Unevasière est unhabitatlittoral,estuarien ou sous-marin ou d'eau douce constitué de matériauxsédimentés fins non sableux. En tant qu'habitat naturel, une vasière correspond à une zone desédimentation naturelle[1], mais il existe des situations plusartificielles (en raison de la construction d'un grand barrage ou d'une régulation du cours d'un fleuve par exemple), qui peuvent offrir des milieux de substitution pour la faune, s'ils ne sont paspollués et s'ils conservent une certainenaturalité dans leur fonctionnement écologique. Elle est ditetidale ou« intertidale » si elle est située entre le niveau haut et bas de la marée.
Les vasières font partie deshabitats d'intérêt européens. Peu spectaculaires, elles sont pourtant importantes dans lecycle du carbone et à l'origine d'une importante productivité biologique, ici sur le littoral de lamer des WaddenSchleswig-Holstein en Allemagne.
Vasières du fleuve côtier dit laPenzé (), en amont del'Estuaire de la Penzé dans labaie de Morlaix (classéZNIEFF, riche en oiseaux avec parfoisAlca torda (Petit pingouin ou Pingouin torda), non loin des vasières deLocquénolé (ornithologiquement importantes) et de larivière de Morlaix qui forment l'autre grande infrastructure naturelle de laTrame bleue dans ce secteur où l'on peut encore observer une soixantaine d'oiseaux plus ou moins inféodés auxzones humides et/ou aux habitats littoraux.
Profil transversal typique d'une vasière arrière littorale (ici sur lefleuve côtier dit la rivière dePenzé).
Ce sont des milieux en forte et rapide régression partout dans le monde[2], mais qui restent mal connus, car ayant longtemps été moins bien cartographiés que d'autres milieux littoraux, bien qu'étant l'un des écosystèmes côtiers les plus vastes et très important en termes de services écosystémiques[3]. Fin 2018, une cartographie en haute résolution, basée sur plus de 700 000 images satellites, a précisé leur étendue et leur évolution récente (1984-2016, soit33 ans, le temps d'une génération humaine)[2]. Certainsestrans, en Extrême-Orient, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord ont fait l'objet de suivis sur plusieurs décennies : il est apparu qu'environ 16 % (entre 15,62 et 16,47 %) de surface ont été perdus entre 1984 et 2016[2].
C'est l'habitat privilégié de certaines espèces et une zone de ponte et de refuge pour de nombreuseslarves etalevins. Unbiofilm se forme à l'interface vase/eau ou vase/air. Une partie des organismes qui forment ce biofilm et une partie des organismes microscopiques qui s'en nourrissent servent de nourriture à de nombreux invertébrés, alevins ou mollusques filtreurs, faisant des vasières des estuaires desnourriceries de première importance[4], par exemple pour lebar commun(Dicentrarchus labrax)[4].
Les vasières sont des interfaces écologiques (desécotones) très particulières. Selon les cas (teneur enmatière organique de la vase,turbidité et température de l'eau…) et selon leszones biogéographiques concernées quand elles sont immergées ou émergées, elles consomment ou produisent une quantité plus ou moins importante d'oxygène et fixent une quantité plus ou moins grande de carbone (puits de carbone)[5]. Par exemple, les vasières intertidales dubassin de Marennes-Oléron) enCharente-Maritime au début des années 1990, en fin d'hiver consommaient et produisaient plus d'oxygène en phase émergée, avec en termes de bilan une production potentielle presque doublée (de 115 à 221 mg d'oxygène par mètre carré et par heure)[5]. La quantité d'oxygène consommée par lebenthos ne représentait alors que 3 % de la production par lemicrophytobenthos, avec une teneur en chlorophylle de + 40 % dès la cinquième heure d'émersion[5]. Malgré l'absence de flore visible (hormis dans le cas des mangroves), la productionphotosynthétique d'une vasière peut être très élevée ; Les caractéristiques photsynthétiques des vasières et de leur microphyrobenthos varient cependant fortement selon la saison, l'heure, la marée, l'ensoleillement, et le contexteécopaysager[6]. Certaines algues ou bactéries photosynthétiques semblent capables de migrer verticalement dans le sédiment, en contribuant à l'oxygéner« au-dessous de la zone photique » via labioturbation[6].
Les vasières littorales peuvent être fixées par desmangroves ou dues à la conjonction de configurations particulières de courants et du trait de côte. Elles constituent une source importante de nourriture pour des oiseaux d'eau spécialisés,canards oulimicoles (souvent caractérisés par un long bec leur permettant d'aller chercher desinvertébrés dans la vase).
Plus la vasière est proche de la mer, plus lesel de mer y joue un rôle de sélection vis-à-vis de la faune et de la flore[1].
Croquis général d'une vasière, montrant la tripartition typique en zonesupralittorale,intertidale etsubtidale. Dans le cas présenté, la vasière est protégé vers la mer par unbanc de sable, mais dans de nombreux cas (vagues de faible énergie etcourants littoraux), les vasières peuvent communiquer directement avec un milieu marin peu profond. Le caractère le plus apparent de la zone est le développement des canaux de marée affectant principalement lazone intertidale.
On distingue
les vasières d'accumulation sous-marine de matériauxpélitiques (les vasières au large) ;
les vasières de la frange littorale (sur l’estran) ou wadden[7], composés d'uneslikke et d'unschorre;
les vasières d'estuaires ou de l'aval de fleuves, subdivisées en vasière nue, ou slikke, en aval et schorre en amont, dans les estuaires.
La slikke est la partie recouverte à chaquemarée, surtout composée de vase molle, lisse et non végétalisée. Elle abrite unefaune composée d'espèces bivalves (palourdes,coques…) et de petitsgastéropodes brouteurs appréciés des oiseaux limicoles.
Le schorre est la partie haute et plus souvent émergée, mais exposée auxembruns et couverte aux grandes marées. Le schorre est couvert de planteshalophiles (supportant le sel), lasoude et l'aster dans sa partie basse, lasalicorne, laspartine, et lalavande de mer (limonium) en partie moyenne et des prés salés ou une végétation buissonnante dans sa partie haute.
Matériaux On distingue :
Lavase qui est un sédiment meuble à élémentsdétritiques très fins, dite« bri » sur le littoral atlantique. Ultime produit de l'érosion fluviale et marine, les particules vaseuses sont ainsi constituées de débris très fins de quartz, de mica et de feldspath, d'argile. Lorsque ces particules comprennent encore des sables (érosion incomplète), les géologues parlent de dépôt argilo-sableux.
Latangue qui est un sédiment gris bleuté, plus épais et plus riche en calcaire que la vase (Le calcaire en constitue parfois jusqu'à 60 % du poids du sédiment sec). Elle est abondamment déposée sur les côtes de laManche.
Les vasières littorales sont - selon les cas - en progression ou plus souvent en régression (80 % des vasières auraient disparu auXXe siècle en France) presque partout dans le monde, à cause respectivement de l'augmentation de l'érosion du trait de côte et de l'érosion des continents, et à cause de l'extension desports et de l'activité portuaire ou des curages faits pour permettre la circulation des navires.
Lesmarées vertes peuvent être cause de dégradation des vasières, avec en cas d'accumulation d'épais tapis d'algues des émissions degaz carbonique, deméthane (puissantgaz à effet de serre) voire d'sulfure d'hydrogène (H2S, hautement toxique), avec alors un risque d'empoisonnement pour de nombreux animaux venant s'y nourrir, y compris des animaux terrestres comme les sangliers qui viennent volontiers manger sur leslaisses de mer.
En France, les vasières les plus importantes sont enbaie du mont Saint-Michel, enbaie d'Audierne et dans legolfe du Morbihan. De nombreux estuaires abritent des vasières plus ou moins importantes ou écologiquement variées. Elles sont pour la plupart alimentées par des cours d'eau et donc potentiellement soumises à des apports d'eutrophisants et de polluants divers dont métaux lourds, perturbateurs endocriniens, résidus de médicaments et surtoutpesticides lessivés par les pluies sur les sols agricoles du bassin versant ou ayant rejoint les cours d'eau après avoir été solubilisée dans l'air par les pluies.
En raison de leur vulnérabilité (marées noires, échouages, pression de chasse, dérangement, proximité de raffineries ou de prots, fragilité des milieux…) et de leur importance écologique, et conformément à plusieursdirectives européennes plusieurs estuaires et leurs vasières font (en partie) l'objet de protections réglementaires fortes dont le classement en réserve naturelle, avec par exemple laRéserve naturelle nationale de l'estuaire de la Seine.Le défi est alors souvent double : contribuer à physiquement et juridiquement protéger l'existant, voire à larenaturation du site s'il a été dégradé, pour se rapprocher d'un étatdynamique proche de lapotentialité écologique du site. Ceci implique de maintenir toutes les fonctionnalités biologiques[8]
Dans les bassins portuaires, la vase est en grande partie formée dedéchets suspendus ou agrégés, plus ou moins riches ensable ou calcaire selon les cas. Lesédiment est onctueux, jamais uniforme, souvent travaillé par desmicro-organismes, contenant à l’occasion deshydrocarbures, de l'azote, duphosphore, desmétaux lourds et plus ou moins noirci par l'anoxie et l'accumulation dematières organiques.La vase de mer ou d'estuaires peut perturber lacirculation maritime, justifiant la création et l'entretien dechenaux balisés.
Tous lesports sont concernés, petits ou grands, surtout lesarsenaux, par la formation de sédiments contaminés, ou par l'émission de polluants qui peuvent en aval contaminer des vasières. Outre l’érosion côtière naturelle, le trafic maritime favorise la remobilisation, la dispersion puis la réaccumulation desédiments. Chaque jour, de coûteuses opérations dedragage libèrent l’accès des voies de navigation. Leclapage consiste ensuite à déporter lesboues pour les rejeter en eaux profondes sans que l’on sache vraiment comment cohabitent les déchets portuaires et l’écosystème marin. Comme les lieux de clapage sont parfois distants des zones dedragage, ou que les sédiments sont souvent trop pollués, le stockage à terre est parfois pratiqué, voire imposé par la réglementation. Mobilisant des surfaces impressionnantes, il n’est pas sans risque écologique si les déchets ne sont passanctuarisés, inertés ou soigneusement confinés dans descaissons étanches. Dans un cas comme dans l’autre, la solution retenue ne s’accorde pas avec l’idée de "port propre" notamment promue par l'associationEcoport.
Aujourd’hui, les opérations de traitement de vases de mer sont rares et ne concernent que de faibles volumes, principalement des « sédiments contaminés ».Une fois décontaminés, laissés à l’abandon ou clapés, ces derniers ne sont pas valorisés.
Comme partout dans le monde, lesressources minérales sont en voie de pénurie, notamment, les matériaux alluvionnaires, riche engranulats.
↑ab etcGouleu D. ; Blanchard G. ; Cariou-Le gall V. (1994),Production potentielle et consommation d'oxygène sur une vasière intertidale au cours d'une émersion = Oxygen production and consumption on an intertidal mudflat during emergion ; Revue Vie et milieu ;(ISSN0240-8759) ; vol. 44, no2,p. 109-115 (résumé avec Inist/CNRS). Les auteurs travaillaient au CNRS et à IFREMER
↑a etbG Blanchard (1994)Caractéristiques photosynthétiques du microphytobenthos d'une vasière intertidale ; Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 3…, (résumé avec cat.inist.fr
↑J.M. Jouanneau, O. Weber, C. Latouche, J.P. Vernet et J. Dominik (1989),Erosion, non-deposition and sedimentary processes through a sedimentological and radioisotopic study of surficial deposits from the “Ouest-Gironde vasière” (Bay of Biscay) ; Continental Shelf Research ; Volume 9, Issue 4, April 1989, Pages 325–342 ;DOI10.1016/0278-4343(89)90037-X (résumé)