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Typhus

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Typhus
Description de cette image, également commentée ci-après
L'Écraseur de poux (vers 1640) parJosse van Craesbeeck (1605 ?-1661 ?).
Données clés
CausesRickettsiaceaeVoir et modifier les données sur Wikidata

Traitement
SpécialitéInfectiologieVoir et modifier les données sur Wikidata
Classification et ressources externes
CISP-2A78Voir et modifier les données sur Wikidata
CIM-10A75
CIM-9080083
DiseasesDB29240
MedlinePlus001363
eMedicine231374
MeSHD014438
Patient UKTyphus-pro

Wikipédia ne donne pas de conseils médicauxMise en garde médicale

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Letyphus (dugrecτῦφος /tûphos, « stupeur, torpeur ») est le nom donné à un groupe de maladies similaires, graves pour l'être humain. Au début duXXIe siècle, ce terme désigne plus particulièrement letyphus exanthématique, transmis par lepou de corps, et letyphus murin, transmis par lapuce durat. Il s'agit d'infections provoquées par desbactéries de la famille desrickettsies.

L'origine historique et géographique de ces maladies est incertaine. Leur existence dans l'Antiquité, bien que très probable, reste discutée. Leur présence est médicalement reconnue à partir duXVe siècle. La maladie frappe surtout les adultes confinés en situation précaire, sous-alimentés et en absence d'hygiène, dans les camps militaires, les navires, les prisons, etc.

Ces maladies ont été longtemps confondues avec d'autres, notamment lafièvre typhoïde (reconnue auXIXe siècle). La découverte de leur transmission pararthropodesvecteurs (poux, puces,tiquesetc.), en particulier celle du pou de corps parCharles Nicolle en 1909, a permis de lutter contre le typhus par des mesures d'hygiène (épouillage) et d'enclencher des recherchesvaccinales.

Ces mesures d'hygiène, associées à l'utilisation d'insecticides puis à l'antibiothérapie, ont fait disparaître et même oublier l'importance et la gravité qu'avait le typhus avant les années 1950.

Pour les aspects bio-médicaux des principaux typhus, voir :Typhus exanthématique etTyphus murin.

Histoire de la maladie

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Le typhus historique, représenté par le typhus exanthématique ou épidémique, est une maladie dévastatrice pour les humains et a été responsable d'un certain nombre d'épidémies au cours de l'histoire[1]. Ces épidémies tendent à suivre lesguerres, lesfamines et d'autres circonstances ayant comme conséquence des déplacements de populations.

Pendant la deuxième année de laguerre du Péloponnèse, en430av. J.-C., laCité-État d'Athènes, dans laGrèce antique, a été frappée par une épidémie dévastatrice, connue sous le nom depeste d'Athènes, qui a tué, entre autres,Périclès et ses deux fils les plus âgés. Le typhus épidémique est l'une des causes les plus probables de cette épidémie, selon les médecins et historiens qui l'ont étudiée[2],[3].

Une autre description possible est datée en1083, dans un couvent près deSalerne, enItalie[4], mais la nature et le lieu exact de la maladie restent discutés[5].

Une description probable de cette maladie paraît pendant le siège espagnol de la villemaure deGrenade, en1489. Cette chronique contient la description d'une fièvre de type typhus : taches rouges sur les bras, le dos et le thorax, évolution vers le délire et la gangrène (plaies, puanteur et décomposition des chairs). Pendant le siège, les Espagnols ont perdu trois mille hommes au combat, mais ils ont eu à en compter dix-sept mille supplémentaires, morts du typhus[6].

Selon l'hypothèse d'une origine européenne du typhus, sa réapparition à partir duXVe siècle serait liée aux conditions climatiques et à la production croissante de laine (augmentation des textiles et vêtements favorisant les poux)[7].

DuXVIe au XVIIIe siècle

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Des épidémies se sont produites partout en Europe :guerres d'Italie,Première révolution anglaise,guerre de Trente Ansetc.

La première preuve indubitable de la présence du typhus en Europe est révélée par des étudespaléomicrobiologiques debiologie moléculaire sur des squelettes de 1710 àDouai : legénotypage deRickettsia prowazekii montre qu'il s'agit de la même bactérie qui a touché auparavant l'Espagne, confortant l'hypothèse d'une origine américaine du typhus, importé en Europe par lesconquistadors espagnols au début duXVIe siècle[8].

Fièvre des camps

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En 1528, lors du siège deNaples, l'armée française, sur le point d'emporter la ville, est frappée d'une épidémie tuant trente mille hommes et forcée de battre en retraite[6].

En 1536,Girolamo Cardano différencie l'éruption de larougeole de celle du typhus, il nomme ce derniermorbus pulicarius[7].

En1546,Girolamo Fracastoro, un médecinflorentin qui a observé ces épidémies, décrit clairement le typhus (sous le nom demorbus lenticularis) dans son célèbre traité sur les virus[9] et la contagion,De Contagione et Contagiosis Morbis[10]. Il insiste aussi sur l'éruption, pour distinguer le typhus de la peste[7].

Lors de la guerre contre lesOttomans dans lesBalkans, le typhus se répand en Europe par les troupes revenant de Hongrie, il est alors appelémorbus hungaricus en 1556[6].

La maladie est réputée pour frapper les armées. En 1686, un médecin suisse, Zavorziz[11], décrit une « fièvre des camps militaires », dans son ouvrageDe Febri Castrensi maligna. Il explique que la maladie suit les troupes à travers l'Europe, les décime dans leurs campements, les survivants propageant la maladie dans les populations civiles[5].

Fièvre des vaisseaux

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La première description de cette fièvre à bord de navires est faite en 1636 dans laRoyal Navy. AuXVIIIe siècle, elle prend le nom de « typhus nautique », qui sera plus tard assimilé autyphus murin (transmis par la puce du rat). Cette maladie devient si fréquente dans toutes les marines européennes qu'elle peut paralyser des opérations. Les pertes les plus élevées sont celles de laguerre de Sept Ans, où la Royal Navy, à elle seule, perd 150 000 hommes : plus de 70 000 par désertion, 75 000 par maladie et 1 500 au combat[12]. En 1757, l'arrivée àBrest de l'escadre commandée parDubois de La Motte avec environ 5 000 hommes malades du typhus provoque une grave épidémie enBretagne[13].

Malgré l'élégance formelle de la marine à voile de cette époque, un vaisseau de guerre ou marchand constitue un milieu hautement pathogène, où l'hygiène est totalement absente. L'humidité et les déjections suintent dans tout le navire. Ces eaux de toute nature s'accumulent au fond de la cale, formant un « marais nautique » où prolifèrent rats et moustiques. Jusqu'à la fin duXVIIIe siècle, les matelots ne se lavent pas et gardent les mêmes vêtements pendant des semaines ou des mois[14].

Fièvre des prisons

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Le typhus était également répandu dans les prisons, où toutes les conditions de prolifération despoux étaient réunies. Il y était connu sous le nom de « fièvre des geôles » ou de « fièvre des prisons » lorsque les prisonniers étaient entassés dans des cellules obscures, froides et crasseuses.

Le désespoir (1883), scène de prison parWojciech Gerson (1831-1901).

L'emprisonnement jusqu'à la prochaine session du tribunal était souvent synonyme de sentence de mort.

De façon anecdotique, les prisonniers pouvaient contaminer parfois les membres du tribunal eux-mêmes. Après les assises tenues àOxford en 1577, et passées à la postérité sous le nom d'assises noires d'Oxford (en), plus de cinq cents personnes périssent du typhus[15], et parmi ellesSir Robert Bell,chancelier de l'Échiquier.

Pendant la session de lacour d'assises qui se tient àTaunton, en1730, le typhus cause la mort duchancelier de l'Échiquier, ainsi que du shérif, du sergent, et de plusieurs centaines d'autres personnes. Dans le même temps où sont prononcées 241 peines capitales, il meurt davantage de prisonniers de la « fièvre des prisons » qu'au cours de toutes les exécutions publiques réalisées par la totalité des bourreaux du royaume. En1759, les autorités anglaises estiment qu'un quart des prisonniers meurent chaque année de la fièvre des geôles[16]. À Londres, le typhus se déclare souvent parmi les détenus de laprison de Newgate, et se répand ensuite fréquemment parmi la population de la cité.

Durant la Révolution, uneépidémie de typhus à Nantes frappe d'abord les prisons puis la ville durant laguerre de Vendée[17],[18].

AuXIXe siècle

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Le typhus sévit durant lesguerres napoléoniennes. Pendant la retraite de Russie deNapoléon Ier en1812, on a dénombré plus de soldats français morts du typhus que tués par l'arméerusse[19]. Les historiens estiment que 20 % des pertes au cours de la retraite de Russie sont probablement liées au typhus, soit plus de 100 000 hommes[5].

Retraite de Russie :La grande armée traverse laBérézina (1866) parJanvier Suchodolski (1797-1875).

En Irlande, une épidémie de typhus, entre 1816 et 1819, fait 700 000 victimes dans une population de près de 6 millions de personnes[6]. D'autres épidémies se produisent ensuite : une à la fin de 1830, et une autre majeure entre 1846 et 1849, pendant lagrande famine en Irlande.

En 1848, en Europe centrale, larévolution de Mars s'accompagne d'une propagation du typhus.

En Amérique, une épidémie de typhus tue le fils deFranklin Pierce, àConcord, auNew Hampshire, en 1843, et frappe àPhiladelphie en 1837. Plusieurs épidémies ont lieu àBaltimore (Maryland), àMemphis (Tennessee) et àWashington D.C. entre 1865 et 1873. Le typhus est également un tueur redoutable pendant laguerre de Sécession aux États-Unis, bien que le plus souvent confondu avec lafièvre typhoïde, première cause de « fièvre des camps », durant la guerre civile américaine.

En France, le typhus n'est pas inconnu : de petits foyers latents ont existé enBretagne. Dans l'Yonne, à Auxerre, une importante épidémie s'est déclarée en 1811-1812[20]. Et des cas pouvaient se produire à Paris, comme en 1892, par immigration rurale[21].

AuXXe siècle

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Première Guerre mondiale

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Contrôle de l'absence de poux dans l'American Expeditionary Force, avant un embarquement de retour (Brest, 18 janvier 1919).

Pendant laPremière Guerre mondiale, sur lefront de l'Ouest, les mesures d'hygiène permettent d'éviter des épidémies de typhus. Ainsi, l'armée française établit des zones sanitaires anti-poux, basées sur l'épouillage des troupes. Situées à l'arrière, dans les zones de repos, elles comprennent des véhicules à chaudières et autoclaves, véhicules et tentes à douches. Ces services mobiles de buanderie-toilette permettent d'assurer la désinfection et la désinsectisation complètes des vêtements, ainsi que l'hygiène corporelle. On recommande aux hommes de porter des sachets odoriférants contre les poux, préparés par l'Institut Pasteur[22],[23].

En revanche, le typhus fait toujours des ravages sur lefront de l'Est (enRussie, mais surtout enPologne et enRoumanie) et sur le front des Balkans (plus de 150 000 morts lors de lacampagne de Serbie en 1915 dans la seule arméeserbe). La mortalité atteint généralement de dix à quarante pour cent des malades infectés. La maladie expose à un risque de décès important chez ceux qui s'occupent des malades :médecins,infirmières et autres[24].

En Russie, après la Première Guerre mondiale, entre 1918 et 1922, pendant la guerre civile entre lesArmées blanches et l'Armée rouge, le typhus tue trois millions de personnes (en grande partie des civils) parmi 20 à 30 millions de malades[25].

La dernière épidémie de typhus sur le territoire des États-Unis a lieu en 1922[5].

En France, une épidémie de typhus de 400 cas environ s'est produite àMarseille en 1919[21].

Seconde Guerre mondiale

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Un soldat de l'U.S. Army au cours d'une séance de démonstration d'un appareil de pulvérisation manuelle de DDT.

Pendant laSeconde Guerre mondiale, le typhus frappe l'armée allemande quandelle envahit l'Union soviétique en1941. En1942 et1943, le typhus frappe particulièrement sévèrement les populations civiles enAfrique du Nord française, l'Égypte, l'Iran[26], l'Italie (Naples), la Yougoslavie, le Japon et la Corée. Les troupes sont mieux protégées par le service de santé qui les accompagne : au cours de ce conflit, sur l'ensemble des opérations, l'armée américaine n'a compté que 104 cas de typhus et aucun décès[6].

Les épidémies de typhus tuent des détenus dans lescamps de concentration de l'Allemagne nazie. Des centaines de milliers de prisonniers détenus dans des conditions effroyables dans les camps de concentrationnazis tels lecamp de concentration de Theresienstadt et celui deBergen-Belsen meurent également du typhus pendant la Seconde Guerre mondiale, dontAnne Frank et sa sœur Margot. De plus, les Allemands responsables des camps n'hésitent pas à mettre à mort les malades du typhus en assassinant plusieurs centaines d'individus par des injections létales pour endiguer les épidémies des camps.

En janvier 1945, des cas de typhus se déclarent parmi des prisonniers soviétiques, libérés par les armées alliées, et cantonnés au camp deLa Courtine, dans la Creuse ; l'intervention rapide du médecin-chef de son hôpital, le docteurAndré Delevoy, permet d'enrayer l'épidémie, et lui vaut un témoignage de remerciement de la part de l'Institut Rockfeller de New York et de l'armée soviétique.

Seule l'utilisation à grande échelle duDDT, qui venait d'être mis au point, a permis d'éviter des épidémies encore plus dévastatrices dans le chaos de l'après-guerre en Europe. Ce pesticide a été utilisé massivement pour tuer les poux sur desmillions de réfugiés et de personnes déplacées.

Depuis 1950

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Dans la seconde moitié duXXe siècle, le typhus est signalé dans lacorne de l'Afrique et dans les zones montagneuses ou dehauts plateaux caractérisées par un climat froid en zone rurale pauvre (promiscuité humaine sans hygiène moderne), comme lePérou enAmérique du Sud, ou leTibet et leNépal enAsie.

EnAfrique, le typhus est signalé auBurundi dès 1933, et des cas sporadiques sont régulièrement rapportés depuis. Lors de laguerre civile du Burundi, une épidémie éclate en 1997, du fait du déplacement de populations (camps de réfugiés en région de haute altitude). Le nombre de personnes touchées est estimée à 24 000 pour la période janvier-mai[27], et au total à près de 100 000 avec 15 % de décès[5].

De petites épidémies ont été observées enRussie en 1997 et au Pérou en 1998. Des cas sporadiques sont signalés enAfrique du nord, et chez des personnes sans-abri enFrance[5], comme auxÉtats-Unis[28].

Un scénario possible pour le retour des épidémies de typhus à l'époque actuelle pourrait se dérouler dans des camps de réfugiés[29], pendant une famine dramatique, ou lors d'une catastrophe naturelle.

Des chercheurs affirment que la maladie peut servir de modèle d'arme biologique ou bioterroriste[30],[31].

Histoire des connaissances

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« L'unité des fièvres »

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Jusqu'auXIXe siècle, lesfièvres sont comprises comme des maladies « essentielles » (maladie « en soi »), qui peuvent s'accompagner de manifestations diverses, dans différentes circonstances, mais dont la nature profonde est la même, c'est la « théorie unitaire des fièvres ».

Chasse aux poux à la chandelle (1630), parAndries Both (1612-1642).

Dans l'Antiquité classique, le terme greckaûsos (du verbekaio « je brûle », et qui a donné « cautériser » et « caustique »), en latincausus, désignait les fièvres aigües ayant l'allure (d'un point de vue moderne) d'unedéshydratation fébrile avec troubles digestifs et de la conscience. Par ailleurs le terme grectûphos (littéralement « fumée », « vapeur », ou « brouillard »), en latintyphus, désignait plus particulièrement les états de stupeur, d'hébétude, survenant lors de très fortes fièvres[5],[32].

Les historiens sont partagés sur l'origine géographique du typhus épidémique. Pour les tenants d'une origine de l'Ancien Monde, le typhus et autres maladies similaires auraient été présentes sous ces deux termes. Pour les partisans d'une origine du nouveau monde, le typhus épidémique se répand en Europe à partir duXVIe siècle, d'abord confondu dans l'ensemble des fièvres aigües et autres « pestilences ».

En 1546,Fracastaro distingue un groupe de fièvre différentes par leur survenue soudaine et une éruption caractéristique (morbus lenticularis) Jusqu'auXVIIIe siècle, ces fièvres sont surtout distinguées et étudiées par leurs circonstances (camps militaires, prisons, navires…).

En 1760,Boissier de Sauvages est le premier à utiliser le termetyphus pour désigner les fièvres avec signes neurologiques qu'il caractérise par l'état de stupeur. Dans ce groupe typhus, il distingue celles avec troubles digestifs prédominant, qu'il appelletyphus abdominalis et celles avec éruption prédominante qu'il appelletyphus exanthematicus[6]. Durant cette période, cet ensemble de fièvres est appelé en français fièvres « typhodes ».

Dans la première partie duXIXe siècle, les étudesanatomo-pathologiques montrent que seul letyphus abdominalis présente des lésions intestinales caractéristiques qui sont absentes dans le typhus exanthématique. En 1830,Pierre Louis propose alors d'appeler cette maladie « fièvre typhoïde »[6]. Ce qui sera une source d'ambigüités pour les termes dérivés, car « typhique » peut désigner un malade atteint de typhoïde ou de typhus, et « antityphique » contre la typhoïde ou le typhus, d'où le terme « antityphoïdique » (contre la typhoïde)[33] pour lever toute confusion.

La distinction nette entre fièvre typhoïde et typhus exanthématique ne sera pleinement acceptée que dans la deuxième moitié duXIXe siècle[6]. En Angleterre, la classification nationale des causes de décès sépare le typhus et la typhoïde à partir de 1869[34].

Letyphus exanthematicus est lui-même différencié en typhus exanthématique classique et autres maladies similaires comme lesfièvres récurrentes ouborrélioses, auparavant appeléestyphus récurrent. On décrit alors le typhus exanthématique (typhus classique) et de nombreux « pseudo-typhus » ou « para-typhus » (« typhus-like» en anglais).

Vecteurs

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Charles Nicolle (1866-1936) au microscope. Institut Pasteur de Tunis.

Vers la fin duXIXe siècle, on pensait que les typhus se transmettaient par l'air, la salive, les déjections, la proximité ou contact avec le malade. En 1907, les frères Edmond etÉtienne Sergent, de l'Institut Pasteur d'Algérie, découvrent le rôle transmetteur du pou dans lafièvre récurrente[35].

En 1909,Charles Nicolle, de l'Institut Pasteur de Tunis, fait de même en montrant que lepou de corps est aussi levecteur du typhus épidémique. Cette avancée a permis d'isoler les bactéries responsables de la maladie, et de rechercher des vaccins. Il a reçu leprix Nobel de médecine et de physiologie 1928 pour ses travaux sur le typhus. Nicolle a expérimenté un vaccin, mais n'a pas réussi à en fabriquer un qui soit utilisable à une grande échelle[36].

Toujours en 1909,Howard Taylor Ricketts, de l'Université de Chicago, découvre le rôle de latique comme vecteur de lafièvre pourprée des montagnes rocheuses (une des « typhus-like »).

À partir de 1926, le rôle de lapuce du rat est précisé dans des cas de « typhus-like » qui seront médicalement appelés « typhus murin » en 1932. Le typhus murin est alors reconnu comme réalité sous-jacente à de nombreuses appellations locales ou historique comme : le typhusbénin, endémique, du Nouveau-monde, des boutiques, des broussailles, des savanes, mexicain, nautique, urbain et tropical urbain.

Bactéries

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En 1910, àMexico, H.T. Ricketts annonce avoir découvert une bactérie dans les cellules sanguines d'un patient atteint de typhus, et qu'il retrouve dans le sang et les excréments du pou (quelques mois après Charles Nicolle). Il meurt du typhus quelques jours plus tard.

En 1914,Henrique da Rocha Lima etStanislaus von Prowazek précisent que le typhus est transmis par les excréments du pou, plutôt que par morsure directe[37] (les bactéries ainsi déposées sur la peau pénètrent ensuite l'organisme par la lésion de la piqûre ou les lésions de grattage). Au cours de ces recherches qui confirment les observations de Ricketts, Von Prowazek décède lui aussi du typhus.

En 1916, da Rocha Lima démontre que la bactérieRickettsia prowazekii est l'agent responsable du typhus historique épidémique. Il l'a baptisée en l'honneur de Ricketts et Prowazek, tous deux décédés de la maladie en l'étudiant, par contamination en laboratoire.

Dans la première moitié duXXe siècle, plusieurs espèces deRickettsies sont découvertes, comme autant d'agents de « pseudo-typhus » ou maladies apparentées. Il s'agit de bactéries de très petite taille, intracellulaires obligatoires, c'est-à-dire qu'elles ne se multiplient que dans des cellules cibles. Elles sont incultivables dans lesmilieux de culture bactériens habituels. En 1938,Herald Rae Cox montre queR. prowazekii peut se cultiver facilement sur des œufs embryonnés de poulets[37].

Toutes ces particularités ont fait que les Rickettsies ont été longtemps considérées comme intermédiaires entre les virus et les bactéries. Depuis la fin des années 1960, elles sont considérées comme de vraies bactéries[38].

En 1984, on connaissait ainsi 8rickettsioses (dont le typhus épidémique) pouvant affecter l'homme[39],[40].

Immunologie

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Maladie de Brill-Zinsser

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L'arrivée de nouveaux immigrants aux États-Unis, surEllis Island, en 1902. Le grand bâtiment en arrière-plan est le nouvel hôpital, récemment ouvert.

En 1898,Nathan Brill, de New-York, décrit chez des émigrants d'Europe de l'Est, une maladie proche du typhus, mais plus modérée dans ses manifestations. Après son étude exhaustive de 221 cas publiée en 1910, elle est appelée « maladie de Brill ». En 1912, d'autres chercheurs mettent en évidence uneImmunité croisée (commune et réciproque) entre la maladie de Brill et le typhus épidémique.

En 1934,Hans Zinsser montre, par étude épidémiologique, que la maladie de Brill est la résurgence chez l'individu d'un ancien typhus épidémique. Les études de laboratoire confirment ces données en 1950, et la maladie est renommée « maladie de Brill-Zinsser »[41].

Depuis, on sait que la bactérieRickettsia prowazekii ne disparait jamais de l'organisme. Après guérison du typhus, elle reste intracellulaire et latente. Elle est susceptible de se réactiver des années plus tard chez un individu, ayant déjà eu le typhus, et se trouvant en situation d'immunodéficience[41].

Tests de diagnostic

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En 1916, Edmund Weil etArthur Felix découvrent l'existence d'une réaction croisée (agglutination réciproque) entre des souches de bactérieProteus et le sérum de patients atteints de typhus. Cette réaction devient un outil de laboratoire pour le diagnostic, connue sous le nom deréaction de Weil-Felix.

Quoique manquant de précision, elle est longtemps restée, jusqu'aux années 1970, une aide au diagnostic de plusieursrickettsioses. Elle est toujours utile au début duXXIe siècle dans les pays en développement. Dans les pays plus avancés, d'autrestests sérologiques plus performants (comme l'immunofluorescence) sont préférés[39],[41].

Biologie moléculaire

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Dans les années 1990, les technologies moléculaires permettent de découvrir de nouvelles rickettsioses, et de refonder la classification de ces bactéries. L'ordre desRickettsiales est divisé en 3 familles dont lesRickettsiaceae, ces dernières sont divisées en 3 tribus dont lesRickettsiae, lesquelles sont divisées en deux genres dont celui desRickettsia[39].

Les principaux typhus historiques (typhus épidémique et typhus endémique ou murin) relèvent dugroupe typhus du genreRickettsia. Les autres « pseudo-typhus » ou autres rickettsioses relèvent soit dugroupe boutonneux du même genre, soit d'autres tribus ou d'autres familles de l'ordre desRickettsiales[39].

En 1998, le génome d'une souche atténuée deR. prowazekii (Madrid E) est entièrement séquençé, et en 2010 celui d'une souche virulente[37].

Histoire socio-politique

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Maladie de la misère

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Depuis la Renaissance, la maladie est associée à la misère humaine, en situation depromiscuité en milieu froid et humide, où des groupes humains sont obligés de garder les mêmes vêtements, jour et nuit, pendant des semaines ou des mois. La plupart des appellations se réfèrent à des conditions de confinement en sous-alimentation et sans hygiène possible :morbus carcerum ou typhus des prisons, typhus ou fièvre des camps, des navires, de famine, etc.

Le taux de mortalité du typhus historique varie alors de 5 à 25 % jusqu'à 40 %. Une des particularités de ce typhus est que sa gravité augmente avec l'âge, et que chez les moins de 15 ans, la maladie est plutôt modérée[41].

À partir de la finXVIIIe siècle, l'industrialisation, la croissance urbaine, la paupérisation d'une partie de la population (immigration rurale) créent les conditions propices aux épidémies de typhus, en Europe centrale et du nord. De 1792 à 1803, àManchester, des épidémies de typhus frappent les ouvriers desfilatures. Dans ce contexteThomas Percival, médecin de la ville, rédige sonMedical Ethics, texte fondateur des codes éthiques des médecins des États-Unis et d'Australie[42].

Affiche de L'Armée rouge (1921). « Nous avons écrasé les parasites desArmées blanchesIoudenitch,Dénikine,Koltchak–. Camarades ! Maintenant anéantissons le pou ! ». Ici le pou est blanc comme l'ennemi vaincu.

Le typhus irlandais (plusieurs épidémies de 1816 à 1849) s'est aussi répandu en Angleterre, où il a parfois été appelé « la fièvre irlandaise », à cause de sa virulence. Il a tué des personnes de toutes les classes sociales, les poux étant endémiques et omniprésents, et il a frappé particulièrement et durement les classes sociales inférieures, qui seront dites« pouilleuses ».

En 1848, en Europe centrale, larévolution de mars s'accompagne d'une propagation du typhus. Durant l'épidémie survenue enSilésie,Virchow perd son poste gouvernemental pour avoir déclaré que la maladie devait être combattue par la démocratie, l'éducation et l'hygiène publique[6].

En 1909, après la découverte du pou comme vecteur du typhus, on entame aussitôt des recherches vaccinales, mais dans l'immédiat l'accent est mis sur les mesures d'hygiène individuelle, celle des corps et des vêtements.

Sur le front occidental, le conflit de 1914-1918 ne connaitra pas d'épidémies importantes de typhus comme ce fut le cas au siècle précédent. Il n'en est pas de même sur le front oriental. Sur le front balkanique, l'année 1915 est marquée par une terrible épidémie de typhus en Serbie.

Pou et bolchevisme

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En Europe de l'Est, le typhus est endémique par les conditions climatiques et sociales. Dès le début de la guerre, une épidémie éclate en Serbie, et décime l'armée serbe en 1915. À la guerre et à la famine, s'ajoute larévolution bolchevique de 1917, puis le retrait des armées allemandes de Pologne en 1918. Ces évènements provoquent de grands mouvements de populations (civils et militaires démobilisés), le typhus s'étend à la Pologne orientale et à la Russie en proie à laguerre civile russe.

Après l'armistice de 1918,Lord Balfour déclare que le typhus est une calamité qui « semble presque pire que la guerre elle-même ». En 1929,Churchill écrit que la Russie est empoisonnée« une Russie infectée, porteuse de peste, une Russie de hordes armées non seulement brandissant baïonnettes et canons, mais accompagnées et précédées de vermine typhique pullulante »[43]. De son côté, à Moscou,Lénine avait déjà déclaré :« ou bien le pou vaincra le socialisme ou bien le socialisme vaincra le pou »[25].

La Pologne et d'autres pays entourant la Russie (Finlande, Pays Baltes, Roumanie…) constituent uncordon sanitaire et des stations dequarantaine sur leurs frontières de l'est. Même si la situation s'améliore avec de meilleures conditions sanitaires, l'amalgame entre la propagation du typhus et la menace bolchévique s'inscrit dans les mentalités de cette époque[25].L'homme au couteau entre les dents de l'affiche d'Adrien Barrère (1919) est ainsi unbolchevik hirsute et pouilleux, notamment pour les Allemands qui, dès les années 1920, se considèrent comme les vrais protecteurs contre cette double menace.

Typhus et nazisme

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Depuis leXIXe siècle, il existait déjà uneanthropologie raciale, et des domaines comme l'hygiène raciale. Dans ce cadre, après la découverte du rôle du pou, la fréquence du typhus en Europe de l'Est et en Afrique du Nord est interprétée comme dénotant l'infériorité raciale des populations « pouilleuses »[44].

Pancarte de laWehrmacht (1941) dughetto de Varsovie. En allemand et polonais : « TYPHUS, il est strictement interdit d'entrer ou de sortir ». Pour les nazis, tout juif est source potentielle de typhus.

Après son arrivée au pouvoir,Hitler cherche à réaliser son programme : leIIIe Reich doit viser un expansionnisme à l'Est, à partir de la Pologne, s'emparer de vastes territoires à coloniser, équivalents à ceux de l'Inde pour l'Empire Britannique. Mais ces territoires recherchés et à valoriser sont malsains par leurs peuples (juifs etslaves), leur misère, leur saleté, et par le typhus.

La plupart des films de propagandenazis exploitent le thème du danger sanitaire. Dans ceux consacrés au typhus pour l'éducation des jeunes recrues, on voit un paysage d'Europe orientale, puis un village polonais, puis une foule grouillante de gens hagards, et enfin unjuif orthodoxe en gros plan qui se gratte furieusement. L'agent vecteur du typhus n'est pas tant le pou, que le « porteur naturel » du pou, ici le juif[25].

Après la conquête de la Pologne, la propagande nazie donne comme raison officielle de la construction deghettos juifs, la menace de typhus. L'exécution sommaire de tout juif s'aventurant, sans autorisation, hors du ghetto se justifie par le risque de typhus (alors même qu'il n'y a pas de typhus).

Durant toute laguerre à l'Est, les nazis redoutent le typhus. Ils ne se préoccupent que de protéger leurs propres troupes, en laissant les médecins juifs et polonais approcher les malades civils. La plupart des instituts de santé en Europe occupée de l'est sont transformés en laboratoires de recherches de typhus et de production de vaccins anti-typhiques[25].

Dans les camps de concentration, outre les épidémies « naturelles » de typhus (Theresienstadt,Bergen-Belsen), desexpériences médicales nazies d'inoculation du typhus et de recherches vaccinales ont été menées sur les prisonniers deBuchenwald et deDachau[45], ainsi que dans le camp deNatzweiler-Struthof. Ces expériences ont été menées, entre autres, parErwin Ding-Schuler (qui se suicide en 1945) etWaldemar Hoven (exécuté en 1948).

Traitements et vaccins

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Médicaments

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Jusqu'au milieu duXXe siècle, il n'existe aucune thérapeutique efficace. Le traitement se borne à des soins généraux et symptomatiques. Par exemple, contre la forte fièvre on pratique des bains tièdes ou froids, ou la vessie de glace sur la tête en cas de troubles de la conscience. Les médecins utilisent tour à tour tous les médicaments chimiques qu'il connaissent, ou des procédés empiriques comme l'abcès de fixation[46].

Après les premiers succès de lasérothérapie (diphtérie,tétanos), les chercheurs s'en inspirent pour transposer les méthodes dans le cas du typhus. Ils tentent l'injection de sérum de convalescent de typhus. En Tunisie, au cours d'une épidémie àBizerte, Charles Nicolle utilise le sérum d'âne inoculé par le typhus, sans obtenir de résultat probant[46].

La plupart de ces pratiques disparaissent avec l'arrivée desantibiotiques qui amènent une guérison rapide et spectaculaire. Il s'agit d'abord duchloramphénicol (1947) puis surtout descyclines (1953), les représentants semi-synthétiques de cette dernière famille restent le traitement de référence au début duXXIe siècle[47].

Hygiène

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Sacs de vêtement prêts pour le passage en étuve (épouillage à la vapeur). Poste de désinfection d'El Paso, sur la frontière mexicaine, en 1917.

La découverte du rôle dupou de corps a permis, par des mesures d'hygiène bien ciblées, de prévenir ou d'arrêter une épidémie débutante de typhus, à partir des années 1910. Le pou de corps vit caché dans les vêtements (surtout delaine où il peut s'accrocher facilement). Il ne les quitte que pour aller se nourrir sur la peau de son hôte, et y retourne aussitôt. Il est résistant au grand froid et à la forte chaleur. La prévention du typhus est donc une hygiène du corps et des vêtements.

Les procédures d'épouillage moderne sont ainsi mises au point dans les armées (disposant d'un service de santé adéquat), les services d'immigration (par exemple aux États-Unis :El Paso sur la frontière mexicaine, ouEllis island à New-York pour les immigrants d'Europe), les postes coloniaux, etc. Elles consistent à déshabiller le patient puis à le doucher « avec de l'eau, du savon et du soleil, on peut réaliser rapidement un épouillage efficace »[46]. Les vêtements sont désinfectés et bouillis.

Ces mesures d'hygiène, associées auxinsecticides contre les poux, auraient permis d'éviter une épidémie majeure de typhus en Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, menace redoutée des Alliés dès 1943, et surtout lors de la libération descamps de concentration[25]. Il s'agit d'importants programmes de désinsectisation par leDDT, plus tard de produits comprenant dumalathion, ou, depuis la fin duXXe siècle, duperméthrine[47].

Vaccins

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Période d'avant-guerre

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La découverte du rôle vecteur du pou et de l'agent causal déclenche de nombreuses recherches sur unvaccin, d'autant plus espéré qu'il n'existe aucun traitement contre le typhus. Dans les années 1930, plusieurs vaccins expérimentaux sont en compétition.

Le premier est le vaccin polonais deRudolf Weigl, élaboré à partir de 1930, et considéré alors comme donnant les meilleurs résultats. Lesrickettsies ne pouvant être cultivées (sur milieux habituels convenant aux bactéries ordinaires), il utilise le broyat des intestins de poux infectés. Ce vaccin était fabriqué de la façon suivante : il fallait injecter des rickettsies (du sang de malade) dans l'orifice anal de chaque pou (épinglé sur un support), puis récupérer l'intestin pour le centrifuger et le neutraliser auphénol. Un tel vaccin était difficile à produire, nécessitant un outillage considérable, un personnel nombreux avec des risques élevés de contamination en laboratoire[48].

Le premier vaccin français de cette époque est un vaccin vivant atténué (vaccin de Blanc), utilisant du tissu de cobaye infecté par letyphus murin, avec l'idée que l'immunisation contre cette forme du typhus pourrait protéger du typhus historique[46]. Un autre vaccin français, mais inactivé (à germe tué) sera fabriqué à partir de cultures sur poumon de souris et de lapin (vaccin de Durand et Giroud en 1940). Ces recherches ont lieu essentiellement en Afrique du nord[48].

Les premiers vaccins américains contre le typhus murin sont expérimentés au Mexique, mais ne font pas leur preuve. En 1939,Herald Rae Cox publie les détails d'une nouvelle technique : il est possible de cultiver des rickettsies (iciR. prowazekii) sur des œufs embryonnés, ce qui permet uneproduction de masse. Le vaccin de Cox est un vaccin inactivé (à germe tué) par leformaldéhyde. Il est homologué en 1941[49].

Seconde Guerre mondiale

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Pour les pays belligérants, la recherche vaccinale contre le typhus est un enjeu stratégique, car les grandes puissances craignent des épidémies massives de typhus, comme il s'en est déjà produit par le passé.

Les américains comptent sur le vaccin de Cox. Ils créent une agence unique : la commission américaine du typhus. Les chercheurs privés et publics, civils et militaires, des pays alliés collaborent de façon coordonnée (conférences interalliées de médecine de guerre, 1942-1945)[48]. Le vaccin de Cox a été largement utilisé par l'armée américaine[49].

Les Allemands, au contraire, sont divisés entre différents groupes de chercheurs, publics ou privés, et plus ou moins alliés à laWehrmacht ou auxS.S. La Wehrmacht fait d'abord confiance au vaccin polonais de Weigl, mais après l'épidémie allemande de 1941, elle cherche à reproduire le vaccin de Cox. À partir d'octobre 1942, différents vaccins à tester sont envoyés àBuchenwald. De son côté, le médecin-chef des S.S,Joachim Mrugowsky, fit en sorte que la Waffen S.S produise son propre sérum antityphique à son usage exclusif. La recherche nazie se fait ainsi de façon dispersée, liée à des rivalités de pouvoirs entre différents groupes[48].

En 1942, legouvernement de Vichy autorise la production en masse du vaccin français de Durand et Giroud. En 1944, la production de l'Institut Pasteur de Paris était de 60 000 capsules par semaine dont seule une petite partie pouvait être saisie par les Allemands, car la production était décentralisée en province[48].

À partir de 1943, lessoviétiques, soutenus par les alliés, produisent les trois principaux vaccins polonais, américain et français (lorsque les instituts Pasteur d'Afrique du nord passent du côté allié). En échange les Russes fournissent du sérum et des souches de rickettsies. Toutefois, ils refusent de révéler la fréquence du typhus sur lefront de l'Est, et les chercheurs américains ne peuvent enquêter sur place[48].

En Pologne, malgré la mainmise des nazis sur les instituts polonais de recherche, une résistance des médecins juifs et polonais s'organise autour du typhus[25]. Le vaccin de Weigl est produit et distribué clandestinement en direction des camps et des ghettos, alors que des vaccins fictifs sont fournis aux S.S[50]. La production du vaccin polonais qui nécessitait un personnel nombreux, a permis à des savants polonais de survivre, comme le mathématicienStefan Banach qui a pu s'abriter comme éleveur de poux dans l'institut de recherches de Weigl[50].

Après la guerre

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Injection d'un vaccin militaire contre le typhus, à Fort Gordon,Géorgie (États-Unis) en 1959.

Les Alliés et les Allemands survivants ont vanté la supériorité et la réussite de leurs vaccins respectifs, mais il y a loin de la recherche en laboratoire à l'application sur le terrain. Si l'efficacité du vaccin de Cox a été confirmée en Afrique du Nord (fréquence bien plus élevée du typhus parmi les troupes britanniques, non vaccinées, que parmi les américaines, vaccinées),« Il est difficile à l'historien de trancher et décider si l'absence de pandémie majeure [de typhus en 1945-1946] est attribuable aux vaccins »[51].

Après la guerre, les vaccins contre le typhus ne seront plus guère utilisés, en raison de l'efficacité de l'antibiothérapie et d'un marché limité. Plusieurs types de vaccins ont été expérimentés dans les années 1970, certains efficaces mais toujours difficiles à standardiser ou avec des effets secondaires trop importants.

L'armée américaine a maintenu son vaccin de Cox contre le typhus durant laguerre de Corée et laguerre du Viêt Nam. Dans l'ensemble, ce vaccin s'est avéré efficace contre letyphus exanthématique, mais pas contre letyphus murin et letyphus des broussailles. Sa production a été arrêtée en 1980[49].

Au début duXXIe siècle, il n'existe pas de vaccins disponibles contre le typhus. Il est possible que cette recherche reprenne à partir des nouvelles techniques de biologie moléculaire[47].

Classifications

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Anciennes

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Au début duXXe siècle, on distinguait le typhus exanthématique ou historique, d'autres maladies similaires dites « pseudo-typhus » ou « para-typhus ».

La découverte des différents vecteurs a induit une classification par vecteurs : typhus à pou, à puce, à tiques, à d'autres acariens… Dans les années 1930, on distinguait ainsi le typhus historique transmis par lepou de corps, des typhus transmis par lapuce (typhus murin, typhus nautique, typhus des boutiques…), de ceux transmis par destiques ou autresacariens (fièvre boutonneuse, fièvre pourprée, typhus du Kenya, des broussailles, fièvre fluviatile du Japon…), à laquelle on tentait de substituer une classification selon des réactionssérologiques[52].

Avec les avancées de la bactériologie et de l'immunologie, les agents responsables de ces différentes entités ont été identifiés et isolées, reconnues commerickettsies ; d'où une nouvelle classification basée sur leurs différentes espèces. Dans les années 1980, on distinguait ainsi huit rickettsioses pouvant affecter l'homme[40] :

  • Rickettsia prowazekii, typhus exanthématique.
  • R. typhi, typhus murin.
  • R. quintana,fièvre des tranchées.
  • R. tsutsugamushi,typhus des broussailles ou fièvre fluviatile du Japon.
  • R. rickettsi, fièvre pourprée des Montagnes Rocheuses.
  • R. conori, fièvre boutonneuse méditerranéenne.
  • R. akari, rickettsiose vésiculeuse (rickettial-pox).
  • R. burneti,fièvre Q.

Moderne

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Les avancées de la biologie moléculaire ont permis la découverte de nouvelles espèces pathogènes, et un nouveau remaniement de la classification des rickettsies qui a pris corps en 1993[53]. Plusieurs espèces changent de dénomination, par exempleR. quintana devientBartonella quintana,R. tsutsugamushi devientOrientia tsutsugamushi, etR. burnetiCoxiella burnetii.

Au début duXXIe siècle, le terme « typhus » désigne plus spécifiquement ungroupe typhus composé de deux maladies : le typhus exanthématique (et sa forme résurgente, de Brill-Zinsser) dû àRickettsia prowazekii, et le typhus murin dû à R. typhi.

Ce groupe typhus s'oppose augroupe boutonneux dû à d'autres espèces de rickettsies, et composé principalement de 4 maladies[54] :

Liste de typhus

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Il s'agit d'une liste non exhaustive de maladies portant ou ayant porté la dénomination « typhus » dans leur nom. La plupart de ces appellations sont historiques (le plus souvent oubliées) ou peu usitées. Au début duXXIe siècle, les trois principales appellations concernent le typhus exanthématique, le typhus murin et le typhus des broussailles (fièvre fluviatile du Japon).

  • Typhus abdominal :fièvre typhoïde.
  • T. amaril :fièvre jaune.
  • T. de l'Ancien-Monde : typhus exanthématique.
  • T. angiohématique :syndrome de Waterhouse-Friderichsen.
  • T. des armées : typhus exanthématique.
  • T. d'Australie : forme de typhus murin.
  • T. bénin : typhus murin.
  • T. des boutiques : typhus murin.
  • T. des broussailles : 1) typhus murin (anciennement), 2) fièvre des broussailles ou fluviatile du Japon.
  • T. des camps : typhus exanthématique.
  • T. classique : typhus exanthématique.
  • T. endémique : typhus murin.
  • T. épidémique : typhus exanthématique.
  • T. exanthématique : typhus parRickettsia prowazekii.
  • T. de famine : typhus exanthématique.
  • T. de Hildenbrand : fièvre typhoïde.
  • T. hépatique :leptospirose ictéro-hémorragique.
  • T. historique : typhus exanthématique.
  • T. indien à tiques : proche de la fièvre boutonneuse méditerranéenne.
  • T. des membres :ostéomyélite aigüe.
  • T. mexicain : typhus murin.
  • T. murin : typhus parRickettsia typhi.
  • T. nautique : typhus murin.
  • T. du Nouveau-Monde : typhus murin.
  • T. pétéchial : typhus exanthématique.
  • T. récurrent ou à rechutes :fièvre récurrente, (Borrélioses).
  • T. rural ou tropical de Malaisie : proche de la fièvre fluviatile du Japon.
  • T. résurgent : maladie de Brill-Zinsser.
  • T. deSao-Paulo : fièvre maculeuse brésilienne.
  • T. des savanes : typhus murin.
  • T. deToulon : typhus murin.
  • T. tropical : 1) fièvre jaune, 2) fièvre fluviatile du Japon.
  • T. tropical urbain : typhus murin.
  • T. traumatique : pourriture d'hôpital (infections nosocomiales des plaies de guerre).
  • T. urbain : typhus murin.
  • T. des vendanges :fièvre boutonneuse méditerranéenne.

Références culturelles

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Notes et références

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Annexes

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Bibliographie

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Liens externes

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