Jean-Jacques Rousseau, leTraité dePorphyre, touchant l'abstinence de la chair des animaux[109], ainsi que de nombreux ouvrages sur l'hindouisme (œuvresbrahmaniques qui commencent à être traduites en français et étudiées dans les milieux intellectuels européens)[107].
Dans ses lettres[110], Voltaire déclare qu'il « ne mange plus de viande » « ni poisson », se définissant encore plus « pythagoricien » que Philippe de Sainte-Aldegonde, un végétarien qu'il reçut àFerney, à côté deGenève.
Chez Voltaire, le végétarisme n'est jamais justifié selon une logique liée à lasanté, mais toujours pour des raisons éthiques : le végétarisme est une « doctrine humaine » et une « admirable loi par laquelle il est défendu de manger les animaux nos semblables »[111]. Prenant comme exempleIsaac Newton, la compassion pour les animaux se révèle pour lui une solide base pour une « vraie charité » envers les hommes, et Voltaire affirme qu'on ne mérite« guère le nom dephilosophe » si on ne possède point cette « humanité, vertu qui comprend toutes les vertus »[112].
DansLe Dialogue du chapon et de la poularde, Voltaire fait dire aux animaux que les hommes qui les mangent sont des « monstres » qui, d'ailleurs, s'entretuent cruellement ; lechapon y fait l'éloge de l'Inde où « les hommes ont uneloi sainte qui depuis des milliers de siècles leur défend de nous manger » ainsi que des philosophes antiques européens :
« Les plus grands philosophes de l'Antiquité ne nous mettaient jamais à la broche. Ils tâchaient d'apprendre notre langage, et de découvrir nos propriétés si supérieures à celle de l'espèce humaine. Nous étions en sûreté comme à l'âge d'or. Les sages ne tuent point les animaux, dit Porphyre ; il n'y a que les barbares et les prêtres qui les tuent et les mangent. »
DansLa Princesse de Babylone, Voltaire fait dire à un oiseau que les animaux ont« une âme », tout comme les hommes. Et dans une note du chapitre XII duTraité sur la tolérance, Voltaire rappelle que consommer de la chair animale et traiter les animaux comme de stricts objets ne sont point des pratiques universelles et qu'« il y a une contradiction manifeste à convenir queDieu a donné aux bêtes tous les organes du sentiment, et à soutenir qu'il ne leur a point donné de sentiment. Il me paraît encore qu'il faille n'avoir jamais observé les animaux pour ne pas distinguer chez eux les différentes voix du besoin, de la souffrance, de la joie, de la crainte, de l'amour, de la colère, et de toutes les affections ».
Dans l’Article « Viande » duDictionnaire philosophique, Voltaire montre quePorphyre regardait« les animaux comme nos frères, parce qu'ils sont animés comme nous, qu'ils ont les mêmes principes de vie, qu'ils ont ainsi que nous des idées, du sentiment, de la mémoire, de l'industrie. » Le végétarisme de Voltaire s'affirme donc comme une posture philosophique opposée à toute attitudeanthropocentrique. Le philosophe ne croit pas que l'humanité soit le centre de la création ou le sommet de lachaîne alimentaire — et que les animaux soient en dessous des nations humaines et comme uniquement « prédestinés » à servir de nourriture aux hommes :« Lesmoutons n'ont pas sans doute été faits absolument pour être cuits et mangés, puisque plusieurs nations s'abstiennent de cette horreur »[113].
DansLa Philosophie de l'histoire (chapitre XVII, « de l'Inde »), Voltaire défend la doctrine de laréincarnation des âmes (« métempsycose ») qui prévaut chez les Indiens (ou « Hindous »), dans les terres« vers leGange », et qui est selon lui un« système de philosophie qui tient aux mœurs » inspirant« une horreur pour le meurtre et pour toute violence ». Cette considération voltairienne se retrouve aussi dansLes Lettres d'Amabed (« Seconde lettre d'Amabed à Shastadid »), où un jeune hindou deBénarès, élève d'un missionnaire chrétien jésuite qui veut l'évangéliser et lui faire abjurer lafoi de ses ancêtres, se désole de voir les Européens, colonisant l'Inde et commettant« des cruautés épouvantables pour dupoivre », tuer des petits poulets.
Cette posture morale végétarienne est pour Voltaire une occasion de relativiser les certitudes occidentales issues du christianisme, par une universalisation des références niant toutethnocentrisme et toutanthropocentrisme. C'est aussi une occasion de louer les « Païens » et leur philosophie antique (grecque ouindienne) et de se moquer ouvertement du clergé chrétien et des institutions ecclésiastiques – convaincus de leur exemplarité –, qui font grand cas de détails dogmatiques infimes concernant les croyances à reconnaître ou à condamner (rappel de la haine entreCatholiques,Juifs etProtestants), mais qui refusent d'éduquer les masses à la clémence envers les animaux, sont incapables de promouvoir le végétarisme :
« Je ne vois aucunmoraliste parmi nous, aucun de nos loquacesprédicateurs, aucun même de nostartufes, qui ait fait la moindre réflexion sur cette habitude affreuse [« se nourrir continuellement de cadavres » selon Voltaire]. Il faut remonter jusqu'au pieuxPorphyre, et aux compatissantspythagoriciens pour trouver quelqu'un qui nous fasse honte de notre sanglante gloutonnerie, ou bien il faut voyager chez lesbrahmanes ; car, […] ni parmi les moines, ni dans leconcile de Trente, ni dans nos assemblées du clergé, ni dans nosacadémies, on ne s'est encore avisé de donner le nom de mal à cette boucherie universelle. »
— Voltaire,Il faut prendre un parti (Du mal, et en premier lieu de la destruction des bêtes).
Opposition à la vivisection
Voltaire s'insurgea contre les pratiques de vivisection de son temps (l'expérimentation sur des animaux se généralisant avec le dogme des « animaux-machines » deDescartes, ainsi que dans lesséminairesjansénistes[114]) :
« Des barbares saisissent ce chien, qui l'emporte prodigieusement sur l'homme en amitié ; ils le clouent sur une table, et ils le dissèquent vivant pour te montrer les veines mézaraïques. Tu découvres dans luitous les mêmes organes de sentiment qui sont dans toi. Réponds-moi, machiniste ; la nature a-t-elle arrangé tous les ressorts du sentiment dans cet animalafin qu'il ne sente pas ? A-t-il des nerfs pour être impassible ? Ne suppose point cette impertinente contradiction dans la nature. »[115],[116]
« Le public a toujours pris plaisir à faire aller de pair ces deux hommes à jamais célèbres. Tous les deux, avec de si grands moyens, se sont proposés le même but, le bonheur du genre humain (...) Voltaire, tout occupé de ce qui peut nuire aux hommes, attaque sans cesse le despotisme, le fanatisme, la superstition, l’amour des conquêtes ; mais il ne s’occupe guère qu’à détruire. Rousseau s’occupe à la recherche de tout ce qui peut nous être utile, et s’efforce de bâtir », écrit dès 1818Bernardin de Saint-Pierre, l’ami de Rousseau, dans sonParallèle de Voltaire et de J.-J. Rousseau, premier d’une suite innombrable.
« Je suis tombé par terre, C'est la faute à Voltaire, Le nez dans le ruisseau, C'est la faute à Rousseau[117]. »
Tout oppose les deux grandes figures desLumières que laRévolution française a installées l’un à côté de l’autre auPanthéon, Voltaire en 1791, Rousseau en 1794.
Voltaire est un fils de bourgeois parisien, sujet d’une monarchie absolue. Il reçoit une éducation classique dans le meilleur collège de la capitale. Son esprit se forme dans la fréquentation de la société du Temple et de la cour de Sceaux. Il aime l’argent, le luxe, le monde, le théâtre. Il fréquente les princes et les rois. Persuadé que la liberté d’esprit est inséparable de l’aisance matérielle, il devient riche et mène à Ferney une vie de seigneur. Il se pense en chef de parti, en responsable du clan philosophique. Son objectif est de faire pénétrer peu à peu les Lumières au sommet de l’État. C’est un écrivain engagé. Il est pessimiste mais d’humeur gaie. Déiste, il hait la religion chrétienne. Extraverti, il a horreur de l'introspection et parle peu de lui dans sesMémoires[118]. Esprit précis et positif, son arme est l’ironie et c’est à l’esprit qu’il s’adresse.
Rousseau est un fils d’horloger genevois, citoyen d’une république. Il est autodidacte et campagnard. Il aime la vie simple, le travail humble, la solitude, la nature. S’il bénéficie, comme beaucoup de gens de lettres, de la protection des grands (prince de Conti, maréchal de Luxembourg), il ne veut pas des bienfaits dont la société est prête à l’accabler. Il reste pauvre, persuadé qu’il se met moralement du bon côté et gagne son pain en copiant de la musique. Chez lui, tout est adhésion individuelle à une doctrine élaborée par un individu unique. Ce n’est pas un écrivain engagé. Il est foncièrement optimiste mais d’humeur ombrageuse. Protestant de Genève, il reste toujours chrétien par le cœur, sinon par le dogme et la conduite. Égotiste, il se livre intimement dans sesConfessions. Il a l’âme poétique, rêveuse, aisément émue. Son arme, c’est l’éloquence, et c’est au sentiment qu’il parle.
Les deux hommes ont entretenu longtemps des relations courtoises avant leur rupture en 1760.
Rousseau, qui admire Voltaire, lui envoie en 1755 sonDiscours sur l’inégalité qui fait suite à sonDiscours sur les sciences et les arts de 1750. Il lui rend« l’hommage que nous vous devons tous comme à notre chef »[119]. La critique de la civilisation, la dénonciation du « luxe », de l’inégalité sociale et de la propriété, l’exaltation du primitivisme de Rousseau ne peuvent que rencontrer l’incompréhension de Voltaire. Mais Rousseau participe au combat philosophique, c’est un ami deDiderot etd’Alembert, un collaborateur de l’Encyclopédie. Voltaire lui répond ironiquement :« J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain, je vous en remercie (…) On n’a jamais tant employé d’esprit à vouloir nous rendre bêtes ; il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j’en ai perdu l’habitude, je sens malheureusement qu’il m’est impossible de la reprendre »[120]. Rousseau répond sans acrimonie. Leur échange de lettres est publié dans leMercure de 1755.
En 1756, lorsque Voltaire envoie à Rousseau sonPoème sur le désastre de Lisbonne, l’incompréhension est cette fois du côté de ce dernier. Il répond :« Rassasié de gloire et désabusé des vaines grandeurs, vous vivez libre au sein de l’abondance : vous ne trouvez pourtant que mal sur terre ; et moi, homme obscur, pauvre, tourmenté d’un mal sans remède, je médite avec plaisir dans ma retraite et trouve que tout est bien. D’où viennent ces contradictions apparentes ? Vous l’avez-vous-même expliqué : vous jouissez, moi j’espère, et l’espérance adoucit tout »[121]. Voltaire ne répond pas sur le fond. Dans lesConfessions, Rousseau dit que la véritable réponse lui fut donnée avecCandide (1759).
En 1758, à la suite de la parution de l’article deD'Alembert, « Genève », dans l’Encyclopédie, Rousseau publie saLettre à d’Alembert sur les spectacles. Il rompt à cette occasion avecDiderot, l’ami de ses débuts et avec les Encyclopédistes. Visant Voltaire qui milite pour faire autoriser la comédie à Genève (elle le sera en 1783), il reprend la thèse de son premierDiscours : le théâtre à Genève favoriserait le luxe, accroîtrait l’inégalité, altérerait la liberté et affaiblirait le civisme. Pour Voltaire, nier la valeur morale et humaine du théâtre, c’est nier l’évidence. Mais il ne veut pas répondre. « Moi », écrit-il à d’Alembert,« je fais comme celui qui pour toute réponse à des arguments contre le mouvement se mit à marcher. Jean-Jacques démontre qu’un théâtre ne peut convenir à Genève, et moi j’en bâtis un (Il s’agit de l’ouverture d’une salle de spectacle dans son château de Tourney en 1760) »[122].
L’affrontement est cependant resté courtois jusqu’à la véritable déclaration de guerre (publiée plus tard dans lesConfessions, livre X) que Rousseau adresse à Voltaire le :« Je ne vous aime point, Monsieur ; vous m’avez fait tous les maux qui pouvaient m’être les plus sensibles, à moi, votre disciple et votre enthousiaste. Vous avez perdu Genève, pour le prix de l’asile que vous y avez reçu ; vous avez aliéné de moi mes concitoyens pour le prix des applaudissements que je vous ai prodigués parmi eux ; c’est vous qui me rendez le séjour de mon pays insupportable ; c’est vous qui me ferez mourir en terre étrangère (…) Je vous hais, enfin, puisque vous l’avez voulu ; mais je vous hais en homme plus digne de vous aimer si vous l’aviez voulu. De tous les sentiments dont mon cœur était pénétré pour vous il n’y reste que l’admiration qu’on ne peut refuser à votre beau génie, et l’amour de vos écrits ».
Les choses sérieuses commencent en 1762, lorsque, Rousseau décrété de prise de corps après la publication de ses grands ouvrages, leContrat social et l'Émile, doit s’enfuir de France. À Genève, l’auteur est menacé d’arrestation s’il vient dans la ville et ses livres sont brulés. Pour Rousseau, malade, déprimé, ces persécutions sont le résultat, direct ou indirect, de l’influence dont jouit Voltaire à Genève comme à Paris. Dans lesLettres sur la Montagne, il accuse Voltaire d'être l'auteur duSermon des cinquante, libelle anonyme profondément antichrétien paru en 1762, d’être complice de ses persécuteurs, de préférer au raisonnement la plaisanterie, de publier des ouvrages abominables et de ne pas croire en Dieu.
Voltaire répond par un libelle anonyme (Rousseau n’a jamais su qu’il en était l’auteur),le Sentiment des Citoyens où il suggère l'exécution de Rousseau, révélant que l’auteur de l’Émile a fait porter et déposer ses cinq enfants (qu’il a eus avec Thérèse Levasseur) auxEnfants-trouvés :« si on châtie légèrement un romancier impie, on punit capitalement un vil séditieux »[125]. Il tient Rousseau pour un « déguisé ensaltimbanque » misérable et estime justifiées les plus basses attaques (les problèmes urinaires de Rousseau sont le fruit de ses« débauches »), au point de perdre tout sens de la mesure (ainsi dans le poème burlesqueLa Guerre civile de Genève où il s’acharne particulièrement contre Rousseau et sa compagne). Animé par la rage, il le poursuit jusque dans son exil en Angleterre, faisant paraître anonymement dans les journaux deLondres laLettre au Docteur Jean-Jacques Pansophe (1760) pour le brouiller avec ses hôtes.
Désormais, Voltaire va mener contre Rousseau une campagne d’insultes et de railleries, même s’il écrit en 1767 :« Pour moi, je ne le regarde pas comme un fou. Je le crois malheureux à proportion de son orgueil : c’est-à-dire qu’il est l’homme du monde le plus à plaindre »[126].
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Voltaire à la résidence deFrédéric II àPotsdam, enPrusse. Détail d’une gravure de Pierre Charles Baquoy, d’après N. A. Monsiau.
La vie et l’œuvre de Voltaire dévoilent une place intéressante accordée aux femmes. Plusieurs de ses pièces sont entièrement dédiées aux vies exceptionnelles de femmes de pouvoir de civilisations orientales. Cette vision des femmes au pouvoir peut éclairer l’attachement de Voltaire à une femme savante commeÉmilie du Châtelet.
En 1713, jeune secrétaire d’ambassade àLa Haye, Voltaire s’éprend d’Olympe Dunoyer (ou du Noyer), alias Pimpette. C'est très vite le grand amour. La mère de cette jeune fille, une huguenote française exilée en Hollande, haïssant la monarchie française, va porter plainte à l'ambassadeur. Furieux, craignant un scandale, celui-ci renvoie Voltaire en France[127].
C’est largement grâce aux femmes que Voltaire se faufile dans la haute société de la Régence. Louise Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine réunissait dans son château de Sceaux une coterie littéraire qui complotait contre le ducPhilippe d’Orléans, régent de France. On y poussa Voltaire à exercer sa verve railleuse contre lerégent, ce qui valut à l’auteur un début de notoriété, et onze mois deBastille. Les fréquentations féminines de Voltaire ne sont pas toutes de nature littéraire : c’est surtout pour favoriser ses affaires[réf. nécessaire] qu’il séduit l’épouse d’un président à mortier au parlement de Rouen, le marquis de Bernières, qu’il associe à ses spéculations, et aux ruses coûteuses déployées pour éditerLa Henriade en dépit de la censure royale.
Grâce au succès de sa première tragédieŒdipe, Voltaire fait la connaissance de la duchesse de Villars, dont il s’éprend, mais sans que la réciproque soit vraie ; reste, là aussi, l’introduction dans le cercle aristocratique éclairé gravitant autour de Charles Louis Hector, maréchal de Villars, qui recevait en sonchâteau de Vaux. Quant à l’amour, Voltaire s’en dit« guéri », au profit de l’amitié, qu’il cultivera effectivement toute sa vie.
Voltaire a des liaisons éphémères avec quelques actrices, notamment Suzanne de Livry etAdrienne Lecouvreur, mais de santé précaire, il s’est toujours préservé des excès, y compris amoureux. La relation avecGabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet-Lomont est en revanche plus sérieuse. La traductrice deNewton est très douée pour les lettres autant que pour les sciences ou la philosophie. Elle est mariée, mais le marquis du Châtelet est un éternel absent, et Émilie, que tout passionne, tombe amoureuse sans mesure du prestigieux poète, qui lui est présenté en 1733, et qu’elle aimera jusqu’à sa mort, seize ans plus tard. Cirey (Cirey-sur-Blaise), le château de famille des Châtelet abrite leurs amours ; Voltaire en entreprend la restauration et l’agrandissement à ses frais.
Leur vie est quasi maritale, mais des plus mouvementées ; les échanges intellectuels intenses : Voltaire qui, jusque-là s’était consacré au « grand genre », la tragédie et le poème épique, opte résolument pour ce qui fera la particularité de son œuvre : le combat politique et philosophique contre l’intolérance. Une relation fusionnelle, donc, autant que studieuse et féconde.
C’est par une tromperie philosophique que s’engagera la fin d’une l’idylle de dix ans : la marquise renonce au matérialisme newtonien pour lui préférer le déterminisme optimiste deLeibniz, ce à quoi Voltaire ne saurait consentir. Moins sentimentale désormais, l’alliance persiste malgré tout. La marquise sauve plusieurs fois Voltaire des conséquences de ses insolences, et Voltaire éponge parfois les colossales dettes de jeu d’Émilie.
La situation se complique singulièrement lorsqueMme du Châtelet s’éprend du marquis de Saint-Lambert (Jean-François de Saint-Lambert). Émilie est enceinte, et Voltaire concocte un stratagème pour que le mari de la marquise se croie le père de l’enfant. Émilie meurt peu après l’accouchement, laissant Voltaire désespéré : il devait à Émilie du Châtelet ses années les plus heureuses[128].
Daniel Borrillo etDominique Colas, dans leur ouvrageL’Homosexualité de Platon à Foucault, estiment que « Voltaire aborde la question dans sondictionnaire philosophique sous le chapitreAmour nommé socratique d’une manière si légère et si violente qu’il semble avoir été écrit par un théologien du Moyen Âge plutôt que par un philosophe de la Raison »[131]. Voltaire ne fait toutefois aucune référence à la Bible, à la différence de l'article « Sodomie » de l'Encyclopédie paru en 1765 et lui, très « théologique ». Par ailleurs, l'article duDictionnaire philosophique a été très développé dans lesQuestions sur l'Encyclopédie (à partir de 1770)[132].
SelonRoger-Pol Droit,« Pareil acharnement est d'autant plus curieux qu'il est difficile de l'imputer au climat de l'époque (…). La plupart des philosophes des Lumières sont d'ailleurs plus que tolérants envers les partenaires de même sexe. Au contraire, Voltaire n'a cessé de juger ces mœurs contre nature, dangereuses, infâmes »[133].
Voltaire et l'esclavagisme
Voltaire était fondamentalement opposé à l'image du « bon sauvage » des pays équatoriaux ou que l'homme est « bon » à l'état de nature, image promue parJean-Jacques Rousseau ouDenis Diderot – avec, par exemple, sonSupplément au Voyage de Bougainville (« innocence » du « primitif » rappelant d'ailleurs l'image biblique du jardin d'Éden, lorsqu'Adam etÈve n'ont point encore goûté au fruit de la connaissance du bien et du mal)[134].
Voltaire considère que leshommes noirs, des pays équatoriaux, sont des « animaux humains » comme le sont aussi leshommes blancs, et que, si lesAfricains sont victimes de l'Européen, ce n'est pas parce que l'Européen est corrompu par la société – tandis que les Africains ne le sont point, comme vierges de toute culpabilité, mais bien parce que les chefs nègres collaborent activement avec les marchands européens pour leur vendre desesclaves africains ; ainsi, Voltaire ne cherche pas à dédouaner de leur responsabilité les peuples africains dans latraite négrière (en les infantilisant ou en clamant qu'ils sont trop naïfs pour ne pas savoir ce qu'ils font, comme incapables de distinguer lebien et lemal), et écrit, dans sonEssai sur les mœurs et l’esprit des Nations :
« Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. »
Ce refus de faire des Africains un peupleessentiellement « irresponsable », démontre que Voltaire s'écarte de tout discours justifiant uneessence humaine, discours permettant de soutenir qu'il y a des hommes qui, par leur seule naissance, sont destinés à être dominés et opprimés, et d'autres – à dominer et à oppresser : pour Voltaire, c'est parce que les Africains noirs n'ont pas pitié des leurs – et ne les protègent pas des abus, que les Européens peuvent les asservir sans problème par l'esclavage, et non parce que les hommes noirs sontpar leur nature même « naïfs » – abusés malgré eux, comme le prétendent les Européens croyant au « bon sauvage ».
Candide, face au nègre esclave, atrocement mutilé par ses propriétaires, qui lui dit : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ».
Voltaire a fermement condamné l’esclavagisme. Le texte le plus célèbre est la dénonciation desmutilations de l’esclave deSuriname dansCandide[135] mais son corpus comporte plusieurs autres passages similaires. Dans leCommentaire sur l’Esprit des lois (1777), il féliciteMontesquieu d’avoir jeté l’opprobre sur cette odieuse pratique[136].
Il s’est également enthousiasmé pour la libération de leurs esclaves par lesquakers dePennsylvanie en 1769[137].
De la même manière, le fait qu’il considère en 1771 que« de toutes les guerres,celle de Spartacus est la plus juste, et peut-être la seule juste »[138], guerre que des esclaves ont menée contre leurs oppresseurs, plaide assurément en faveur de la thèse d’un Voltaireanti-esclavagiste.
Lors des dernières années de sa vie, en compagnie de son avocat et amiChristin, il a lutté pour la libération des « esclaves » duJura qui constituaient les derniersserfs présents en France et qui, en vertu du privilège de lamain-morte, étaient soumis aux moines duchapitre deSaint-Claude. C’est un des rares combats politiques qu’il ait perdus ; les serfs ne furent affranchis que lors de laRévolution française, dont Voltaire inspira certains des principes.
À tort, on a souvent prétendu que Voltaire s’était enrichi en ayant participé à latraite des Noirs. On invoque à l’appui de cette thèse une lettre qu’il aurait écrite à unnégrier de Nantes pour le remercier de lui avoir fait gagner600 000 livres par ce biais. Il s'avère que cette lettre est un faux[139]. L'auteur remarque d'ailleurs que l'allégation de Voltaire négrier a été souvent assurée par des historiens qui la rapportaient au conditionnel. Lequel conditionnel tiendrait lieu de vérité sans que le droit à la présomption d'innocence lui soit reconnu. Voltaire possédait néanmoins un« gros portefeuille » d'actions de lacompagnie des Indes[140],[141], qui pratiqua la traite négrière[142]. Il semble que l'accusation ait déjà été portée en 1789 auxÉtats-Généraux. Afin de discréditer l'extraitabolitionniste deCandide[6], on invoqua le sa participation financière à la traite des Noirs[143].
« Il n'est permis qu'à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, lesHottentots, les Chinois, les Américains, soient des races entièrement différentes… Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d'hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu'ils ne doivent point cette différence à leur climat, c'est que les nègres et les négresses, transplantés dans des pays les plus froids, y produisent toujours des animaux de leur espèce… »
Bien avantDarwin et sathéorie de l'évolution, Voltaire remet donc totalement en question ledogme abrahamique consistant à affirmer que l'espèce humaine, en son intégralité, vient d'un seul couple originel (Adam etÈve) créé parJéhovah, mais considère, au contraire, que l'humanité – à la manière de toutes les autresespèces animales –, est issue de différentes branches distinctes qui ont évolué de manière multiple, en lien étroit avec la géographie et leur hérédité physique particulière (c'est ce que défend aussiMontesquieu qui prétend, dans sonEsprit des lois, que les cultures humaines se constituent différemment selon le climat et la géographie où elles s'épanouissent).
L'attitude de Voltaire envers lesJuifs, notamment dans certains passages duDictionnaire Philosophique ou des « Essais sur les Mœurs » pose la question de sonantisémitisme, exprimé à de nombreuses reprises. Dans l’article « Tolérance », duDictionnaire Philosophique, il écrit :
« C'est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre[146]. »
Il écrit aussi :
« Si ces Ismaélites [lesArabes, qui, selon laBible, descendent d'Ismaël] ressemblaient aux Juifs par l'enthousiasme et la soif du pillage, ils étaient prodigieusement supérieurs par le courage, par la grandeur d'âme, par lamagnanimité […] Ces traits caractérisent une nation. On ne voit au contraire, dans toutes les annales du peuple hébreu, aucune action généreuse. Ils ne connaissent ni l'hospitalité, ni la libéralité, ni la clémence. Leur souverain bonheur est d'exercer l'usure avec les étrangers ; et cet esprit d'usure, principe de toute lâcheté, est tellement enracinée dans leurs cœurs, que c'est l'objet continuel des figures qu'ils emploient dans l'espèce d'éloquence qui leur est propre. Leur gloire est de mettre à feu et à sang les petits villages dont ils peuvent s'emparer. Ils égorgent les vieillards et les enfants ; ils ne réservent que les filles nubiles ; ils assassinent leurs maitres quand ils sont esclaves ; ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs : ils sont ennemis du genre humain. Nulle politesse, nulle science, nul art perfectionné dans aucun temps, chez cette nation atroce. »Voltaire,« chap. 6-De l’Arabie et de Mahomet », dansEssais sur les Mœurs,t. 11, éd. Moland,(lire sur Wikisource),p. 231.
Ces écrits étaient l’objet de plusieurs critiques à son époque. Le juif portugaisIsaac de Pinto rédige une réponse aux passages antisémites dans leDictionnaire philosophique, qu’il publie et envoie directement à Voltaire[147].Antoine Guenée reproduit l’écrit de PintoApologie pour la Nation Juive, ou Réflexions Critiques en tête de sesLettres de Quelques Juifs Portugais, Allemands et Polonais, à M. de Voltaire.
PourBernard Lazare,« si Voltaire fut un ardent judéophobe, les idées que lui et les encyclopédistes représentaient n'étaient pas hostiles aux Juifs, puisque c'étaient des idées de liberté et d'égalité universelle »[148]. L'historien de laShoah,Léon Poliakov[149] fait de Voltaire,« le pire antisémite français duXVIIIe siècle »[150]. Selon lui, ce sentiment se serait aggravé dans les quinze dernières années de la vie de Voltaire. Il paraîtrait alors lié au combat du philosophe contre l'Église.
Pour l'historienDirk Van der Cruysse, si Voltaire marque quelque respect voire admiration àMahomet dans sonEssai sur les mœurs, c'est en partie par« l’antipathie qu('il) éprouvait à l’égard du peuple juif »[151].
« Vous ne trouverez en eux qu'un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent. Il ne faut pourtant pas les brûler. »
« Vous [les Israélites] me paraissez les plus fous de la bande [des hommes se disputant pour leurs opinions religieuses respectives, athées compris]. Les Cafres, les Hottentots, les nègres de Guinée sont des êtres beaucoup plus raisonnables et plus honnêtes que vos Juifs les ancêtres. Vous l'avez emporté sur toutes les nations en fables impertinentes, en mauvaise conduite, et en barbarie. (…) Pourquoi seriez-vous une puissance ? (…) Continuez surtout à être tolérants ; c'est le vrai moyen de plaire à l'Être des êtres, qui est également le père des Turcs et des Russes, des Chinois et des Japonais, des nègres, des tannés et des jaunes, et de la nature entière. »
— Voltaire,Il faut prendre un parti ; XXIV Discours d'un théiste.
PourPierre-André Taguieff[152],« Les admirateurs inconditionnels de la « philosophie des Lumières », s'ils prennent la peine de lire le troisième tome (De Voltaire à Wagner) de l'Histoire de l'antisémitisme, paru en 1968, ne peuvent que nuancer leurs jugements sur des penseurs comme Voltaire ou lebaron d'Holbach, qui ont reformulé l'antijudaïsme dans le code culturel « progressiste » de la lutte contre les préjugés et les superstitions ».
D'autres notent que l'existence de passages contradictoires dans l'œuvre de Voltaire ne permet pas de conclure péremptoirement au racisme ou à l'antisémitisme du philosophe.« L'antisémitisme n'a jamais cherché sa doctrine chez Voltaire »[153], indique ainsiRoland Desné qui écrit : « Il est non moins vrai que ce n'est pas d'abord chez Voltaire qu'on trouve des raisons pour combattre l'antisémitisme. Pour ce combat, il y a d'abord l'expérience et les raisons de notre temps. Ce qui ne signifie pas que Voltaire, en compagnie de quelques autres, n’ait pas sa place dans la lointaine genèse de l'histoire de ces raisons-là »[154].
Le jeune Voltaire fit donc d'abord scandale avec sa tragédieLe Fanatisme ou Mahomet le Prophète où l'auteur dépeintMahomet comme un « imposteur », un « faux prophète », un « fanatique » et un « hypocrite »[157],[158], dont l'ambition politique et personnelle, maquillée de religion, mène à leur perte les personnages innocents[156]. Toutefois, selonPierre Milza, la pièce a surtout été« un prétexte à dénoncer l’intolérance des chrétiens - catholiques de stricte observance, jansénistes, protestants - et les horreurs perpétrées au nom du Christ »[159]. Pour Voltaire, qui ne s'était alors pas encore beaucoup documenté sur l'islam, Mahomet« n’est ici autre chose queTartuffe les armes à la main »[160].
Plus tard, sous l'influence de la lecture d'Henri de Boulainvilliers et Georges Sale[162], il reparle de Mahomet et de l’islam dans un article « De l’Alcoran et de Mahomet » publié en 1748 à la suite de sa tragédie. Dans cet article, Voltaire maintient queMahomet fut un« charlatan », mais« sublime et hardi »[163] et écrit qu’il n’était en outre pas unillettré[164]. Puisant aussi des renseignements complémentaires dans laBibliothèque orientale d’Herbelot, Voltaire, selonRené Pomeau, porte un « jugement assez favorable sur leCoran » où il trouve, malgré « les contradictions, les absurdités, lesanachronismes », une « bonne morale » et « une idée juste de la puissance divine » et y « admire surtout la définition deDieu »[165]. Ainsi, il « concède désormais »[162] que « si son livre est mauvais pour notre temps et pour nous, il était fort bon pour ses contemporains, et sa religion encore meilleure. Il faut avouer qu’il retira presque toute l’Asie de l’idolâtrie » et qu’« il était bien difficile qu’une religion si simple et si sage, enseignée par un homme toujours victorieux, ne subjuguât pas une partie de la terre ». Il considère que « ses lois civiles sont bonnes ; sondogme est admirable en ce qu’il a de conforme avec le nôtre » mais que « les moyens sont affreux ; c’est la fourberie et le meurtre »[166].
Après avoir estimé plus tard qu’il avait fait dans sa pièce Mahomet« un peu plus méchant qu’il n’était »[167], c’est dans la biographie de Mahomet rédigée parHenri de Boulainvilliers que Voltaire puise et emprunte, selon René Pomeau,« les traits qui révèlent en Mahomet le grand homme »[168]. Dans sonEssai sur les mœurs et l’esprit des Nations dans lequel il consacre, en historien cette fois, plusieurs chapitres à l’islam[169],[170], Voltaire« porte un jugement presque entièrement favorable »[162] sur Mahomet qu’il qualifie de « poète »[171], de « grand homme » qui a « changé la face d’une partie du monde »[172],[173] tout en nuançant la sincérité de Mahomet qui imposa sa foi par « des fourberies nécessaires ». Il considère que si« le législateur des musulmans, homme puissant et terrible, établit ses dogmes par son courage et par ses armes », sa religion devint cependant« indulgente et tolérante »[174].
Vers 1760, dans sonapologue satiriqueFemmes, soyez soumises à vos maris, il fait même du monde musulman (et notamment de laTurquie de l'époque) un modèle de civilisation, de tolérance religieuse et dedroits des femmes pour l'Europe - mais essentiellement pour mieux critiquer le christianisme. Dans son article« Alcoran ou plutôt Le Koran » duDictionnaire philosophique, il continue à« réfuter radicalement, en citant longuement les textes sacrés, les accusations de misogynie qui pesaient à l’époque sur l’islam »[156].
Cependant, Voltaire est fondamentalementdéiste et dénonce clairement l’islam et lesreligions abrahamiques en général. Profitant de la définition duthéisme dans sonDictionnaire philosophique, il jette dos à dos islam et christianisme :
« [le théiste] croit que la religion ne consiste ni dans les opinions d’une métaphysique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l’adoration et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte ; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine. Le mahométan lui crie : « Prends garde à toi si tu ne fais pas le pèlerinage à La Mecque ! » « Malheur à toi, lui dit unrécollet, si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette ! » Il rit de Lorette et de La Mecque ; mais il secourt l’indigent et il défend l’opprimé. »[175]
Néanmoins, dans un contexte français marqué par l’emprise liberticide du catholicisme sur la société française, Voltaire nuance parfois son jugement sur l’islam, comprenant qu’il peut s’agir d’une arme redoutable contre le clergé catholique.
Dans l’Essai sur les mœurs, Voltaire se montre également « plein d’éloges pour lacivilisation musulmane et pour l’islam en tant que règle de vie »[162]. Il compare ainsi le « génie du peuplearabe » au « génie des anciensRomains »[178] et écrit que« dans nos siècles de barbarie et d’ignorance, qui suivirent la décadence et le déchirement de l’Empire romain, nous reçûmes presque tout des Arabes : astronomie, chimie, médecine »[179],[180] et que« dès le second siècle de Mahomet, il fallut que les chrétiens d’Occident s’instruisissent chez les musulmans »[181].
Il y a donc deux représentations de Mahomet chez Voltaire, l’une religieuse selon laquelle Mahomet est unprophète comme les autres qui exploite la naïveté des gens et répand lasuperstition et lefanatisme, mais qui prêche l’unicité de Dieu et l’autre, politique, selon laquelle Mahomet est un grandhomme d’État commeAlexandre le Grand et un grandlégislateur qui a fait sortir ses contemporains de l’idolâtrie[182]. Ainsi selon Diego Venturino, la figure de Mahomet estambivalente chez Voltaire, qui admire le législateur, mais déteste le conquérant et lepontife, qui a établi sa religion par laviolence[183]. PourDirk Van der Cruysse, l’image plus nuancée de Mahomet dans l’Essai sur les mœurs est nourrie en partie par« l’antipathie que Voltaire éprouvait à l’égard du peuple juif ». Selon lui, les« inefficacités de la révélation judéo-chrétienne » comparées au« dynamisme de l’islam » soulèvent chez Voltaire une« admiration sincère mais suspecte ». Van der Cruysse considère le discours voltairien sur Mahomet comme un« tissu d’admiration et de mauvaise foi mal dissimulé » qui vise moins leprophète lui-même que les spectres combattus par Voltaire à savoir le« fanatisme et l’intolérance du christianisme et du judaïsme »[151].
Ce qu'il ne faut donc pas perdre de vue, c'est que Voltaire admire le Mahomet conquérant, réformateur et législateur, qu'il apprécie des caractéristiques du dogme mais seulement quand il les compare à d'autres et qu'enfin, il exècre l'islam en tant que religion, et, dans les textes qui montrent l'éloge à Mahomet, on lit aussi une dénonciation virulente de labarbarie, du fanatisme, et de l'obscurantisme. Ainsi, même si Voltaire contribue à répandre « une méfiance irréfléchie à l’égard de toute théologie »[184] au milieu duXVIIIe siècle, il contribue également à diffuser une vision extrêmement favorable de l’islam qui semble pour lui la moins mauvaise des religions[156].
Les textes de Voltaire relatifs à l'islam ont fait l'objet d'une édition commentée en 2015 auxéditions de l'Herne[185].
Voltaire et le christianisme
Lechristianisme, dont il souhaite la disparition, n’est pour Voltaire quesuperstition etfanatisme. C'est dans ses lettres qu'il est le plus explicite : en 1767, il écrit à Frédéric II :« Tant qu’il y aura des fripons et des imbéciles, il y aura des religions. La nôtre est sans contredit la plus ridicule, la plus absurde, et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde »[186]; et au Marquis d'Argence : le christianisme est « la superstition la plus infâme qui ait jamais abruti les hommes et désolé la terre »[187],[188].
Toute sa vie, Voltaire a répandu des écritsanti-chrétiens, tout en affirmant qu’il était étranger à ces publications (ce qui en général ne trompait personne, mais lui évitait des poursuites personnelles[189]) et en feignant àFerney la pratique religieuse, par exemple en faisant sespâques en 1768[190] (ses bons paysans seraient « effrayés », explique-t-il dans ses lettres[191], s’ils le voyaient agir autrement qu’eux, s’ils pouvaient imaginer qu’il pense différemment).
Ses attaques contre la croyance et les pratiques du christianisme, ses railleries sur laBible, surtout l’Ancien Testament (dont il est un lecteur assidu), sont le propre de ce qu’on a appelé « l’esprit voltairien » et ont suscité contre lui des haines profondes.
Elles se font en effet toujours sous une forme particulièrement moqueuse envers les croyants, ainsi dansLe Dîner du comte de Boulainvilliers (1767), son réquisitoire contre lamesse et lacommunion :
« Un gueux qu’on aura fait prêtre, un moine sortant des bras d’une prostituée, vient pour douze sous, revêtu d’un habit de comédien, me marmotter dans une langue étrangère ce que vous appelez une messe, fendre l’air en quatre avec trois doigts, se courber, se redresser, tourner à droite et à gauche, par devant et par derrière, et faire autant de dieux qu’il lui plaît, les boire et les manger, et les rendre ensuite à son pot de chambre ! »
Mais Voltaire peut être plus clément dans sa critique du christianisme, en écrivant par exemple dans saVingt-cinquième lettre sur les Pensées de M. Pascal, que « le christianisme n’enseigne que la simplicité, l’humanité, lacharité ; vouloir le réduire à lamétaphysique, c’est en faire une source d’erreurs ».
La condamnation du christianisme chez Voltaire porte donc davantage sur l'idéalisme exclusif et l'aspectrituel (ou superstitieux) qui peut s'en emparer (et le desservir) – que sur les enseignements deJésus-Christ en eux-mêmes. Voltaire préfère prendre le parti des opprimés et cultiver unephilosophie à contre-courant de toutes idées et comportements préconçus – pour permettre à laRaison sensible de s'épanouir librement, plutôt que défendre et établir des systèmes de pensées abstraits sans lien avec la réalité vécue : un philosophe ne doit pas devenir un « chef de parti » enfermant son intellect dans une doctrine, même s'il prend parti.
C'est surtout l'absurdité conceptualisée et érigée en dogme – et l'absence d'empathie des hommes, qui pousse Voltaire à dénoncer le christianisme et à se moquer deschrétiens et à tout ce qui leur apparaît « normal » ; dans sonDialogue du chapon et de la poularde, Voltaire en vient ainsi à faire dire au chapon, s'adressant à la poularde, que l'abstinence de viande, deux jours par semaine, dans le christianisme, est une loi« très barbare [qui] ordonne que ces jours-là on mangera leshabitants des eaux. Ils vont chercher des victimes au fond desmers et desrivières. Ils dévorent des créatures dont une seule coûte souvent plus de la valeur de centchapons : ils appellent celajeûner, se mortifier. Enfin je ne crois pas qu'il soit possible d'imaginer une espèce plus ridicule à la fois plus abominable, plus extravagante et plus sanguinaire ».
Globalement, le lien fait entre le fanatisme sanguinaire et lesréférences abrahamiques est chez Voltaire une constante, qui participe beaucoup à son rejet du christianisme. DansLa Bible enfin expliquée, Voltaire écrit :
« C'est le propre des fanatiques qui lisent lesÉcritures saintes, de se dire à eux-mêmes : Dieu a tué, donc il faut que je tue ;Abraham a menti,Jacob a trompé,Rachel a volé, donc je dois voler, tromper, mentir. Mais, malheureux ! tu n'es ni Rachel, ni Jacob, ni Abraham, ni Dieu : tu n'es qu'un fou furieux, & lesPapes qui défendirent la lecture de la Bible furent très sages[192]. »
Voltaire et le protestantisme
L’engagement de Voltaire pour laliberté religieuse est célèbre, et un des épisodes les plus connus en est l’affaire Calas. Ceprotestant, injustement accusé d’avoir tué son fils qui aurait voulu se convertir aucatholicisme est mortroué en 1762. En 1763, Voltaire publie sonTraité sur la tolérance à l’occasion de la mort deJean Calas qui bien qu’interdit aura un retentissement extraordinaire et amènera à la réhabilitation de Calas deux ans plus tard.
Au départ, il n’éprouvait pas pour lui de sympathies particulières, au point d’écrire le, dans une lettre privée au conseiller Le Bault :« Nous ne valons pas grand’chose, mais les huguenots sont pires que nous, et de plus ils déclament contre la comédie ». Il venait alors d’apprendre l’exécution de Calas et, encore mal informé, il croyait à saculpabilité. Mais des renseignements lui parviennent et, le, il écrit à Damilaville :« Il est avéré que les jugestoulousains ont roué le plus innocent des hommes. Presque tout leLanguedoc en gémit avec horreur. Les nations étrangères, qui nous haïssent et qui nous battent, sont saisies d’indignation. Jamais, depuis le jour de laSaint-Barthélemy, rien n’a tant déshonoré la nature humaine. Criez, et qu’on crie ». Et il se lance dans le combat pour la réhabilitation.
En 1765, Voltaire prend fait et cause pour la familleSirven, dans une affaire très similaire ; cette fois-ci il réussira à éviter la mort aux parents. Cependant, bien qu’impressionné par la théologie desquakers, et révolté par lemassacre de la Saint-Barthélemy (Voltaire était pris de malaises tous les), Voltaire n’a pas de sympathie particulière pour leprotestantisme établi[193]. Dans sa lettre du à la duchesse de Choiseul, il dit bien crûment :« Il y a dans le royaume des Francs environ trois cent mille fous qui sont cruellement traités par d’autres fous depuis longtemps ».
Voltaire et l'hindouisme
Très critique envers lesreligions abrahamiques, Voltaire avait en revanche une vision positive de l'hindouisme[194] (mais rejetant toute forme de superstition qui aurait dégradé l'origine première des enseignementsbrahmaniques) ; l'autorité sacrée des brahmanes, leVeda, a ainsi été commenté par le philosophe en ces termes :
« LeVeda est le plus précieux don de l'Orient, et l'Occident lui en sera à jamais redevable[195]. »
« Si l’Inde, de qui toute la terre a besoin, et qui seule n’a besoin de personne, doit être par cela même la contrée la plus anciennement policée, elle doit conséquemment avoir eu la plus ancienne forme de religion. »
Dans ce même chapitre, Voltaire voit le peuple hindou comme étant « un peuple simple et paisible » – « étonné » de voir des « hommes ardents », venus « des extrémités occidentales de la terre », s'entretuer mutuellement sur le sous-continent indien – pour le piller et leconvertir à leur religion respective et ennemie : l'islam ou les différentes branches du christianisme.
Voltaire se sert aussi des histoires et textes antiques de l'hindouisme pour ridiculiser et renier les revendications et affirmationsbibliques (temps linéaire très court de la Bible, face au temps cyclique et infiniment long dans l'hindouisme, etc.), et considère que labienveillance hindoueenvers les animaux est un choix qui rend complètement honteuse la malveillance générale soutenue par l'impérialisme européen, colonial et esclavagiste[196].
Informations complémentaires
Le corps de Voltaire a été, selon sa volonté, autopsié.
Lemarquis de Villette s’est approprié le cœur. L'apothicaire ayant procédé à l'embaumement, M. Mitouard, a obtenu de garder le cerveau. Villette, ayant fait l'acquisition deFerney, décide de faire de la chambre de l’écrivain un sanctuaire. Il y dresse un petitmausolée abritant un coffret vermeil contenant larelique. Une plaque indique en lettres d’or : « Son esprit est partout et son cœur est ici ». Alors qu'il doit vendre Ferney en 1785, le marquis rapporte le cœurrue de Beaune àParis. Il échoit à son héritier, qui était devenu, sous laRestauration, unroyaliste ultra et qui a légué, à sa mort en 1859, tous ses biens au « comte de Chambord ». D’autres héritiers des Villette, en pleine querelle testamentaire, tentent alors de s’opposer à ce que le cœur du philosophe devienne la propriété du prétendant légitimiste autrône de France. Ils perdent leur procès en première instance et en appel, mais l’emportent encassation. Ils décident d’en faire don en 1864 à l’empereurNapoléon III. Le cœur de Voltaire est déposé à laBibliothèque nationale dans le socle en bois du plâtre original du « Voltaire assis » deJean-Antoine Houdon où l’on peut lire l’inscription : « Cœur de Voltaire donné par les héritiers du marquis de Villette ». Cette cérémonie de remise du se fait en présence deVictor Duruy, ministre de l'Instruction, qui déclare le cœur de Voltairebien national[197]. Il est un peu plus tard, en 1867, installé dans la salle principale de la nouvelle rotonde de l'architecteHenri Labrouste, dites rotonde Voltaire, à l'étage. Les écrits du philosophe furent disposés tout autour, ainsi que des documents se rapportant à lui, notamment médailles et portraits, et le plafond est peint parPierre-Victor Galland. En 2010, la statue est déplacée dans le cadre des travaux de réaménagement du site Richelieu de la Bibliothèque, et l'on s'aperçut du fait d'une forte odeur que la solution alcoolisée où était conservé le cœur avait visiblement fui. Après un traitement de conservation la statue, son socle avec le reliquaire et son contenu sont installés, en 2016, dorénavant dans le salon d’honneur du site Richelieu[198]. Le cerveau de Voltaire est quant à lui exposé dans l'officine de Mitouart,rue de Beaune, pendant plusieurs années. Son fils veut en faire don en 1799 à laBibliothèque nationale. LeDirectoire refusa. De nouvelles propositions sont faites en 1830 et 1858, suivies de nouveaux refus. Il échoue en 1924 à laComédie française (il aurait été cédé par une descendante des Mitouart contre deux fauteuils d’orchestre[199]) et est placé dans le socle d'une autre statue deHoudon où il se trouve encore[200].
En 1778, le 7 avril, soit un peu moins de deux mois avant sa mort, Voltaire accepte d'entrer dans la loge maçonnique desNeuf Sœurs (que fréquentait aussiBenjamin Franklin) bien qu'il ne semble pas avoir eu de considérations particulières[201] pour l'Ordre, tel qu'il le formule en son article "initiation" des "Questions sur l'Encyclopédie"[202]. On le dispense, vu son âge, des habituellesépreuves ainsi que du rite du bandeau sur les yeux, celui-ci semblant déplacé sur un homme qui avait été considéré par beaucoup comme l'un des plus clairvoyants de son époque. Il revêt à cette unique occasion le tablier deClaude-Adrien Helvétius. Les honneurs funèbres lui sont rendus en loge le de cette même année[203],[204].
Il est courant d'entendre que Voltaire disait à propos deMarivaux et d'autres : « Grands compositeurs de rien, pesant gravement des œufs de mouche dans des balances de toiles d'araignées ». Or, s'il est exact que cette expression se rencontre effectivement chez Voltaire, elle ne vise nullement Marivaux. On la trouve dans sa lettre du à l'abbé Trublet où il écrit : « Je me souviens que mes rivaux et moi, quand j'étais à Paris, nous étions tous fort peu de chose, de pauvres écoliers du siècle deLouis XIV, les uns envers, les autres enprose, quelques-uns moitié prose, moitié vers, du nombre desquels j'avais l'honneur d'être ; infatigables auteurs de pièces médiocres, grands compositeurs de riens, pesant gravement des œufs de mouche dans des balances de toile d'araignée ». Quant au nom de l'auteur duJeu de l'amour et du hasard, il ne se trouve pas une seule fois dans la lettre.
Voltaire a la réputation d'avoir été un grand amateur decafé, et il fréquentait souvent leCafé Procope. Il aurait eu l'habitude de consommer entre 40 et 72 tasses par jour[205],[206].
Le romancierFrédéric Lenormand fait de Voltaire le héros de sa série de livresVoltaire mène l'enquête. Enmai 2016, six livres dans cette collection sont sortis.
Musique
Giovanni Paisiello :Le roi Théodore à Venise, drame héroïcomique d'aprèsCandide (1787)
Simon Mayr :Adélaïde di Guesclino, drame sentimental en 2 actes (1799)
Leonard Berstein,Candide, opérette en deux actes pour voix et orchestre (1956, nouveau livret en 1973, révisée en 1982 et 1989)
Dans le conte "Le jour du jugement dernier", du recueilLes Mémoires de Satan, dePierre Cormon, Dieu essaie de juger Voltaire mais s'aperçoit que le personnage est plus ambigu qu'il n'y paraît.
Bandes dessinées
Z33 agent secret, T.76,Opération Voltaire, dessin deAurelio Bevia, textes d'Eugenio Sotillos, éditions Imperia, 1979. Le nom de Voltaire est ici utilisé comme symbole de la France où l'opération doit avoir lieu.
Candide, d'après Voltaire, dessin deGeorges Wolinski, éditions du Chêne, 1994.
La petite bibliothèque philosophique de Joann Sfar, T. 2,Candide, d'après Voltaire, dessin deJoann Sfar, éditions Bréal, 2003.
CH Confidentiel, T.2,Nom de code: Voltaire, textes et dessin deDaniel Ceppi, Le Lombard, coll.Troisième vague, 2007. Le nom de Voltaire sert ici à symboliser la Suisse et des opérations bancaires et financières occultes.
↑Il écrira à ce propos :« Caumartin porte en son cerveau / De son temps l’histoire vivante / Caumartin est toujours nouveau / À mon oreille qu’il enchante ». (Épître à M. le prince de Vendôme, 1719.Lire en ligne)
↑En 1807, à l'entrevue deTilsitt, le tsarAlexandre accueilleraNapoléon par ce vers d'Œdipe :« L'amitié d'un grand homme est un bienfait des dieux[24]. »
↑« Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense / Notre crédulité fait toute leur science[25]. »
↑Signalons qu'un exemplaire deLa Henriade a été placé dans le ventre de lastatue de Henri IV sur lePont Neuf lors de son rétablissement en 1818 après sa destruction à la Révolution.
↑L'incident est raconté, avec quelques variantes, par deux récits contemporains : celui de Mathieu Marais dans deux lettres de février 1726 auprésident Bouhier et celui deMontesquieu dans sonSpicilège.
↑Une recherche dirigée parPhilippe Charlier, médecin légiste etpaléopathologiste de l'université Paris-Saclay sur le cœur embaumé de Voltaire, conservé à la Bibliothèque nationale de France, a mis en évidence une protéine spécifique ducancer de la vessie, cancer probablement provoqué dans son cas par descalculs biliaires récurrents.
↑« LETTRES PHILOSOPHIQUES », dansŒuvres complètes de Voltaire (Complete Works of Voltaire) 6B, Liverpool University Press,, 1–314 p.(ISBN978-1-83764-120-8,lire en ligne)
↑Voltaire,« Préface », dansLettres choisies, édition de Nicholas Cronk,,p. 7.
↑Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, édition de René Pomeau, Classiques Garnier, 2020, tome I, p. XXVIII-XXIX.
↑DansÉtude sur la vie et le théâtre de Crébillon (p. XXXIII), Maurice Dutrait évoque les « mesquineries » et les « fourberies chez un aussi grand personnage que Voltaire » ; il rappelle le jugement de Saint-Beuve sur les « misères » de cet écrivain qu’il admire, et cite le chevalier du Alleurs à ce sujet : « Le caractère de Voltaire dégoûtera toujours de son talent ».
↑Lorsque les Jésuites furent bannis de France, en 1764, Voltaire recueillit chez lui, à Ferney, un autre ancien professeur dont il fit son aumônier, le père Antoine Adam (1705-1787)
↑Pierre Lepape,Voltaire le conquérant,Seuil,,p. 27.
↑François (1774-1852) Auteur du texteFayolle,Lettre à M. Millin, au sujet d'une ode de Voltaire sur le Vœu de Louis XIII / [signé : F. Fayolle],(lire en ligne surGallica)
↑« Il tomba malade à Volterra, ville de Toscane, où il fut accueilli avec tant de distinction, qu'il en garda le nom par reconnaissance, et les habitants de Volterra se félicitent encore aujourd'hui de cet honneur. Cette anecdote est absolument fausse. Voltaire ne voyagea jamais en Italie. Il tira son nom d'un petit domaine qui appartenait à sa mère; "J'ai été si malheureux avec l'autre (écrivait-il alors), que je veux voir si celui-ci m'apportera bonheur". » Louis-Mailleul Chaudon,Mémoires pour servir à l'histoire de M. de Voltaire, Amsterdam, 1785,p. 30.
↑Louis-Mailleul Chaudon,Mémoires pour servir à l'histoire de M. de Voltaire., Amsterdam,(lire en ligne), page 30
↑Citation d’Évelyne Lever,Le Temps des illusions : Chroniques de la Cour et de la Ville, 1715-1756, Paris, Arthème Fayard,.
↑Proposée par un inventif et imprudent Contrôleur général (ministre des Finances) Le Pelletier-Desforts, cette loterie mensuelle dura près d’un an, avant le renvoi du Contrôleur et coûta cher à l’État. Le mécanisme de l’opération est résumé par René Pomeau dansVoltaire en son temps, tome 2,p. 259-260.
↑Robert Dubois-Corneau,Jean Pâris de Montmartel, banquier de la cour,(lire en ligne surGallica), Selon l’opinion la plus partagée, Voltaire dut sa fortune aux Pâris. (…) Longchamp et Wagnieres, ses secrétaires, prétendent qu’à la fin de la première guerre d’Italie en 1734, il aurait touché chez Joseph Pâris six cent mille livres.
↑Cet épisode marque profondément Voltaire, qui lui consacrera plusieurs textes :Sur la mort de Mlle Lecouvreur (1732),Sur la police des spectacles (1745), etConversation de M. l’intendant des Menus avec M. l’abbé Grizel (1761).
↑Extrait d’un portrait (anonyme et malveillant) de Voltaire, homme et auteur. de quatre pages qui a circulé vers 1734-1735 (donné par René Pomeau dansVoltaire en son temps, tome 1,p. 336 – orthographe et ponctuation modernisées).
↑« On suppose dans ce pernicieux libelle », écrit Voltaire le 24 novembre 1736,« qu'Adam caressait sa femme dans le paradis terrestre ; or dans les anecdotes de sa vie trouvées par Saint-Cyprien, il est dit expressément que le bonhomme ne bandait point, et qu'il ne banda qu'après avoir été chassé et de là vient le mot bander de misère. ».
↑Voltaire envoie au papeBenoît XIVMahomet etLa Bataille de Fontenoy avec ses respects et ses vœux. Son objectif est faire accepter sa tragédie par le pape et de recevoir ses remerciements. Ce dernier remercie pourFontenoy sans citerMahomet et termine en donnant sa bénédiction apostolique à son « cher fils ». Voltaire retranscrit la lettre du pape en y rajoutant un remerciement pour« la sua bellissima tragedia di Mahomet, laquale leggemo con sommo piacere » et la fait circuler dans Paris.
↑Un petit buste de Voltaire y est aujourd'hui exposé.
↑Toujours à l'affût des opérations avantageuses, Voltaire spécule avec deux hommes d'affaires juifs, les Hirschel, sur un emprunt d'état de laSaxe. L'affaire se complique. Voltaire porte plainte et fait arrêter l'un des Hirschel. Suit un procès que Voltaire va gagner malgré l'opinion qui lui est hostile. Frédéric est furieux que son chambellan se compromette ainsi.
↑Jésuite recueilli par Voltaire à Ferney après la suppression de la Compagnie. Il lui sert de chapelain et de partenaire aux échecs. La plaisanterie habituelle de Voltaire est de le présenter ainsi : « Voici le P. Adam, qui n'est pas le premier des hommes ».
↑Il n'apprécie qu'assez peu la ville où, dans ces circonstances, il ne sent pas très bien : « Colmar, une ville mi-allemande, mi-française et tout à fait iroquoise ».[réf. nécessaire]
↑La « tribu » Tronchin (selon le mot de Voltaire), grande famille de banquiers et de notables genevois, est nombreuse. Voltaire entretient des relations, souvent amicales, avec la plupart de ses membres. François (1704-1798) est l'un des vingt-cinq membres du Petit-Conseil chargé de l'exécutif de Genève. C'est pour Voltaire un ami constant et un médiateur efficace avec les autorités de la ville. Jean-Robert Tronchin (1702-1788), le frère de François, banquier à Lyon, administre les fonds de Voltaire.Théodore Tronchin, un cousin, est son médecin. Un autre cousin,Jean Robert Tronchin (1710-1793), procureur général à Genève, le soutient. Citons encore deux frères de François, Pierre, membre du Conseil des Deux Cents à Genève, et Louis, pasteur et professeur de théologie.
↑Qui s’appelle encoreEssai sur l’histoire générale.
↑Des milliers de personnes ont péri le dans un raz-de-marée qui a détruit une partie de la ville.
↑Voltaire,Lettres inédites à son imprimeur Gabriel Cramer, Droz-Giard, — édition, introduction et notes parBernard Gagnebin..
↑Bernard Gagnebin,« La diffusion clandestine des œuvres de Voltaire par les frères Cramer », dansCinq siècles d'imprimerie à Genève : 1478-1978, Genève, Impr. Kundig,,p. 173-194. - — Repris dans : Annales de l'Université de Lyon,3e série, Lettres, Lyon, Fasc. 39,p. 119-132.
↑Robert Darnton (L’Aventure de l’Encyclopédie, Cambridge, 1979, Paris, 1982) a montré quel’Encyclopédie a été vendue davantage à l’étranger qu’en France.
↑Article « Autorité politique » rédigé par Diderot : « Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres (…) Le gouvernement n’est pas un bien particulier mais un bien public, qui par conséquent ne peut jamais être enlevé au peuple, à qui seul il appartient essentiellement et en pleine propriété. » (tome I del’Encyclopédie).
↑« Histoire », « Français », « Gens de lettres », « Généreux », « Galant »… « Fornication » (Il « ne peut ni dire, ni faire beaucoup sur ce mot », plaisante-t-il dans une lettre à d'Alembert).[réf. nécessaire]
↑« On se plaint moins à Genève qu’ailleurs des progrès de l’incrédulité, ce qui ne doit par surprendre ; la religion y est presque réduite à l’adoration d’un seul Dieu, du moins chez tout ce qui n’est pas peuple : le respect pour Jésus-Christ et pour les Écritures sont peut-être la seule chose qui distingue d’un pur déisme le christianisme de Genève ».
↑L'épigramme contre Fréron est restée célèbre« L’autre jour au fond d’un vallon, / Un serpent piqua Jean Fréron ; / Que croyez-vous qu’il arriva ? / Ce fut le serpent qui creva. »
↑D'Alembert témoigne dans une lettre à Frédéric II : « Quelques jours avant sa maladie, il m'avait demandé, dans une conversation de confiance, comment je lui conseillerais de se conduire, si pendant son séjour, il venait à tomber grièvement malade. Ma réponse fut celle que tout homme sage lui aurait faite à ma place, qu'il ferait bien de se conduire en cette circonstance comme tous les philosophes qui l'avaient précédé, entre autres Fontenelle et Montesquieu, qui avaient suivi l'usage et reçu ce que vous savez avec beaucoup de révérence. Il approuva beaucoup ma réponse : « Je pense de même, me dit-il, car il ne faut pas être jeté à la voirie, comme j'ai vu jeter la pauvre Lecouvreur. » Il avait, je ne sais pourquoi, beaucoup d'aversion pour cette manière d'être enterré. » (cité par René Pomeau,Voltaire en son temps, T.5,p. 281).
↑Il ne dit pas qu'il est catholique, mais « qu'il meurt dans la religion catholique ». Il ne renie rien de ce qu'il a écrit, mais déclare que s'il a scandalisé l'Église, il en demande pardon. Il refuse la communion sous prétexte qu'il crache le sang. L'abbé Gaultier donne alors à Voltaire l'absolution.
↑VoirM.J. Gaberel - Voltaire et les Genevois ainsi queRécit complet et détaillé de l'arrivée et du séjour de Voltaire à Paris en 1778, Edouard Damilaville, 1878.
↑Voir dans le §Informations complémentaires l'histoire de ces deux organes.
↑Condamné à mort ainsi que sa femme pour parricide sans aucune preuve, ni même aucun indice sérieux, Monbailli est exécuté en 1770. Voltaire est saisi de l'affaire. Il publie un exposé de la cause, fait appel au chancelierMaupeou et sauveMme Monbailli. Son mari est réhabilité.
↑À destination des gens de lettres,Fréron etPalissot (deux violents ennemis de Voltaire) en étant exclus. L’élite du monde littéraire du moment souscrivit, ainsi que des aristocrates éclairés et des souverains étrangers. La souscription deRousseau fut admise, malgré la protestation de Voltaire. Pigalle fit le voyage à Ferney pour capter le visage de son modèle.
↑Achevée en 1776, la statue, objet de critiques, ne fut pas exposée au public. Le petit-neveu de Voltaire la donna en 1806 à l’Académie française qui l’échangea en 1962 avec le Louvre contre le mausolée de Mazarin. Depuis 1993, elle est au centre de la salle Pigalle dans l’aile Richelieu du musée.
↑Dans l'Épitre à l'auteur du livre des Trois imposteurs (1768), réponse de Voltaire à un manifeste athée,leTraité des trois imposteurs (Moïse, Jésus-Christ, Mahomet).
↑On rencontre cette idée dans leDictionnaire philosophique à l’article « Enfer » :« Il n’y a pas longtemps qu’un théologien calviniste, nommé Petit-Pierre, prêcha et écrivit que les damnés auraient un jour leur grâce. Les autres ministres lui dirent qu’ils n’en voulaient point. La dispute s’échauffa ; on prétend que le roi, leur souverain, leur manda que puisqu’ils voulaient être damnés sans retour, il le trouvait très bon, et qu’il y donnait les mains. Les damnés de l’église deNeuchâtel déposèrent le pauvre Petit-Pierre, qui avait pris l’enfer pour le purgatoire. On a écrit que l’un d’eux lui dit :« Mon ami, je ne crois pas plus à l’enfer éternel que vous ; mais sachez qu’il est bon que votre servante, que votre tailleur, et surtout votre procureur, y croient ». Le roi en question étaitFrédéric II de Prusse, qui était à l’époque souverain de Neuchâtel. ».
↑Françoise de Graffigny,Vie privée de Voltaire et de Mme du Chatelet pendant un séjour de six mois à Cirey, Paris, Treuttel et Wurtz, Pélicier, Delaunay, Mongie,, 461 p., in-8º(OCLC4276025).
↑« Si quelqu’un a jamais combattu pour rendre aux esclaves de toute espèce le droit de la nature, la liberté, c’est assurément Montesquieu. Il a opposé la raison et l’humanité à toutes les sortes d’esclavage : à celui des nègres qu’on va acheter sur la côte de Guinée pour avoir du sucre dans les îles Caraïbes ; à celui des eunuques, pour garder les femmes et pour chanter le dessus dans la chapelle du pape ; […] »,Œuvres complètes de Voltaire,tomeXXXI, « Commentaire sur l’Esprit des lois », Section « Esclavage »,édition de 1893,p. 305.
↑Michèle Duchet,Anthropologie et histoire au siècle des Lumières, Paris, 1995,p. 320.
↑« Aucun législateur de l’antiquité n’a tenté d’abroger la servitude ; au contraire, les peuples les plus enthousiastes de la liberté, les Athéniens, les Lacédémoniens, les Romains, les Carthaginois, furent ceux qui portèrent les lois les plus dures contre les serfs. Le droit de vie et de mort sur eux était un des principes de la société. Il faut avouer que, de toutes les guerres, celle de Spartacus est la plus juste, et peut-être la seule juste. »Questions sur l’Encyclopédie, « Esclavage », 1771.
↑Lumières et esclavage de Jean Ehrard, André Versaille éditeur, 2008,p. 28.
↑Je m'intéresse à la Compagnie parce que j'ai une partie de mon bien sur elle » écrit-il à son ami Pilavoine le 23 avril 1760. Dans une autre lettre il assure que ses actions lui rapportent 20 000 livres tournois chaque année – voir page 76 dans Philippe Haudrère, Les Compagnies des Indes orientales, Éditions Desjonquères, 2006.
↑PhilippeHaudrère,Les compagnies des Indes orientales : trois siècles de rencontre entre Orientaux et Occidentaux (1600-1858), Ed. Desjonquères,(ISBN2-84321-083-6 et978-2-84321-083-9,OCLC421215451)
↑Éd. T. Besterman,Voltaire, Œuvres complètes,, t. 105, p. 179-180 et 256
↑Jacques Thibau,Le Temps de Saint-Domingue, l'esclavage et la révolution française, Paris, Jean-Claude Lattès, 1989
↑Christian Delacampagne,Une histoire du racisme, Livre de poche, 2000,p. 153.
↑Voltaire,Le Fanatisme ou Mahomet le prophète (1741), Œuvres complètes,éd. Garnier, 1875,tome 4,p. 135.
↑« Mahomet le fanatique, le cruel, le fourbe, et, à la honte des hommes, le grand, qui de garçon marchand devient prophète, législateur et monarque. »Recueil des Lettres de Voltaire (1739-1741), édité chez Sanson et Compagnie, 1792, Lettre àM. De Cideville, conseiller honoraire du parlement (5 mai 1740),p. 163.
↑« Je sais que Mahomet n’a pas tramé précisément l’espèce de trahison qui fait le sujet de cette tragédie… Je n’ai pas prétendu mettre seulement une action vraie sur la scène, mais des mœurs vraies, faire penser les hommes comme ils pensent dans les circonstances où ils se trouvent, et représenter enfin ce que la fourberie peut inventer de plus atroce, et ce que le Fanatisme peut exécuter de plus horrible. Mahomet n’est ici autre chose queTartuffe les armes à la main. Je me croirai bien récompensé de mon travail, si quelqu’une de ces âmes faibles, toujours prêtes à recevoir les impressions d’une fureur étrangère qui n’est pas au fond de leur cœur, peut s’affermir contre ces funestes séductions par la lecture de cet ouvrage. » Lettre à Frédéric II, Roi de Prusse, 20 janvier 1742.
↑René Pomeau,La Religion de Voltaire, A. G Nizet, 1995,p. 158.
↑abc etdRené Pomeau,Voltaire en son temps, Fayard, 1995,t. 1,Avec Madame du Châtelet par René Vaillot,p. 407.
↑Morceau écrit et publié en 1748 dans letomeIV desŒuvres de Voltaire, à la suite de sa tragédie deMahomet. Cet article présent dans certaines éditions posthumes très augmentées duDictionnaire philosophique, sous le titreQuestions sur l'Encyclopédie, ne figure pas dans la version originale duDictionnaire philosophique qui comporte seulement118 articles parus du vivant de Voltaire dans sa dernière version en 1769 (cf.Dictionnaire philosophique, Raymond Naves et Olivier Ferret, Garnier, 2008) :
↑« Les moines qui se sont déchaînés contre Mahomet, et qui ont dit tant de sottises sur son compte, ont prétendu qu’il ne savait pas écrire. Mais comment imaginer qu’un homme qui avait été négociant, poète, législateur et souverain, ne sût pas signer son nom? Si son livre est mauvais pour notre temps et pour nous, il était fort bon pour ses contemporains, et sa religion encore meilleure. Il faut avouer qu’il retira presque toute l’Asie de l’idolâtrie. Il enseigna l’unité de Dieu ; il déclamait avec force contre ceux qui lui donnent des associés. Chez lui l’usure avec les étrangers est défendue, l’aumône ordonnée. La prière est d’une nécessité absolue ; la résignation aux décrets éternels est le grand mobile de tout. Il était bien difficile qu’une religion si simple et si sage, enseignée par un homme toujours victorieux, ne subjuguât pas une partie de la terre. En effet les musulmans ont fait autant de prosélytes par la parole que par l’épée. Ils ont converti à leur religion les Indiens et jusqu’aux nègres. Les Turcs même leurs vainqueurs se sont soumis à l’islamisme. » 1748,Ibid.
↑René Pomeau,La religion de Voltaire, A.G Nizet, 1995,p. 157.
↑Morceau écrit et publié en 1748 dans letomeIV desŒuvres de Voltaire.
↑Voltaire,Essais sur les Mœurs, 1756,chap. VI. — De l’Arabie et de Mahomet.
↑Voltaire,Essais sur les Mœurs, 1756,chap. VII. — De l’Alcoran, et de la loi musulmane. Examen si la religion musulmane était nouvelle, et si elle a été persécutante.
↑« Ce fut certainement un très grand homme, et qui forma de grands hommes. Il fallait qu’il fût martyr ou conquérant, il n’y avait pas de milieu. Il vainquit toujours, et toutes ses victoires furent remportées par le petit nombre sur le grand. Conquérant, législateur, monarque et pontife, il joua le plus grand rôle qu’on puisse jouer sur la terre aux yeux du commun des hommes ; mais les sages lui préféreront toujours Confutzée, précisément parce qu’il ne fut rien de tout cela, et qu’il se contenta d’enseigner la morale la plus pure à une nation plus ancienne, plus nombreuse, et plus policée que la nation arabe. »Remarques pour servir de supplément à l’Essai sur les Mœurs (1763), dansŒuvres complètes de Voltaire, Voltaire,éd. Moland, 1875,t. 24,chap. 9-De Mahomet,p. 590.
↑« J’ai dit qu’on reconnut Mahomet pour un grand homme ; rien n’est plus impie, dites-vous. Je vous répondrai que ce n’est pas ma faute si ce petit homme a changé la face d’une partie du monde, s’il a gagné des batailles contre des armées dix fois plus nombreuses que les siennes, s’il a fait trembler l’Empire romain, s’il a donné les premiers coups à ce colosse que ses successeurs ont écrasé, et s’il a été législateur de l’Asie, de l’Afrique, et d’une partie de l’Europe. » Lettre civile et honnête à l’auteur malhonnête de laCritique de l’histoire universelle deM. de Voltaire (1760), dansŒuvres complètes de Voltaire,éd. Moland, 1875,t. 24,p. 164.
↑« Essai sur les Mœurs et l’Esprit des Nations » (1756), dans Œuvres complètes de Voltaire, Voltaire,éd. Moland, 1875,t. 11,chap. VII-De l’Alcoran, et de la loi musulmane,p. 244.
↑« Théiste », dansDictionnaire philosophique(lire en ligne).
↑« Les chrétiens n’avaient regardé jusqu’à présent le fameux Mahomet que comme un heureux brigand, un imposteur habile, un législateur presque toujours extravagant. Quelques Savants de ce siècle, sur la foi des rapsodies arabesques, ont entrepris de le venger de l’injustice que lui font nos écrivains. Ils nous le donnent comme un génie sublime, et comme un homme des plus admirables, par la grandeur de ses entreprises, de ses vue, de ses succès. »Claude-Adrien Nonnotte,Les erreurs de Voltaire, Jacquenod père et Rusand, 1770,t. I,p. 70.
↑« Il est évident que le génie du peuple arabe, mis en mouvement par Mahomet, fit tout de lui-même pendant près de trois siècles, et ressembla en cela au génie des anciens Romains. »Essais sur les Mœurs (1756), dansŒuvres complètes de Voltaire,éd. Moland, 1875,t. 11,chap. VI,De l’Arabie et de Mahomet,p. 237.
↑« Si ces Ismaélites ressemblaient aux Juifs par l’enthousiasme et la soif du pillage, ils étaient prodigieusement supérieurs par le courage, par la grandeur d’âme, par la magnanimité. »Essai sur les Mœurs et l’Esprit des Nations (1756), dansŒuvres complètes de Voltaire,éd. Moland, 1875,t. 11,chap. VI,De l’Arabie et de Mahomet,p. 231.
↑« Essais sur les Mœurs » (1756), dans Œuvres complètes de Voltaire, Voltaire,éd. Moland, 1875,t. 11,chap. VI-De l’Arabie et de Mahomet,p. 237.
↑Sadek Neaimi,L’Islam au siècle des Lumières, Harmattan, 2003,p. 248.
↑« Imposteur ou législateur ? Le Mahomet des Lumières », inReligions en transition dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, Voltaire Foundation, 2000,p. 251(ISBN978-0-72940-711-3).
↑Dans la législation de l'époque, c'était l'aveu de l'auteur qui avait valeur de preuve et l'exposait à des poursuites personnelles. Au contraire, tant qu'il n'avouait pas, il demeurait officiellement inconnu, bien que tout le monde sût ce qu'il en était.
↑En 1769, l'évêque veut lui interdire de communier s'il ne renie pas, devant notaire, ses écrits anti-chrétiens. Voltaire s'empresse de relever le défi. S'ensuit une comédie (avec de nombreux épisodes et une profession de foi non signée) à l'issue de laquelle Voltaire se faisant passer pour moribond réussit à communier. L'évêque réagit par une lettre qu'il rend publique. À Paris, parmi ses amis, l'effet est facheux. Voltaire ne récidivera plus les années suivantes.
↑ClémentinePortier-Kaltenbach,Histoires d'os et autres illustres abattis : Morceaux choisis de l'Histoire de France, Jean-Claude Lattès,, 264 p.(ISBN978-2-7096-2830-3 et2-7096-2830-9).
↑Eugène-Humbert Guitard, « Le cerveau de Voltaire »,Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie,vol. 16,no 57,,p. 17-18.
↑Voltaire s'exprime assez dédaigneusement sur "nos pauvres maçons" qu'il va jusqu'à comparer à la "Congrégation des Jésuites" !
↑Au sujet de son appartenance à laFranc-maçonnerie, voir :Jean van Win,Voltaire et la franc-maçonnerie sous l'éclairage des rituels du temps, Télètes, Paris, 2012.
↑Marie-Elisabeth Jacquet, « « Voltaire ou la liberté de penser », la vie d’un mastodonte de notre patrimoine culturel »,La Croix,(lire en ligne, consulté le).
Bibliographie
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Ressources bibliographiques
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Sébastien Longchamp [Valet de chambre et copiste de Voltaire, de 1746 à 1751.],Anecdotes sur la vie privée de Monsieur de Voltaire. Texte établi par Frédéric S. Eigeldinger. Présenté et annoté par Raymond Trousson. Éditions Honoré Champion,2009.1vol. , 344 p., relié, 15 × 22 cm.(ISBN978-2-7453-1861-9)
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Éliane Martin-Haag,Voltaire. Du cartésianisme aux Lumières, Paris, Vrin, 2002(ISBN978-2-7116-1537-7)
Raymond Trousson, Jeroom Vercruysseet al.,Dictionnaire général de Voltaire, Paris, Champion,(ISBN978-2-380-96016-7) — réédition en poche, première parution 2003
Société Voltaire (Ferney). La Société Voltaire organise chaque année à Ferney des journées d’échanges des jeunes chercheurs et publie plusieurs fois par an unBulletin de la Société Voltaire.