
Sur un voilier, unvirement de bord est unemanœuvre qui consiste à faire tourner le bateauface au vent de manière à changer le côté du bateau qui reçoit levent. On l'appelle également virement par vent de face (« vent debout »).
Le terme anglophone très couramment utilisé en voile esttacking.

Cette manœuvre est typique d'un voilier cherchant à remonter le vent en effectuant unlouvoyage : Ne pouvant pas naviguer face au vent, il enchaîne les virements de bord pour tenter de tenir uneroute moyenne, en formant une trajectoire en zigzag.
La manœuvre opposée qui consiste à virer par vent arrière est appelée quant à elleempannage ou virement « lof pour lof »[1].
Le virement de bord consiste à :
À la suite d'un virement, le côté du bateau qui étaitsous le vent passeau vent, et vice-versa.
Cette manœuvre, pour être réussie, nécessite une bonne coordination des membres de l'équipage qui auront chacun une tâche différente :
En équipage réduit ou en dériveur de sport une même personne réalise séquentiellement plusieurs de ces tâches.

La description qui suit s'applique à un voilierquillard doté d'un gréement classique (Marconi). Sur un dériveur de sport, uneplanche à voile ou unmulticoque de compétition, un voilier gréé avec une voile latine, au tiers, etc. les moments cruciaux et les gestes techniques peuvent être différents.
Pour réaliser le virement de bord il est préférable d'être auprès pour que le voilier puisse franchir le secteur de 90° où les voiles ne sont plus efficaces : si le voilier démarre la manœuvre d'une allure plus arrivée (par exemplebon plein), le bateau va devoir parcourir une plus longue distance sur l'erre (lorsque le voilier sera auprès les voiles ne seront pas suffisammentbordées) et risque unmanque à virer : le virement de bord échoue, le voilier se retrouve immobile, non manœuvrant dans une situation inconfortable (le bateau est chahuté par les vagues qui arrivent par l'avant), petit à petit, il reprend de la vitesse en repartant naturellement sur le bord initial mais beaucoup de temps a été perdu. Lemanque à virer guette particulièrement le voilier si le vent est faible (le voilier a peu d'élan), si la mer est forte et courte (le bateau est rapidement stoppé par les vagues) ou si le bateau vire avec difficulté par manque d'inertie (multicoque).
L'équipier chargé de larguer l'écoutesous le vent de la voile d'avant se met en position. Leschariots d'écoute degrand-voile et defoc au vent sont réglés dans la position qu'ils devront occuper après le virement de bord; pour lechariot d'écoute degrand-voile ce réglage peut ne pas être possible avant le virement. Les équipiers chargés de border la voile d'avant sous la nouvelleamure se mettent en positionau vent et embraquent le bout libre de leurécoute. Lebarreur met le bateau auprès si ce n'était déjà fait. Si levoilier est pourvu d'un habitacle, on s'assure que tous les objets (vaisselle, bouteilles, instruments…) susceptibles de tomber après le changement de côté de lagîte sont bien calés, que les vannes actuellement au vent sont bien fermées. Les dormeurs allongés du côté au vent sur des couchettes dépourvues detoile anti-roulis sont invités à se préparer eux aussi à changer de côté.
Leskipper — c'est généralement à lui qu'est dévolu ce rôle — après s'être assuré que tous les équipiers sont en position et que les préparatifs sont achevés, lance un ordre « paré à virer » auquel tous les équipiers doivent répondre « paré »… si c'est le cas. Lorsque tous les équipiers sont effectivement prêts, leskipper déclenche alors le virement en annonçant « on vire » ou plus conventionnellement « envoyez ». Le skipper peut différer un peu l'exécution du virement de bord pour des raisons tactiques (enrégate), pour profiter au maximum du bord en cours (dans un passage étroit) ou pour parer un obstacle (bateau, bouée).
L'enchaînement des manœuvres est initié par lebarreur qui faitloffer le voilier. La voile d'avant sedévente progressivement ; l'équipier chargé de l'écoute au vent largue celle-ci franchement ni trop tôt ni trop tard. S'il la largue trop tôt, la voile d'avant n'aidera pas à faire pivoter le bateau. De plus elle va battre plus longtemps avec le risque d'abîmer ou fatiguer la voile d'avant et de coincer l'écoute dans un obstacle sur le pont avant. Si la voile est larguée trop tard, l'écoute sous l'autreamure sera bordée dans de mauvaises conditions alors que la voile est déjà gonflée sur l'autre bord.
Dès que l'écouteau vent est larguée, les équipiers chargés de l'écoute sur l'autre amure commencent à l'embraquer. Là également il faut agir au bon moment. Si l'écoute est reprise trop tôt, la voile peut se gonfler à contre et entraîner un manque à virer ; trop tard, la voile est gonflée au moment de la manœuvre et nécessite de déployer de grands efforts pour embraquer une grande partie de l'écoute ; en régate une manœuvre trop longue fera perdre des places. Pourembraquer l'écoute sur unvoilier d'une certaine taille (dépend aussi de la force du vent), l'écoute est passée autour du winch d'écoute : au début, lorsqu'il faut embraquer à la main de grandes longueurs, 1 tour suffit (il faut éviter desurpatter) puis quand l'écoute se durcit sous la traction de la voile, 3 ou 4 tours sont passés et la manivelle dewinch est utilisée. Durant toute la manœuvre le barreur a viré progressivement. Si le voilier n'est pas en régate, le barreur peut aider les équipiers qui bordent la voile d'avant, en gardant uncap qui maintient celle-ci légèrement déventée (mais cette manœuvre nécessite un bon barreur car il y a un grand risque demanque à virer).
Si le voilier en comporte, labastaque sous le vent a été larguée en même temps que l'écoute et labastaque au vent estbordée avant que la voilure porte à plein. Lechariot d'écoute degrand-voile est si nécessaire réglé, de préférence au moment où lagrand-voile ne porte pas, la manœuvre consiste donc à déplacer lechariot d'écoute dans une position symétrique par rapport à l'axe du bateau.
Une fois le virement de bord achevé, le bateau ayant perdu de la vitesse, lebarreur doit souvent relancer, enabattant au-delà ducap qui doit être suivi en cas delouvoyage (à 45° du vent). Une fois le bateau relancé, lebarreur se remet auprès.

Lesmulticoques ont beaucoup de mal àvirer à cause de la largeur de leurcoque, de leur manque d'inertie et également de la différence de distance parcourue entre la coque intérieure au virage et celle extérieure. Pour faciliter le virement de bord, l'écoute de la voile d'avant peut êtrechoquée plus tard : la voile gonflée à contre va alors contribuer à faire pivoter levoilier dans la bonne direction. Unmanque à virer peut avoir des conséquences curieuses sur ce type de voilier. Lorsque celui-ci se retrouve bloqué face au vent, du fait de sa faible surface mouillée (surface de la coque immergée), il se met à culer (partir à reculons) à des vitesses qui peuvent atteindre plusieurs nœuds sur les multicoques de compétition. Lessafrans peuvent souffrir de ce mode denavigation non orthodoxe.
Sur les catamarans de sport légers (Hobie Cat , Dart, Nacra), quelques astuces permettent cependant de réussir le virement de bord de façon assez sûre : l'angle de barre doit être faible en début de manœuvre, puis plus accentué ensuite (pour éviter le décrochage hydrodynamique de la pale de safran et le coup de frein correspondant), l'équipage doit charger un peu l'arrière du bateau (pour éviter que les étraves ne « poussent de l'eau »). Le foc peut rester sur l'ancienne amure (foc « à contre ») et aider ainsi à la rotation du bateau. par contre la grand voile doit être choquée au moment du passage du lit du vent (sans quoi elle prend à contre et renvoie le bateau vent debout). Elle ne sera rebordée qu'une fois le bateau bien installé sur la nouvelle amure et le foc passé sur le nouveau bord. Lors de cette phase de relance il peut être utile de partir d'une allure un peu plus arrivée (le près « bon plein ») et de ne lofer que quand le bateau a repris sa vitesse.
Contrairement à un monocoque, il ne sert pratiquement à rien de « godiller » avec les safrans quand le bateau est stoppé : en raison de la grande vitesse atteint par les catamarans, les safrans sont « compensés » ou « semi-compensés », rendant l'action de godille inefficace
Dans le cas où le catamaran cule (repart en arrière) sans avoir franchi le lit du vent, une ultime parade est possible : inverser la barre à la façon d'une voiture se garant en marche arrière, assurant ainsi un virement de bord en deux temps. Possible sur un petit catamaran de plage (où les safrans sont proportionnellement plus robustes) elle est déconseillée sur un gros multicoque (risques graves pour les pales de safran et la mèche de gouvernail).
Dans le petit temps, les équipages dedériveurs légers monocoques (Laser,420...) pratiquent parfois ce qu'on appelle le « virement-bascule », consistant à se servir de leur poids pour faire immédiatementgîter le bateau sur la nouvelle amure, afin de le mettre directement dans une position idéale par rapport à sa forme decarène ; ils arrivent ainsi à ne perdre aucune vitesse lors du virement. On utilise ainsi la dissymétrie de la carène immergée qui rend le bateau « ardent » au déclenchement du virement.
Un coup de rein énergique de l'équipage dans les sangles de rappel permet d'utiliser ladérive comme une sorte de pagaie et de raccourcir la trajectoire. L'équipage ne doit changer de bord qu'une fois le lit du vent et la bôme passée au milieu de la coque... La contre-gîte ainsi créée devient unegîte positive sur le nouveau bord et un second coup de rein facilite la relance du bateau. Lors d'un virement-bascule, le gouvernail peut être braqué énergiquement, jouant le rôle d'un coup degodille. Vis-à-vis des règles de course internationales de l'ISAF et en particulier la règle 42 interdisant d'utiliser l'énergie corporelle pour propulser le bateau en régate, le virement-bascule est une pratique limite... les règles précisent que le voilier ne doit pas acquérir un avantage de vitesse du fait de son utilisation. Toutefois cette technique est universellement utilisée et la frontière entre action permise et action illégale très sujette à interprétation par les arbitres.

Les anciens navires à voiles carrées remontaient mal au vent et étaient le plus souvent dans l'incapacité de virer vent devant, alors qu'un virement vent arrière posait peu de difficultés. La solution usuelle pour changer d'amure était donc d'abattre en grand pour réaliser un virementlof pour lof et lofer sur la nouvelle amure.
Lorsque le virement de bord vent devant était utilisé, il fallait non seulement utiliser la voile d'artimon comme une sorte de gouvernail aérien, laisser porter les focs à contre, mais aussi « masquer toutes les voiles (le phare) dumât de misaine, qui était ensuite réorienté (contre-brassé) avec beaucoup de difficulté, et basculait (toupillait) brutalement, dans une manœuvre faite à bras d'hommes. Sur la fin de l'ère de la voile les puissants treuils à brasser facilitèrent l'opération mais la manœuvre demeurait hasardeuse et les manque-à-virer n'étaient pas rares, c'est pourquoi traditionnellement le commandement de virer vent debout par gros temps s'accompagnait de l'expression : « à Dieu Vat ».
On cite cependant le cas d'un grand voilier de laCompagnie Bordes, qui désemparé de quasiment toutes ses voiles, et dont la cargaison avait ripé dans une tempête, au tout début duXXe siècle, manqua de peu de s'écraser sur le récif deTuskar rock à l'entrée de la mer d'Irlande, puis, se trouvant devant l'entrée ducanal de Bristol, demanda un remorqueur pour entrer dans ce port. Le patron du remorqueur, considérant qu'il s'agissait du sauvetage d'un navire en détresse réclama la somme alors exorbitante de mille livres sterling. Le capitaine du voilier réussit, malgré sa voilure en loques, à accomplir un virement de bord, démontrant qu'il était manœuvrant, sur quoi le patron du remorqueur anglais, admiratif, baissa ses prétentions à cent livres seulement, ce qui fut accepté[2].
Avec unevoile au tiers ou unevoile latine, le virement nécessiterait degambeyer. Sur unevoile latine, cette manœuvre, appelée pour cette voilefaire le car, est fréquemment omise, la voile restantà la mauvaise main.