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Valentin Feldman (en russe, Валенти́н Фе́льдман), né le àSaint-Pétersbourg, dans l'Empire russe, et mort fusillé le(à 33 ans) auMont-Valérien, enFrance, est un philosophe français spécialiste d'esthétique et un résistant de laSeconde Guerre mondiale.
Enfant unique d'une famillejuivelaïque, Valentin Feldman grandit dans un milieubourgeois aisé deSaint-Pétersbourg où travaille son père. Celui-ci disparaît en juin 1916 dans le naufrage duMercure, coulé enmer Noire par unsous-marinallemand. Ils s’installent à Kherson, auprès de la famille de sa mère Esther[1]. Valentin vit désormais seul avec sa mère, qui assure la survie du foyer en donnant des leçons depiano. Ensemble, ils subissent l'enchaînement meurtrier des opérations militaires, des épidémies et de la famine accompagnant la guerre civile russe des années 1918 à 1922. En juin de cette année, ils quittent laRussie soviétique pour s'installer enFrance[1].
Vivant àParis, Valentin Feldman est scolarisé aulycée Henri-IV[2], où il se lie notamment d'amitié avecMaurice Schumann etSimone Weil, en compagnie desquels il assiste aux cours duphilosopheAlain. En 1927, à l'issue de l'année de terminale, il décroche le premier prix de philosophie auconcours général[2]. Il devanceClaude Jamet dans un palmarès où figurent par ailleursGeorges Pompidou, Louis Poirier (futurJulien Gracq) etMaurice Schumann.
Valentin Feldman poursuit ses études de philosophie à laSorbonne, où il devient l'élève et le disciple deVictor Basch[3]. C'est ce dernier qui l'oriente vers des études ayant trait à l'esthétique. Étudiant brillant, il échoue toutefois à plusieurs reprises à l'agrégation, à cause de sa méconnaissance dugrec et du zéro éliminatoire qui en découle, si bien qu'il lui faut attendre 1939 pour obtenir le concours. Ses études puis ses échecs répétés à l'agrégation ont eu pour conséquence inattendue de le voir se lier d'amitié avec de nombreux jeunesintellectuels ayant pour noms, outre ceux précédemment cités,Ferdinand Alquié,Simone de Beauvoir,Pierre Hervé,Claude Lévi-Strauss,Jean Marcenac,Jean-Paul Sartre,Jacques Soustelle,Jean-Pierre Vernant,André Weil-Curiel ou encoreRené Zazzo.
Valentin Feldman obtient lanationalité française au début de l'année 1931[2].
Après avoir consacré unDES au philosophe matérialiste des LumièresPaul Henri Thiry d'Holbach, Valentin Feldman reçoit la commande de rédiger une synthèse sur l'état de la connaissance esthétique en France. En 1936, paraît chezFélix Alcan le seul essai publié de son vivant,L'Esthétique française contemporaine, dans la collection « Nouvelle Encyclopédie philosophique », dirigée par le philosopheHenri Delacroix. Depuis 1929, il collabore à laRevue de synthèse historique, puis à laRevue de synthèse qui lui fait suite, et devient responsable-adjoint de la section de synthèse historique au Centre international de synthèse dirigé parHenri Berr. Il rédige des articles, ainsi que de nombreux comptes rendus de lecture, dont plusieurs portent sur les essais deGaston Bachelard, avec qui il noue une relation suivie. Il collabore aussi auxAnnales sociologiques et auJournal de psychologie.
À la veille de la guerre, ses recherches portent sur la laideur et le fantastique. Valentin Feldman envisage même de consacrer une thèse à l'« esthétique du laid », que ses échecs répétés à l'agrégation puis la guerre empêchent de voir se concrétiser.
Sur le plan politique, Valentin Feldman a milité à l'Union fédérale des étudiants (UFE) durant ses études universitaires, mais hésite longuement entre socialisme et communisme. Il participe à l'été 1930 aux toutes premières rencontres du Sohlberg, organisées en Allemagne parOtto Abetz. Par la suite, il intègre le Cercle Russie Neuve, proche de l'URSS, et y côtoieGeorges Politzer. Mais c'est finalement à la5e Fédération de laSFIO de la Seine, dirigée parJean Zyromski, qu'il choisit d'adhérer. Soutien actif duFront populaire, il rejoint à l'été 1936 le Comité d'action socialiste pour l'Espagne (CASPE) qui soutient laRépublique espagnole en guerre. C'est en 1937 qu'il franchit le pas de l'adhésion auPCF, alors qu'il est rédacteur àClarté, « revue du Comité mondial contre la guerre et le fascisme », et qu'il vient de traduire en français le roman de l'écrivain soviétiqueNicolas Ostrovski,Et l'acier fut trempé…, un « roman culte des bolcheviques »[3], pour le compte desÉditions sociales internationales.
Il fait l'apologie de l’URSS, y compris dans les revues universitaires comme laRevue de synthèse[3]. Défenseur acharné de l’URSS, Valentin Feldman est un « stalinien sans états d’âme », dédicaçant un ouvrage à Maurice Thorez « avec son salut bolchevik »[3].
Nommé enseignant àFécamp (Seine-Maritime - alors Seine-Inférieure), il milite activement dans la section communiste locale[1]. Il adhère après Munich à l'Union des intellectuels français pour la justice, la liberté et la paix (UDIF) et vient en aide aux réfugiés espagnols de la guerre civile.
Bouleversé par l'annonce dupacte germano-soviétique d', il décide de partir volontairement aux armées, alors qu'il bénéficie d'une réforme pour une maladie de cœur[2]. Il est affecté dans une compagnie hippomobile àRethel (Ardennes), où il entame en la rédaction de ce qui devient sonJournal de guerre (1940-1941).
Surpris par l'attaque allemande du, il subit avec son unité de nombreuses attaques aériennes et manque d'être tué lors du bombardement deToucy (Yonne), le. Pour sa conduite au feu, il obtient laCroix de guerre.
Nommé en àDieppe (Seine-Inférieure), Valentin Feldman reste de longs mois sous la menace d'une révocation en vertu dustatut des juifs. Sa distinction militaire lui offre une dérogation, mais il doit se faire recenser. Parmi les élèves de sa classe de philosophie figure le futur historien du cinémaPierre Billard.
En, la promulgation dusecond statut des juifs scelle son destin. Quelques semaines plus tard, sa révocation, signée de la main même du ministre de l’Éducation nationale,Jérôme Carcopino, l'exclut de l'enseignement. Il exerce encore jusqu'à l'automne 1941 au cours libre deLuneray, au sud deDieppe.
Il divorce également à la même époque de sa femme — non juive — pour soustraire sa fille unique qui se cache enzone non-occupée à d'éventuelles persécutions.
Peu après sa nomination à Dieppe à la fin de 1940, Valentin Feldman effectue des missions de liaison entre Dieppe,Rouen et Paris, comme membre de l'Organisation spéciale (OS)[1]. La direction régionale duPCF, sous la direction d'André Pican, lui confie la tâche de rédiger des tracts, puis un journal clandestin pour la région dieppoise,L'Avenir normand, en compagnie de l'institutrice Marie-Thérèse Lefebvre. Il donne également des textes (aujourd'hui perdus) àLa Vérité clandestine de Rouen et collabore enfin aux deux numéros deLa Pensée libre clandestine, animée parGeorges Politzer,Jacques Decour etJacques Solomon.
S'engageant dans des actions directes après la rupture dupacte germano-soviétique[3], il entre dans la clandestinité à l'automne 1941 et rejoint les groupes de combat de le l'OS de Rouen, dirigés par Michel Muzard etMadeleine Dissoubray. Il participe à plusieurs opérations, comme des inscriptions sur des murs, l'envoi d'un pavé dans la vitrine d'un commerçant collaborationniste[1].
Arrêté en, après un sabotage à la Compagnie des métaux deDéville-lès-Rouen, Valentin Feldman est incarcéré à la prisonBonne-Nouvelle, où il est mis au secret. Il est suspecté sans preuve d’avoir participé à une action armée[3].
Transféré à Paris, il est jugé par un tribunal militaire allemand et condamné à mort le. Les tentatives mises en œuvre pour le sauver — notamment parRené Zazzo — n'aboutissent pas, d'autant que le philosophe a refusé de signer sa demande de grâce[4].
Le, il est fusillé à laforteresse du Mont-Valérien. S'adressant aux soldats allemands du peloton d'exécution, il leur lance ces mots qui lui sont attribués à titre posthume[3] :
« Imbéciles, c'est pour vous que je meurs ![5] »
Sa dépouille est inhumée aucimetière d'Ivry-sur-Seine.
Valentin Feldman est homologuéFTP - groupe Musée de l'Homme et la mentionMort pour la France lui est attribuée par le Secrétariat général aux Anciens Combattants en date du[6].
Les communistes ont fait de Valentin Feldman un héros, dès le début 1944, en le nommant parmi les intellectuels exemplaires dans lesCahiers du communisme. Dans les années d’après-guerre, son nom est régulièrement cité dans les hommages émanant des intellectuels du Parti communiste français (PCF)[1].
À partir de 1948, son nom apparaît sur les murs du Panthéon aux côtés des écrivains morts pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale[1].
Trop brève, l'œuvre philosophique de Valentin Feldman n'a pas rencontré une postérité importante, quoique l'un de ses lecteurs les plus attentifs ait été le peintreRené Magritte qui écrit à un proche :
« L'Esthétique française contemporaine par Feldman […] est le premier livre traitant l'esthétique sérieusement qu'il m'arrive de lire[7]. »
De même, il existe une traduction italienne de l'ouvrage datée de 1945, qui illustre la résonance, limitée mais réelle, des travaux de Feldman à l'étranger. Il faut cependant attendre 2006 pour que ses écrits soient redécouverts sous un nouvel angle avec la parution duJournal de guerre (1940-1941) contenant d'importants développements sur l'esthétique ou la morale.
Les derniers mots prononcés par le philosophe au moment de mourir ont fortement marqué ses contemporains. À tel point qu'ils ont été repris par de nombreux intellectuels parmi lesquelsLouis Aragon[8],José Corti,Paul Eluard,Louis Parrot,Claude Roy,Jean-Paul Sartre[9],Maurice Schumann ouVercors.
Des dirigeants politiques communistes commeMaurice Thorez ouCharles Tillon les ont également cités. En parallèle,Jean Marcenac a évoqué la figure de Valentin Feldman dans plusieurs de ses poèmes.
En 1988, le cinéasteJean-Luc Godard consacre un court-métrage aux dernières paroles du philosophe,Le Dernier Mot (12 min). Godard citera encore Feldman dans ses deux versions, papier[10] et film, de son/sesHistoire(s) du cinéma (1998).
Le nom de Valentin Feldman apparaît sur plusieurs monuments :