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United Artists United Artists Corporation United Artists Films, Inc. United Artists Entertainment, LLC
Dans lesannées 1940, des dissensions entre ses fondateurs amènent UA à la quasi-faillite. À partir desannées 1950, elle entame une renaissance en commençant à financer laproduction indépendante. Sa progression se poursuit au cours desannées 1960, et, dans lesannées 1970 à1980, elle prend place dans la liste des8 majors, les principauxstudioshollywoodiens qui, règnent sur le cinéma américain. Dans lesannées 1990, victime d'une crise demanagement, elle amorce une période de déclin et redevient un simple distributeur. Elle ne renoue avec la production qu'à la fin desannées 2000.
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Leur objectif est de contrebalancer le pouvoir des grands studios hollywoodiens qui, selon eux, engrangent d'énormes bénéfices à leurs dépens. Suivant les conseils de l'homme d'affairesWilliam Gibbs McAdoo, ils décident de créer leur propre société de distribution. Le premier directeur de la société estHiram Abrams.
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D'emblée animée par la volonté de promouvoir les créateurs, United Artist se munit d'une infrastructure allégée, ne fournissant, dans un premier temps, ni plateaux, ni locaux de travail. Elle ne participe au départ qu'à la distribution des films. Elle accorde du reste un droit de gérance étendu aux réalisateurs (gestion des aspects artistiques et commerciaux)[2]. Si UA a toujours soutenu la production indépendante, lastratégie marketing de Krim et Benjamin se différencie de celle de l'équipeChaplin-Pickford. Ainsi, au lieu de la financer, UA facture aux producteurs desfrais de distribution avantageux. Alors qu'ils étaient de 30 %, ils plafonnent désormais à 25 %. Sorte d'impôt régressif, ils peuvent descendre jusqu'à 10 %.
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La première trace de coopération avec Walt Disney avec United Artists remonte avant[3], année où il signe un contrat qui prévoit pour la saison 1932, la réalisation de dix-huit "Mickey", ainsi que de dix-huit "Silly Simphonies" (en 1932, le nombre baisse à treize "Silly Simphonies").
Excédé par le comportement dictatorial de Selznick, Chaplin lui intente un procès l'accusant de non-respect de son contrat (droits de distribution accordés àRKO Pictures, notamment[4]). Après un contre-procès, les parties trouvent un arrangement en 1946, selon lequel UA rachète pour 2 millions de dollars à Selznick les droits de ses films. Le problème est que Chaplin et Pickford, tous deux opposés dans cette bataille judiciaire, sont depuis irréconciliables. Ainsi, dès 1948, Pickford veut vendre ses parts mais Chaplin refuse une offre conjointe de 12,5 millions de dollars de la part de Si Fabian, président deFabian Theatres, et de Serge Semenenko, de laFirst National Bank of Boston. Larécession économique d'après-guerre, la désaffection du public vis-à-vis des produits typiques des studios, le développement dessuburbs et le peu de bénéfices récoltés à l'étranger font qu'en 1948, les banques suspendent le financement des producteurs indépendants[5]. Avec comme résultat pour UA que ces derniers refusent de livrer leurs films ou signent des contrats avec les majors. Face à cette pénurie d'offre,une dette de 200 000 dollars et des pertes de 65 000 par semaine, Chaplin et Pickford nomment en juillet 1950 une équipe demanagement dirigée par l'homme politique etdiplomatePaul V. McNutt(en), lequel reçoit undroit de préemption de deux ans sur la compagnie, pour 5,4 millions[6],[7][source insuffisante].
Les années 1950 : la prise de contrôle par Arthur Krim et Robert Benjamin
Lorsqu'en février1951,Arthur B. Krim etRobert Benjamin(en) prennent le contrôle de UA, la compagnie est au bord de labanqueroute et perd désormais 100 000 dollars par semaine. Après avoir convaincu Chaplin et Pickford que l'option McNutt n'est pas viable, Krim et Benjamin obtiennent un financement de 500 000 dollars de la part deSpyros Skouras, président de20th Century Fox (en échange de tirer les copies des films UA enDeLuxe Color, une filiale de la Fox) et 3 millions deligne de crédit deHeller Financial[4]. Ils prennent en fait le contrôle de UA sans verser un seul dollar (bien que Pickford estime la valeur de la compagnie à 5,4 millions) pour trois ans. Le contrat stipule que si UA dégage desbénéfices durant ces trois ans, leurs postes sont reconduits pour dix ans et ils se partagent chacun 50 % des parts[8]. Krim, qui fut président deEagle-Lion Films de1946 à1949, débauche ses anciens collaborateurs, qui reprennent les mêmes fonctions à UA :William J. Heineman est nommé vice-président responsable de la distribution aux États-Unis etMax E. Youngstein(en), vice-président responsable de la publicité et de l'exploitation. Par ailleurs, l'équipe de management s'étoffe de l'avocatSeymour Peyser, conseiller juridique, d'Arnold V. Picker, qui reprend son ancienne fonction à laColumbia de vice-président responsable de la distribution à l'étranger et duproducteur françaisCharles Smadja, responsable des ventes européennes. Quant à Krim et Benjamin, ils servent respectivement comme président et président du conseil d'administration, bien queFortune précise que leurs rôles sont interchangeables[9]. Dans les faits, Krim s'occupe plus particulièrement des négociations avec les producteurs tandis que Benjamin a le rôle dedirecteur financier et sert d'intermédiaire entre UA, lesbanques etWall Street[10].
En1948, une cour suprême, dans unprocès fédéral « antitrust » contre les majors de cinéma, proscrit leblock booking et supprime l'intégralité des chaînes de cinéma desBig Five. Cette décision ne touche pas UA, étant donné qu'elle ne possède pas de réseau de salles (lesUnited Artists Theatres ne sont pas sa propriété), mais signifie la fin dustudio system. Cependant, ces derniers commencent à offrir à leursstars des participations aux bénéfices atteignant 33 % (notamment de la part deWarner Bros. etParamount Pictures pourJohn Garfield,Danny Kaye,Milton Berle,Bob Hope etBing Crosby) et jusqu'à 50 % (de la part deUniversal Pictures pourJames Stewart dansWinchester '73[11]) et créent des unités de production semi-autonomes. Pour Krim,« Bien que nos films ne devraient pas être meilleurs que ceux d'Eagle-Lion au début, nous savions qu'une star ne dirait pas 'Je ne veux pas travailler avec United Artists' ou qu'une chaîne de cinéma ne dirait pas 'Vous n'avez rien à faire ici' »[12]. Mais la réputation seule du nom United Artists ne suffit pas. Selon Tino Balio,« si UA espérait pouvoir accéder aux meilleures salles, il fallait qu'elle possède des produits qui puissent rivaliser avec n'importe lesquels de ceux que les majors produisaient »[13].
Les projets soumis à UA prennent la forme d'unpackage comprenant unscénario, une équipe technique, unréalisateur et/ou unevedette. Si UA est d'accord sur lepackage, lapréproduction démarre et la compagnie établit un accord definancement et dedistribution. Le projet progresse par étapes. La première, appelée « recherche et développement », comprend l'écriture ou la réécriture du scénario, la préparation du budget et du processus de production, le consentement du réalisateur et ducasting. UA a un droit de regard sur tous ces choix. Il arrive, comme pourGary Cooper pourVera Cruz en1954, que certaines stars, en plus de leurcommission, réclament un pourcentage durésultat brut d'exploitation au lieu d'unintéressement aux bénéfices. Cette pratique, rare durant lesannées 1950, devient courante dans lesannées 1970[18]. UA et le producteur prennent chacun en charge 50 % de ce coût. Étant donné que les contrats avec UA ne comprennent pas de clause d’exclusivité, le producteur peut, si aucun accord n'est trouvé sur le développement, user de son droit deturnaround(en), c'est-à-dire transférer son projet à un autre studio. Dans ce cas, UA lui facture les frais de développement. Si le projet ne trouve pas preneur ailleurs, ces derniers sont, soit passés par pertes et profits, soit facturés sur le prochain film du producteur.
Dès qu'UA donne le feu vert à un projet, la seconde étape -celle depréproduction- commence et la compagnie arrange le financement complet du film, généralement paremprunt. Bien que le producteur a la liberté artistique complète sur son œuvre, UA nomme unproducteur exécutif qui lui envoie des informations financières quotidiennes, notamment sur leflux de trésorerie. Afin de se prémunir contre les dépassements de budgets, UAprovisionne 10 % du budget et demande en plus aux producteurs novices d'obtenir uncautionnement permettant que le film soit terminé coûte que coûte. En échange du financement du film, UA reçoit lagestion des droits audiovisuels, soit les droits de distribution pour tous pays, toute langue et tout support, notamment labande originale du film. En cas deremake ou d'adaptation télévisée, UA partage ses droits avec le producteur. Lorsque Krim et Benjamin prennent le contrôle de UA, les droits de distribution sont de seulement cinq ans. Les contrats signés depuis permettent d'étendre leur durée à dix ans, voire à perpétuité, si le producteur est intéressé. Le prix est alors basé sur lavaleur résiduelle du film.
Lors de l'étape de lapostproduction, UA s'assure que le film reçoit un visa de censure.
Après ladistribution en salles, le producteur reçoit une commission fixée en proportion du risque qu'il a pris. UA déduit sa propre commission de distributeur ; le solde est utilisé pour payer les frais des copies et de lapublicité, le remboursement des emprunts puis lessalaires. Enfin, dans le cas deportefeuilles de plusieurs films, lesbénéfices sontcollatéralisés afin qu'UA soitsûre de percevoir un revenu moyen, même si un film du groupe ne dégage pas de profit.
En 1957, après son entrée en bourse, UA décide de développer sacroissance organique par uneffet de réseau. À la différence des majors (dont les films distribués passent d'une moyenne de 448 entre1948 et1952 à 366 sur1953-57, puis 240 sur1958-64[20]), UA augmente fortement le nombre de filmsdistribués, avec pour but de réduire sesfrais fixes[21]. Elle se tourne vers la série B, seule capable de générer du volume. La demande pour cette dernière, quoique limitée, perdure tout au long desannées 1950, dans les petites villes[22], comme les aires métropolitaines ou lesdrive-in, où elle comble le trou entre deux sorties de série A[23]. Les principaux fournisseurs de séries B de UA sontEdward Small,Bel-Air Pictures etSecurity Pictures. Edward Small, qui signe un contrat avec UA en1952 est, de loin, le plus important : il lui fournit 75films d'exploitation en dix ans tout en lui proposant de temps à autre des séries A commeTémoin à charge ouSalomon et la Reine de Saba. Les budgets des films de Small, tournés en 7-9 jours, sont compris entre 100 000 et 300 000 dollars. Rapportant entre 300 000 et 500 000 dollars, ils ne contribuent que peu à la commission de distributeur de UA ou à saréputation. En revanche, par le volume qu'ils génèrent (UA distribue en moyenne 25 films d'exploitation par an), la compagnie réduit ses frais fixes et obtient desrendements d'échelle[24] Ces films consistent en deswesterns, desfilms noirs (la série desConfidential) ou des films descience-fiction (spacers) et d'horreur (chillers) qu'UA distribue endouble programme, suivant la pratique de l'époque.
Dès1955,RKO etWarner Bros. vendent leurs catalogues pré-1950 à, respectivement,General Teleradio etAssociated Artists Productions. Malgré la crainte desexploitants de salles face à lasyndication (auxquels UA applique le même pourcentage), UA suit et dépasse même la tendance en étant la première major à louer son catalogue post-1950, essentiellement desfilms britanniques, dont ceux d'Eagle-Lion. En1957, UA rachète pour 27 millions de dollars à Associated Artists Productions le catalogue pré-1950 de la Warner, soit 800 films sonores, 200 muets, 1 400 courts métrages, dont les séries desfilms d'animationLooney Tunes,Merrie Melodies etPopeye[29]. En1959, UA rachète pour 3,7 millions le catalogue pré-1950 de la RKO, si bien que l'année suivante, elle est à la tête du plus important catalogue de films d'Hollywood. L'on estime en1958 que la cession de droits télévisés a rapporté 200 millions de dollars aux majors[30].
À la date de1960, les films pré-1950 sont diffusés en masse à latélévision, qui est devenue un acteur de l'industrie du cinéma, au même titre que lesexploitants. Les droits de diffusion d'un long métrage (deux passages) passent ainsi de 10 000 dollars en1955 à 150 000 en1960, les films ayant réussi aubox-office et lesblockbusters étant facturés plus cher[31]. En1964, UA commence à vendre despackages de films récents auxréseauxCBS etABC, suivis en1965 parNBC. Le contrat de 125 millions de dollars négocié avec ce dernier en1967 est alors le plus important jamais signé[32]. Quatre de ces films (West Side Story,Un monde fou, fou, fou, fou,La Plus grande histoire jamais contée etTom Jones) sont vendus pour la somme jamais vue de 5 millions l'unité. De fait, la cession de droits télévisés permet de compenser les pertes à l'exploitation mais constitue également une seconde source de profit pour UA.
Après la prise de contrôle de UA par laTransamerica Corporation (TA) en1967, cette dernière acquiert (contre l'avis de UA)Liberty Records pour 22 millions de dollars en1968. Avec lafusion, la nouvelle entité, renommée Liberty/United Artists Records, accède à la6e place des majors. Liberty/UA dégage desprofits les deux premières années mais perd, respectivement, 5,1 millions de dollars en1970 et 3,8 millions en1971. UA réorganise Liberty/UA, remplace l'équipe de management, réduit les frais généraux et la renomme à nouveau en United Artists Records. À l'issue d'une nouvelle réorganisation, TA se sépare des branches de distribution de United Artists Records en1973 et de production en1975. L'ensemble est renommé en United Artists Records and Music Group Inc. (UARMG). En1976, United Artists Records ne contribue toujours qu'à 25 % du chiffre d'affaires de UA[34]. En1978, Artie Mogull et Jerry Rubinstein rachètent la filiale à TA grâce à un prêt d'EMI. Avec le passage de son label Jet Records chezCBS Records en1979, United Artists Records, renommée Liberty/United Records, perd du même coupElectric Light Orchestra. Incapable de recouvrer son investissement, EMI démantèle Liberty/United Records la même année, la renomme en Liberty Records, et la fusionne en1980 avecCapitol Records[35]. En 1986, leproducteur de cinémaJerry Weintraub, appelé à la rescousse pour revitaliser UA, tente, sans succès, de relancer United Artists Records.
Avant son entrée en bourse, UA ne distribue qu'une poignée de blockbusters:L'Odyssée de l'African Queen,Vera Cruz,La Comtesse aux pieds nus,Alexandre le Grand etLe Tour du monde en 80 jours. Le producteur de ce dernier,Michael Todd, a déjà sorti l'année passéeOklahoma !, tourné enTodd-AO et adapté d'unecomédie musicale à succès deBroadway parRodgers etHammerstein. Autre principale base d'un blockbuster, lebest-seller, qui lui sert cette fois-ci pourLe Tour du monde en 80 jours. Budgeté à 2,5 millions de dollars, le film accuse un dépassement de 3,5 millions lorsqu'il est pris en distribution internationale par UA contre 2 millions. Après uneavant-première auRivoli, àNew York, le, il est programmé lors des fêtes de fin d'année dans les grandes salles desmétropoles disposant du Todd-AO, puis mis en distribution générale dans le reste du pays en CinemaScope, au prix normal du billet. Fin1958,Le Tour du monde a rapporté 23 millions de dollars (dont 10 % pour UA) et plusieursOscars, dont celui dumeilleur film.
Développé à laFox,La Plus grande histoire doit être tourné auxÉtats-Unis (les autres blockbusters sont généralement produitsoffshore) et a déjà coûté 2,3 millions de dollars enpréproduction. La Fox, qui ne peut se le permettre[43], remet le film dans leturnaround(en). En reprenant le projet, UA rembourse à la Fox ses frais de préproduction (1 million de dollars), accorde au producteur-réalisateurGeorge Stevens unecommission de 300 000 dollars et décide d'un partage des bénéfices de 25 % pour UA et 75 % pour Stevens. Plus inhabituel, UA ne s'assure pas contre les dépassements de budget, pour plusieurs raisons selon Tino Balio :La Plus grande histoire, budgétée à 7,4 millions de dollars pour 23 semaines detournage, est présentée comme « un film intimiste sur Jésus-Christ » ;Spyros Skouras, président de la Fox, déclare que le film possède un potentiel de 100 millions de dollars de bénéfices, tandis que Stevens est décrit parTime Magazine comme « intègre, respecté et capable »[44],[45]. Pourtant,La Plus grande histoire dépasse son budget dès l'entrée enproduction et UA révise son budget à 12 millions de dollars à l'été1963 et espère encore, à la vue des résultats d'un autre film enCinérama,La Conquête de l'Ouest de laMGM, que ceformat de projection peut permettre au film de gagner 40 millions de dollars[46]. Le film sort sansavant-première[47] et reçoit de mauvaises critiques unanimes, sauf de la part deVariety. Bien qu'UA espère unretour sur investissement positif sur 5 à 10 ans, en1965, elle passe par pertes et profits 60 % de la valeur du film (qu'elle récupère partiellement lors de sa location àNBC en1967). Finalement, un an après sa sortie, le film a rapporté 12,1 millions de dollars[48]. SiLa Plus grande histoire jamais contée ne cause pas trop de dommages, c'est qu'UA, à la différence de la Fox avecCléopâtre, dispose d'un réservoir de blockbusters en distribution (voir tableau ci-contre).
Le contrat entre laMirisch Company et UA n'est pas différent des autres : UA accepte de financer un minimum de quatre films par an sur trois ans à partir du,collatéralise les films, partage les profits 50-50 %, applique sacommission de distributeur habituelle, verse une commission hebdomadaire aux frères pour poursuivre l'activité et prend en charge leursfrais fixes (très bas, puisque de l'ordre de 2,5 %[49]). Comme les autres producteurs indépendants de UA,« ils ne pouvaient rien dépenser sans notre approbation. Tant que nous étions concernés, ils étaient comme notre bureau sur la côte Ouest ou notre filiale. Ils donnaient de l'autonomie à beaucoup de monde, mais toujours avec notre autorisation. Avec les Mirisch, tout était fait sur la base de relations les plus étroites possibles ; nous avions grand respect pour tout ce qu'ils faisaient et, de fait, il y avait peu de conflits »[50].
Le deuxième contrat des Mirisch, signé le après qu'ils eurent acquis 62 069actions de UA[55], est plus avantageux. Cependant, des rumeurs de leur passage chezParamount[57] obligent UA à étendre leur contrat de 20 à 48 films (un lot de 20 films et deux lots de 14) sur la période1964-74. Le premier film du contrat estHawaï, une superproduction développée dès1960 sur la base dubest-seller deJames A. Michener. George Roy Hill y remplaceFred Zinnemann et dépasse de 4 millions de dollars le budget initial de 10 millions, n'empêchant pas le film d'être le plus profitable du lot de 20 films, rapportant 19 millions et engendrant une suite en1970,Le Maître des îles. La collaboration des Mirisch avec Blake Edwards se poursuit et ce dernier obtient 375 000 dollars par film comme réalisateur (voire 150 000 de plus comme scénariste) et 20 % des profits.Qu'as-tu fait à la guerre, papa ?, produit à 7 millions de dollars, en perd 4 et est un échec critique[58], si bien que les Mirisch tentent, sans Edwards, sans Sellers (pris parLa Party) et sans succès, de revitaliser le personnage deJacques Clouseau avecL'Infaillible Inspecteur Clouseau. Lewestern traditionnel décline dans lesannées 1960 (au profit duwestern spaghetti vers lequel UA se tourne dès1964) et il en va de même de la carrière de John Sturges :Sur la piste de la grande caravane etSept secondes en enfer sont des échecs, tout comme son recyclage dans lefilm d'espionnage avecStation 3 ultra secret.
Par contre, cette période voit monter le producteur-réalisateur Norman Jewison :Les Russes arrivent est lesleeper de1966 et rapporte 12 millions de dollars sur une mise de 3,9. Suivent à intervalle d'un anDans la chaleur de la nuit etL'Affaire Thomas Crown. Parce que les Mirisch pensent queDans la chaleur de la nuit ne sortira jamais dans leSud (et a peu de chance de marcher ailleurs[59], il est produit à bas coût (2 millions de dollars). Il en rapporte 16, plus cinqOscars, dont celui dumeilleur film[60] et engendrera deux suites (Appelez-moi Monsieur Tibbs etL'Organisation) et unesérie dérivée. UA accorde à Jewison l'un des meilleurs contrats jamais signé par elle, soit 550 000 dollars sur 5 films et jusqu'à 22,5 % des profits. Malgré le succès deL'Affaire Thomas Crown, qui rapporte 11 millions sur une mise de 4,3, à l'issue de leur second contrat, le bilan des Mirisch est décevant pour UA : 21 millions de dollars de bénéfices, contre 35 pour le premier lot[61].
LorsqueAlbert R. Broccoli etHarry Saltzman signent leur contrat avec UA en juin1961,Ian Fleming a déjà écrit 9James Bond, d'Espions, faites vos jeux (Casino Royale) au dernier en date,Opération Tonnerre, sans parvenir à entrer dans la liste desbest-sellers, ni à décrocher un contrat àHollywood[65]. En1955, dépité, il vend pour 6 000 dollars les droits cinématographiques deCasino Royale au producteurGregory Ratoff (les droits télévisés ayant déjà été acquis parCBS, qui en avait tiré untéléfilm l'année précédente). En1960, dans l'impossibilité de trouver des fonds pour une adaptation à l'écran deCasino Royale, Ratoff revend les droits au producteurCharles K. Feldman. En1959, Fleming s'attèle néanmoins à unscénario,Opération Tonnerre, écrit en compagnie deKevin McClory etJack Whittingham mais ne trouve pas plus de débouchés que Ratoff. Il publieOpération Tonnerre sous forme deroman sans créditer McClory, qui lui intente un procès, qui dure jusqu'en 1963.
Les discussions avec Broccoli ont lieu au siège de UA àNew York en compagnie de Krim, Benjamin etDavid V. Picker… tandis que, pendant ce temps, Saltzman essaie de vendre le projet à laColumbia quelques étages plus bas! UA accepte de financerJames Bond 007 contre Dr No mais le contrat avecDanjaq, uneholding basée àLausanne,société mère deEON Productions, n'est signé que le. Il ne diffère pas desautres contrats signés à l'époque. Avec 2 millions de dollars de bénéfices auxÉtats-Unis et 4 à l'international,Dr No marche bien, mais ne fait pas de score exceptionnel. Il est cependant prévu que siDr No et l'opus suivant,Bons Baisers de Russie, récupèrent leurinvestissement, la part de Danjaq dans lesbénéfices passe de 50 à 60 %. Le phénomèneBond (et les budgets) décolle avecGoldfinger, qui coûte environ 3 millions de dollars et en rapporte 46 dans le monde entier, grâce à une politique de marketing indifférencié par saturation dessalles et unintéressement desexploitants. Cependant,Variety calcule qu'UA récupère finalement 80 % des bénéfices du film, depuis classé avecDr No par leBritish Film Institute comme l'un des100 meilleurs films britanniques[66]. À partir deGoldfinger, chaqueBond rapportera à l'international le double des États-Unis. Il en va ainsi d'Opération Tonnerre, produit grâce à un arrangement avec McClory, qui a obtenu de la justice les droits sur le personnage d'Ernst Stavro Blofeld et sur leSPECTRE. En échange, McClory est nommé producteur et reçoit 250 000 dollars et 20 % des profits, à condition de ne pas produire deremake avant 10 ans (ce seraJamais plus jamais en1983, dont UA rachète les droits de distribution en1997[67]). De même, en1964-65, UA tente de persuader Feldman de trouver un accord avec Saltzman et Broccoli surCasino Royale. Éventuellement, UA est prête à signer un contrat séparé avec Feldman, qui a déjà 4 films en cours pour UA (La Septième Aube,Quoi de neuf, Pussycat ?,Le Groupe etGuêpier pour trois abeilles). En mai1965, Feldman réclame 75 % des recettes, ne laissant que 25 % à Saltzman, Broccoli et UA[68],[69]. Finalement, UA laisse tomber et laparodieCasino Royale est distribuée en1967 par la Columbia. Produit à 8 millions de dollars, contre 10 pourOn ne vit que deux fois,Casino Royale est un échec qui handicape ce dernier (qui ne rapporte que 19 millions aux États-Unis), mais ne cause pas de dommages à la série. En rachetant la société de production de Feldman, UA acquiert la moitié des droits deCasino Royale, le restant étant la propriété de la Columbia. Aussi, lorsque cette dernière envisage en1997 plusieurs remakes sans UA (Casino Royale etOpération Tonnerre), la justice la déboute[70].
La série poursuit son chemin au rythme d'un film tous les deux ans, sans que les changements d'acteurs viennent démentir son succès (et sa longévité). En1967, UA révise son contrat avec Saltzman et Broccoli et leur accorde 75 % des bénéfices. On estime que les deux producteurs ont empoché 30 millions de dollars sur la série en1974[71]. Seulement, à cette date, Saltzman et Broccoli ne sont pas dans la même santé financière : Saltzman a investi massivement dans laTechnicolor Motion Picture Corporation, a produit pour UA des films qui n'ont pas marché (Un homme de trop,Un cerveau d'un milliard de dollars,Enfants de salauds etLa Bataille d'Angleterre) et a besoin deliquidités[71]. Par ailleurs, les deux producteurs ne sont plus en état de se parler et ne font plus d'affaires ensemble (ils produisent lesBond à tour de rôle depuis1966[18]). Aussi, lorsque Broccoli refuse de racheter les parts de Saltzman et que ce dernier prend langue avec la Columbia pour une vente, UA tape du poing sur la table et force l'arrangement. Le, UA rachète pour 26 millions de dollars les parts de Saltzman dans Danjaq. Et du moment où Danjaq et UA sont coproducteurs, UA possède désormais à perpétuité les droits de distribution de la série. Avec le rachat de UA parSony Pictures Entertainment,société mère de la Columbia, le, la série est, depuisle remake deCasino Royale de2006, distribuée par Columbia.
Depuis six ans,Tony Richardson et consorts ont lancé leFree Cinema, qui« atteint et révèle un nouveau public dont l'existence est restée insoupçonnée, aussi bien de l'industrie cinématographique que de l'establishment culturel »[76]. Les premiers films de Woodfall, qui s'attachent à dépeindre la vie de laclasse ouvrière, sont des échecs commerciaux, à l'exception deSamedi soir, dimanche matin deKarel Reisz, qui fait d'Albert Finney unestar etUn goût de miel de Richardson, qui révèleRita Tushingham. AvecTom Jones, UA pense tenir quelque chose de spécial et accepte le de financer le film pour 1,25 million de dollars. La critique est partagée après l'avant-première auLondon Pavilion en juin1963 et se pose le problème de l'aversion traditionnelle du public américain pour les films en costumes anglais[77]. Pour la sortie deTom Jones aux États-Unis, UA organise des projections de presse ciblées àNew York,Los Angeles,San Francisco etChicago et ne sort le film que dans une seule salle d'art et essai, leCinema I, dans l'Upper East Side, le. Plus tard, le film sort dans une autre salle d'art et essai de Los Angeles et ce n'est qu'à Noël 1963 que, le bouche à oreille ayant fonctionné, le film est distribué dans 18 salles de 12 aires métropolitaines. Pour la sortie dans de plus petites villes duSud et duMidwest, UA remplace l'affiche originale par une autre, plus « paillarde ». En mai 1964, après avoir décroché quatreOscars, dont celui dumeilleur film,Tom Jones a déjà rapporté 8 millions de dollars aux États-Unis et 4 à l'international. UA signe avec Woodfall un contrat non exclusif de huit films. Les trois suivants sont des œuvres à petit budget :La Fille aux yeux verts (le premier film deDesmond Davis),One Way Pendulum (le premier dePeter Yates) etLe Knack... et comment l'avoir deRichard Lester, le seul à remporter un succès à la fois critique (Palme d'or duFestival de Cannes) et commercial en engrangeant environ 2,5 millions de dollars. Les trois films réalisés par Richardson sous l'accord de coproduction franco-britannique de1966 sont des échecs commerciaux : 575 000 dollars de recettes pourMademoiselle, 215 000 pourLe Marin de Gibraltar et 780 000 pourLa Chambre obscure. De même,La Charge de la brigade légère, une coproduction américano-britannique, n'est pas leblockbuster espéré : produit à 6 millions, il n'en rapporte que 2,3[78]. En 1966,Time Magazine s'enthousiasme du renouveau du cinéma britannique[79] mais omet de préciser qu'il est totalement dépendant des financements américains. D'ailleurs, tout au long desannées 1960, lesstudios hollywoodiens reçoivent 80 % de l'Eady Money[80]. De plus, aprèsTom Jones, il est clair que lecinéma d'auteur de Woodfall ne marche pas sur le marché américain. Le contrat se conclut donc surKes, le deuxième film deKen Loach, etNed Kelly.
En1964,United Artists Records, qui veut unebande originale desBeatles pour le marché américain, convainc UA de produire un film avec legroupe.Walter Shenson, grillant la politesse àBrian Epstein, signe un contrat de trois films et soumet lepackage à UA : 30 % des profits pour lui-même comme producteur, un réalisateur attaché, Richard Lester, avec lequel il a déjà faitLa Souris sur la Lune… et 40 % des profits pour UA[81], undeal pour le moins inespéré!A Hard Day's Night, précédé de la sortie de l'album éponyme, est montré auxDJs et aux vendeurs deproduits dérivés et sa sortie sélective est vendue comme unconcert avec pré-ventes. Produit à 500 000 dollars,A Hard Day's Night a rapporté 10 millions un an après sa sortie, date précise où est distribuéHelp!, toujours signé Lester, qui rapporte la même somme. Le dernier film, ledessin animéYellow Submarine, n'est pas produit par Shenson mais parApple Corps et dérivé de lasérie télévisée américaineThe Beatles, produite pourABC.
Après la fin de son contrat avec Woodfall, UA se tourne versLarry Kramer, qui a déjà coécrit et produit pour elleHere We Go Round the Mulberry Bush. N'ayant lu qu'un premier jet de cette adaptation deD. H. Lawrence, UA accepte néanmoins les 1,6 million de dollars du budget deLove et le réalisateurKen Russell, dontUn cerveau d'un milliard de dollars, le troisième volet des aventures d'Harry Palmer, n'a pas convaincu. En dépit de bonnes critiques,Love, pas plus que les autres films de UA de cette époque, n'atteint le public de jeunes adultes auquel il était destiné mais rapporte quand même 4,5 millions de dollars. En1970, Russell donne encoreMusic Lovers. À cette date, UA et les autres majors ont considérablement réduit leurs investissements sur le marché britannique. Si le volume de films reste stable (70 par an), le financement (essentiellement américain) a chuté de 65 %[82]. UA se contente de distribuer unJames Bond tous les deux ans et, occasionnellement, une production anglaise commeUn dimanche comme les autres,The Offence,Théâtre de sang,Terreur sur le Britannic,Brannigan,Un pont trop loin,Valentino ouLa Grande Attaque du train d'or.
Durant lesannées 1960, l'industrie du cinéma entre dans l'ère desconglomérats lorsque les studios sont, soit rachetés par ces entités, soit deviennent eux-mêmes des conglomérats[94],[95]. La prise de contrôle de laParamount parGulf+Western est la première du genre en 1966, suivie de celle de UA par laTransamerica Corporation et deWarner Bros. parKinney National Company. Lesmajors ont, durant les années 1960, produit des films dont la valeur est sous-évaluée en raison de recettes erratiques ; ils possèdent desbiens immobiliers sous la forme destudios et deslabels discographiques ou des chaînes desalles de cinéma à l'étranger ; ils gèrent des catalogues de films qui peuvent être exploités par des chaînes detélévision par câble ouà péage. Charles Bluhdorn, président de Gulf+Western, donne l'explication suivante sur son acquisition :« Il existe un formidable futur dans le domaine des loisirs... Les films surcassette vidéo pour l'usage familial vont ouvrir un marché énorme... Un jour, lessatellites relaieront des films récents dans des millions de foyers. C'est un grand challenge[95] ». Contrairement à la Paramount, UA est en bonne santé financière. Cependant,Wall Street continue de classer l'industrie cinématographique comme « à risque ». Afin d'impressionner cette dernière, UA rend publique sacapitalisation boursière et attire les repreneurs. En juillet 1966, UA annonce son rachat parConsolidated Food, qui souhaite l'intégrer horizontalement en ladiversifiant dans l'édition delivres, demagazines et dedisques[96]. Lesactionnaires du UA refusent l'offre et cette dernière trouve un accord avec laTransamerica Corporation (TA) en[97], qui sera officialisé le. Après l'acquisition de UA, TA rachèteLiberty Records,Trans International Airlines(en) etBudget Rent-A-Car: desfiliales dédiées aux loisirs qui contribuent à 30 % de sonchiffre d'affaires à la fin des années 1960. Bien que classée entreShell etEastman Kodak, TA souffre d'un manque d'image de marque: elle décide donc de s'offrir une campagne publicitaire dansTime Magazine où elle présente sonlogo en « T » et annonce la construction àSan Francisco de sonsiège social mondial, laTransamerica Pyramid. Ce bâtiment moderne doit refléter, selon John Beckett, président de TA, la philosophie du nouvel acquéreur de UA selon laquelle« les hommes jeunes, ou au moins les hommes qui paraissent jeunes, créent le changement et veulent essayer de nouvelles choses[98] ». Et de rajouter que,a contrario,« les cadres séniors participent à desconventions, ils deviennent des personnalités importantes en ville et font partie de la liste desmécènes. Le gouvernement leur demande de servir comme conseillers et on leur offre de parler à des colloques de différentes sortes. J'espère que c'est une chose que nous pouvons éviter. Autant que j'en sais, peu d'idées sur de nouvelles ou meilleures façons de faire de l'argent sont discutées lors de conventions[98] ». SiArthur B. Krim, membre duconseil d'administration de l'Institut Weizmann, conseiller desprésidents des États-UnisJohn Fitzgerald Kennedy etLyndon Johnson,trésorier duParti démocrate américain, se sent visé, il n'en laisse rien paraitre, pas plus queRobert Benjamin(en), à l'origine de la création de l'United Nations Association of the United States of America et également conseiller de Johnson. Les deux vice-présidents de UA entrent pour cinq ans au conseil d'administration de TA. À la date de juin1969, l'équipe dirigeante de UA est désormais composée d'Arnold M. Picker, ancien vice-président responsable de la distribution à l'étranger, et de son neveuDavid V. Picker, 38 ans, ancien président deUnited Artists Records[99].
En1968-72,Hollywood traverse sa plus graverécession économique. Tout d'abord, le public devienthédoniste et plus sélectif. Ensuite, les studios font sienne la politique dublockbuster[100], tandis que l'offre devient pléthorique avec l'arrivée des réseaux télévisés (CBS,ABC,National General Pictures(en)) dans laproduction cinématographique, portant le nombre de principaux fournisseurs à onze. De fait, les blockbusters peinent à recouvrer leurretour sur investissement et sont privés de location aux réseaux, ces derniers ayant suffisamment de produits jusqu'en1972[101]. Si Hollywood ne s'effondre pas, c'est au prix de duresrestructurations : abandon d'unebranche d'activité (comme lesstudios deBorehamwood et deCulver City par laMGM),externalisation des services à la production (parColumbia,Warner Bros.-Seven Arts, MGM,Paramount etFox) et, surtout, remise dans leturnaround(en) de projets et réduction des coûts de production. En décembre1969, Krim fait l'inventaire des films placés en production fin1968-69 et estime que 35 films, coûtant 80 millions de dollars, devraient en perdre 50. La raison à cela est que« la politique de sélection des produits a complètement changé en mettant l'accent sur le risque de pertes au lieu de l'espoir de profits[102] ». Après avoir été autorisé par Beckett à reprendre les rênes de UA, Krim sabre où il peut (Les Canons de Cordoba, notamment, est distribué endouble programme avecUnderground) mais ne peut annuler des films sans potentiel commercial tels queLeo the Last,Ned Kelly,Le Propriétaire ouCold Turkey. Krim convainc lesauditeurs comptables de UA et laSEC de la nécessité de passer plusieurs millions par pertes et profits, à l'instar des autresstudios hollywoodiens, qui auraient perdu 200 millions de dollars en1969[103]. La récession touche de plein fouet lesconglomérats, dont les pratiques defusion-acquisition font par ailleurs l'objet d'une commission d'enquête duSénat des États-Unis. Les pertes de UA de1970, les seules du régime Krim-Benjamin (1951-1978), contribuent à 80 % de celles de TA (le reste provenant de Liberty/United Artists Records et de Transamerica Computer). Aussi, Beckett réorganise TA en quatre groupes opérationnels avec un vice-président à la tête de chacun. Pour le président de TA,« maintenant que les temps sont durs, il y a plus que jamais grand besoin d'organisation au sein de la structure de la compagnie… La coopération est obligatoire… Aucune filiale n'est une île en elle-même, en particulier ces compagnies en détresse »[104], un discours en opposition avec celui de trois ans plus tôt selon lequel« Transamerica croit en une forte centralisation des fonctions des équipes dirigeantes et, de manière équivalente, à une décentralisation des opérations au jour le jour »[98]. C'est ainsi que Krim et Benjamin, parmi les principauxactionnaires de TA, se retrouvent chapeautés par James R. Harvey, 38 ans, vice-président chargé des activités de loisirs. Par ailleurs, si TA ne s'est jamais mêlé des choix de UA concernant ses projets, elle recommande néanmoins de les passer au filtre d'unstatisticien soi-disant apte à déceler les recettes d'un succès, mais aussi d'unsociologue, d'unpsychologue et d'unanthropologue…
À plusieurs reprises dans son histoire, UA a dû affronter la censure ou les campagnes degroupes de pression contre ses réalisateurs et/ou ses films. Il en est ainsi deCharlie Chaplin, accusé d'être membre duparti communiste américain, et dontLes Feux de la rampe estboycotté en1952 par l'American Legion et par lessalles de cinémaRKO d'Howard Hughes. Ironiquement, UA avait ressorti en1946Le Banni du même Hughes, malgré un « C » (désapprouvé pour tous) de laligue pour la vertu. Cette dernière s'en prend également à deux films d'Otto Preminger,La Lune était bleue etL'Homme au bras d'or, qu'UA distribue malgré, respectivement, un « C » et un « B » (désapprouvé pour les jeunes, avec un avertissement même pour les adultes) et quitte à démissionner de laMotion Picture Association of America (MPAA). Lecode Hays est remplacé en1968 par un nouveau classement. Stephen Farber, qui a travaillé à la commission de censure de la MPAA, estime que ses membres ont, dès le début, menacé declasser « X » un film qui ne correspondait pas à leurs sensibilités personnelles. Enfin, selon Farber, la MPAA aurait utilisé son système de classement pour « punir » certains réalisateurs commeStanley Kubrick (pourOrange mécanique) ouJohn Schlesinger (pourMacadam Cowboy) et, au contraire, en récompenser d'autres[105]. En fait,Macadam Cowboy reçoit initialement un « R » (les mineurs de moins de 17 ans doivent être accompagnés d'un adulte) de la MPAA et c'est UA qui décide de le distribuer avec un « X ». Étant donné qu'UA se refuse à capitaliser sur les soi-disant éléments « sordides » du film, leplan marketing est risqué. UA organise une projection de presse ciblée et ne programme le film que dans une seule salle, leCoronet, dans l'East Side. Le but étant, selon Gabe Sumner, vice-président responsable du marketing et de la publicité,« de dépasser les réactions épidermiques que, quoi qu'on fasse, certaines personnes ont avec le classement « X ». La plus récente publicité, et de fait celle dont on se souvient le plus, concernant le film ne fait allusion, ni à sa qualité, ni aux éloges qu'il a reçu mais vient de tous ces articles dans les journaux qui sont autant de justificatifs pour ces personnes pour « punir » le film « X » »[106]. Selon Tino Balio, l'autre but est de convaincre le public queMacadam Cowboy n'est pas juste un autre film pour jeunes -commeLe Lauréat ouEasy Rider- mais une œuvre sérieuse. D'ailleurs, pour faire adhérer le maximum de gens au film, tous les encarts publicitaires contiennent l'accroche « Tout ce que vous avez entendu surMacadam Cowboy est vrai »[107]. Après uneavant-première le, le film est projeté dans un seul cinéma par ville (10 au total), en juillet 1969, le temps que le bouche à oreille se fasse. Au moment de sa distribution nationale,Macadam Cowboy a déjà reçu sept nominations auxOscars. Il en gagne finalement trois (meilleur film,meilleur réalisateur etmeilleur scénario original) et rapporte 18 millions de dollars auxÉtats-Unis et 8 à l'international sur une mise de 3,2. La MPAA revoit son classement en1970 et étend le « R » en créant le « NC-17 » (interdit aux moins de 17 ans) afin de réserver le « X » auxfilms pornographiques. Entretemps, et à la différence deMacadam Cowboy, trois films sont remontés par leurs distributeurs pour éviter le « X » :Bob et Carole et Ted et Alice (Columbia),Dernier Été (Allied Artists) etIf.... (Paramount).
Lorsqu'en novembre1971 UA accepte de produire pour 1,25 million de dollarsLe Dernier Tango à Paris, refusé par laMGM, elle pense tenir tous les ingrédients d'un film d'auteur à potentiel commercial. Le jour duLabor Day 1972,Le Parrain a déjà rapporté 75 millions de dollars à la Paramount et a rétabliMarlon Brando (acteur dansLe Dernier Tango à Paris) sur son piédestal destar. Le film est projeté en clôture duNew York Film Festival le et UA décide de l'affubler d'un « X » sans le montrer à la MPAA. Cette coproduction franco-italienne sort sans encombre enFrance le mais l'Italie l'interdit jusqu'en1987 tandis que laCour de cassation italienne ordonne la destruction de toutes ses copies et queBernardo Bertolucci est condamné à quatre mois de prison. Présenté à des critiques américains triés sur le volet (au point qu'UA se verra accusée d'en bannir certains[108]),Le Dernier Tango à Paris commence sa carrière le dans une seule salle deNew York, leTrans-Lux East, avec pré-ventes (5 dollars la place, le prix d'entrée pour un film pornographique) et seulement deux séances par jour. Le film divise la critique :Time Magazine le descend[109] tandis queNewsweek, parlant desuccès de scandale, le défend. Durant l'« orgie médiatique » qui suit, selon les termes de l'Atlantic, John Beckett, président de la Transamerica, transmet à Krim les plaintes descourtiers enassurance-vie de TA. Krim fait projeter le film auconseil d'administration de TA, qui presse Beckett de laisser UA distribuer le film[110]. Cependant, avec un vice-président de TA chapeautant UA, cette dernière perd sa visibilité[111]. Pour Krim,« dans les communiqués, les brochures, les rapports annuels et autres, il est pris soin d'éviter de mentionner le nom du moindre cadre de UA -à la différence de ceux de TA, connus dans l'industrie pour être inexpérimentés dans ce domaine. Nous sommes constamment obligés de réaffirmer aux créateurs, qui sont la base de notre business, que nous sommes autonomes, que nous sommes responsables du choix des films, que nous n'allons pas insister seulement sur des « films familiaux » comme cela a été un jour suggéré, que nous n'abandonnons pasLe Dernier Tango à Paris, que nous sommes toujours la compagnie qui vit de par la variété et que nous prenons toujours les décisions[112] ».Le Dernier Tango à Paris est distribué à partir de mars1973 dans une autre salle, leFine Arts deLos Angeles avant la sortie nationale, en juillet. Afin de se prémunir contre d'éventuelles réticences d'exploitants, UA loue directement des salles dans 33 villes. Par ailleurs, UA craint que le récent arrêtMiller v. California de laCour suprême des États-Unis, qui donne pouvoir aux district attorneys et autres shérifs locaux de juger de l'obscénité d'une œuvre[113], ne soit utilisé contre le film. Elle s'adjoint les services de l'avocat Louis Nizer, qui a gagné le procès intenté contreCe plaisir qu'on dit charnel devant la Cour suprême et gagnera tous les procès locaux contreLe Dernier Tango à Paris. Finalement, le film engrange 40 millions de dollars aux États-Unis et 60 à l'international.
John Beckett ne se départira jamais de son idée selon laquelle lathéorie des probabilitésinformatisée mise en place par TA est« l'un des meilleurs systèmes demanagement de l'industrie du cinéma », ce que Krim dénoncera comme une plaisanterie :« Les modèles informatisés n'ont jamais été utilisés… La Transamerica confond obtenir de l'information qu'ils puissent comprendre et un changement dans notre méthode habituelle de faire des affaires »[114],[111]. Le mariage bat de l'aile et Krim propose même qu'UA devienne uneholding de TA et non plus unefiliale[114], proposition qui est refusée. Cependant, en octobre1973, TA consent à revoir son organigramme :David V. Picker démissionne de son poste de président tandis que Krim et Benjamin reprennent peu ou prou leurs fonctions de1951, soit, respectivement, président du conseil d'administration et président du comité des finances. Ils nomment Eric Pleskow comme président, lequel s'entoure de William Bernstein, vice-président responsable des affaires commerciales, etMike Medavoy, vice-président responsable de la production sur la côte ouest.
Un coup d'accélérateur inattendu vient de laMGM. Depuis 1968, son propriétaireKirk Kerkorian observe le fonctionnement de UA duconseil d'administration de TA (à laquelle il a venduTrans International Airlines(en)). Kerkorian aurait affirmé selon Peter Bart que Krim était son« modèle » dans l'industrie du cinéma[115] et aurait apparemment voulu faire de MGM une compagnie avec peu defrais fixes, comme UA[116]. Aussi, en1973, les deux hommes commencent à discuter sérieusement de la cession par MGM de sessalles de cinéma hors-États-Unis et de sesdroits de distribution internationaux. Finalement, UA n'acquiert, pour 15 millions de dollars et pour 10 ans, que les droits pour les États-Unis, comprenant les droits cinématographiques et la location de films auxchaînes ensyndication. À l'étranger, les films MGM seront distribués pour 17 millions de dollars et pour 10 ans[115] parCinema International Corporation, unecoentreprise entreUniversal etParamount. En échange, MGM reçoit une commission assez faible de 22 % par film. En plus d'être à nouveau la tête du plus important catalogue de films d'Hollywood, UA fait une bonne acquisition : grâce àIl était une fois Hollywood, UA récupère la moitié de son investissement en1975 puis la totalité en1976, après les sorties deThe Sunshine Boys, deL'Âge de cristal et deNetwork, une coproduction MGM/UA[117].
Le vendredi, Arthur Krim, Robert Benjamin et Eric Pleskow annoncent leur intention de démissionner. Le lundi qui suit, William Bernstein etMike Medavoy, soit le reste du staff de UA, annoncent également leur départ[111]. Trois semaines plus tard, grâce à uneligne de créditpermanent de 100 millions de dollars de laFirst National Bank of Boston(en), le quintet fondeOrion Pictures, une société deproduction utilisant le réseau dedistribution deWarner Bros.. L'explication du divorce de Krim, Benjamin et de la Transamerica se fait par presse interposée. Dans un article du numéro du deFortune, Krim déclare :« Vous ne trouverez aucun cadre supérieur ici qui pense que la Transamerica a contribué en quoi que ce soit à United Artists »[114]. Quant à John Beckett, sa réponse est :« Si les gens de United Artists n'aiment pas (notre façon de faire), ils peuvent démissionner et voler de leurs propres ailes »[114]. Selon James Harvey, leur remplaçant, le départ de Krim et Benjamin est en partie motivé par l'argent :« Ils sont partis essentiellement pour fonder leur propre société. C'est aussi simple que ça : faire des films et faire de l'argent. Et ils pensaient qu'ils pouvaient faire plus d'argent »[120]. Il faut dire que le cours de l'action de corporations commeMCA/Universal ou20th Century Fox a bénéficié des succès desDents de la mer ou deStar Wars et que ça pas été le cas pour unconglomérat comme TA, à cause d'une simple question arithmétique (UA ne contribue qu'à 15 % des bénéfices de TA) et parce queWall Street est traditionnellement moins enthousiaste quand il s'agit de conglomérats[121]. Ainsi le cours de TA, après avoir atteint 44 dollars en 1968 au moment de l'acquisition de UA, plafonne au moment de la rupture à 13-16 dollars. Mise à part la question de l'argent, TA n'a jamais vraiment compris la façon d'opérer de UA et a, aprèsla récession de 1968-1972, essayer de fondre UA dans un moule inadéquat. Pour Herbert T. Schottenfeld, ancien vice-président de UA,« TA a décidé de contrôler UA en lui imposant des limitations financières, des rapports à transmettre et desprojections qui n'avaient vraiment aucun sens dans ce métier. Et du moment que Beckett prenait cette position hostile, il envoyait la Transamerica et sa filiale dans le mur »[122].
La démission de Krim et Benjamin reçoit une couverture médiatique nationale et ils deviennent même les héros du jour alors queDavid Begelman est forcé de démissionner de son poste de président de laColumbia après une affaire d'escroquerie[123],[124]. Une semaine après le fameux article deFortune, unelettre ouverte à John Beckett paraît dans la presse corporative. Signée de 63 producteurs et réalisateurs (telsFrancis Ford Coppola,Stanley Kubrick,Blake Edwards,William Friedkin,Norman Jewison,François Truffaut,Saul Zaentz,Fred Zinnemann ouBob Fosse), elle pointe du doigt le fait que« le succès de United Artists... était basé sur les relations personnelles de ces cadres avec nous, les réalisateurs » et questionne sérieusement« la sagesse de la Transamerica Corporation en perdant le talent de ces gens ». Beckett, tout en annonçant qu'il n'y aurait aucun changement dans la philosophie de UA ou ses méthodes, qu'elle possède toujours« l'un des meilleurs systèmes de distribution dans le monde », nomme James Harvey président duconseil d'administration et Andy Albeck, président[111]. Ce dernier s'entoure de deux coprésidents : David Field, responsable de la production sur la côte ouest, et Steven Bach, responsable de la production sur la côte est. Dans cette répartition des rôles, Field et Bach doivent être d'accord tous les deux avant le lancement de la production d'un film, un arrangement jamais vu dans l'industrie du cinéma. Lapromotion d'Albeck est, quant à elle, un geste purement « pyramidal ». Entré à UA en provenance d'Eagle-Lion Films en1951, il fait partie du sérail et, bien que n'ayant aucune expérience dans la production, il permet à TA de rassurer la communauté artistique. De toutes les compagnies, UA n'est-elle pas« la plus familiale. C'est comme une tribu, pas une société, et Krim est la figure tutélaire ? »[125]. Enfin, selon Bach,« son manque de style est compensé par sa connaissance des chiffres, les chiffres de la Transamerica : systèmes de contrôle des budgets, estimation des coûts, projection des profits, retours sur investissement, toutes les minuties… qui sont les systèmes de rapports standards que la Transamerica requiert désormais de toutes ses filiales »[126]. Albeck hérite de 26 films de l'ère Krim-Benjamin : deux productions d'American Zoetrope (Apocalypse Now etL'Étalon noir), un Woody Allen, unJames Bond, unRocky et un film franco-italien à succès (Manhattan,Moonraker,Rocky 2 : La Revanche etLa Cage aux folles) plus lefilm musical américano-allemandHair, des productionsLorimar (Bienvenue, mister Chance,La Chasse) et les deux derniers films promis àSean Connery en échange de son retour dansLes Diamants sont éternels (La Grande Attaque du train d'or etCuba, qui est un échec).
La Porte du paradis a déjà été refusé par UA (et les autresstudios) sous Krim et Benjamin mais est soumis à la nouvelle équipe. Alors que« le bouche à oreille surVoyage au bout de l'enfer (deMichael Cimino) commence à gagner rapidement Hollywood »[127], UA signe volontiers pour 7,5 millions de dollars avec Cimino en novembre1978. D'ailleurs,Voyage au bout de l'enfer démarre bien àNew York etLos Angeles et rapportera plus de 30 millions de dollars et cinqOscars, dont celui dumeilleur film. Le tournage deLa Porte du paradis débute en avril1979, peu avant la cérémonie des Oscars, sur la base d'un budget révisé à 11,5 millions. Deux semaines après l'entrée enproduction, le film accuse deux semaines de retard ; quatorze semaines plus tard, le budget est passé à 21 millions. Selon Steven Bach, qui est promu durant le tournage chef de la production internationale à UA,« la production indépendante basée sur le laisser-faire -c'est-à-dire sans authentiques producteurs- commençait à devenir une méthode de production commune. Même les studios qui exerçaient de forts contrôles sur la production étaient empoisonnés par les dépassements de budgets… et UA n'avait pas la structure ni les équipes nécessaires pour faire appliquer ses protections contractuelles, à moins de rompre fortement avec la routine, commeLa Porte du paradis l'a montré »[128]. Surtout, l'absence de véritable décideur sous l'ère Andy Albeck fait que la sélection des projets passe du département de la production à celui de la distribution. Au lieu que la production ait le mot de la fin, les idées de scripts, de traitements, de scénarios, de casting et du choix du réalisateur, bref tout ce qui constituaitla phase « recherche et développement » sous Krim et Benjamin,« était soumis pour lecture et commentaires de façon routinière à l'équipe de distribution »[129].
Des films sans potentiel commercial commeWindows,L'Homme des cavernes,La Galaxie de la terreur ouLa Créature du marais sont produits. Aucun du box-office de ces films, ni de ceux profitant des 200 millions de dollars mis en production en1980, ne parviendra à éponger le coût final deLa Porte du paradis, désormais de 44 millions.l'échec deLa Plus grande histoire jamais contée se reproduit mais sansUn monde fou, fou, fou, fou,Tom Jones,Irma la Douce,Bons Baisers de Russie,La Panthère rose pour compenser. Malgré desavant-premières désastreusesles 18 et àNew York etToronto et l'autorisation donnée le lendemain à Cimino de remonter son film, selon Pauline Kael, duNew Yorker,« si la compagnie avait pensé que les critiques avaient tort, elle aurait mis des millions dans la publicité et elle aurait peut-être pu avoir un retour sur investissement. Beaucoup de films mauvais y arrivent si les compagnies y croient. Mais (UA) ne croyait pas en (La Porte du paradis) et c'est pourquoi elle a écouté la presse[130] ». D'ailleurs, la Transamerica enfonce le clou en déclarant aussitôt àVariety que« le film est un flop...qui n'a aucune chance de dégager du bénéfice[131] » et qu'elle l'a déjà passé par pertes et profits. Tué par le bouche-à-oreille,La Porte du paradis ne rapporte que 3 484 331 dollars, est nommé auxRazzie Awards et devient l'un des plus gros échecs du box-office américain.
Dès1978,Kirk Kerkorian cherche unstudio à acheter. Il acquiert secrètement 24 % de laColumbia et tente de la fusionner avec saMGM, avant d'abandonner en février1981. Il convoite sans plus de succès la20th Century Fox[132]. Membre duconseil d'administration de TA, il lorgne ensuite naturellement sur UA, qui distribue avec succès les films MGM depuis1973. Car MGM, dont le présidentDavid Begelman a lancé en1980 la production de 24 films (sur 51 prévus), veut désormais contrôler sa propre distribution. Au lieu de débourser 55 millions de dollars[133] pour racheter le contrat de distribution à UA, Kerkorian prend conseil, y compris auprès d'Arthur Krim, et étudie le rachat en entier de UA, pour un coût estimé à 300-400 millions de dollars[133]. Fin mai1981, le rachat est finalisé pour 380 millions de dollars et la nouvelle entité prend le nom de MGM/UA Communications. Si la vente est une bonne affaire pour TA (en1967, elle avait acquis UA pour 185 millions), les auteurs diffèrent sur le fait de savoir si c'est une si bonne affaire pour Kerkorian. Certes, combinés, les catalogues de UA et de MGM, comprennent 4 100 films, ce qui fait dire à Frank Rosenfelt, président du conseil d'administration de MGM/UA, que« nous ne sommes plus dans l'industrie du cinéma ; nous sommes entrés dans le business du software de divertissement[132] ». Sauf que, à la suite d'un précédent accord de1978 avecWarner Home Video, MGM/UA se voit privée jusqu'en1992 de la distribution du catalogue UA surcassette vidéo oulaserdisc (elle doit fournir au moins dix films par an à WHV sous peine d'une pénalité de 200 000 dollars par film non distribué[134]). Rosenfelt se trompe tout autant en affirmant :« Nous avons récupéré notre (branche de) distribution ». En effet, l'accord de1973 avecCinema International Corporation (CIC) sur lesdroits de distribution internationaux tient jusqu'en1983. Plutôt que d'accepter de voir MGM être privée durant seulement deux ans de ses commissions de distributeur, Kerkorian se laisse convaincre de faire distribuer les films MGM/UA par CIC, qui est renommée pour l'occasion enUnited International Pictures. Comme le dit à l'époque un cadre supérieur de MGM, cité par Peter Bart,« ainsi, MGM se retrouve obligée de dépenser des millions de dollars pour démanteler une superbe branche de distribution internationale (celle de UA) et en mettre sur pied encore une autre, ce dont elle n'avait vraiment pas besoin »[133].
Au lieu d’une structure unifiée destinée à réduire les frais fixes, Kerkorian opte pour deux sociétés séparées (MGM et UA) possédant chacune son président, son trésorier, son département marketing, son unité de production, etc[135]. Joseph A. Fisher est nommé président de UA. En1981-82, 11 films MGM sortent (dontRiches et célèbres,Deux filles au tapis,C'est ma vie, après tout !,Victor la gaffe,Tout l'or du ciel,Rue de la sardine (Cannery Row),Yes, Giorgio etInchon) et sont tous des échecs cuisants (seulPoltergeist, produit parSteven Spielberg, récolte 48 millions de dollars[136]). Ironiquement, deux films qu'UA avait mis en production avant la prise de contrôle (Rien que pour vos yeux, le dernier à porter lelogo en « T » de la Transamerica, etRocky 3, l'œil du tigre) sont de gros succès[137]. À lui seul,Tout l'or du ciel coûte 22 millions de dollars et en rapporte peut-être 3. Ainsi, selon Steven Bach,« il est probable que les pertes cumulées de la MGM égalent ou surpassent celles subies par UA avecLa Porte du paradis »[138]. En avril1982, Frank Rothman est nommé président de MGM/UA, un poste qui, selon Kerkorian, n’existait pas[139] et chapeaute de fait Begelman, qui est poussé vers la sortie[136]. Pendant ce temps, aucun nouveau film n'est mis en production chez MGM/UA tandis que le pipeline de films produits à UA sous la Transamerica se tarit et que ses derniers films (La Maîtresse du lieutenant français,Sanglantes confessions ouCutter's Way) ne possèdent guère de potentiel commercial… Kerkorian, qui a toujours voulu s'entourer d'unmanagement efficace apte à produire desblockbusters, se retrouve avec des dettes et des équipes redondantes (Paula Weinstein chez UA et Freddie Fields chez MGM). L'homme d'affaires réagit[140].
Moins d'une semaine après sa tentative manquée de rachat deCBS,Ted Turner convoite le catalogue de films de MGM/UA pour leschaînes à péage de son groupeTurner Broadcasting System (TBS), alors en plein développement (282 millions de dollars dechiffre d'affaires en1984)[141].Drexel Burnham Lambert, labanque d'investissement de Turner le met en garde contre lesjunk bonds qui doivent financer l'acquisition de MGM/UA, surtout à la vue de la fragilité dustudio, MGM venant de distribuer un flop après l'autre (Marie,9 semaines 1/2,Dream Lover etLa Fièvre du jeu, nommé auxRazzie Awards). Kerkorian étant prêt à vendre, l'affaire est conclue rapidement. TBS rachète MGM/UA pour 1,5 milliard de dollars et assure une partie de sa dette puis revend UA et lamarque commerciale « Leo the Lion » à Kerkorian pour, respectivement, 480 et 300 millions[145]. Si l'opération est apparemment « blanche » pour Kerkorian (il avait acquis UA pour la même somme en1981), la « nouvelle » UA, renommée United Artists Pictures, Inc., dont l'effectif est réduit d'un tiers,« n'est ni la compagnie originelle, ni un successeur au sens technique ou légal. C'est une nouvelle compagnie séparée qui possède certainsactifs qui appartenaient à l'ancienne United Artists[122] ». Surtout, à l'issue des 74 jours durant lesquels Turner possède UA, la compagnie est délestée des catalogues pré-1950 de laRKO et deWarner Bros., acquis en1957 et1959[146].
En novembre 1985,Jerry Weintraub, qui avait produitLa Chasse pour UA, investit 30 millions de dollars dans la compagnie et en est nommé président. Il signe un multi-contrat avecSylvester Stallone, décide de sortir son film en cours,Rocky 4, durant les fêtes de fin d'année, rompant avec une pratique habituelle et s'entoure deBilly Wilder comme conseiller. Son seul fait d'armes est de sortirYoungblood, un succès d'un coût de 6 millions de dollars hérité de l'ère Yablans, et qui révèleRob Lowe etPatrick Swayze. Le, il est éjecté de UA après seulement cinq mois de mandature[147]. Quinze jours plus tard, il est remplacé parLee Rich[148]. Connu pour avoir produit desfeuilletons télévisés à succès commeDallas, Rich et sa sociétéLorimar Productions ont également donné à UABienvenue, mister Chance etLa Chasse. Nommé président de MGM/UA, il désigne Tony Thomopoulos président de UA, tandis qu'Alan Ladd Jr. hérite de MGM. Rich et Thomopoulos donnent le feu vert auxFeux de la nuit, un projet développé par Weintraub dès1984 à laColumbia pourTom Cruise. Quatre ans plus tard, le film a changé quatre fois de réalisateur, trois fois de vedette, trois fois de lieu de tournage et son budget final est passé de 15 à 25 millions de dollars[149]. À sa sortie, le film ne récolte que 16 millions.Real Men, après une projection-test catastrophique, n'a pas droit à une sortie nationale et n'amasse que 873 000 dollars pour un coût de 13 millions. Pour autant, La nouvelle équipe lance en production des projets avant que leurs scénarios ne soient finalisés. Selon un cadre, cité par Peter Bart,« nous essayons d'accomplir en quelques semaines ce qui devrait prendre des années. Nous sommes entraînés dans des opérations du type 'tournons maintenant, prions ensuite' »[150]. De même, et bien que ces dernières ont un potentiel commercial (Patrick Swayze,Diane Keaton), elles sont budgetés assez haut :Road House à 20 millions de dollars etBaby Boom à 17. Cependant, les deux films marchent, tout comme leJames BondPermis de tuer etJeu d'enfant, qui lance la sérieChucky, laquelle échappe cependant à UA au profit d'Universal. Enfin, UA hérite deRain Man, un projet refusé parWarner Bros., qu'elle développe, selon Bart, sans grand enthousiasme[151]. Succès critique (cinqOscars, dont celui dumeilleur film,Ours d'or du meilleur film, etc.),Rain Man est également une réussite commerciale, devenant avec 172 millions de dollars de recettes, le plus grosblockbuster de1988.
Le succès deRain Man entraîne la publication en janvier 1989 d'un mémorandum confidentiel de 93 pages déclarant que« les branches de UA montrent une croissance formidable ».Paramount serait éventuellement intéressée par un rachat de MGM/UA, grâce à unecoentreprise entreUniversal, tout comme Warner Communications etRupert Murdoch, propriétaire de laFox[134]. Finalement, en mars 1989, Kerkorian entre en discussions avec leconglomérataustralienQintex[152]. À l'issue d'un contrat aussi complexe que celui avecTurner, Qintex offrirait 1,1 milliard de dollars pour les branches de production, de marketing et de distribution de MGM/UA,MGM/UA Home Video et le catalogue UA. En échange, Kerkorian rachèterait pour 250 millions de dollarsMGM/UA Television, lamarque commerciale « Leo the Lion », le siège social en construction àBeverly Hills, le catalogue MGM et investirait 75 millions dans la « nouvelle » UA[153]. Entretemps, la société denotation financièreStandard & Poor's inscrit Qintex sur sa liste de suivi, tandis que lesjunk bonds de MGM/UA sont classés commespéculatifs. À la mi-novembre 1989, les 50 millions de dollars d'avance promis par Qintex ne sont toujours pas versés et sa filialeaméricaine Qintex Entertainment se place sous lechapitre 11 du Code du commerce sur lesfaillites. Alors que MGM/UA annonce àWall Street des pertes de 75 millions de dollars sur sonexercice 1988, Kerkorian annonce la production de nouveaux films, dont unBarbra Streisand et unMichael Cimino. En dépit du fait que Standard & Poor's inscrit à son tour MGM/UA sur sa liste de suivi, son prix de vente grimpe : Murdoch offre 1,4 milliard. Mais c'est l'homme d'affairesitalienGiancarlo Parretti qui, en mars1990, rafle la mise pour 1,3 milliard[154] grâce à un prêt de 650 millions de dollars deTime Warner (en échange des droits de distribution des futurs films du studio surcassette vidéo ouDVD). L'année précédente, Parretti, associé à l'homme d'affairesfrançais à la réputation controverséeMax Théret, avait rachetéCannon Group aux cousinsMenahem Golan etYoram Globus pour 200 millions de dollars puisPathé pour 160 millions. Il regroupait les deux sociétés sous uneholding du nom de Pathé Communications Corporation (PCC). Bien que condamné enItalie à 46 mois de prison pourbanqueroute frauduleuse, Parretti obtient un prêt de plus d'un million de dollars d'unefilialenéerlandaise duCrédit lyonnais, Crédit Lyonnais Bank Nederland[155]. Time Warner retire son offre de prêt de 650 millions de dollars et attaque Parretti au motif qu'il essayerait de vendre les droits des films à la fois à MGM/UA Home Video etWarner Home Video. En octobre1990, c'est au tour deDanjaq, laholding contrôlantEON Productions, d'intenter un procès à MGM/UA, Pathé Communications et Tracinda, la holding de Kerkorian afin d'empêcher Parretti de vendre les droits desJames Bond à des chaînes de télévision. Selon Danjaq, c'est l'argent issu de ces droits qui permettrait à Parretti de financer l'acquisition de MGM/UA. EON Productions ne délivrera ainsi ni leBond de1991, ni celui de1993. Durant cette période, UA est dormante et ne sort qu'un seul film,Rocky 5.
Parretti ne pouvant rembourser leCrédit lyonnais, ce dernier se retrouve propriétaire de MGM/UA, qui lui a déjà coûté 2 milliards de dollars. En mai1992, après avoir obtenu de la justice américaine le renvoi de Parretti[156], le Crédit lyonnais décide de relancer l'activité de MGM/UA en y injectant 400 millions de plus.Frank Mancuso Sr. est installé aux commandes en juillet en remplacement d'Alan Ladd Jr.[157]. John Calley est nommé président de UA. Le premier film distribué par UA après le hiatus de cinq ans estSleep with Me.
En mars2007, Elliott Kleinberg remplace Wagner. Cruise débauche Don Granger deCruise/Wagner Productions, qui reprend le même poste à UA, soit président responsable de la production, tout comme Dennis Rice, en provenance deWalt Disney Studios Entertainment, qui est nommé chef du marketing et de la publicité. En août2007, UA obtient un prêt de 500 millions de dollars de labanque d'investissementMerrill Lynch pour la production de 15 à 18 films d'ici2012[162].
Wagner quitte son poste en août2008[163] mais Cruise/Wagner Productions reste producteur pour UA.Lions et Agneaux, le premier film produit par la nouvelle United Artists, est un échec ne rapportant que 15 millions de dollars sur une mise de 35. La seconde entrée,Walkyrie, s'en sort mieux, rapportant 80 millions de dollars.
« The two men chiefly responsible for the new look in Hollywood are rarely mentioned separately by anyone in the industry. No line seperates their duties. One man picks up today where the other left off yesterday. »
« The little picture is almost a necessity to the exhibitor in a small town where most of the available audience has seen a picture after a three-day run. The little westerns and other simple action pictures are important in many areas where the people generally prefer them to extravaganzas or to highbrow problem films. They are in heavy demand by the hundreds of exhibitors whose audiences insist on a long evening's entertainment, and so must have a 'second feature'. »
« Fox had an inventory of nearly $100 million in scenarios and unreleased films… and cannot commit itself to a project whose final cost it doesn't know. »
« The picture would be just another big western if it were released in an ordinary process, and it would be likely to gross $15,000,000 worldwide. as a result of it being in Cinerama… a reasonable estimate of the ultimate gross of the picture is that it will be approximately $40 million world-wide.The Greatest Story Ever Told is so far superior toHow the West Was Won that it is highly unlikely that it would not exceed the gross ofHow the West Was Won. »
« I told him (Walter Mirisch) that I didn't think it was a good time to do a war comedy -it was right in the middle of the Vietnam War, there were a lot of Gold Star mothers and the perspective on war was not that it should be for this kind of satire. »
« This establishes United Artists in the producing business and makes you a competitor of ours and of all your other producing entities. It is obviously impossible for us to operate in the market, subject always of course to your approvals, if we are to be in direct competition with you for talent and properties. »
« These had been very bad years for UA and they wanted us to cut all of our overhead. The order was to get rid of people. So we had to break our relatioship with the directors we had brought in, and we got rid of our permanent staff. Then, with our overhead down to the bone, we made fewer pictures. »
« Looking back in the Bond phenomenon, it is almost unbelievable to realize how slow and hesitant a start it had. Even after writing four Bond books, one a year between 1953 and 1955, Ian Fleming still hadn't achieved a really profitable breakthrough ; he had failed both to make the best-sellers lists in England and America and to clinch a Hollywood deal. »
« When a foreign-language film makes really big money in the U.S., it's purely because of a search for novelty -a novelty value that wears off after the first success of this type. The director or stars involved mean next to nothing when they're promoted in a subsequent film. »
« On était chacun dans des cases qui, théoriquement, ne devaient avoir aucunecommunication, c'est-à-dire que l'on ne devait pas dire aux autres le sujet sur lequel on était en train de travailler. »
« To be sure, there are plausible reasons why the stock boom doesn't reflect in conglomerate share -a far greater of shares outstanding being the arithmetic explanation. Still, the UA people don't get the dual thrill of a hit at the box-office and a hot stock on Wall Street (…). Wall Street doesn't get nearly as excited when a film company is part of a conglomerate. »