Profès de l’ordre de Saint-Benoît, commeBenoîtXII etClément VI, il est rapidement chargé des plus prestigieuses abbayes bénédictines deFrance et deProvence. Mais là s’arrête le parallèle avec ses devanciers. Niévêque, nicardinal, il n’a jamais entretenu de relations suivies avec laCurie. Il reste donc totalement étranger aux querelles de clans duSacré collège. De plus, sa carrière ne doit rien à l’administration royale française et ses missions diplomatiques l’ont rendu très proche de l’Italie, proximité qui entraîne une tentative avortée de retour de la papauté versRome.
Guillaume Grimoard fut baptisé en 1310, avec pour parrainElzéar de Sabran,comte d’Ariano et régent duroyaume de Naples, dont il proclama lui-même la sainteté le[5]. Elzéar était le parent deson épouse Amphonsie de Sabran[Qui ?]dont il eut une fille Marguerite de Grimoard[réf. nécessaire]. En effet, à la suite duGrand Dictionnaire historique deLouis Moréri, il a longtemps été établi qu'Elzéar de Sabran et Amphélise de Montferrant étaient frère et sœur[6]. Dans sesRecherches sur la famille de Grimoard et ses possessions territoriales[7], l'abbéJoseph Hyacinthe Albanès remet ce lien en cause. Il semble que les familles de Sabran et de Montferrand (mais aussi Grimoard) soient parentes et alliées sur plusieurs générations, sans pour autant qu'Elzéar de Sabran et Amphélise de Montferrand soient frère et sœur ou cousins de premier degré[6]. La tradition rapporte un miracle accompli par Elzéar de Sabran lors de ce baptême. Le petit Guillaume serait né difforme[8]. C'est par la prière que le parrain aurait redonné à l'enfant le visage d'un bébé normal[9].
Élève brillant, Guillaume Grimoard quitta le domicile familial vers l'âge de douze ans pour aller étudier àMontpellier. Sa mère lui dit alors[10] : « Mon fils, je ne te comprends pas, mais Dieu, lui, te comprend ». Trop jeune pour entrer directement à l'université, il fit ses premières études au monastère clunisien de Saint-Pierre-de-Clunezet[11]. Il y resta peut-être deux ans avant de poursuivre ses études en droit àToulouse[12]. Il y serait resté quatre ans, pour obtenir son titre de bachelier en droit civil[12].
Après des études de droit, il entra vers 1327[13] dans l'ordre desbénédictins au prieuré duMonastère Saint-Sauveur-de-Chirac (qui devint plus tardLe Monastier)[14], où son oncle maternel Anglic de Montferrand — probablement le parrain de son jeune frère — était prieur. Ce monastère, à quelques lieues de Mende, près des bourgs deChirac et deMarvejols dépendait de la congrégation victorine deMarseille. Son noviciat achevé, il se rendit à Marseille, où il fit saprofession monastique. Durant sa formation, entre Chirac et Marseille, il acheva sa formation universitaire[15]. Il reçoit également, en 1329, son premier bénéfice ecclésiastique, du prieuré de Saint-Mau dans lediocèse d'Auch[15]. Il retourna au Monastier où il reçut l'ordination sacerdotale en 1334[16],[15].
Il devint docteurès domès (droit canon) en 1342 après une soutenance tenue en l'égliseNotre-Dame des Tables deMontpellier[14],[17]. Il obtint, par la mêmeune chaire à l'Université de Montpellier, où il enseigna et devint un spécialiste renommé du droit. Il se trouvait toujours dans cette ville lorsque se propagea la terriblepeste noire de 1348[18]. Cette épidémie causa la mort de6 cardinaux, et93 membres de la curie, alors àAvignon. Il semble que le professeur Grimoard a quitté Montpellier durant l'épidémie[18]. Il continua alors sa carrière d'enseignant, sans que l'on ne sache précisément les dates ou les lieux, peut-être à Toulouse, et certainement à Paris[19] etAvignon[20].
LaGallia Christiana nous apprend quePierre d'Aigrefeuille venant d'être nommé évêque deClermont (1349), le prit comme vicaire général. Une fois transféré àUzès, l'évêque garda Guillaume Grimoard à ses côtés. Les traces de ce vicariat sont inexistantes, mais elles démontreraient du lien étroit déjà établi entre les Grimoard et les Aigrefeuille[21].
Demeuré moine noir mais rattaché àCluny, il fut nommé prieur au diocèse d'Auxerre le, le papeClément VI le plaçant à la tête de l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre[22]. C'est durant ses premières années à la tête de l'abbaye qu'il reçoit ses premières missions en tant que légat du pape. Il semble qu'il avait nommé son frèreAnglic vicaire général de l'abbaye, pour la gérer durant ses absences[22].
Le papeInnocent VI, qui lui avait souvent confié des missions de légat, le nomma abbé deSaint-Victor, la prestigieuse abbaye marseillaise, le, après le décès d'Étienne de Clapier[23]. Dans toutes ses charges, il était dit « moult sainct homme et de belle vie, grand clerc et qui moult avait travaillé pour l’Église[24] ».
Giovanni Visconti, imprudemment nommé archevêque deMilan par Clément VI, voulait se rendre maître deBologne. Après une campagne militaire qui se solda par la défaite des armées pontificales, le pape fit appel à Guillaume Grimoard qu'il chargea des négociations. Le il prit au nom du pape possession de Bologne pour la céder ensuite à Visconti contre un paiement annuel. Guillaume Grimoard se vit confier une mission analogue par Innocent VI auprès deBarnabé Visconti, le neveu de Giovanni.
Moins d'un an après sa nomination à la tête de Saint-Victor, le, il reçut mandat du pape de se rendre àNaples de toute urgence. En effet le princeLouis de Tarente, second époux de la reineJeanne, comtesse de Provence, venait de mourir. Le pape lui demandait de se rendre auprès d'elle pour porter à la veuve de trente-six ans ses instructions. Le il prit le chemin de l'Italie.
Innocent VI s'éteignit le. Après une neuvaine en l’honneur du pontife défunt, pour procéder à sa succession leconclave ouvrit ses assises le[25]. Au premier tour, avec une majorité de quinze voix, le cardinalHugues Roger fut élu. Mais le frère deClément VI refusa cette charge. Le second tour vit alors onze voix se porter surRaymond de Canillac, autre illustre membre du clan des Roger de Beaufort[26]. C’était insuffisant[N 5].
Le choix d'un prélat étranger au Sacré Collège s'imposa, et le 28 septembre Guillaume Grimoard fut élu. Sa candidature avait été proposée et soutenue par le cardinalGuillaume d’Aigrefeuille, sur les conseils de son frèrePierre, l’évêque d’Uzès[N 6]. Pour l'avertir, àNaples, des courriers partirent dans le plus grand secret de peur que les Italiens ne le retiennent.
L'abbé de Saint-Victor prit immédiatement la mer, arriva à Marseille le 27 octobre, et rejoignit seul Avignon, où il arriva alors que laDurance et leRhône étaient en crue[N 7]. Il fut d'abord consacré évêque car il était simplement prêtre, puis couronné pape le 6 novembre, dans la chapelle du Palais Vieux, par Étienne-Audouin Aubert, cardinal d’Ostie et neveu du pontife défunt[27].
Il choisit alors le nom d'Urbain, qui vient du latinurbanus, autrement dit "de la ville". Il a très tôt été employé comme nom de personne, et Guillaume Grimoard le prit comme patronyme pontifical car, expliqua-t-il, « Tous les papes qui ont porté ce nom ont été des saints »[28].
Six jours plus tard, le souverain pontife nomma son frère Anglic, vicaire général du diocèse d’Avignon[29], etAymar d'Aigrefeuille devint maréchal de la Cour pontificale.
Il est considéré comme le premier des papeshumanistes et fut particulièrement attaché à la nature, il aurait déclaré à son arrivée aupalais des papes : « Mais je n'ai même pas un bout de jardin pour voir grandir quelques fruitiers, manger ma salade et cueillir un raisin[30] ». Ce fut peut-être à la suite de cette phrase, ou de son manque de jardins tels qu'il les avait connus dans sesCévennes natales, qu'il entreprit durant son pontificat de coûteux travaux d'extension des jardins[31]. Celui qui jouxtait le palais des papes d'Avignon est toujours nommé « Jardin d'Urbain V[32] ».
Le roi Jean était venu d’abord solliciter le Souverain Pontife pour l’aider à payer sa rançon et ensuite l’entretenir de son désir d’unir son filsPhilippe le Hardi à lareine Jeanne. Si le pape acceptait d’ouvrir les caisses de la « Révérende Chambre Apostolique », il lui fit savoir que la souveraine de Naples était déjà promise mais qu’il allait plaider en faveur du jeune duc de Bourgogne[N 9]. Le roi de France décida alors de séjourner jusqu’au printemps sur les bords duRhône. Il passa son temps entre Villeneuve-lès-Avignon, où il fit commencer la construction du fort Saint-André[N 10], son château deRoquemaure et la cité des papes.
Le Saint Père notifia officiellement que le 16 mai dernier,Jacques IV de Majorque avait débarqué à Naples à la tête d’une flottille de sept galères et que son mariage avec la souveraine avait été officiellement célébré[N 17]. Puis averti que lesGrandes Compagnies descendaient en masse vers leLanguedoc par la vallée du Rhône, le 25 mai, il lança un vibrant appel à leurs capitaines afin qu’ils se croisent. L’échec fut total et le pape les excommunia[N 18].
Entretemps le pape eut à régler un conflit entreGaston Fébus, comte de Foix, etJeanIer, comte d’Armagnac, qui se disputaient la suprématie féodale dans le sud de la France. Dès le, il écrivit aux deux comtes pour leur demander d’accepter la médiation de son légatPierre de Clermont, l'évêque de Cambrai, qu’il leur envoyait. Ce fut lettre morte, puisque le 5 décembre, en milieu d’après-midi, leurs troupes s’affrontèrent àLaunac, au nord-ouest deToulouse, aux limites des comtés de Fezensaguet et de L’Isle Jourdain, loin des domaines respectifs des deux comtes. Ce fut Gaston de Foix qui remporta la victoire et fit prisonnier son rival.
L’appel à se croiser lancé conjointement par le pape et le roi de France avait motivé quelques monarques de la chrétienté. Le premier à répondre futValdemarIV Atterdag, roi duDanemark[38]. Le second futPierreIer de Lusignan[39], roi deChypre. À la mi-, il quittaGênes et se dirigea vers Avignon en passant par la route du front de mer. Il arriva dans la cité des papes le[N 19].
À l’approche de l’hiver, on parlait toujours du « saint voyage » quand Jean II apprit que son fils Louis, prisonnier sur parole des Anglais àCalais, avait fui. Il dut quitter de toute urgence l’Hôtel du Dauphin à Villeneuve-lès-Avignon. Le 14 novembre, le roi de France fit étape dans la ville duSaint-Esprit et regagna les pays de langue d’Oïl.
Le une vague de froid s’abattit sur tout le pays[N 24]. Jean le Bon fut surpris par ce froid glacial àAmiens où il avait réuni les États Généraux de langue d’Oïl[N 25]. À leur clôture, le roi annonça qu’il allait retourner en Angleterre se constituer prisonnier en lieu et place de son fils Louis[N 26].
Le port égyptien fut pris le[N 29] et ses installations portuaires consciencieusement pillées durant une semaine[39]. Ce que ne savait pas Urbain V qui, le 15 octobre, écrit àMarco Cornaro, le doge de la Sérénissime. Dans sa lettre, il se plaignit des difficultés qu’éprouvaient les croisés pour se rendre de Venise à Chypre ou Rhodes.
An de grâce 1364 : froid, criquets, peste, routiers et Charles le Mauvais
Les mois de janvier, février et mars 1364 furent extrêmement froids. Le Rhône fut pris par la glace[41] et les charrettes pouvaient le traverser. Ces grandes gelées, qui détruisirent oliviers et vignes, compromirent toute récolte d’olives et devin. L’été fut marqué par un événement inattendu dans la région d’Arles et d’Avignon. Dès la fin juillet, lesirocco apporta une nuée desauterelles en Provence et en Italie. Le nuage était si grand que le ciel en fut obscurci et que les insectes dévastèrent les céréales et les vignes[N 30].
Et à la fin août, il y eut lapeste à Avignon. Fuyant le « mal contagieux » qui ravageait la cité papale, Urbain V se réfugia àCarpentras. Pour accélérer les travaux de fortifications de la ville, il fit donner jusqu’à cinq sous par jour aux ouvriers qui travaillaient sur les remparts. Le Comtat Venaissin n’était pas seul menacé par lesGrandes Compagnies. Le, au nom d’Urbain V, Philippe de Cabassolle, patriarche de Jérusalem, adressa une lettre à l’official deSisteron et au prieur des dominicains de la Baume, les informant des exactions commises par les routiers. Le pape ordonna aux ecclésiastiques de contribuer aux charges nécessaires à la défense du pays.
Ce fut après le passage des criquets qu’Anglic Grimoard et Jean Pellegrin, le jardinier pontifical, firent planter une immense « muscadière », aux portes d’Avignon, à Champfleury, sur l’emplacement du cimetière des pestiférés de 1348. Le pape ne jugea pas cela suffisant. Il fallait pourvoir immédiatement à l’approvisionnement du palais épiscopal de son frère.
Au début de l’année 1365, Anglic Grimoard donna procuration à Isnard Garin et à Sicard du Fresne pour modifier le privilège de l’évêque d’Avignon et de son Église sur la « Vinea Vespalis ». Le, Sicard du Fresne, en tant que procureur épiscopal, désigna trois juifs pour estimer ce vignoble. Enfin le, par bulle, le pape autorisa son frère à exempter ses feudataires des charges de la « Vinea Vespalis ». Pour résumer, le Souverain Pontife avait dépossédé de ses vignes le chapitre canonial d’Avignon pour les octroyer à son frère cadet[42].
Le 23 mai, Charles de Luxembourg s’arrêta àMontélimar, et arriva à Avignon le lendemain de l’Ascension[44]. Il était escorté par Guillaume de Melun, archevêque de Sens,Pierre Aycelin de Montaigut, évêque de Nevers,Guillaume de Dormans, chancelier duDauphiné, et Bertrand de Loupy[45], gouverneur de la même province.
L’empereur etPhilippe le Hardi proposaient au pape que les Grandes Compagnies, qui s’étaient installées dans la vallée du Rhône et menaçaient Avignon, soient dirigées vers laHongrie, sous la conduite de l’ArchiprêtreArnaud de Cervole, pour soutenir la lutte de Louis Ier contre l’envahisseur turc[N 33]. Le pape accueillit avec enthousiasme cette proposition. L’empereur s’installa avec sa suite dans Tour Campane.
On note une élévation significative des dépenses de bouche pour recevoir l'empereur à Avignon. Raymond André, un officier chargé des achats de la cuisine, dépense du 22 au,837 livres, alors que ce poste oscillait entre 74 et73 livres les semaines précédentes. Les comptes indiquent que cette somme fut consacrée à l'achat de4 bœufs,9 veaux,39 moutons,49 chevreaux,139 brochets,82 barbues,116 carpes,16 tanches. Ces vivres complétaient les provisions faites le mois précédent en prévision de la visite impériale. Avaient été stockés21 bœufs gras,177 moutons,100 chevreaux,28 oies,54 chapons et300 poules vivantes. S'y ajoutaient un lot de poissons vivants en provenance du Lyonnais, convoyé dans un bateau par Étienne Faget, chanoine de Saint-Dié[46].
La boisson ne fut pas en reste. Pour la venue de Charles IV, l'un des bouteillers du pape, Barthélémy Maderne, se rendit àPont-de-Sorgue le pour acheter du vin. Les comptes que furent consommés29 tonneaux de vin ordinaire et5 tonneaux de vin de Beaune pris sur la provision du pape. Le service impérial nécessita d'augmenter les récipients nécessaires, des tonneaux aux brocs et aux pichets, en passant par les verres et les gobelets. Lepalais des papes de Sorgues fournit 1 000 gobelets de verre et 1 000 autres en métal pour le palais d'Avignon[46].
Le lendemain de la Pentecôte, couronne en tête et sceptre en main, l’empereur assista à la messe pontificale. Le jour suivant, le 2 juin, il quitta la cité papale pour Arles où il fut couronné roi pour la vigile de saint Boniface[N 34]. L’empereur revint à Avignon le 6 juin et en repartit trois jours plus tard[N 35]. Il avait obtenu du pape, à la suite de la mort de Ludovic de la Torre, patriarche d’Aquilée, la nomination comme nouveau patriarche du suève Marquard de Randeck, évêque d’Augsbourg, homme possédant une grande expérience des armes.
Le pape et Avignon menacés par Bertrand du Guesclin
Après lapaix de Guérande, les Bretons démobilisés après des années deguerres, les pillages et les meurtres perpétrés par les Grandes Compagnies devinrent plus qu’inquiétants. La bulle pontificale du, faisant obligation aux Capitaines des routiers de se croiser avec leurs troupes pour aller guerroyer contre les Infidèles, resta sans effet. Le cardinalPierre Roger de Beaufort proposa au pape de lancer l’excommunication contre ces Routiers. Espérant toujours dans la promesse de l’empereur et du duc de Bourgogne, Urbain V préféra n’en brandir que les foudres[N 37].
Entretemps, le pape, par lettre bullée, avait convoqué le concile des trois provinces ecclésiastiques de Provence :Arles,Aix etEmbrun[N 38]. Le lieu choisi futApt où Raimond Savini, le prince-évêque de la ville, avec sa vie fastueuse et le relâchement de ses mœurs, était le parfait exemple de la dérive de l’Église romaine[47].
Les Grandes Compagnies menées par le « Dogue Noir » étaient sur la rive droite du Rhône où elles furent rejointes par les troupes d’Henri de Transtamare[N 43].
Gros d'argent à l'effigie d'UrbainV.Florin d'or à l'effigie d'Urbain V.
Aussi le 17 novembre, pour faire déguerpir les Grandes Compagnies, Urbain V[51], au nom de la ville d’Avignon, emprunta 17 000 florins aux banquiers de la cité des papes[N 44]. Trois jours plus tard, par bulle, il charge Philippe de Cabassolle, Recteur du Comtat, de recouvrir 30 000 florins auprès du clergé provençal[N 45]. La rançon put être remise au Breton le 22 novembre et le souverain pontife y joignit son absolution. La cité des papes était sauve[N 46].
Dès que la « Longue Route » des Grandes Compagnies eut quitté les rives du Rhône, une somptueuse ambassade envoyée par la Seigneurie de Florence se présenta devant Avignon. Parmi les émissaires se trouvaitBoccace. LesFlorentins étaient à Avignon afin d’implorer le pardon pontifical pour avoir traité avecJohn Hawkwood et sa Compagnie de Saint-Georges[N 47].
Depuis 1360, une nouvelle constitution avait été établie à Rome. Appliquée et défendue par une milice populaire, la « Felix Societas Balestriorum et Pavesotarum », dont les capitaines étaient membres du gouvernement, elle avait chassé les nobles, rétabli l'ordre et tenu à distance les « compagnies d'aventure[52] ». Aussi quand le, Urbain V, reçut une délégation d'ambassadeurs romains, il leur avait déclaré :
« Notre retour à Rome, nous le souhaitons et nous ne tarderons pas à l'effectuer, si des empêchements de la plus haute importance ne nous retenaient ici. Mais nous l'espérons, le Très Haut lèvera les obstacles[53]. »
En effet, en Italie même, la situation évoluait. Le, le légat Androin de la Roche signait avecBarnabò Visconti un traité lui rachetantBologne pour 500 000 florins alors que le Grand Sénéchal de Naples, Nicola Acciajuoli, traitait pour 100 000[N 48]. Au printemps 1364, le cardinalGil Albernoz, qui n’était plus légat qu’enToscane, souhaitait rentrer. Urbain V refusa tout en lui confiant la légation du Royaume de Naples et de la Trinacrie[N 49]. Dès sa prise de fonction, le cardinal d’Espagne nomma son neveu Gomez Albernoz Capitaine Général et Réformateur de Justice du Royaume[N 50].
Après ce traité, le retour prévisible à Rome n’enthousiasmait que modérément la Cour pontificale qui avait vite oublié Bertrand du Guesclin et ses Grandes Compagnies. À tel point qu’Urbain V décida de frapper un grand coup en menaçant d’excommunication Jean de Bussières, abbé deCîteaux, s’il continuait à approvisionner la Cour pontificale d’Avignon enClos Vougeot. Le bruit courait, en effet, que les cardinaux se refusaient d’aller à Rome où ils ne retrouveraient pas un tel cru[N 51].
Mais il fallut pourtant encore attendre pour que la situation dans la péninsule devînt favorable. À la fin de l’été 1366, à Avignon, il était de plus en plus question du retour à Rome[N 52]. Le pape avait à nouveau écrit dans ce sens à l’empereur, le, ainsi qu’au roi de France Charles V et à Marco Cornero, le Doge de la Sérénissime[N 53]. Un jour après, il avait informé de sa décision Galeazzo Visconti, tandis que le peuple de Rome, le, apprit la nouvelle du haut des chaires de toutes ses églises.
Deux victoires militaires confortèrent la décision pontificale. Celle d’Ugolino de Montemarte, Capitaine du cardinal Gil Albernoz qui, le 22 septembre, battit la Compagnie de Saint-Georges de John Hawkwood l’obligeant à s’enfuir du Patrimoine de Saint-Pierre. Puis celle de Gomez Albernoz, à la fin du mois, qui écrasa les troupes d’Ambrogio, le bâtard de Visconti, sur la terre d’Otrante. Mais l’automne passe et l’hiver arrive sans que le convoi pontifical ne se forme àMarseille.
Avant son départ pour Rome, le pape voulut revoir une dernière fois son université de Montpellier. Au début janvier 1367, il en prit la route, suivi des cardinaux de Boulogne, de Canillac, de Tarragone et de Saragosse. Il fut accueilli àCastelnau-le-Lez par le clergé sous la conduite dePierre de la Jugie, archevêque de Narbonne. À partir de là, le cortège pontifical fut escorté par les officiers du roi de France et du roi de Navarre ainsi que par les consuls de la ville.
Ceux-ci abritaient le pape sous un dais à huit bâtons garni de vingt-quatre clochettes d’argent et orné d’écussons aux armoiries pontificales et à celles de Montpellier. À l’entrée de la ville, Urbain V fut accueilli parLouis Ier d’Anjou. Le cortège pontifical, après un arrêt à l’Hôtel de la Ville se dirigea vers l’église de Notre-Dame des Tables. Puis après une collation, le pape visita l’église de Saint-Benoît en construction. Il apostropha l’architecte en ces termes : « J’avais mandé de bâtir une église et vous n’avez fait qu’une chapelle »[56].
Enluminure dansMiscellanea historica représentant le Pape (le blason sur le bateau est le sien) et ses deux cardinaux lors du voyage vers Rome.Rome, qui rendit le monde bon avait coutume de posséder deux soleils qui éclairaient l'une et l'autre route celle de la terre et celle de Dieu Dante[58] Bibliothèque nationale,fo 18, Ms italien 81.Fresque de Johannes Rosenrod, dans l'église de Tensta (Upland), datée de 1437, représentantBrigitte de Suède et Urbain V.Une rose d'or pontificale.
« Seigneur, où allez-vous ? - Je vais à Rome. - Pour vous faire crucifier une seconde fois[60] ? »
Le, tenant sa promesse, en dépit de ces pressions, le pape quitta Avignon pour retourner à Rome[61]. Son cortège s’arrêta d'abord à Pont-de-Sorgues où il coucha deux nuits au château pontifical[54].
Le 25 mai, la galère pontificale fit escale àGênes[62]. Puis le 2 juin, le convoi relâcha àPorto-Pisano. Le pape fut accueilli le 3 juin à Corneto par Albornoz, cardinal-évêque de Sabine, qui le conduisit ensuite àViterbe au milieu d'une foule enthousiaste[N 56]. Albornoz ne survit guère à ce jour de gloire et mourut deux mois plus tard le[54]. Le pape arrivait àOrvieto où il fut salué par Nicola Orsini, comte de Nola et Recteur de la cité, qu’accompagnaitNicola Spinelli da Giovinazzo, le Garde des Sceaux du royaume de Naples[N 57].
L’entrée triomphale d’Urbain V dans Rome ne se fit que le 16 octobre[62]. Nicolas d'Este, marquis de Ferrare, ouvrait le cortège à la tête de mille cavaliers.AmédéeVI de Savoie tenait la bride du cheval du pape et derrière lui, à cheval, Rudolphe de Camerino tenait l'étendard de l'Église déployé au-dessus de la tête d'Urbain V[54]. Le pape et ses cardinaux étaient aussi accompagnés par Nicola Spinelli et Nicola Orsini. Ce dernier, en cette occasion, avait été nommé Recteur du Patrimoine. En dépit de la satisfaction d’avoir atteint son but, la différence avec Avignon était trop criante et Urbain V ressentit comme un malaise[63]. Les cardinaux maugréaient.
Le seul à afficher une joie sans détour futPétrarque. Il en fit part à son ami Francisco Bruni :
« Jamais mes paroles n’ont égalé ce que je pense de ce pontife. Je lui ai fait des reproches que je croyais justes, mais je ne l’ai pas loué comme je voulais. Mon style a été vaincu par ses mérites. Ce n’est point l’homme que je célèbre, c’est cette vertu que j’aime et que j’admire avec étonnement. »
Le 17 mars, la reine Jeanne se rendit à Rome auprès du pape. Et pour Lætare, le quatrième dimanche de Carême, tandis que Nicola Spinelli était armé chevalier par le roi de Chypre, Urbain V lui remit larose d'or[65],[N 59], distinction attribuée pour la première fois à une femme. Le pape lui dit : « Je te donne, ma chère fille, cette rose à la couleur pleine de joie, au parfum exaltant et dont la forme est l’image même de la félicité. »
Certains prirent pour un geste de galanterie ecclésiastique cet acte politique qui marquait le soutien pontifical à la reine-comtesse dont les États de Provence étaient menacés par le frère du roi de France. Aux membres du Sacré et Antique Collège qui s’étonnaient de cette distinction remise à une Dame et qui vantaient les mérites de roi de Chypre, victorieux en croisade, Urbain V répliqua : « On n’avait jamais vu non plus l’abbé de Marseille devenir pape ! »
Louis d’Anjou et Bertrand du Guesclin attaquent la Provence
Bertrand du Guesclin, le « Dogue Noir de Brocéliande », excommunié par Urbain V.
Profitant du départ du pape, Louis d’Anjou, dont lessénéchaussées étaient infestées par les Compagnies de routiers, décida de les regrouper. Sur la rive droite du Rhône, les plus avertis craignirent que le frère du roi de France utilisât ces soudards à des fins toutes personnelles. C’était le sentiment dePhilippe de Cabassolle, le recteur du Comtat Venaissin. Averti du passage dans les différents diocèses languedociens d’une multitude de gens d’armes, le, il annonça au pape la menace que faisaient peser ces « societates » sur les frontières occidentales du Comtat et de la Provence[N 60]. Le recteur, inquiet, ordonna à Pons Bernard, Capitaine de Carpentras, de fermer les portes des remparts de sa ville et d’élever des murs de terre du château de Serres jusqu’à la porte d’Orange.
Urbain V, qui passait l’été àViterbe dans la forteresse construite par le cardinal Albornoz[54], prit cette menace très au sérieux. Face à la volonté évidente de Louis d’Anjou d’envahir la Provence et d’occuper le Comtat, le pape demanda auxProvençaux de rester fidèles à la reine Jeanne par une lettre bullée datée du.
Au fil des jours, la menace se précisa. Vers la mi-septembre, sur ordre de l’Angevin, les capitaines des routiers firent mouvement vers la vallée du Rhône. Enfin le 25 septembre,Olivier de Mauny[N 61] et ses troupes s'installèrent àBeaucaire en compagnie du duc. Ils s’y cantonnaient dans l’attente de la venue de Bertrand du Guesclin, toujours prisonnier duPrince Noir àBordeaux.
Des bruits de mauvais augures traversèrent le Rhône. Dans la sénéchaussée de Beaucaire la rumeur courait que, le 7 février précédent, Bertrand du Guesclin, de passage à Montpellier, avait regroupé tous ses Capitaines routiers[N 63]. Ce fut là qu’il apprit que le duc d’Anjou et son cousin Olivier de Mauny l’espéraient àNîmes. Le Breton décida de les rejoindre en compagnie du maréchalArnould d'Audrehem[N 64].
Il fallait se préparer à la guerre. Elle fut déclenchée le quand Louis d’Anjou donna ordre aux troupes placées sous le commandement de du Guesclin d’envahir la Provence. Le Sénéchal de Beaucaire, Amiel des Baux, organise leur passage sur l’autre rive du Rhône grâce à des ponts de barques[N 65]. La réaction de Raymond d’Agoult, sénéchal de Provence, se faisant attendre, personne ne fut surpris d’apprendre que, le samedi, Bertrand du Guesclin avait mis le siège devantTarascon[66],[N 66]. Au cours de celui-ci, Béranger de Raymond, chevalier d’Avignon, fut tué, tandis que Louis de Trian, vicomte deTallard, Bernard d’Anduze, seigneur de la Voulte, et Foulques d’Agoult, furent faits prisonniers.
Avant qu’ils ne menacent Avignon, Philippe de Cabassolle fit immédiatement entamer des négociations préliminaires avec les Capitaines de Louis d’Anjou. Un accord fut passé le 23 mars. Pour détourner les Bretons de la cité pontificale, les Avignonnais avaient accepté de leur payer 37 000 florins avec la promesse d’en verser immédiatement 5 000. Pour recouvrir cette créance, Bertrand du Guesclin, dès le lendemain, délégua Janequin le Clerc, son procureur anglais, auprès du banquier avignonnais, André de Tis, mandant de Michel de Baroncelli qui avançait la somme. Mais dans le même temps les Sociétés à la solde du duc d’Anjou mirent pieds dans le comté de Provence.
Le 3 avril, le pape dépêcha un émissaire au roiCharles V[67]. Il était chargé de lui remettre des lettres dénonçant l’agression de son frère contre la Provence, comté de leur parente Jeanne de Naples, ainsi que le scandale de cette invasion sans cause, sans prétexte et sans déclaration de guerre. Pour bien se faire comprendre Urbain V menaçait même le roi de France d’une réplique menée par une coalition contre la Sénéchaussée de Beaucaire et leDauphiné. Deux jours plus tard, le Doge de Gênes reçut un bref pontifical lui enjoignant de ne pas soutenir les attaques dirigées de la France contre la Provence.
Le Sénéchal Raymond d’Agoult, qui avait enfin levé des troupes, se porta au secours de Tarascon et d'Arles, assiégées depuis le 23 mars par messire Bertrand. Au cours de ce siège, Guiraud de Simiane, Arnaud de Villeneuve et Isnard de Glandevès, seigneur de Cuers, furent faits prisonniers. La rencontre des deux armées eut lieu devant cette cité le 11 avril.
Luquet de Girardières, le lieutenant du sénéchal, se heurta au « Dogue Noir »[N 67], qui à la tête de ses troupes attaque la cavalerie provençale. L’affrontement se solda par la déroute des troupes fidèles à la reine Jeanne.
Ce ne fut pas pour inquiéter les Français et les Bretons. Leur seul problème, pour l’instant, était de transférer de nouveaux renforts sur la rive provençale du Rhône, le pont de barques mis en place par Amiel des Baux ayant cédé. Il fut réglé le, Louis d’Anjou ayant débauché RainierGrimaldi, seigneur deMonaco, qui remonta le Rhône pour assurer le passage des derniers routiers de du Guesclin. Deux jours plus tard Tarascon capitula[68].
Face à une telle agression, toute la Provence s'inquiéta. Le, le Conseil de Ville deSisteron, instruit des sévices de Bertrand du Guesclin, décida de suivre l’exemple des cités voisines qui fermèrent leurs portes « en criant que le diable venait ». Le Conseil statua que tous ceux qui refuseraient de monter la garde aux remparts ou qui abandonneraient leur poste sans qu’ils en aient eu l’ordre seraient passibles d’une amende de100 marcs d’argent ou auraient une main ou un pied coupé[N 68].
Le 12 juin, le sénéchal de Provence se dit informé que « Bertrandus de Cliquino »[N 69] - comprendre Bertrand du Guesclin - se dirigeait avec ses compagnies versBarjols,Flayosc etDraguignan.
Mais le mercredi, elles se trouvaient devant Aix défendue par le vicomte de Tallard. Et pendant que les Bretons mettaient le siège avec leurs machines de guerre, Raymond d’Agoult, fils du sénéchal, en profitait pour faire attaquerAigues-Mortes afin de bloquer les arrières français[N 70]. L’archevêque d’Arles, Guillaume de la Garde, s’étant ouvertement déclaré pour Louis d’Anjou, fut mis en accusation pour trahison et crime. Le sénéchal donna ordre à son lieutenant Luquet de Girardières de se saisir du temporel de l’archevêque.
La tour de l'Hôpital, vestige des remparts d'Apt qui firent reculerMosenhor Bertran de Cliquin.
Les Bretons, tout en continuant à ravager la province convoitée par le frère du roi, envisageaient une jonction avec les troupes de Grimaldi àNice. Certaines compagnies se dirigèrent déjà vers la côte. De plus on disait qu’Olivier du Guesclin, le frère de Bertrand, s'en allait vers les Baronnies pour s’installer dans cette région où s’entremêlaient les terres adjacentes dauphinoises et provençales. Il installa, en effet, ses troupes dans les fiefs baronniards de la maison des Baux[N 71].
Confirmation fut donnée le quand Raymond d’Agoult leva quatre cents lances[N 72], la fine fleur de la noblesse provençale, pour traverser leLuberon et rejoindre la vallée duCalavon. Les Bretons avaient évité d’attaquer Apt car la ville était trop bien protégée par ses remparts et ses bouches à feu, trente bombardes garnies « per lo passage de Mosenhor Bertran de Cliquin »[N 73]. Immédiatement les lances du Sénéchal se lancèrent à la poursuite de cette « Longue Route ».
Arrivée en vue du village deCéreste[69], l’avant-garde du sénéchal traversa le village et se trouva face aux Routiers. Les cavaliers provençaux se lancèrent à l’attaque. Ils furent secoués, malmenés, bousculés et taillés en pièces aux cris de « Notre-Dame Guesclin » ! Ce fut à nouveau une cuisante défaite.
Le passage des Sociétés de « Mosenhor de Cliquin » avait laissé le pays exsangue. Tout avait été ravagé. Des villages, hameaux, bastides et écarts avaient été mis à sac, brûlés ou vidés de leurs provisions. Dans le Comtat, les impositions pontificales[N 75] qui arrivaient à la suite de ces exactions et pillages provoquaient une émotion qui se mua bien vite en rébellion armée des « Laborieux »[70].
C’était tout un peuple qui s’insurgeait. La répression des nobles provençaux fut terrible. Dans chaque hameau et village nombre de paysans furent pendus pour l’exemple, d’autresenterrés vifs, enfin certains furent tout bonnement broyés sous des meules de moulins. Leurs femmes et leurs filles furent violées.
Au printemps 1368, Charles IV de Luxembourg quittaPrague, sa capitale, et entreprit sa dernièrecalata, cette visite si redoutée des cités de la péninsule. Officiellement, il arrivait pour le couronnement d’Élisabeth de Poméranie, sa quatrième épouse, mais surtout pour tenter de reprendre en main la situation en Toscane.
Ce fut sans doute pourquoi, le, quand il désigna les nouveaux membres du Sacré et Antique Collège, sur les huit incardinés, un seul était d’origine italienne. Le tollé à Rome fut général. Ces aigres récriminations prennent un ton plus feutré quand l’empereur germanique arriva avec toute sa suite[N 77]. Urbain V le reçut dans la résidence d’été à la mi-octobre et agréa la demande de Charles pour couronner son épouse impératrice[N 78]. Le 21 octobre, les deux Vicaires du Christ rejoignirent ensemble Rome pour la cérémonie du sacre. Elle déroula ses fastes le1er novembre. Puis l’empereur fit négocier une nouvelle trêve avec les Visconti jusqu’au début du mois de mai 1369.
À la fin avril, la trêve avec Milan ne fut pas prorogée. Le pape et les Visconti étaient à nouveau en « grande discorde et guerre ». Et la Compagnie de Saint-Georges de John Hawkwood recommença à ravager les États pontificaux[N 80],[71]. Ce fut pourtant le moment que choisitJean V Paléologue, empereur de Constantinople, pour se rendre en Italie auprès du pape. Le besoin urgent d’une aide des chrétiens d’Occident aux chrétiens d’Orient face aux Turcs l’avait poussé à abjurer sa foi. Il le proclama solennellement le dans l’église du Saint-Esprit à Rome mettant théoriquement fin au schisme[N 81]. Cette initiative isolée eut peu de succès dans ce qui restait de son empire et les « armées franques » n’étant pas venues à son aide la grande union des chrétiens n’eut jamais lieu.
Le pape, lassé, prit alors la décision publique de retourner en Avignon[N 82]. Informée, Brigitte Birgersdotter lui jetait une malédiction : « S’il retourne au pays où il a été élu pape, il recevra rapidement un coup ou une gifle tels que ses dents se serreront et grinceront. Sa vue sera obscurcie, il pâlira et tout son corps en frémira (…) »[74]. Ce que lui promettait la comtesse suédoise lui semblait peu à côté de ce qu’il subissait en Italie. Le, dans une bulle datée de Montefiascone, Urbain V informa les Romains de son retour en Avignon[75] :
Le Petit Palais. Livrée cardinalice d'Anglic Grimoard où mourut Urbain V.Saint-Victor de Marseille, l'abbaye où repose Urbain V.Gravure de son tombeau marseillais.
« Nous ne doutons pas, chers fils de Rome, qu’après vous être réjouis de notre présence, vos cœurs ne s’attristent en apprenant l’éloignement de votre père. Vous craignez que les Pontifes romains, nos successeurs, ne renoncent à venir à Rome, en voyant qu’au lieu d’y fixer notre séjour, comme vous l’espériez, nous y sommes resté fort peu de temps. Cet évènement, nous le déplorons ; mais, pour votre consolation, pour l’instruction de ceux qui vivent aujourd’hui ou qui viendront après nous, nous affirmons à nos successeurs, au monde, à la postérité que nous n’avons pas été troublé pendant les trois ans passés au milieu de vous. En nous proposant de passer la mer avec l’aide du Seigneur, nous avons la pensée d’être utile à l’Église universelle et au pays ou nous allons. Notre cœur reste au milieu de vous. Éloigné, nous vous soutiendrons comme si vous nous étiez présents. C’est pourquoi nous vous prions, nous vous ordonnons de vous consoler de notre départ, ainsi que des hommes pleins de force et de sagesse. Gardez la paix et la concorde, faites en sorte que notre ville persévère dans ces bons sentiments et s’améliore même, afin que, si nous ou nos successeurs avons la pensée de revenir à Rome pour de justes raisons, nous n’en soyons pas détournés par les troubles qui pourraient y régner. »
Une de ses premières décisions fut de nommer un nouveau recteur du Comtat en la personne d'Étienne Aubert, abbé deSaint-Allyre. Puis il voulut mettre un terme à la lutte frontalière qui perdurait entre les troupes provençales et celles du Dauphiné alliées aux Bretons d’Olivier du Guesclin. Pour cela, il négocia une trêve. Elle fut signée le entre Nicola Spinelli, sénéchal de Provence, et Amiel des Baux, sénéchal de Beaucaire. La « Longue Route » des Bretons quitta la région.
Le jour même de la signature de la trêve, le pape, tourmenté par la maladie de la pierre, s’éteignit à Avignon[76] dans laLivrée de son frère. Il fut d'abord inhumé àNotre-Dame des Doms à Avignon. Ayant souhaité que son corps fût enseveli à la manière des pauvres, à même la terre, puis réduit en cendres et que ses ossements fussent portés à l'église abbatiale de Marseille, le, sous la direction de son frère, le cardinal Anglicus, ses restes furent exhumés du tombeau de la cathédrale avignonnaise[77] et transférés à Saint-Victor. Le, sa dépouille fut accueillie par l'abbé Étienne Aubert, Recteur du Comtat, et le cardinalGuy de Boulogne prononça son éloge funèbre[78]. Dans l'abbaye, son tombeau de style gothique flamboyant, aujourd'hui disparu, fut commandé parGrégoire XI et exécuté par le lapidaire Joglarii[53]. À Montpellier une cérémonie grandiose en sa mémoire eut lieu la même année à la veille de Noël. Le tombeau du pape à Saint-Victor a disparu sans doute durant les troublesrévolutionnaires. En lieu et place du tombeau, dans le chœur de l'abbaye, a été placé en 1980 un moulage du gisant qui se trouvait sur le cénotaphe de l'ancienne église de Saint-Martial en Avignon[79]. Le cercueil qui était cerclé de fer et couvert de velours n'a pas été retrouvé[80].
Guillaume Grimoard fut un homme d'étude surtout préoccupé de développer la culture et la science tant des étudiants que des moines qui lui avaient été confiés « pour assurer leur foi orthodoxe et donner un intérêt profond à leur vie[1] ». Devenu pape, il enrichit considérablement la bibliothèque pontificale qui contient un grand nombre d'ouvrages d'histoire du droit, de théologie et de philosophie. Sa déclaration d'intention sur la nécessité du savoir et de la connaissance nous est connue :
« Je souhaite que les hommes instruits abondent dans l'Église de Dieu. Tous ceux que je fais élever et que je soutiens ne seront pas ecclésiastiques, j'en conviens. Beaucoup se feront religieux ou séculiers, les autres resteront dans le monde et deviendront père de famille. Eh bien ! quel que soit l'état qu'ils embrasseront, dussent-ils même exercer des professions à travaux manuels, il leur sera toujours utile d'avoir étudié[81]. »
Il profite de sa position pour favoriser l'enseignement par la fondation de plusieurs « studia », sortes de maison d'études supérieures destinées à préparer les jeunes gens aux universités notamment àTrets,Manosque,Saint-Germain-de-Calberte[N 85],Saint-Roman-de-Codières, etc.
Il œuvra à la création de plusieurs collèges universitaires (Orange,Cracovie[82] en 1364,Vienne[83] en 1365), d'une école de musique àToulouse. Mais ce fut surtout l'université de Montpellier, fortement ébranlée par les pestes et le passage des routiers, qui bénéficia de sa mansuétude.
De plus il donna une nouvelle impulsion au vignoble deChâteauneuf, qui faisait partie de l'État d'Avignon, en ordonnant qu’y fut planté du raisin muscat[85].
Sous son pontificat, en 1363, l'enceinte sud-ouest deMalaucène fut remise en état. Une inscription signale cette restauration au-dessus de la « Porte Chaberlain » :
« L'an de Notre Seigneur 1363, sous le pontificat de Noutre Seigneur le pape Urbain, cette porte fut faite par ordre des seigneurs Philippe, Recteur, et Jean, Capitaine du Comté Venaissin, et par les soins de Guillaume Chaberlain[86]. »
Très proche de ses originesgévaudanaises[87], et il eut à cœur, tout au long de sa vie pontificale, de favoriser son pays. Ceci se traduisit en particulier par un enrichissement de l'actuelleLozère en édifices religieux et en voies d'accès. C'est ainsi qu'il fit édifier une église àLa Canourgue, une église paroissiale à Grizac son village natal, des embellissements au prieuré de Chirac et unpont à Quézac sur lequel fut construite une chapelle. Sur ses ordres furent érigées la Collégiale deBédouès, en 1363[88], un prieuré fortifié servant à accueillir le tombeau de ses parents dans la commune où il fît son baptême, ainsi que la Collégiale deQuézac, en 1365[89].
S'étant réservé l'évêché deMende pour des raisons économiques, il en affecta les revenus à la construction de lacathédrale Notre-Dame et Saint-Privat, en remplacement de la cathédrale primitive. La cathédrale précédente ne fut pas détruite, mais plutôt magnifiée.
Il fit restaurer le prieuré de Grizac, situé sur la paroisse de Bédouès, et cette seigneurie se vit, de plus, exemptée de tout impôt devenant ainsi une terre franche. Ce privilège, conservé jusqu'auXVIIIe siècle, fut accordé par le roiCharles V, en remerciement au pape.
Yves Renouard, analysant son action apostolique et universitaire a expliqué : « Sa bonté et son désir de diffuser la science se manifeste par ses générosités à l'endroit de bon nombre d'abbayes dont celle du Mont-Cassin et des principales Universités : il aime à fonder, auprès de celles-ci, des collèges qui accueilleront des étudiants pauvres »[90]. Ce fut dans ce cadre que, afin d'aider ses jeunes compatriotes, il fonda àMontpellier, en 1360, le collège des Douze-Médecins[N 86], placé sous l'invocation de Saint-Matthieu, pour des étudiants en médecine issus du Gévaudan[30]. Cet attachement à la médecine s'explique, en partie, par son amitié avec l'un des pères de la chirurgie,Guy de Chauliac. Puis en 1364, il fonda le collège des SS. Benoît et Germain, destiné à accueillir les étudiants en théologie, droit canon et arts libéraux.
Afin d'aider à l'instruction des jeunes de son pays (le Gévaudan), il fonda àSaint-Germain-de-Calberte un « studium », sorte deséminaire avant l'heure, entièrement réservé aux moines[91]. Les étudiants devaient ensuite se rendre àAvignon pour y passer leur examen. Dans le même esprit, il fit de l'abbaye de Saint-Roman près de Beaucaire un studium et la fit fortifier.
La canonisation la plus marquante de son pontificat est celle d'Elzéar de Sabran, son parrain, qui fut célébrée le àRome[94]. Il canonisa également Pons de Lauzière, prieur de Saint-Martin-de-Colombe, dans lediocèse de Lodève[95].
C'est par deux bulles en 1369 et en 1370, qu'il prescrit de commencer le procès en canonisation deCharles de Blois. Ce dernier peut-être canonisé auXIVe siècle, mais la bulle a disparu, fut ensuite béatifié parPieX en 1904[96].
La même année, le pape donna licence au maître confiturier Auseta de s'installer à Apt. Deux ans plus tard, en 1365, quand il se rendit sur le tombeau de son parrain Elzéar de Sabran, le confiturier aptésien lui offrit des « fruits confits au raisiné »[99],[100]. C'est la première mention de la fabrication des « confitures sèches » dans la cité provençale.
En date du, de Rome, Urbain V rendit publique un bulle pour préserver l'activité économique d'Avignon après son départ[101]. Afin d'éviter toute récession, il chargea ses cardinauxRaymond de Canillac et Jean de Blauzac, en accord avec le recteur Philippe de Cabassolle, d'accorder libertés et privilèges aux artisans. Les premiers cités étaient les marchands et négociants en laine, qui devaient être exemptés de taille, les seconds, les meuniers, qui avaient le droit d'installer des moulins sur les berges de la Sorgue et de la Durance[102]. Ce que ne put empêcher le pape fut la crise de surproduction des vins en pays d'Apt. Les volumes que lui et ses cardinaux faisaient venir étaient tels que le départ d'Avignon d'Urbain V puis de Grégoire XI provoqua un marasme économique jusqu'en juin 1396[103].
Avant son départ pour Rome,Grégoire XI, pour atténuer la peine des Provençaux et des Comtadins, avait profité de son séjour en l’abbaye de Saint-Victor pour ordonner une enquête sur la « fama de sanctitate » de son prédécesseur. Durant des mois, les notaires pontificaux recueillirent des milliers d’attestations décrivant par le menu les miracles et les guérisons attribués à Urbain V. Cette enquête fut interrompue en 1379, pour être reprise en 1390 sur ordre deClément VII, le premier pape avignonnais duGrand Schisme.
Plusieurs villes qu'il avait côtoyées lui ont depuis rendu hommage. Ainsi, en 1874 une statue à son effigie a été érigée sur le parvis de labasilique-cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Privat de Mende. La place où elle se situe porte depuis son nom. ÀAvignon, lepalais des papes possède un jardin qui porte son nom et qui est un des hauts lieux dufestival, une polyclinique porte aussi le nom d'Urbain V[N 87]. Une rue deMarseille a été appelée de son nom et un gisant a été placé dans lacrypte de Saint-Victor. La ville deMontpellier, où il a fait une partie de ses études, a également baptisé une rue en son honneur. En 2015, l'archiprètre de laCathédrale d'Uzès baptise une sacristie en son honneur.
« Il remist sur l'estude, qu'estoit déchue dou tems son devancier ; il pourveust aux clercs et à personnes qui le valoient, desquels il avoit grande connaissance par la volonté de Dieu et la bonne intelligence qu'il mettoit. Il étoit de moult sobre vie et de bon exemple à tous ceux qui conversoient avec lui[81]. »
J. Froissart,Chroniques, texte et notes de Siméon Lucé. Paris (t. IV à VIII), 1873-1874.
G. Villani, puis M. Villani et F. Villani,Cronica e Istorie Fiorentine. Florence, 1823.
Bertrand Boysset (1365-1415),Chronique de Garoscus Veteri et Bertrand Boysset, manuscrit de la Bibliothèque Inguimbertine, Carpentras.
L. Bonnement, "Mémoires de Bertrand Boysset. Contenant ce qui est arrivé de plus remarquable particulièrement à Arles et en Provence depuis 1372 jusqu’en 1414", dansLe Musée. Revue arlésienne, historique et littéraire, 1876 -1877.
Études générales
Étienne Baluze,« Prima VitaUrbaniV », dansVitae paparum Avenionensium, sive collectio actorum veterum,vol. I, Paris,.
Tessier,Histoire des souverains pontifes qui ont siégé dans Avignon. Avignon, 1774.
Joseph Fornery,Histoire ecclésiastique et civile du comté Vénaissin et de la ville d'Avignon. Avignon, Roumanille, 1741.
Joseph Hyacinthe Albanés,Entrée solennelle du pape Urbain V à Marseille en 1365. Marseille, Librairie ancienne de Boy-Estellon, 1865, numérisé par Gallica[110]
G. de Rey,Les Saints de l'église de Marseille. Marseille, Marius Olive, 1885.
Maurice Prou,Étude sur les relations politiques du pape Urbain V avec les rois de FranceJeanII et Charles V, Paris, 1888 (= Bibliothèque de l'école des hautes études,fasc. 76), numérisé par Gallica[111]
E. Déprez,Sur les documents relatifs aux rapports de Charles V avec les papes Urbain V,GrégoireIX etClémentVII, Annuaire de l’École Pratique des hautes études, 1898.
↑Même si cette date de 1310 est le plus souvent retenue, il existe tout de même une petite incertitude qui pourrait situer cette naissance en 1309.
↑C'est un descendant d'Étienne Grimoard qui a racheté et restauré le château.
↑En 1179,Alexandre III avait publié une bulle imposant les deux tiers des voix du conclave pour l’élection du pape.
↑Le nouveau pape, un protégé du clan des Roger de Beaufort, devait une bonne partie de sa carrière à Pierre d’Aigrefeuille. Lors de ses nominations aux évêchés de Clermont et d’Uzès, il l’avait à chaque fois désigné comme sonvicaire général.
↑De retour de Naples, le nouveau pontife débarqua à Marseille et prit le grand chemin d’Avignon par les Pennes, Salon, Orgon, Saint-Andiol et Noves. La Durance étant en crue, il fit appel à un batelier qui réussit à lui faire passer sans encombre cette dangereuse rivière. Lui et ses aides reçurent ensuite du pape une gratification de quinze florins.
↑La Reine Jeanne avait37 ans et le duc de Bourgogne20 ans. Au lendemain de son élection, le, Urbain V avait fait parvenir deux lettres à la reine Jeanne. La première lui donnait l’autorisation générale d’épouser un cousin au troisième ou au quatrième degré. La seconde – secrète – autorisait son mariage avec l’InfantJacques IV de Majorque. Matteo Villani, dans sa « Cronica », dit que le Souverain Pontife donna son accord « à condition que le prince demeurât dans le Royaume, prêtât le serment et payât le cens dû à l’Église et que la reine, qu’il y exhorterait, y consentit ». Le 29 novembre, un nouveau courrier partit donc vers Naples où le pape expliquait à la reine l’utilité de ne point « troubler ses cousins de France » par un refus, chose qui pourrait être « nuisible pour sa personne et pour le royaume de Sicile ». Au cours du mois de décembre, Jeanne fit répondre par son secrétaire Nicola d’Alife. Elle rappelait l’interdit jeté par l’Église sur ces mariages consanguins (!) et concluait « Après tous les mariages sont libres et je ne vois pas pourquoi ils devraient cesser de l’être au détriment de ma liberté ».
↑Les travaux du fort Saint-André, sous la direction de Jean de Loubières, allaient durer six ans. L’architecte pontifical résidait à Villeneuve-lès-Avignon où le roi de France l’avait installé dans l’ancien Hôtel du cardinal Arnaud de Via qu’avait racheté le DauphinHumbertII le. Cette somptueuse résidence qui faisait face à celle du cardinal du Pouget dans la ruelle qui montait au mont Andaon avait dès lors pris le nom d’Hôtel du Dauphin. Ce dernier avait fait orner ses murs de fresques dont la plus remarquable est celle de « Saint Georges combattant le dragon ».
↑Pierre le Cruel était marié àBlanche de Bourbon, sœur de Jeanne, l’épouse du Dauphin. Pour mieux filer le parfait amour avec sa maîtresse Padilla, il l’avait faite occire àJerez.
↑Un immense chantier est ouvert. Pierre Boquier, bibliothécaire-archiviste des bénédictins de Marseille est choisi comme comptable et directeur des travaux. Au maximum du chantier, on estime à 200 le nombre d'ouvriers employés. Les travaux de Saint-Victor de Marseille durèrent deux ans et le pape y consacra les revenus de la prévôté et de l’archidiaconé de Valence.
↑Sainte-Marie de Ratis ou Sainte-Marie-de-la-Mer étaient les noms médiévaux de l’actuel village camarguais desSaintes-Maries-de-la-Mer.
↑Fils deJeanII de Grailly, originaire d’une famille savoyarde fixée en Aquitaine et de Blanche de Foix, fille du comte Gaston 1er de Foix. Cousin deGaston Fébus,JeanIII de Grailly était fiancé à Jeanne de Navarre, sœur du Mauvais.
↑Le Conseil de Ville, pour la décoration des rues de Carpentras, l’achat de blé et des vins pour le banquet pontifical, dépensa de7 livres,186 sous et4 deniers (Archives municipales de Carpentras. CC 152fo 59-61).
↑En prévision de son départ Jean le Bon nomma alors le dauphin « Lieutenant Général en toutes les parties de la langue d’Oïl ».
↑La noble maison de Saint-Ouen (villa Clipiacum) était le siège de l’Ordre de l’Étoile. Il semblerait donc qu’elle ait eu une succursale à Avignon.
↑Le port égyptien faisait concurrence à Famagouste, le grand havre chypriote. Porte de l’Orient, l’île de Chypre était un maillon essentiel dans l’économie marchande des flottes européennes. Comme l’a analysé J. C. Hocquet « Chypre grâce à sa position avancée dessinait à son profit la géographie des itinéraires commerciaux dans les eaux de la Méditerranée ». Ses salines, propriétés domaniales des Lusignan, permettaient notamment aux nefs de se lester de sel gros (le sel du Roy), le plus apprécié au Moyen Âge, en échange de sel fin (le sel de la Reine).
↑Les grandes gelées de décembre 1363 détruisirent oliviers et vignes. À partir de l’année 1364, il y eut pénurie générale d’huile d’olive et de vin.
↑Dès l’âge de vingt ans, lors du combat de Smyrne, Philippe de Mézières s’était fait remarquer par sa bravoure.PierreIer de Lusignan lui avait alors demandé de le suivre à Chypre. Il y avait été nommé chancelier en 1352 puis ambassadeur en Europe.
↑Une flotte de quelque cent soixante-cinq navires arriva à Alexandrie le et le 9, l'offensive terrestre était lancée
↑C’est la première invasion historiquement connue de sauterelles en Provence. Les chroniques de l’époque parlent d’une « espèce de grillets » ou de « langoustes ».
↑Le concile d’Apt regroupa dix-huit prélats des archevêchés d’Arles, Aix et Embrun. Les pères conciliaires étaient les évêques Raimond Savini d’Apt, Géraud de Sisteron ; Pierre Fabre de Riez ; Pierre d’Aynard de Senez ; Étienne Digna de Vence ; Laurent «le Peintre » de Nice ; Bertrand de Séguret de Digne ; Guillaume de la Voûte de Toulon ; Guillaume Sudre de Marseille ; Jean Revol d’Orange ; Jean Maurel de Vaison ; Jacques Artaud du Tricastin et Jean Roger de Beaufort de Carpentras. S’étaient faits représenter : Anglic de Grimoard d’Avignon, Amédée de Grasse, Guillaume Fournier de Gap, Raymond Diaconis de Fréjus et Bernard de Saint-Jacques de Glandevès. Il était présidé par les archevêques Guillaume de la Garde d’Arles ; Bertrand de Châteauneuf d’Embrun ; Jean de Peisson d’Aix et le Recteur du Comtat, Philippe de Cabassolle, évêque de Cavaillon et Patriarche de Jérusalem.Cf.Abbé É.Rose,Études historiques et religieuses sur leXIVe siècle ou Tableau de l’Église d’Apt sous la Cour papale d’Avignon, Avignon,.
↑Les travaux de l’architecte pontifical Rastin avait duré deux ans et transformé à tel point l’abbaye Saint-Victor que, un siècle plus tard, le roi René la considérait comme « la clef du port et de la ville de Marseille ». Ses deux tours, sur la face nord, et ses quatre puissants contreforts, formant tourelles sur la nouvelle abside, en faisait un bastion défensif de premier ordre.
↑Guillaume Sudre, évêque de Marseille, ordonna alors à son viguier et à ses baillis de contraindre, par voix de héraut, les Marseillais à se mettre en état de guerre dans les quatre jours sous peine de sévères sanctions. Son écuyer, Philippe Tournier, fut délégué pour cette mobilisation générale.
↑Pour inciter Henri de Transtamare à suivre Bertrand du Guesclin en Castille, les États Généraux de Provence, réunis à Aix, décidèrent de lui verser 10 000 florins tout en lui remettant un troupeau de bêtes à cornes de 2 000 têtes, 10 000 setiers de blé et 2 000 setiers de vin (soit18 500hl de blé et37 000hl de vin).
↑Il y avait, entre autres, Luccio degli Abbate qui prêta 6 000 francs ; le florentin Jacopo Buonacursi,400 francs, et les frères Michele et Giovanni de Baroncelli respectivement 1 000 et400 francs Ces deux banquiers avignonnais étaient les fils de Francesco de Baroncelli, successeur de Rienzo à Rome. Il avait été chassé du pouvoir par une émeute populaire. Cette famille était originaire de Florence où Giotto avait orné le maître-autel de leur chapelle dans l’église Sainte-Croix.
↑La venue des Grandes Compagnies de Bertrand du Guesclin avait mis en évidence la faiblesse des défenses avignonnaises. Dès le départ des derniers Routiers, le fustier Andreù Férigolet fut chargé de poser d’urgence les dernières portes en bois des remparts. Il passa commande à son confrère Guilhem Vial pour lui fournir les différents étais et poutres nécessaires. La première livraison eut lieu le 27 février 1366. Elle permit de construire la nouvelle Porte Aiguière et celle de la Tour. L’ensemble des travaux fut achevé en 1368.
↑Malgré son amour pour Naples et les Napolitaines, Boccace ne s’était pas toujours entendu au mieux avec son ami Nicola Acciajuoli. Il avait trouvé judicieux d’aller séjourner le plus souvent à Florence où la Seigneurie appréciait aussi bien le diplomate que l’écrivain. La mort du Grand Sénéchal, le 8 novembre 1365, n’avait rien changé à ses habitudes.
↑Le Grand Sénéchal n’était plus en odeur de sainteté en Avignon depuis que Pierre Amielh de Brénac, légat à Naples, avait écrit au cardinal Anglic Grimoard : « L’Acciajuoli a toujours soin et fait en sorte que l’eau soit troublée et que Madame ait toujours besoin de lui et de ses conseils. Nous le savons tous mais il n’y a personne qui ose dire mot et il y a eu déjà quatre fois des altercations avec moi, en présence de tout le Conseil royal, et surtout parce qu’il s’agissait des donations excessives de la Reine qui est très pauvre et qui n’a pas de quoi payer le cens. Il a tant fait que l’affaire demeure presque désespérée. Et pourtant tous sont d’avis que si la délibération du comte de Nola [Nicola Orsini] avait été exécutée pour la perception et la conservation des revenus la Reine serait dans l’abondance »,Bresc 1972.
↑C’étaient les charges que s’était attribuées Jaime de Majorque. La décision du nouveau légat provoqua une révolution de palais. Le 23 avril 1364, l’archevêque de Naples écrivit au pape : « Les querelles s’aggravent ces jours-ci entre nosseigneurs les princes au point que, le jour de vendredi saint et le jour de Pâques, il y a eu tant de matières à scandales qu’il faudrait de longs jours pour les apaiser et qu’il en reste des traces. Et cependant, à ce qu’il parait, les discussions portent seulement sur ce que le roi ne doit pas avoir un pennon. Mais on s’en occupe, d’un côté et de l’autre, avec tant d’acharnement que s’il s’agissait de toute la couronne. Aussi, bien que je ne vaquasse qu’à mes affaires, laissant les travaux de forge aux forgerons, comme je l’ai écrit ailleurs à Votre Sainteté, j’ai été obligé, à cause du danger et des requêtes instantes de Madame la Reine, que j’ai vu pleurer douloureusement de ces choses, de m’en occuper pendant plusieurs jours et de m’y laisser rentrer, bon gré mal gré, sans savoir, Dieu m’en est témoin, où mettre les pieds »,Bresc 1972.
↑Pétrarque, lui-même, considérait que : « L’obstination des cardinaux à ne pas retourner à Rome trouve son origine dans la qualité des vins de Beaune. C’est qu’en Italie il n’y a pas de vin de Beaune et qu’ils ne croient pas mener une vie heureuse sans cette liqueur ; ils regardent ce vin comme un second élément et comme un nectar des dieux ».
↑Le Doge de Venise se vit remettre le bref pontifical par le légat Audrouin de la Roche. Pour préparer le retour du pape le cardinal demanda à Marco Cornero le libre passage dans tous les ports de la Sérénissime d’un convoi de deux cents amphores de vin devant transiter par les marches d’Ancône. Les nefs étaient jaugées par amphore et vingt amphores correspondaient à environ douze tonneaux métriques.
↑Ce chef-d’œuvre de l’orfèvrerie, qui pesait entre trois cents et trois cent cinquante grammes, était traditionnellement fabriqué par les joailliers de Sienne. Ornée de pierres précieuses et des perles, une rose d’or était estimée aux environs de deux cents florins. Celle de la Reine Jeanne fut déposée l’année suivante à la basilique Saint-Pierre de Rome. Un exemplaire de ce joyau est conservé aumusée de Cluny à Paris, c'est la plus ancienne conservée au mondeMusée de Cluny, orfèvrerie et ivoires, sélection des œuvres
↑Le terme « societates » (sociétés) désignait les groupes constitués allant de l’organisation d’un quartier à une compagnie de Routiers.
↑Olivier de Mauny, pour ses bons et loyaux services, fut fait capitaine général de Normandie et devint chambellan de Charles VI.
↑Raymond d’Agoult, troisième Sénéchal de Provence issu de la famille comtale de Sault, garda non seulement ses hautes fonctions mais devint Amiral du royaume de Naples pour les mers du Levant et fut chargé de conduire des ambassades pour la reine Jeanne en Italie et en Espagne.
↑Bertrand du Guesclin, rançon payée, avait été libéré par le Prince Noir et avait immédiatement quitté Bordeaux.
↑Arnould d’Audrehem (1305-1370) était devenu le bras droit de du Guesclin.
↑Louis, duc d’Anjou, pour ses œuvres, fut qualifié « d’exacteur, mais viril et intelligent ». Il avait nommé Amiel des Baux, Sénéchal de Beaucaire, en remplacement de Gui de Prohins, le 23 avril 1367. Le Bâtard succédait ainsi à son père Agoult et à son demi-frère Bertrand.
↑Seul Froissart le nomme Bertrand du Guesclin. En Bretagne, il était désigné comme Bertrand de Gueaqûi, tandis que les différentes chroniques qui font état de ses faits d’armes l’appellent indifféremment Glacquin, Claquin, Gleaquin, Glyaquin, Glesquin, Gleyquin, Cliquin ou Claiquin.
↑Aigues-Mortes, malgré son début d’ensablement, était le port français le plus utilisé sur la façade méditerranéenne. Il avait complètement supplanté celui de Saint-Gilles, fondé au début duXIIe siècle, parRaymondIV de Toulouse.
↑Il s’agissait des villages d’Alauzun, Aulan, Autanne, Beaumont-le-Vieux, Briançon et son péage de la Gabelle, Mison, Montbrun, Plaisians, le Poët-en-Percip, la Roche-sur-Buis, la Rochette-du-Buis, Saint-Léger, Vercoiran et Villefranche-le-Château, fiefs de Raymond des Beaux, gendre deGuillaumeIII Roger de Beaufort.
↑Une « lance » formant alors un équipage était composée de trois hommes : le cavalier, son écuyer et son valet de pied, l’armée provençale regroupait mille deux cents hommes, mais non mille deux cents combattants.
↑Apt était une ville-close c’est-à-dire une cité fortifiée derrière ses remparts pour se mettre à l’abri des « pilleries, roberies, larcins et autres maléfices faits par le temps de guerre ». La cité julienne était protégée par ses vingt-sept tours qui abritaient chacune une compagnie de huit arbalétriers, soit un total de deux cent seize hommes de traits.
↑Louis d’Anjou devant intervenir contre les Anglais en Guyenne, Agenais, Rouergue et Quercy voulut étoffer les troupes des barons occitans. Il fit revenir dans ses Sénéchaussées, qui avaient payé si cher leur départ, non seulement les compagnies dePerrin de Savoie et d'Amanieu d'Ortigue, mais aussi cellesdu Petit Meschin, de Bosonet de Pau et de Noli Pevalhon.
↑Le, Urbain avait rappeléurbi et orbi que tous les Comtadins devaient solder les garnisons que son Capitaine des Armes avait fait retrancher dans les châteaux et les places fortes.
↑La cité de Florence, se sentant menacée par la « calata » impériale, fit venir d’urgence pour la défendre Giovanni Malatacca de Reggio, un des meilleurs capitaines de la Reine Jeanne. À la fin décembre 1368, la reine dépêchait auprès du pape ses conseillers Nicola Spinelli et le logothète Napoléon Orsini pour traiter au nom de Florence avec l’empereur. Un accord fut conclu en février 1369 entre les parties et Florence s’en tira en versant une forte amende à Charles IV.
↑Le neveu d’Elzéar, Louis de Sabran, comte d’Ariano, fils aîné de Guillaume de Sabran, avait été nommé sénateur de Rome par Urbain V pour cette année 1369.
↑Les exactions de John Hawkwood, le gendre de Barnabò Visconti, dans le domaine pontifical italien ne prirent fin qu’en novembre 1370.
↑Cette réception pontificale coûta la bagatelle de208 florins4 sous à la capitale du Comtat (Archives Municipales de Carpentras, CC. 156,fo 44 et 44 vo).
↑Joseph Hyacinthe Albanès,Recherches sur la famille de Grimoard et sur ses possessions territoriales auXIVe siècle, Mende, impr. de C. Privat,(lire en ligne).
↑Nous lisons dans l'Histoire des monstres depuis l'antiquité jusqu'à nos jours d'Ernest Martin (Paris, Reinwald, 1880), à la pagep. 222, ce récit que l'auteur attribue àCangiamila : « Amphibisia, parente d'Elzéar et épouse de Grimoalde, était une dame de distinction. Un jour, elle mit au monde un être monstrueux, agité de mouvements continuels, qui effrayaient tous ceux qui s'approchaient de lui ; il n'avait rien d'humain, et d'un autre côté rien non plus de bestial. On ne pouvait, en un mot, le comparer à aucun animal connu. Elzéar, l'ayant examiné, fut vivement touché de l'infortune qui frappait ainsi ses parents ; il se mit à adresser une fervente prière au ciel. Aussitôt cette masse informe de chair revêtit un aspect superbe et poussa un cri. Les amis s'en approchèrent et, se joignant à la famille, se prosternèrent afin de rendre un solennel hommage à la toute-puissance divine ; on prédit qu'il arriverait un jour au pontificat, et il devint, en effet, pape sous le nom d'Urbain V. »
↑Comme l’a expliqué J. Heers, lors d’un conclave « Tous les cardinaux le savent bien, le résultat ne traduit pas forcément un rapport de forces bien étudié ; tant de manœuvres, d’ententes savamment ourdies échouent lorsque tous se retrouvent ensemble et peuvent parler. Ce qui compte, ce sont les complots le jour même, la façon de persuader, de faire peur en montrant les dangers de tel choix, en rappelant des précédents fâcheux. On cause beaucoup, en dehors des séances, lors des interruptions, dans la journée, le soir plus encore et même la nuit ». J. Heers,Précis d’histoire du Moyen Âge, Paris, 1966.
↑Froissart dans saChronique relate : « Il y fit une entrée magnifique, revêtu des insignes impériaux. Le pape et les cardinaux l’accueillirent avec de grandes démonstrations d’honneur et de joie ».
↑Guy Allard -Les gouverneurs et les lieutenans généraux au gouvernement de Dauphiné, Grenoble, Jean Verdier impr., 1704 (réed. H. Gariel, Grenoble, 1864,p. 176).
↑Histoire de l'église gallicane: dédiée à Nosseigneurs du clergé, Jacques Longueval, Pierre Claude Fontenay, Pierre Brumoy, Guillaume François Berthier,p. 154, disponiblesur Google Books
↑Michel Hayez,Éviter la récession économique, souci des papes Urbain V et Grégoire XI au départ d'Avignon, inAvignon au Moyen Âge, textes & documents, IREBMA, Faculté de Lettres d'Avignon, 1989,p. 97-98.
↑Jean-Pierre Saltarelli,Les Côtes du Ventoux, origines et originalités d'un terroir de la vallée du Rhône. Avignon, A. Barthélemy, 2000.(ISBN2-87923-041-1),p. 31.
La version du 18 août 2008 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.