L'UEO n'eut dans les faits qu'un rôle limité, tant les Européens de l'ouest donnaient la primauté à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord pour leur défense collective.
L’objectif est de construire, à terme, une Europe plus intégrée, de renforcer l’ancrage allemand dans l’espace euro-atlantique et occidental, tout en consacrant un peu plus la dimension atlantique de la défense occidentale européenne placée sous le commandement de l’OTAN (article V du traité)[3].
De 1954 à1973, l'UEO est l'un des leviers de l'intégration de l'Allemagne de l'Ouest (RFA) dans lecamp occidental et favorise le développement de la coopération en Europe occidentale, en participant[4] :
Dans le domaine militaire, l'Alliance atlantique est le cadre par excellence aux yeux de la plupart des pays européens de leur sécurité collective, et l'OTAN bénéficie de moyens incomparablement supérieurs à ceux de l'UEO qui se trouve marginalisée. Le débat sur les questions nucléaires européennes à l'initiative de l’Assemblée de l’UEO ne débouche pas faute de consensus entre les capitales européennes. Les questions nucléaires discutées avec les États-Unis, comme ladoctrine de la riposte graduée et le projet de force multilatérale nucléaire (MLF), sont traitées directement entre les dirigeants et au sein de l’Alliance atlantique et non pas à l’UEO[4].
La « Déclaration de Rome », datée du marque le processus de relance de l'UEO. Au nombre des objectifs formulés figurent la définition d'une identité de sécurité européenne et l'harmonisation progressive des politiques de défense des États membres[6],[7].
Dans cette perspective, les membres de l'UEO adoptent à La Haye le une « plate-forme sur les intérêts européens en matière de sécurité » qui souligne le caractère indivisible de la sécurité de l’Alliance (à travers le renforcement de son pilier européen) mais aussi, et surtout, insiste sur l’idée que « la construction d’une Europe intégrée restera incomplète tant que cette construction ne s’étendra pas à la sécurité et à la défense »[4],[8].
En parallèle, l'UEO s'élargit à trois autres pays, l'Espagne et lePortugal en 1990 et laGrèce en 1995, aussi membres des Communautés européennes et de l'OTAN.
L'UEO, partie intégrante de la politique de défense de l'Union européenne
Signé le, letraité de Maastricht fonde l'Union européenne. Il instaure laPolitique étrangère et de sécurité commune (PESC). L'article J.4 du traité dispose que« L'Union demande à l'UEO, qui fait partie intégrante du développement de l'Union européenne, d'élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les actions de l'Union qui ont desimplications dans le domaine de la défense »[9].
À la suite de la décision de doter l'UEO d'une capacité opérationnelle, ladéclaration de Petersberg de définit les types de mission que l'UEO est autorisée à entreprendre dans le domaine de la gestion des crises[10] :
missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants ;
missions de maintien de la paix ;
missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix.
À la suite des changements intervenus en Europe centrale et orientale avec la fin de laguerre froide, le Conseil de l'UEO, réuni àKirchberg en 1994, invite les pays d'Europe centrale qui ont signé un accord avec l'Union européenne, à devenir partenaires associés de l'UEO.
Lors dusommet de l'OTAN àBruxelles en 1994, l'OTAN apporte son soutien au développement de l'« Identité européenne de sécurité et de défense » (IESD) et se déclare prête à mettre les moyens et capacités de l'Alliance à la disposition des opérations de l'UEO., ouvrant la voie à un renforcement significatif des capacités de l'UEO. Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'OTAN approuvent en 1996 le concept de « groupes de forces interarmées multinationales » (CJTF) et l'élaboration d'accords de commandement européen multinational pour les opérations dirigées par l'UEO[7].
Signé le, letraité d'Amsterdam confirme le rôle de l'UEO en tant que bras opérationnel de la politique de défense de l'Union européenne. Le Titre V est réécrit (article 1, alinéa 10 du traité) pour renforcer le volet sécurité et défense de la PESC : il inclut notamment les « missions de Petersberg » dans le traité[11], prévoit l'intégration éventuelle de l'UEO dans l'Union, et crée la fonction deHaut représentant pour la PESC[12].
Faisant suite à la décision de développer ses capacités opérationnelles, l'UEO participe à des opérations navales limitées de déminage dans ledétroit d'Ormuz (1987 / 1988) et de contrôle maritime dans le contexte de laguerre du Golfe (1990 / 1991)[13], mais surtout l'UEO conduit plusieurs opérations, entre 1992 et 2001, liées aux crises et conflits dans les Balkans[2],[14] :
Dans les années 1990, l'UEO est le « bras armé » de l'Union européenne, mais les crises des années 1990 démontrent l'insuffisance des modes d'action et des moyens de l'UEO. Ces constatations amènent les Européens à penser et à créer un nouvel instrument, laPolitique européenne de sécurité et de défense (PESD), dont l'objectif premier est la gestion globale des crises hors du territoire de l'UE. Les principaux jalons de définition et de mise en place de la PESD sont, de 1998 à 2001, les suivants :
Lesommet franco-britannique du 4 décembre 1998 à Saint-Malo qui marque le véritable point de départ de l'Europe de la défense, les Britanniques acceptant finalement de voir l'Union européenne se doter « d'une capacité autonome d'action, appuyée sur des forces militaires crédibles, afin de répondre aux crises internationales »[15] ;
LeConseil européen deCologne, en, qui pose les bases d'une « Politique européenne de sécurité et de défense » (PESD)[15] ;
Le Conseil européen de Nice du, au cours duquel les chefs d’État et de gouvernement adoptent le Rapport de la présidence française sur la politique européenne de sécurité et de défense, qui prévoit notamment le développement des capacités militaires de l'Union (création de la force de réaction rapide européenne), la création de structures politiques et militaires permanentes (Comité politique et de sécurité, Comité militaire et État-major de l'Union européenne) et l'incorporation dans l'Union des fonctions de gestion de crise de l'UEO[15] ;
Letraité de Nice signé le, qui inscrit ces décisions dans leTUE par une nouvelle rédaction profondément modifiée du Titre V[15].
Les structures opérationnelles de l'UEO sont transférées à l'UE en 2000 et au premier semestre 2001. L'Union européenne n'incorpore pas en bloc le dispositif normatif et opérationnel de l'UEO au sein de laPolitique européenne de sécurité et de défense mais en reprend les principaux éléments suivants :
L'Union européenne a repris à son compte un certain nombre de dispositions contenues dans les accords de Berlin conclus entre l'UEO et l'OTAN pour la mise à disposition des moyens de l'OTAN au profit de l'UE. C'est ce qui explique la dénomination Berlin-Plus des accords qui ont résulté des discussions entre les deux organisations.
Un certain nombre d'attributions de l'UEO en matière d'armement sont reprises par l'Agence européenne de défense.
Le concept d'équipes de suivi des situations (Monitoring Missions), initiative prise à la suite de la crise en ex-Yougoslavie, est repris dans le corpus doctrinal de la PESD.
L'UEO conserve dans les années 2000 un petit nombre de compétences et d'activités qui n'ont pas été transférées à l'Union européenne et qui, au moins formellement, perdurent pour être inscrites dans letraité de Bruxelles modifié de 1954 qui est toujours en vigueur. Il s'agit principalement :
de l'engagement d'assistance mutuelle en cas d'agression armée contre l'un des pays partie au traité, au titre de l'article V du traité ; toutefois, une clause d'assistance mutuelle en cas d'agression armée est prévue par letraité de Lisbonne, qui figure à l'article 42 dutraité sur l'Union européenne ;
de la remise d'un rapport parlementaire annuel sur les activités de l'UEO et en particulier sur le contrôle des armements, au titre de l'article IX du traité ;
de sessions de l'Assemblée parlementaire de l'UEO, composée de députés des États parties au traité, qui continue ses travaux.
Le, les dix États membres annoncent collectivement la dissolution de l'UEO. Son rôle est entièrement repris par l'Union européenne en collaboration avec l'OTAN[16].
Le, l’Union de l’Europe occidentale cesse d’exister. LeCentre satellitaire de l'UE est chargé de gérer les suites pour le personnel de l'UEO[17],[18].
Dès 2009, leCentre virtuel de la connaissance sur l'Europe (CVCE), établissement publicLuxembourgeois, publie un corpus de recherche consacré à l'Union de l'Europe occidentale (UEO), la première organisation européenne de sécurité et de défense mutuelle. À la suite de ces premiers travaux de recherche, le Conseil permanent de l’UEO accueille favorablement en 2009 la proposition du gouvernement luxembourgeois d’héberger les archives de l’UEO et de les exploiter à des fins scientifiques. C’est ainsi que lesArchives nationales de Luxembourg en deviennent le dépositaire et le CVCE se voit confier leur exploitation scientifique[19].
Le Conseil de l'UEO est l'organe exécutif de la collaboration entre les Parties. Selon les dispositions de l'article 8 dutraité, le Conseil a pour objet de« connaître des questions relatives à l'application du traité, de ses Protocoles et de leurs annexes », et pour pouvoir exercer ses fonctions en permanence, il« constituera tous organismes subsidiaires qui pourraient être jugés utiles »[1].
Il se réunit au niveau ministériel et diplomatique. En pratique, au fur et à mesure du transfert de compétences de l'UEO vers leConseil de l’Europe, l’OTAN et lesCommunautés européennes, les activités du Conseil de l'UEO sont considérablement réduites. En outre, son rôle principal de mise en œuvre du contrôle des armements perd, au fil des années, de son utilité[20].
La situation change avec la réactivation de l'UEO par la déclaration de Rome de 1984[6]. Entre 1985 et 2000, le Conseil se réunit au niveau des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, au rythme d'une à trois fois par an. Le Conseil de l’UEO acquiert davantage de visibilité à travers le lancement d'opérations, dans le contexte notamment desguerres de Yougoslavie[20].
L'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale est créée par l'article 9 du traité. Elle est composée de membres des parlements nationaux des Parties, aussi membres de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe. Elle ne possède pas de pouvoir décisionnel. En revanche elle est durant toute l'existence de l'UEO un lieu important de débats et de propositions concernant les questions européennes de sécurité et de défense[20].
Pendant près de quarante ans, l’Union de l’Europe occidentale est établie àLondres[21].
En1993, le Conseil permanent et le Secrétariat général de l’UEO sont transférés àBruxelles, au 4, rue de la Régence[21], afin de les rapprocher à la fois du centre de commandement de l’OTAN et des institutions de l’UE[21], l’UEO cherchant à servir de passerelle entre l’OTAN et l’UE[21].
Le rôle dévolu à l'UEO par le traité de Maastricht de 1992, est à l'origine de la mise sur pied de forces préexistantes mises à la disposition de l’UEO (forces «relevant» de l’UEO ou FRUEO), qui pourraient être utilisées pour les missions dites de Petersberg[22].
La principale unité multinationale ainsi créée et mise à la disposition de l’UEO est lecorps d'armée européen, l'Eurocorps, dont la création est annoncée par la France et l'Allemagne le[22].
L'UEO comporte au moment de sa dissolution 10 États membres, 6 membres associés, 5 membres observateurs et 7 États partenaires associés. Les États membres de l'Union européenne qui ont accepté l'invitation à adhérer à l'UEO se sont engagés à :
respecter, conformément aux principes et aux valeurs auxquels adhèrent tous les États membres de l'UEO, letraité de Bruxelles, ses protocoles et textes associés, et les accords conclus par les États membres en vertu des dispositions dudit traité,
prendre acte en les approuvant des accords, décisions et règlements adoptés conformément aux dispositions dudit traité, et des Déclarations adoptées à partir de celle de Rome du,
développer l'UEO en tant que composante de défense de l'Union européenne et comme moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance atlantique, conformément à l'engagement pris le dans la Déclaration sur le rôle de l'UEO et sur ses relations avec l'Union européenne et avec l'Alliance atlantique, jointe au traité sur l'Union européenne,
accepter dans son intégralité la teneur de la partie III de la Déclaration de Petersberg qui formera un élément du Protocole d'adhésion.
Le statut de membre associé est créé en 1992 à Rome pour inclure les États qui sont membres de l'OTAN mais pas de l'UE. Depuis, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ont rejoint l'Union.
Le statut d'observateur est lui aussi créé en 1992 à Rome. Tous les États observateurs de l'UEO sont membres de l'Union européenne mais pas de l'OTAN à l'exception du Danemark qui est membre des deux organisations mais qui n'a pas adhéré à l'UEO comme il était prévu après son premier référendum négatif sur letraité de Maastricht. LeDanemark avait en effet obtenu à l'époque des dérogations, notamment en matière de défense européenne avant que les Danois ne se prononcent cette fois positivement pour le traité.
Le statut est créé en 1994 àLuxembourg pour des pays qui ne sont alors membres ni de l'Union européenne ni de l'OTAN. Ils adhèrent tous à ces organisations par la suite.
↑En 1954, le Royaume-Uni n'est pas encore membre de la Communauté économique européenne. L'UEO permet d'affirmer l'engagement complet du Royaume-Uni dans la défense de l'Europe de l'Ouest. Après son adhésion à la CEE en 1973, tous les États membres de l'UEO seront aussi membres de l'UE et de l'OTAN.
↑L'OECE devient l'OCDE en 1961, sa mission d'accompagnement de reconstruction économique de l'Europe et de déploiement duplan Marshall étant achevée.
André Dumoulin, « La disparition d’une organisation internationale : l’Union de l’Europe occidentale (1954 – 2011) »,Annuaire français de relations internationales,(lire en ligne).