Freund Sepp (L'ami Sepp). Dessin de W. Leo Arndt, dansde:Die Gartenlaube, 1895.
Lavieillesse est, chez unêtre vivant, la période de la vie caractérisée par l'aboutissement du vieillissement, un processus biologique continu et progressif d'altération, naturelle, des structures et des fonctions de l'organisme, qui diminue progressivement sa capacité d'adaptation et augmente la vulnérabilité face aux stress.
Chez l'être humain, elle succède à l'âge mûr, aussi dit « troisième âge » (on nomme parfoisquatrième âge le moment où l'état de vieillesse entraîne une situation de dépendance). Malgré l'existence d'une accélération de lasénescence après 45-50 ans[1],[2],[3],[4], le vieillissement reste un phénomène progressif, il n'y a donc pas réellement d'âge biologique fixe correspondant à la vieillesse. Également, Nicole Jeanguiot explique que la vieillesse s'avère être une construction sociale puisque sa perception semble variable selon chaque individué. Les facteurs sont physiques, culturels ou encore chronologiques[5]. Dans les sociétés occidentales contemporaines, des expressions telles queseniors, aînés ou personnes âgées remplacent de plus en plus celles de vieux ou vieillards, jugées péjoratives. Par analogie avec l'adolescence, la sociologue Claudine Attias-Donfut propose en 1988 le terme de « maturescence » pour désigner le vieillissement dans l'âge de la maturité, période qui tend à se prolonger avant le début de lasénescence caractérisée par des pertes et un déclin à plusieurs niveaux[6],[7].
Si la physiologie et la force physique décline, souvent dès la trentaine, avec l'avancée en âge, certains traits comme le raisonnement moral, la stabilité émotionnelle ou encore la résistance aux biais cognitifs continuent à murir pour n'atteindre leur sommet que vers 50-60 ans voire plus tard, indiquant que cette période de la vie peut encore avoir du sens professionnel et politique là et quand des compétences en terme de jugement et de leadership sont nécessaires.
Albrecht Dürer : portrait de sa mère,Barbara Dürer, à l'âge de 63 ans, environ deux mois avant sa mort en 1514.Anciano, peinture à l'huile d'Ulpiano Checa (1860-1916).
On retrouve en général, chez unepersonne âgée, desrides, descheveux blancs et la perte de cheveux (pouvant souvent provoquer chez l'homme unealopécie complète ou incomplète). Ces symptômes peuvent autant commencer à 30 ans qu'à 60 ans.
Après 75 ans, des signes de faiblesse physiques et des dérèglements physiologiques (le vieillissement qui touche les systèmes immunologique, hématologique s'appellehoméosténose) tendent à se développer[8]. Entre ces deux âges apparaissent souvent l'arthrite, l'arthrose, lesrhumatismes, qui font perdre de leur grâce à la démarche et aux gestes et rendent aussi la vie quotidienne moins commode.
Les performances de la mémoire sont progressivement affectées, les recherches se concentrent sur une carence enprotéine RbAp48[9] qui apparait avec l'âge.
Une étude[10] fondée sur l'analyse de 16 dimensions psychologiques, incluant des capacités cognitives et les traits de personnalité du modèle Big Five, révèle que contrairement aux performances physiques, le fonctionnement mental global culminerait entre 55 et 60 ans (avec des pics différés pour des traits comme le caractère consciencieux (65 ans) ou la stabilité émotionnelle (75 ans), et une amélioration continue duraisonnement moral et de larésistance aux biais cognitifs jusqu'à 80 ans.
Ces résultats remettent en question lesidées reçues sur le vieillissement, soulignant que de nombreuses compétences clés pour leleadership et laprise de décision s'affinent avec l'âge, même si on sait que (par exemple via 56 études longitudinales par imagerie par résonance magnétique (IRM) portant sur 2 211 participants sains)[11], le volume du cerveau (qui n'est pas corrélé à l'intelligence, sauf malformations graves) connait une phase de croissance durant l'enfance et l'adolescence (environ 1 % par an vers 9 ans) qui s'atténue vers 13 ans, suivie d'une période de croissance potentielle ou d'absence de perte tissulaire entre 18 et 35 ans, puis d'une perte volumétrique constante et graduelle au rythme moyen de -0,2 % par an, qui s'accélère (pour atteindre 0,5 % par an) vers 60 ans, un taux qui se maintient ou s'accentue ensuite[11].
L'étude plaide pour des pratiques professionnelles plus inclusives, valorisant les atouts de la maturité plutôt que la considérant comme un déclin[10]. Les travailleurs âgés rencontrent cependant des obstacles structurels à l'emploi, souvent liés à des stéréotypes ou à des limites réglementaires d'âge, alors que les performances cognitives varient fortement d'un individu à l'autre.
La vieillesse répond aujourd'hui principalement à des injonctions sociales et médiatiques. L'intérêt des gouvernements envers les aînés et les enjeux qui les concernent témoigne des inquiétudes associées à cette partie de la population et à l'apparition de « sociétés vieillissantes » (voir par exemple certaines politiques publiques)[12],[13].
Les efforts visent davantage à prévenir les altérations de l'âge par un mode de vie sain qu'à soigner des altérations une fois celles-ci apparentes, et pour le moment peu réversibles. Plusieurs autres disciplines des sciences sociales et humaines s'intéressent quant à elles à la dimension culturelle du vieillissement, par exemple aux représentations et discours à propos des personnes âgées, aux questions d'âgisme, detechnologies et desexualité[14],[15]. En d'autres mots, la vieillesse est une construction sociale[16].
Les entreprises privées s'y intéressent également, par exemple en promouvant des activités comme des concours de chant qui visent à valoriser les aînés[14]. Quant aux représentations médiatiques, les aînés sont généralement présentés comme un groupe assez homogène et dépendant des savoirs et des ressources des personnes plus jeunes[17],[18]. L'effet de ces discours et représentations est de perpétuer l'âgisme, soit une forme d'exclusion sociale.
La dépendance, ou la perte d'autonomie, de la personne du quatrième âge est la mesure principale de l'état de vieillesse. Un sociologue commeSerge Guérin propose le terme de Senior Fragilisé (SeFra) pour exprimer que la fragilisation peut être d'ordre physique, mental ou moral, mais aussi économique.
La fragilisation mentale comprend le « syndrome de désinvestissement » (refus de se mouvoir, de manger et de boire, retrait social...) qui peut conduire dans les derniers mois de vie de la personne âgée au « syndrome de glissement » (détérioration globale des fonctions intellectuelles le plus souvent consécutive à une maladie ou à un accident)[19].
Dès l'Antiquité en occident, la littérature médicale tend à indiquer que la vieillesse est synonyme d'une diminution de la chaleur et de l'humidité naturelle ; la production excessive d'humeur froide implique des modifications physiologiques liées à la prépondérance du sec et du froid[20]. Galien lui-même, d'ailleurs, discours que l'évolution de la complexion d'un individu avec l'âge terminait avec la vieillesse, où l'individu est rendu froid et sec en ayant perdu sa chaleur innée et son humidité[21]. On entend donc que, dans le cas du vieillissement, le froid est vu négativement comme la dernière étape avant la mort, où le corps refroidit et provoque un déséquilibre mélancolique.
La médecine médiévale occidentale reprend les théories hippocratiques et galéniques, supposant donc une vision similaire de la vieillesse. Pour compenser les sévices du froid affligeant les personnes âgées, les médecins occidentaux du Moyen Âge ont élaboré plusieurs recettes concordantes avec les théories humorales afin de leur redonner de la vigueur. Plusieurs moyens sont possibles pour apporter de la chaleur et de l'humidité à la complexion froide du vieillard. Certains consistent à se réchauffer de manière naturelle, soit en pratiquant l'exercice physique (avec modération), en passant du temps au soleil ou bien en dormant, ce dernier moyen étant reconnu pour récupérer la chaleur naturelle perdue durant la journée[22]. Bernard de Gordon, lui, favorise plutôt les promenades à pied ou à cheval. D'autres moyens supposent l'ingestion d'aliments chauds et humides tel le vin chaud ou bien la relaxation dans un bain chaud, parfois suivis par un massage et des frictions[22].
La philosophie, tout comme la sociologie[23] et l'ethnologie, ne réduit pas la vieillesse à un simple déclin biologique, mais l'envisage comme une étape naturelle et structurante de l'existence humaine, où l'individu et la société sont confrontés à des interrogations fondamentales sur le sens de la vie, la transmission, la mémoire et l'approche de la mort. Cette période, souvent marginalisée dans les représentations sociales contemporaines, est pourtant au cœur de nombreuses réflexions intellectuelles, qui la considèrent comme un moment de transformation de l'identité individuelle et de repositionnement dans le tissu familial et social[24].
La vieillesse est fréquemment perçue de manière ambivalente : d'un côté, elle est associée à la déchéance physique, à la perte d'autonomie et au renoncement aux désirs passés — une vision que Simone de Beauvoir qualifie de « mise à l'écart » dans La Vieillesse (1970) ; de l'autre, elle est valorisée comme un accomplissement, une phase de sagesse, de détachement et de contemplation.Cicéron, dans De Senectute, défendait déjà l'idée que « seuls les sots se lamentent de vieillir », voyant dans l'âge avancé une opportunité de se consacrer à la pensée et à la vertu[24].
L'approchestoïcienne invitant à une acceptation sereine de cette fatalité naturelle ; Michel Foucault, dans les tomes 2 et 3 de son Histoire de la sexualité, montre même que le «vieil âge» a été valorisé durant leHaut Empire romain, surtout par les sénéquiens et le stoïcisme impérial qui estiment que la vieillesse est une période d'auto-édification de soi, où l'on peut en quelque sorte convertir le matériau brut de sa propre vie en œuvre d'art[25]. Des stoïciens, tels queSénèque etÉpictète, considéraient la vieillesse comme une circonstance indifférente au bonheur, mais propice à l'exercice de la sagesse et à l'acceptation sereine de la finitude humaines[25],[26].
L'ethnologie montre que dans le monde, la vieillesse est souvent associée à lasagesse et aux bénéfices de l'expérience, ce qui justifie que lapersonne âgée soit respectée, comme le sont aussi les ancêtres, ce qui est souvent le cas en Afrique et en Asie, Asie du Sud-Est notamment[27], avec seulement quelques rares exceptions (ondominas cite le cas du peuple Mikéa (nomades forestiers malgaches cueilleurs-chasseurs où quand un vieillard se sent devenir« une charge pour la horde, il s'écarte du groupe, entoure de buissons épineux l'espace où il s'étendra, se couche et meurt là, à l'écart. Les buissons épineux sont installés pour éviter que les prédateurs ne viennent dévorer son cadavre. Il y a autosacrifice pour le groupe (...) »[27].
Du point de vue sociologique, la vieillesse est aussi analysée en tant que construction sociale, dont les contours varient selon les cultures, les époques et les contextes socioéconomiques.Vincent Caradec (2008) souligne[28] que les représentations de la vieillesse oscillent entre exclusion et valorisation, et que les politiques publiques doivent intégrer cette pluralité de vécus et de trajectoires ; l'ethnologie, quant à elle, met en lumière les rôles rituels et symboliques des personnes âgées dans certaines sociétés, où elles incarnent la mémoire collective et la continuité des savoirs.
Vieillir peut être vécu comme un compte à rebours vers la mort, ou un moment de sommet de l'existence, porteur de sens. La vieillesse contemporaine semble de plus en plus associée à la solitude ; elle engage une réflexion éthique et politique sur ladignité humaine, indépendamment de la productivité ou de l'autonomie ; elle interroge la manière dont les sociétés modernes honorent ou négligent ceux qui incarnent l'expérience et la transmission.
La cause des aînés : Pour vieillir autrement… et mieux, ouvrage collectif dirigé parCatherine Bergeret-Amselek, préface de Geneviève Laroque, Desclée de Brouwer, Paris, 2010.(ISBN9782220062402)
↑ValdeMarne.fr - Fonte musculaire due à l'âge : ce que l'activité peut offrir - Article sur la sénescence - « Avec l'avancée en âge, la composition corporelle change : la masse grasse augmente et la masse maigre (capital osseux, masse musculaire et des organes) diminue. Les qualités physiques diminuent aussi et en particulier la force. Ceci est très significatif à partir de 45 ans (Chiapolini, 1989) et plus particulièrement chez les personnes sédentaires. »
↑Le Figaro - Pauline Fréour - 06/04/2015 - Notre cerveau commence à décliner dès 45 ans - « Les volontaires ont été soumis à trois reprises à des tests mesurant leur mémoire, leur vocabulaire, leur raisonnement et leur expression orale. Bilan: les capacités cognitives (facultés de mémoriser et comprendre) de l'homme déclinent dès l'âge de 45 ans, ce phénomène s'accélérant à mesure que l'on vieillit. Jusqu'alors, les études préexistantes sur ce sujet controversé laissaient penser que le changement ne commençait pas avant 60 ans. »
↑INSERM - Dossier d'information sur la ménopause - « La ménopause naturelle survient le plus souvent aux alentours de 50 ans. En France, 7 % des femmes de 40-44 ans et 83 % des femmes de 50-54 ans sont ménopausées. La ménopause est dite précoce quand elle survient avant 40 ans (1). [...] La perte osseuse est un processus inéluctable de vieillissement du tissu osseux qui survient à partir de l'âge de 30 ans et s'accélère après la ménopause en raison de la carence oestrogénique. »
↑Fishman, Ted C. (2010). Shock of Gray. New York: Scribner.
↑a etbGrenier, L., & Valois-Nadeau, F. (2013). « Vous êtes tous des gagnants »: Étoile des aînés et le vieillissement réussi au Québec. Recherches Sociologiques et Anthropologiques.
↑P. Gaux, « Le syndrome de glissement : son traitement par les acides aminés »,Lille méd,no 8,,p. 393-397
↑Pedro Gil Sotres,« Les régimes de santé », dans Mirko D. Grmek,Histoire de la pensée médicale en Occident. 1. Antiquité et Moyen Âge, Paris, Édition du Seuil,,p. 279-280
↑Pedro Gil Sotres,« Les régimes de santé », dans Mirko D. Grmek,Histoire de la pensée médicale en Occident. 1. Antiquité et Moyen Âge, Paris, Édition du Seuil,,p. 260
↑a etbPedro Gil Sotres,« Les régimes de santé », dans Mirko D. Grmek,Histoire de la pensée médicale en Occident. 1. Antiquité et Moyen Âge, Paris, Édition du Seuil,,p. 260, 280
↑Benoit Ladouceur, « Sociologie de la vieillesse et du vieillissement »,DOI.org (Datacite),(DOI10.58079/UG4P,lire en ligne, consulté le)