Pour les articles homonymes, voirSchœlcher (homonymie).
| Victor Schœlcher | |
Victor Schœlcher photographié parÉtienne Carjat. | |
| Fonctions | |
|---|---|
| Sénateurinamovible[1] | |
| – (18 ans et 9 jours) | |
| Élection | |
| Groupe politique | Extrême gauche |
| Député français[2] | |
| – (4 ans, 9 mois et 4 jours) | |
| Élection | |
| Circonscription | Martinique |
| Groupe politique | Extrême gauche |
| – (1 an, 10 mois et 19 jours) | |
| Élection | |
| Circonscription | Guadeloupe |
| Groupe politique | Montagne |
| – (3 mois et 23 jours) | |
| Élection | |
| Circonscription | Guadeloupe |
| Groupe politique | Montagne |
| – (9 mois et 17 jours) | |
| Élection | |
| Circonscription | Martinique |
| Groupe politique | Montagne |
| Sous-secrétaire d'État à la Marineet aux Colonies | |
| – (2 mois et 15 jours) | |
| Chef de l'État | Jacques Charles Dupont de l'Eure |
| Président du Conseil | Jacques Charles Dupont de l'Eure |
| Ministre | François Arago |
| Gouvernement | Provisoire de 1848 |
| Prédécesseur | Jean Jubelin |
| Successeur | Joseph Grégoire Casy (Commission exécutive) |
| Biographie | |
| Date de naissance | |
| Lieu de naissance | Paris,France |
| Date de décès | (à 89 ans) |
| Lieu de décès | Houilles,France |
| Sépulture | Panthéon |
| Nationalité | Française |
| Parti politique | La Montagne |
| Diplômé de | Lycée Condorcet |
| Profession | Journaliste |
| Religion | Catholicisme |
| modifier | |
Victor Schœlcher[n 1] (/vik.tɔʁʃœl.ʃɛʁ/[n 2]) est unjournaliste ethomme politiquefrançais, né àParis le[3] et mort àHouilles le[3]. Il est connu pour avoir agi en faveur de l'abolition définitive de l'esclavage en France, via ledécret d'abolition, signé par legouvernement provisoire de la Deuxième République[4] le. Il est également éludéputé de la Martinique puisde la Guadeloupe.
Victor Schœlcher naît le àParis (5e arrondissement ancien, aujourd'hui10e arrondissement) au 60rue du Faubourg-Saint-Denis[n 3], dans une famille catholique bourgeoise. Son père,Marc Schœlcher (1766-1832), originaire deFessenheim (Haut-Rhin) enAlsace[3], est propriétaire d'une usine de fabrication deporcelaine[5]. Sa mère, Victoire Jacob (1767-1839), originaire deMeaux (Seine-et-Marne), est marchande lingère àParis au moment de son mariage[6].
Victor Schœlcher est baptisé à l'église Saint-Laurent de Paris le[7].
Il fait de courtes études aulycée Condorcet, côtoyant les milieux littéraires et établissant des liens[3]artistiques dans la capitale; il fait connaissance avecGeorge Sand,Hector Berlioz etFranz Liszt[5].
Il voyage, vers 1830, en tant que représentant commercial de l'entreprise familiale[3]. Lorsqu'il est àCuba, il est révolté par l'esclavage.

Revenant en France, il devientjournaliste et critique artistique[3], publie des articles et des ouvrages et multiplie ses déplacements d'information.
Il adhère à lafranc-maçonnerie et est initié dans la loge parisienne « Les Amis de la Vérité » (Grand Orient de France), laquelle est à l'époque un atelier très fortement politisé, pour ne pas dire ouvertement révolutionnaire[8]. Il passe ensuite à une autre loge parisienne, « La Clémente Amitié ». Il cesse toute activité maçonnique en 1844, lorsqu'il est radié par la chambre symbolique du Grand Orient de France, en compagnie de dix-sept autres frères de la loge « La Clémente Amitié », pour s'être opposé à la révision des statuts généraux de l'obédience et avoir soutenu levénérable Bègue-Clavel[9].
Il revend rapidement la manufacture dont il hérite de son père en 1832 pour se consacrer à son métier de journaliste et ses activités philanthropiques[5].
Le discours abolitionniste de Schœlcher évolue au cours de sa vie. En 1830, dans un article de laRevue de Paris, « Des Noirs »[10], après avoir fait une description terrible de la situation des esclaves, et montré comment l'esclavage transforme ces hommes en brutes, il se prononce contre l'abolition immédiate, car pour lui,« les nègres, sortis des mains de leurs maîtres avec l'ignorance et tous les vices de l'esclavage, ne seraient bons à rien, ni pour la société ni pour eux-mêmes […] Je ne vois pas plus que personne la nécessité d'infecter la société active (déjà assez mauvaise) de plusieurs millions de brutes décorées du titre de citoyens, qui ne seraient en définitive qu'une vaste pépinière de mendiants et de prolétaires. […] la seule chose dont on doive s'occuper aujourd'hui, c'est d'en tarir la source, en mettant fin à la traite »[11].
En 1833, il publie un premier ouvrage :De l'esclavage des Noirs et de la législation coloniale[12]. Ce livre est un réquisitoire contre l'esclavage et pour son abolition, mais il renvoie celle-ci à un « futur incident révolutionnaire que j'appelle du reste de mes vœux », car, écrit-il « Les révolutions se font pour rétablir dans l'ordre social l'équilibre que les envahissements de la richesse tendent toujours à détruire ». Il estime, dans la préface de l'ouvrage, que la Révolution de 1830 a ouvert une période longue dans laquelle les libertés ouvrières sont confisquées, bien que les ouvriers en aient été le moteur. Toutefois, tous les éléments de son combat sont en place, et ses idées sont claires, car il considère que « l'homme noir n'est pas moins digne de la liberté que l'homme blanc » (Chapitre X) ; « l'esclavage des nègres est une injure à la dignité humaine, parce que l'intelligence de l'homme noir est parfaitement égale à celle de l'homme blanc » (Chapitre XI). Mais il ne propose en conclusion de son ouvrage qu'un texte de loi visant à humaniser autant que faire se peut l'esclavage, et non à l'abolir immédiatement, car à cette époque il pense que dans le cadre du régime issu de la révolution de 1830, il ne sera pas possible d'aller plus loin. Cette loi encadrerait l'esclavage dans des limites, donnerait des droits aux esclaves, limiterait donc les droits des maîtres, mais tolérerait malgré tout le maintien de la peine du fouet, « toute révoltante qu'elle soit », sans laquelle « les maîtres ne pourraient plus faire travailler dans les plantations ». Il est complètement lucide sur la portée de sa proposition, et surtout sur ses limites, car il confesse : « dès que vous acceptez un mode d'existence contraire à toutes les lois de la nature, il faut vous résigner à sortir des bornes de l'humanité » ; or, pour lui, l'esclavage sort des bornes de l'humanité.

De mai 1840 à juin 1841, il retourne auxAntilles[13] et visite plusieurshabitations, parmi lesquelles celle deTrou-Vaillant (Saint-James), dont le domaine et les esclaves appartiennent à l’État. Cette situation le révolte, comme on peut le lire dansDes colonies françaises. Abolition immédiate de l'esclavage[14], ouvrage qu'il publie en 1842 :
« LA FRANCE POSSÈDE DES HABITATIONS ! Nous avons visité celle du Trouvaillant près Saint-Pierre. Eh bien ! les esclaves de la France, les nègres du roi comme on les appelle, ne sont pas mieux traités que ceux du plus mince petit blanc. Aucun essai particulier n'a été tenté en leur faveur, aucune amélioration n'a été introduite dans leur régime ; il n'y a pour eux aucun avantage d'appartenir à la France ; point d'éducation, point de lecture, point demoralisation, aucun de ces enseignements où l'homme au moins apprend à se connaitre et à s'estimer. Des planteurs ont des usines moins délabrées, des cases plus belles, et une infirmerie mieux tenue que celles de la nation ! Et vous voulez que les colons vous supposent le désir d'affranchir ! Quelle honte, d'ailleurs, que le gouvernement de France ait encore des esclaves ! Pourquoi ne donne-t-il pas le signal de l'abolition en élargissant tous ses nègres, comme fit la couronne d'Angleterre le 12 mars 1831 ? Il hésite, tandis que le bey de Tunis vient de proscrire l'esclavage dans ses états ! La France reçoit maintenant des leçons d'humanité des régences barbaresques ! »
Après ce séjour aux Antilles, il se prononce pour une abolition immédiate et complète, et se consacre désormais entièrement à cette cause.
Ses voyages en Grèce, en Égypte et au Sénégal le confortèrent dans cette conviction. En 1845, à l'occasion du débat parlementaire sur des lois d’humanisation de l’esclavage, il publie des articles nombreux dans des journaux et revues commeLe Courrier Français, leSiècle,Le Journal des Économistes,L’Atelier,L'Abolitioniste français,La Revue Indépendante et surtout laRéforme.
En 1847, il regroupe ces articles dans un ouvrage intituléHistoire de l’esclavage pendant ces deux dernières années[15]. Après avoir écrit que « tout le monde est d’accord sur la sainteté du principe de l'abolition », et « que le sort des esclaves n'a pas cessé d'être horrible, atroce, dégradant, infâme, malgré les lois, les ordonnances, les règlements faits pour l'alléger », il conclut le préambule de son ouvrage par : « Le seul, l'unique remède aux maux incalculables de la servitude c'est la liberté. Il est impossible d'introduire l'humanité dans l'esclavage. Il n'existe qu'un moyen d'améliorer réellement le sort des nègres, c'est de prononcer l'émancipation complète et immédiate ».
En 1848, Victor Schœlcher est nommésous-secrétaire d'État à la Marine et aux colonies dans legouvernement provisoire de 1848 par le ministreFrançois Arago. Nommé également président de lacommission d'abolition de l'esclavage, il est l'initiateur dudécret du 27 avril 1848, signé à l'Hôtel de la Marine[16], qui abolit définitivement l'esclavage en France. L'esclavage avait déjà étéaboli en France, pendant laRévolution française le16 pluviôsean II, puis rétabli parNapoléonIer par laloi du 20 mai 1802.

Sa notoriété le conduit à être élu[13]député, à la fois par laMartinique (le,3e et dernier par 19 117 voix sur 20 698 exprimés) et par laGuadeloupe (le,2e sur 3, par 16 038 voix sur 33 734 votants). Il opte pour laMartinique.
En Martinique en 1849, une alliance est conclue entreCyrille Bissette et le békéFrançois Pécoul en vue des élections législatives de juin. Les résultats consacrent l'écrasante victoire du tandem Bissette-Pécoul qui obtiennent respectivement 16 327 voix et 13 482 voix. Victor Schœlcher est battu et ne recueille que 3 617 voix. Il fut élu en, comme représentant de laGuadeloupe à l'Assemblée législative.
D' à, il siège à gauche, en tant que vice-président du groupe de laMontagne. Il intervient en faveur des noirs, demande l'élection des officiers de l'armée jusqu'au grade de capitaine, dépose un amendement demandant que les compagnies de chemins de fer équipent les3e classes de wagons fermés, réclame l'abolition de la peine de mort[17]. Il vote pour le droit au travail, pour l'ensemble de la Constitution, contre l'expédition de Rome, etc.[13]
Lors ducoup d'État du 2 décembre 1851, il est un des députés présents aux côtés d'Alphonse Baudin sur la barricade où celui-ci sera tué. Républicain, il est proscrit durant leSecond Empire par le coup d'État deLouis Napoléon Bonaparte. Il s'exile enAngleterre et y devient un spécialiste de l'œuvre du compositeur de musique sacréeGeorg Friedrich Haendel, rassemble une collection très importante de ses manuscrits et partitions[18] et rédige une de ses premières biographies, mais celle-ci n'est éditée que dans sa traduction anglaise. En 1870, il revient en France à la suite de ladéfaite de Sedan. Il est alors nommé colonel d'état-major de la garde nationale et obtient le commandement de la légion d'artillerie[19].
Après l'abdication deNapoléon III, il est réélu député de la Martinique à l'Assemblée nationale de à. En, en pleine crisecommunaliste, il publie un appel pour que l'assemblée de Versailles choisisse la conciliation plutôt que l'affrontement avecla Commune :

« L'Assemblée, bien qu'elle ait le droit de son côté, ne peut avoir la criminelle pensée, pour le faire prévaloir, d'assiéger la Commune[20]. »
Le, il est élusénateur inamovible par l'Assemblée nationale.
En 1877, Victor Schœlcher dépose une proposition de loi pour interdire la bastonnade dans les bagnes. La commission d'initiatives refuse la proposition, mais les peines corporelles seront abolies en 1880. Sous laTroisième République, legouvernement Ferry promulgue la loi du, dite de « réparation nationale », qui alloue une pension ou rente viagère aux citoyens français victimes ducoup d'État du 2 décembre 1851 et de laLoi de sûreté générale. La Commission générale chargée d'examiner les dossiers, présidée par leMinistre de l'Intérieur, est composée de représentants du ministère, deconseillers d'État, et comprend huit parlementaires, tous d'anciennes victimes : quatre sénateurs (Victor Hugo,Jean Macé,Elzéar Pin, Victor Schœlcher) et quatre députés (Louis Greppo,Noël Madier de Montjau,Martin Nadaud etAlexandre Dethou)[21].
En 1884 et 1885, il tente de s'opposer, sans succès, à l'institution de la relégation des forçats récidivistes en Guyane.Abolitionniste maiscolonialiste, il continue de défendre la colonisation par le bulletin de vote et la scolarisation[22].
À la fin de sa vie, célibataire sans enfant, il donne tout ce qu'il possède ; il fait don notamment d'une collection d'objets auConseil général de la Guadeloupe, aujourd'hui hébergée aumusée Schœlcher.
Victor Schœlcher meurt le à l'âge de 89 ans dans sa maison qu'il loue depuis 1876 au 26 rue d'Argenteuil[23], devenue depuis l'avenue Schœlcher, àHouilles enSeine-et-Oise (aujourd'hui dans lesYvelines).

Enterré à Paris aucimetière du Père-Lachaise, mais non incinéré bien qu'il en ait exprimé le souhait[24], son corps est transféré par décision de l'Assemblée nationale et du président du Conseil de la République,Gaston Monnerville auPanthéon le en même temps que les restes duGuyanaisFélix Éboué (premier noir à y être inhumé) et également ceux de son pèreMarc Schœlcher,porcelainier de son état, car Victor Schœlcher avait exprimé désirer vivement être inhumé à son côté.
« Évoquer Schœlcher, ce n'est pas invoquer un vain fantôme, c'est rappeler à sa vraie fonction un homme dont chaque mot est encore une balle explosive… Schœlcher dépasse l'abolitionnisme et rejoint la lignée de l'homme révolutionnaire : celui qui se situe résolument dans le réel et oriente l'histoire vers sa fin (…) Victor Schœlcher, un des rares souffles d’air pur qui ait soufflé sur une histoire de meurtres, de pillage et d’exactions. »
— Aimé Césaire, extrait de l'introduction deEsclavage et colonisation, recueil de textes de Victor Schœlcher publié par Émile Tersen, Presses universitaires de France, 1948[25].

Le 22 mai 2020, jour de commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique, les deux statues de Victor Schoelcher présentes à Fort-de-France et à Schoelcher sont détruites[31] par des manifestants se proclamant « antibéké et anti-héritage colonial »[32],[33].
Il est reproché au pouvoir français et aux collectivités« de ne célébrer que des hommes blancs, et d’occulter les figures des esclaves qui se sont révoltés »[34] ; et à Schœlcher en particulier, d'avoir permis une indemnisation financière des anciens maîtres blancs, encompensation de l'abolition.
Dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 mars 2021, la tête de la statue de Victor Schoelcher sur la commune duDiamant fut décapitée[35].
« L'an mil huit cent quatre-vingt treize, le vingt-six décembre, à neuf heures du matin, par devant nous Henri Vanin, maire officier de l'état civil de la commune de Houilles, arrondissement de Versailles, département de Seine-et-Oise, ont comparu messieurs Marcel Mar… Joseph, âgé de cinquante-deux ans, inspecteur du contrôle des chemins de fer, et Marcel Gustave, âgé de cinquante cinq ans, propriétaire, adjoint au maire de la commune, tous deux domiciliés à Houilles, voisins du décédé ci-après dénommé, lesquels nous ont déclaré que Schœlcher Victor, sénateur inamovible, âgé de quatre-vingt neuf ans, né à Paris le 4 juillet 1804, fils de Marc et de Jacob Victoire décédés, demeurant à Houilles, avenue d'Argenteuil, est décédé hier, à dix heures du soir à son domicile. Et après nous être assuré du décès, nous avons dressé le présent acte que les déclarants ont signé avec nous après lecture faite. »
— Signé : G. Marcel, Marcel, Vanin.Archives départementales des Yvelines.
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