LeVerseau, ouPorteur d’eau, est uneconstellation duzodiaque traversée par leSoleil du au. Dans l'ordre du zodiaque, la constellation se situe entre leCapricorne à l'ouest et lesPoissons à l'est. Verseau était l’une des48 constellations identifiées parPtolémée.
Elle est parmi lesconstellations les plus vieilles du ciel et se trouve dans une zone souvent appelée la « Mer », à cause de son abondance de constellations aquatiques telles laBaleine, lesPoissons,Éridan, etc. Parfois, le fleuveÉridan est dessiné provenant du pot du Verseau.
Enastrologie, leVerseau est également unsigne duzodiaque correspondant au secteur de 30° de l'écliptique traversé par leSoleil du au. C'est dans ce sens qu'il y sert au repérage des déplacements planétaires.
Nous avons, au départ, mul.GU.LA =Rabû, soit l’étoile du « Grand personnage » pourAlpha Aquarii / α Aqr dans les Listes deNippur, datées de 2112-2004 av. è. c[1]. On lit dans laSérie MUL.APIN, qui est le premier traité d'astronomie mésopotamienne, découvert à Ninive dans la bibliothèque d'Assurbanipal et datant au plus tard de 627 av. è. c. : DIŠ mul.GULA d.é-a mul.NUN.ki d.é-a, ce qui signifie que « l’étoile GULA est celle du dieu Ea », sachant qu’ENKI = Ea est le seigneur de la Sagesse et des Eaux. Mais nous possédons déjà, sur un sceau cylindrique daté vers 2300 av. è. c., l’image de ce dieu tenant deux urnes versant chacune un courant d’eau[2].
ENKI = Ea sur un sceau-cylindre daté vers 2300 av. è. c.
La figure d'Aquarius dans l’édition de 1482 duPoeticon astronomicon d’Hyginus, Venise.
Les Grecs font de cette constellationὙδροχόος, littéralement le « Verseur d’eau », attesté chez Eudoxe[4], mais ils ne manquent pas de l’adapter à leur propre goût mythologique. Ainsi, pourÉratosthène, certains soutiennent qu’il s’agit deGanymède, l’échanson deZeus, le flot qu’il déverse ressemblant au nectar dont il abreuve l'Olympe[5].
Les Latins ont le plus souvent rendu le nom grec de la constellation parAquarius, et ce à partir deCicéron dans sesAratea, c’est-à-dire sa version latine desΦαινόμενα d’Aratos. Mais ils ont aussi, plus rarement, employéHydrochoos, soit sa transcription, et diverses autre appellations, parmi lesquellesUrna etAmphora[6], qui se ressentent d’une influence orientale, sachant la constellation se dit en araméen דולאDawla, « le Vase », influence probablement venue par ce qu’à côté de laSphaera graecana, le philosopheNigidius Figulus, ami deCicéron, nommait laSpheara barbarica, et dont les riches matériaux furent constamment renouvelés par des apports réguliers de sources syriennes et mésopotamiennes[7].
Chez les Arabes, il faut distinguer le ciel traditionnel qui comprend lesmanāzil al-qamar ou « stations lunaires », et ciel gréco-arabe, c’est-à-dire celui que les astronomes classiques ont repris des Grecs auIXe siècle de notre ère.
La figure de الدلوal-Dalw, « le Dalou, le Seau du puits », dans une copie du traité deᶜAbd al-Raḥmān al-Ṣūfī, 1606, Saint-Pétersbourg.Le milieu de la série السعودal-Suᶜūd, « les Propices » dans le ciel arabe (Dessin de Roland Laffitte, 2012).
Quand les Arabes reprirent les constellations grecques, ils rendirentὙδροχόος par ساكب الماء Sākib al-Mā’, « le Verseur d’eau ». Mais ils utilisaient déjà pour11e signe du zodiaque, attesté dans l’horoscope de fondation de la ville de Baghdad en 762, ainsi que nous rapporte l’érudit persanal-Bīrūnī[9], le nom arabe الدلوal-Dalw, « le Dalou », qui est, chez les Arabes, le seau de cuir qui sert à puiser l’eau du puits, nom venu de Babylone par l’araméenDawla, qui est le même mot que l’akkadiendālu, de semblable signification, bien que le nom n’apparaisse pas dans des documents astronomiques ou astrologiques. Si bien que nous rencontrons ces deux noms concurremment dans le ciel des astronomes arabes hérité des Grecs.
Les catalogues contemporains fournissent aussi des noms d’étoiles empruntés aux Arabes dans le cadre du ciel gréco-arabe.
Au Moyen Âge, les clercs latins connaissaient le nomAquarius par les encyclopédies et les quelques manuscrits desAratea, c’est-à-dire les versions latines desΦαινόμενα d’Aratos, à leur disposition, mais ils connurent dès l’an mil le nom arabe de cette figure. Nous lisons ainsi, chez Gérard de Crémone (ca. 1175) : Stallatio Idrudurus… & est Aquarius'[10], qui reprendIsḥāq b. Ḥunayn, lequel écrit : كوكب اذروذوروس وهو الدلوkawkab Iḏrūḏūrūs … wa huwwa al-Dalw[11]. À son époque, on ne lit pas encore le nom grec dans le texte, ce qui n’adviendra qu’à la Renaissance. Et l’on trouve par exemple, dans l’Uranometria deJohann Bayer (1603), une liste de noms connus dans les différentes langues, selon l’usage de l’époque : non seulementὙδροχόος, mais encore en particulierArabibus Edeleu, soit la transcription de l’arabe الدلوal-Dalw, soit le nom de cette figure dans le ciel arabe traditionnel[12]. Ces noms figurent encore dans plusieurs catalogues jusqu’à ce que la nomenclature approuvée en 1930 par l’Union astronomique internationale (UAI) ne chasse définitivement les appellations autres queAquarius, à l’exception du grecὙδροχόος.
La figure d’Aquarius d'après l’Uranographia de Johan Elert Bode, Berlin, 1801.La figure d’Aquarius dans l’Urania's Mirror, Londres, 1824.
Hermann Hunger,Astral science in Mesopotamia, Leiden / Boston (Mass.) / Köln : Brill, 1999,, 303 p.(ISBN90-04-10127-6).
Paul Kunitzsch,Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961 p.,, 125.
Roland Laffitte,Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Geuthner,, 296 p.(ISBN978-2-7053-3865-7).
André Le Bœuffle,Les Noms latins d'astres et de constellations, Paris: Les Belles lettres,, 292+cartes(ISBN978-2-251-32882-9,ISSN1151-826X).
Otto Neugebauer & Richard A. Parker,Egyptian astronomical texts... 3. Decans, planets, constellations and zodiacs, 2 vol., Providence, R. I. : Brown university press / London : L. Humphries, 1969.
Sun Xiachun Sun & Jacob Kistemarker =,The Chinese Sky During the Han, Leiden Köln : Brill,, 240 p.(ISBN90-04-10737-1).
La constellation a été immortalisée dansl’ère du Verseau (Age of Aquarius dans la comédie musicaleHair desannées 1960). Cependant, il semble qu’il n’y ait aucune définition standard pour les « ères astrologiques », censées correspondre à l'entrée dupoint vernal dans laconstellation correspondante. L’ère du Verseau pourrait commencer soit en2150, soit en2660, en fonction de la définition préférée.
L'axe principal du Verseau se situe dans la diagonale Nord-Est / Sud-Ouest dugrand carré de Pégase, côté Sud. La constellation s'étend sur cet axe depuis les pieds de Pégase jusqu'à la tête duCapricorne, marquée par une paire d'étoiles assez brillantes (les cornes du Capricorne,α2 etβ Cap).
Le Verseau peut également se repérer dans l'axe des ailes duCygne, axe qui passe par les pieds dePégase et aboutit côté Sud surFomalhaut duPoisson austral.
Le reste de la constellation s'étend dans l'axe marqué par le côté Ouest du grand carré de Pégase et qui se prolonge vers le Sud jusqu'àFomalhaut, duPoisson austral. On y rencontre successivementλ,τ (plus faible) etδ Aqr (plus brillante).
Le Verseau est une constellation assez grande (il s’agit de la10e du ciel), mais ne présentant finalement que des étoiles moyennement lumineuses. On y découvre cependant deuxnébuleuses planétaires assez remarquables.
Sa partie la plus visible est la « diagonale » marquée par ses étoiles les plus brillantes,α Arq (Sadalmeilk) etβ Aqr (Sadalsuud). C'est cette diagonale qui prolonge legrand carré de Pégase et pointe sur les deux cornes duCapricorne. L'essentiel de la constellation s'étend au Sud-Est de cet axe.
Si les conditions de visibilité sont suffisantes (mag 5), on peut identifier devant la tête du Verseau (α Aqr) unastérisme appelé l’« Urne », qui serait la jarre d’où la constellation verse ses eaux. Cet astérisme a sensiblement la forme d'un triangle équilatéral formé par lesétoilesγ Aqr (Sadalachbiah, à l'Ouest, la plus brillante du groupe),η Aqr (à l'Est), etπ Aqr (au Nord, la plus faible), le triangle étant ponctué parζ Aqr au centre.
Dans l'axePégase -Fomalhaut, quelques petits groupes épars et peu visibles marquent les « gouttes d'eau » répandues par le Verseau.
Malgré son peu d'éclat, le Verseau est au carrefour de deux alignements majeurs :
Le premier est l'alignement dugrand carré de Pégase, qui fait le tour du globe, et qui est un axe de repérage majeur de la voûte céleste. Il passe par le grand carré de Pégase, le long de la diagonale d'Andromède,Algol,Capella,Castor etPollux, puisAlphard (Hydre).
L'autre grand alignement est celui qui part du Verseau, passe par les pieds dePégase, dans l'axe des ailes duCygne, à travers la tête et sur le cœur duDragon, pour aboutir sur la diagonale de laGrande Ourse.
L’étoile la plus brillante de la constellation du Verseau est Sadalsuud (β Aquarii), avec seulement unemagnitude apparente de 2,9. C’est unesupergéante rouge et sa faible brillance relative provient de son éloignement, 612 années-lumière.
Son nom provient d’une expressionarabe Al Sa'd al Su'ud, signifiant littéralement « la plus chanceuse parmi les chanceuses ». Cette désignation d’étoiles « chanceuses » est partagée par deux autres étoiles de la constellation,Sadalmelik etSadalachbiah.
M2 etM72 sont tous deux desamas globulaires, le plus brillant étant M2 d'unemagnitude apparente de 6,5, distinguable avec une paire dejumelles comme une étoile floue. La magnitude apparente de M72 dépasse 9 et il peut être observé dans un petit télescope. Le troisième objet Messier,M73, est en fait unastérisme constitué d'étoiles n'ayant aucun lien physique. Il fut pendant longtemps considéré à tort comme unamas ouvert.
Deux autres objets célestes notables se trouvent dans la constellation: lesnébuleuses planétaires NGC 7009, dite lanébuleuse Saturne, et NGC 7293, dite lanébuleuse de l'Hélice ou de l'œil de Dieu. La nébuleuse Saturne doit son nom à son apparence particulière qui rappelle celle de laplanète du même nom. La nébuleuse de l'Hélice, elle, est l'une des nébuleuses planétaires les plus proches de nous. Leurs magnitudes apparentes sont respectivement de 8 et 7,6 et sont donc aisément distinguables dans un petit télescope.
↑Ératosthène,Le Ciel, mythes et histoires des constellations, Pascal Charvet (dir.), Paris : Nil Éditions, 1998, p. 125.
↑André Le Bœuffle,Les Noms latins d’astres et de constellations, éd. Paris : Les Belles Lettres, 1977, pp. 178-180.
↑Roland Laffitte, « Les Noms sémitiques des signes du zodiaque, de Babylone à Baghdad », Comptes Rendus du GLECS (Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques), t. XXXIV, 2003, pp. 114-117.
↑Roland Laffitte,Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, p. 104.
↑Roland Laffitte,Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 46.
↑Gérard de Crémone,Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 84v.
↑Claudius Ptolemäus, Der Sternkatalog des Almagest. I. Die arabischen Übersetzungen, éd. par Paul Kunitzsch, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1986, p. 241.