En 2014, le livreLa guerre invisible, révélations sur les violences sexuelles dans l'armée française, met en lumière l'omertà de l'Armée française sur ce sujet. À la suite de cette publication et d'une enquête interne,Jean-Yves Le Drian, ministre des Armées, crée la plateforme Thémis, chargée de recueillir les témoignages de victimes et de lancer des enquêtes.
En février 2014, les journalistes Leila Minano et Julia Pascual publient le livreLa Guerre invisible résultat d'une enquête menée pendant deux ans au sein de l’Armée française concernant les violences sexuelles subies par des femmes. Une cinquantaine d’affaires y sont évoquées. À la suite de cette publication,Jean-Yves Le Drian, ministre des armées, demande l’ouverture d’une enquête interne[1],[2] puis crée la cellule Thémis.
En avril 2014, la cellule Thémis, chargée de recueillir les témoignages de victimes et de lancer des enquêtes, est mise en fonctionnement. Elle permet un signalement des faits sans passer par la hiérarchie de la victime alléguée ou d'un témoin. Lors de la première année après sa création 66 cas sont mentionnés[3]. En 2023, la plateforme Thémis, située au sein d'Hexagone Balard, regroupant les états-majors des Forces armées françaises à Paris, reçoit 220 signalements pour violences sexuelles, dont 28 viols et 73 agressions sexuelles. En 2024, Thémis est constituée d'une « petite équipe » de 7 personnes et assure le suivi de 500 victimes. Pour la députéeLaetitia Saint-Paul, ancienne officier de l'armée de terre :« Les chiffres sont complètement sous-évalués », de nombreuses affaires ne parviennent pas à Thémis[4],[5],[6].
En mars 2024, la députée est reçue par le cabinet deSébastien Lecornu, ministre de la défense puis elle rencontreAurore Bergé[7],[8]. Une nouvelle instruction, datée du 26 mars, est envoyée à tous les commandements, elle indique :« chaque fois qu’il existe une suspicion de viol ou d’agression sexuelle présentant un caractère suffisant de vraisemblance, la personne mise en cause sera systématiquement suspendue de ses fonctions ». Par ailleurs, Sébastien Lecornu décide, en avril, d'engager une mission d’inspection sur les violences sexuelles dans l’armée[9],[10]. Un rapport, rendu public en juin 2024, mentionne une organisation actuelle « qui ne saurait satisfaire » et présente 50 recommandations. Ainsi la cellule Thémis est décrite comme « sous-dimensionnée », ses moyens doivent être renforcés. Par ailleurs la charge de Thémis sera allégée en créant une cellule d’écoute des victimes confiée à une plate-forme spécifique, avec des agents spécialisés. De plus, il est préconisé une utilisation plus systématique de l’article 40 ducode pénal, qui indique que tout fonctionnaire qui a connaissance d’un crime ou délit doit alerter le parquet[11],[12].
Selon une enquête du quotidienLibération, en, au sein dulycée militaire de Saint-Cyr, lesexisme est« érigé en système au sein des classes préparatoires militaires par un puissant groupe d’élèves :les tradis. Entre humiliations et harcèlement moral, tout est fait pour saper les ambitions des étudiantes »[13],[14],[15]. À la suite de cet article, la ministre des ArméesFlorence Parly annonce des sanctions : les élèves visés par les accusations sont exclus et certains cadres sont remplacés[16],[15].
En, le journalLibération écrit qu'« un an plus tard, et malgré les annonces du ministère, lestradis sévissent toujours ». Selon ses journalistes, les inscriptions misogynes ont toujours cours, ainsi que les interjections argotiques et sexistes pour désigner publiquement les étudiantes en couple ou célibataires, et« l’indifférence courtoise qui consiste à ne jamais adresser la parole aux filles ». La sanction infligée à un auteur d'inscription misogyne identifié (sept jours d’exclusion avec sursis) est jugée insuffisante par le média. À ces faits s'ajouterait« la chape de plomb posée par les autorités du lycéepour que rien ne sorte, selon les mots d'un haut gradé »[17].
Entrée de la base aérienne 133 Nancy-Ochey (2007).
Cinq plaignants de labase aérienne 133 Nancy-Ochey, deux femmes et trois hommes, de tous les grades dont un pilote ont déposé plainte en 2021 au parquet de Metz pour « harcèlement moral ». Les plaintes concernant les femmes évoquent des propos inappropriés, en particulier lorsque celles-ci sontenceintes. Il est également indiqué des obligations de participation à des réunions dans des sallesdécorées de photos de femmes nues. Une militaire qui a refusé de montrer ses seins est « mise de côté », certains gradés expliquant « que cela favorisait l'intégration ». Par ailleurs une militaire indique :« Le premier jour où je suis arrivée, on m'a traitée de pute. Je me suis dit que c'était une mauvaise blague. Chaque jour, je me suis dit que c'était une autre mauvaise blague. »[18],[19].
Un militaire, sergent mécanicien, raconte que le harcèlement subi commence avec des remarques homophobes, des claques, des insultes, son travail est systématiquement critiqué. En 2014, il est forcé à boire, tabassé, il reçoit des fessées déculottées. Son crâne est partiellement rasé, les cheveux laissés forment le dessin d'un phallus[20]. Il quitte l'armée en 2019 et porte plainte auprès de la plateforme Thémis. À la suite de celle-ci, huit militaires de la base aérienne de Nancy-Ochey sont condamnés en 2022 à de la prison avec sursis[21].
La députéeLaetitia Saint-Paul, ancienne élève de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, indique que les femmes étaient surnommées « Les grosses ». Son capitaine de compagnie indiquait :« Mieux vaut être insultée qu’ignorée, ça vous fait exister »[8],[22].
Selon une enquête journalistique diffusée en avril 2024, dansL’Œil du 20 heures surFrance Télévisions, trois enquêtes judiciaires sont ouvertes en novembre 2023. Un témoin indique :« Depuis l'automne, les choses se dégradent considérablement pour les femmes du bataillon. Sur 18 filles, deux sont en arrêt maladie, une a tenté de mettre fin à ses jours et deux autres ont vécu des agressions sexuelles ». Le harcèlement concerne aussi les élèves hommes qui parlent aux femmes, voire essaient de les défendre, ils sont appelés les « souzes » qui se traduit par « sous-hommes ». PourGuillaume Ancel, les abus sont tolérés par le commandement pour protéger l’institution ; il dénonce une omerta[23]. À la suite de cette diffusion révélant notamment une agression sexuelle d'un officier sur une élève en juillet 2023, la direction de l'école annonce qu'elle va signaler cette nouvelle affaire à la justice[24],[25].
En 2021, Manon Dubois porte plainte après avoir été agressée sexuellement, pendant des missions en mer, par un autre militaire à plusieurs reprises. Son agresseur est rappelé à l'ordre une première fois puis après une nouvelle série d'agressions, qu'il reconnait, sur la frégateNormandie, il est condamné seulement à 10 jours d'arrêt, à un stage delutte contre le sexisme et les violences faites aux femmes et à une amende de 600 euros[26]. Après plusieurs arrêts-maladie, Manon Dubois quitte l'armée. Après la révélation de cette affaire par les médias, la députéeLaetitia Saint-Paul intervient et indique :« Manon Dubois, est le cas de trop. On est sur un mode d'action classique : un agresseur qui a fait ses preuves opérationnelles, et une jeune recrue pleine de talent, de vie, agressée qui se fait éjecter de l'institution »[8].
Autres affaires ayant donné lieu à des procédures judiciaires
Les affaires suivantes sont listées allant des plus récentes aux plus anciennes.
Avril 2025 : un militaire du31e RG deCastelsarrasin (Tarn-et-Garonne) est condamné à deux ans de prison avec sursis, reconnu coupable d’une agression sexuelle sur une collègue en novembre 2022[27].
Mars 2025 : un officier, lieutenant du1er RHP (Tarbes) au moment des faits en 2019, est condamné par la chambre militaire du tribunal correctionnel de Paris à 18 mois de prison avec sursis pour agression sexuelle sur une femme soldat[28].
Janvier 2025 : la justice ouvre une enquête pour viol, agression sexuelle et harcèlement sexuel sur des faits présumés de violence commis entre 2023 et 2024, concernant dix victimes présumées, toutes des élèves, et huit agresseurs présumés qui, à une exception près, sont des élèves ou encadrants desEcoles militaire de santé de Lyon-Bron[29].
Septembre 2024 : un ex-capitaine du1er RCA (Canjuers) est condamné par la chambre militaire du tribunal correctionnel de Rennes à huit mois de prison ferme, pour l'agression sexuelle qu'il avait commise lors d'une cérémonie dans l’enceinte de l’Académie militaire de Saint-Cyr àCoëtquidan (Morbihan)[30].
Septembre 2024 : la chambre militaire du tribunal correctionnel de Rennes condamne à deux ans de prison, dont un an ferme, un sous-officier de laMarine nationale qui avait agressé sexuellement une jeune matelot, avec qui il était affecté sur le même bateau à Brest, en octobre 2022[31].
Octobre 2024 : un ex-caporal de l'armée de terre est condamné à 6 mois de prison avec sursis par la chambre militaire du tribunal correctionnel de Rennes pour des agressions sexuelles commises sur ses camarades avec son pénis, entre septembre et octobre 2022[32],[33].
Juin 2024 : un militaire de la base aérienne deMont-de-Marsan (BA 118) est mis en examen pour viol. Le jeune soldat est accusé par une collègue, elle aussi militaire[34].
Juin 2024 : poursuivi pour harcèlement sexuel commis pendant plusieurs mois en 2021 sur une subordonnée, unsergent-chef du cabinet de l’ancienne ministre des arméesFlorence Parly est condamné à deux ans de prison avec sursis par le tribunal de Paris[35],[36].
Décembre 2023 : un officier de laMarine nationale est condamné par le tribunal pour harcèlement sexuel sur une femme sous-officier en 2017. L'accusé ayant fait appel, un nouveau procès aura lieu en 2026[37].
Mars 2022 : un officier dentiste de l'hôpital militaire Legouest (Metz) est condamné par le tribunal des affaires pénales militaires de Metz à dix mois de prison avec sursis pour des attouchements sexuels sur cinq femmes militaires du40e RT (Thionville), commis entre mai et août 2021[38],[39]. L'accusé ayant fait appel, sa relaxe est prononcée par la cour d’appel de Metz en juillet 2023, puis une seconde relaxe en avril 2024[40],[41].
Janvier 2022 : un ex-soldat du6e RG (Angers) est jugé par la cour d’appel de Rennes pour avoir agressé sexuellement des collègues féminines pendant leur sommeil à Nantes, Angers, La Rochelle et en Guyane entre mars 2018 et mars 2019. Comme en première instance, il est condamné à trois ans de prison, dont un avec sursis[42],[43].
Juillet 2021 : une femme gradée de l'Armée de l'air, en poste à l'état-major particulier du président de la République à l'Elysée, accuse un homologue de l'Armée de terre de l'avoir violée à l'issue d'un pot de départ très arrosé. Le parquet décide d’ouvrir une information judiciaire pour viol[44].
Septembre 2020 : une jeune militaire engagée auRSMA de Polynésie se suicide par pendaison trois semaines après avoir déposé plainte pour viol et agression sexuelle contre un sergent[45]. Ce dernier sera par la suite mis en examen et écroué[46].
Mars 2018 : un sous-officier de laMarine nationale est condamné à 4 mois de prison avec sursis par la chambre militaire du tribunal de Rennes, le 20 mars 2018, pour harcèlement sexuel à l'encontre d'unquartier-maître féminin, les faits s'étant produits en 2017[47].
Janvier 2018 : unsergent-chef du6e RG (Angers) est mis en examen et mis en détention provisoire pour agression sexuelle : il s'était masturbé devant un subordonné[48],[49].
Novembre 2017 : un sergent de labase aérienne 105 d'Evreux se suicide. Il disait être victime de harcèlement par unadjudant parce qu'il était homosexuel. L'enquête judiciaire menée par la suite révèle plusieurs affaires d'agressions sexuelles dont le sergent suicidé n'était pas la victime mais l'auteur[50].
Janvier 2016 : un ancien médecin en chef de l'armée (lieutenant-colonel) du41e RT deDouai, est présenté devant le tribunal de Lille pour des agressions sexuelles commises lors de visites médicales à l'encontre de plusieurs femmes militaires entre 2010 et 2013[51],[52]. Il est condamné le 24 février 2016 à 30 mois de prison avec sursis[53].
Janvier 2013 : déclarés coupables d’atteintes sexuelles avec contrainte commises à l'encontre d'une jeune militaire en octobre 2009, unbrigadier-chef et un soldat du61e RA (Chaumont) sont condamnés respectivement à 6 et 18 mois de prison avec sursis[54].
↑Leila Minano, Julia Pascual et Yves Tréca-Durand, « #metoo des armées : les soldates parlent, la Grande Muette esquive »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le)
↑Elise Vincent, « Les limites de « Thémis », la cellule d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes au ministère des armées »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le)
↑Simon Cheneau et Gaële Joly, « « Je n'arrivais pas à bouger » : le témoignage d'une militaire agressée sexuellement à Brest lance le #MeToo des armées »,France Bleu,(lire en ligne, consulté le)
↑ab etcYves Tréca-Durand, « Une affaire d’agressions sexuelles dans la marine amorce un « #metoo des armées » »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le)
↑Olivier Tallès, « Agressions sexuelles dans l’armée : « Le mot d’ordre, c’est ne pas faire de vagues » »,La Croix,(lire en ligne, consulté le)
↑« Agressions sexuelles dans l’armée : le gouvernement annonce le lancement d’une mission d’inspection »,La Croix,(lire en ligne, consulté le)
↑Élise Vincent, « L’inspection des armées appelle à une révision profonde de la gestion des affaires de violences sexuelles et sexistes au sein de l’institution »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le)
↑« #MeTooArmées «Il faut que je te baise» : un militaire condamné à deux ans de prison avec sursis pour harcèlement sexuel »,Libération,(lire en ligne, consulté le)
↑Guillaume Lecaplain et Anaïs Moran, « Lycée Saint-Cyr : une machine à broyer les femmes »,Libération,(lire en ligne, consulté le)
↑« Harcèlement moral de jeunes filles au lycée militaire de Saint-Cyr : l’enquête édifiante de « Libération » »,Le Monde,(lire en ligne)
↑« Enquête FranceTV. Agressions sexuelles et sexisme : des témoignages accablants visent l'académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan »,News Day FR,(lire en ligne, consulté le).