Salmo trutta est uneespèce depoissons de lafamille desSalmonidés appelée, enfrançais, latruite commune européenne. L'espèce estpolyphénique. Selon les variétés locales et la situation côtière ou continentale d'un cours d'eau, une proportion très variable des truites qui y naissent peuvent migrer en mer. C'est potentiellement uneespèce envahissante enAmérique du Nord. Dans la plupart des pays (dont en France, au moins depuis les années 1960[1]), sa pêche est réglementée (permis, dates et lieux de pêche, taille légale, etc.).
Les formes ou morphes varient selon l'environnement :
La truite fario ouSalmo trutta formefario, croissant en rivière,
latruite de mer ouSalmo trutta formetrutta, pour les individus ayant migré en mer,
latruite de lac ouSalmo trutta formelacustris, pour les individus qui croissent dans un lac.
Malgré leurs aspects assez différents, ces formes ne sont pas des sous-espèces ni des populations distinctes, mais elles constituent une vaste population génétiquement unifiée dans laquelle les individus peuvent prendre chacune des trois formes selon leur lieu de vie[3]. Une truite de mer peut engendrer des truites fario de rivière, si celles-ci restent dans la rivière qui les a vu naitre à l'âge adulte au lieu de descendre en mer. Les mêmes truites fario de rivière, si elles atteignent un lac et y stationnent, peuvent évoluer vers la forme « truite de lac ». Ainsi un même individu peut prendre deux ou trois de ces morphologies au cours de sa vie s'il change de milieu, ou rester toujours dans le même lieu de vie avec la même morphologie.
La forme marine constitue donc seulement une partie de la population générale de l'espèce, qui assure le brassage génétique et l'unité du patrimoine génétique des populations de truites entre les différents bassins fluviaux d'une même façade continentale. Cette forme marine permet aussi à cette espèce de poisson partiellement dulcicole (d'eau douce) de peupler de nombreux bassins fluviaux qui sont inaccessibles naturellement aux autres poissons strictement dulcicoles, où elles font face à moins de concurrence pour l’accès à la ressource alimentaire. On retrouve la même stratégie de peuplement, à des degrés divers, chez de nombreuxSalmonidés, ce qui explique le succès de cette famille dans les régions tempérées et froides de hémisphère Nord, où de vastes surfaces continentales riches en cours d'eau pauvres en autres types de poissons se sont libérées après chaquedéglaciations.
La truite fario est unsalmonidé. L'adulte mesure de 25 à 100 cm[4]. Son corps fusiforme est parfaitement adapté à une nage rapide. Comme tous lessalmonidés, elle a une nageoire adipeuse, entre les nageoires dorsale et caudale. Son museau est pointu et sa bouche a de petites dents.
La truite fario est un poissonterritorial. Dans une rivière, les truites se partagent l'espace en fonction du potentiel de nourriture qu'il offre. Les plus gros sujets s'attribuent généralement les postes les plus riches en nourriture (fosses, courants), tant que ceux-ci restent à proximité de leur cache.
L'alimentation de la truite est variée selon son âge et évolue en fonction du type d'habitat, les jeunes truitelles se nourrissent exclusivement d'insectes et d'invertébrés tandis qu'à partir d'une certaine taille, la truite se nourrit aussi de jeunes poissons (vairons,goujons…)[5]. La truite est un poisson plutôt craintif.
La truite de rivière ou truitefario est la souche des individus ayant grandi uniquement en rivière. Leur couleur est variable selon l'habitat ; elle peut aller d'une robe très sombre sous les roches ou dans les cours d'eau ombragés, à une couleur plus claire pour les truites vivant dans des zones plus ensoleillées. Elle possède un dos sombre allant du brun au gris verdâtre. Ses flancs de teinte dégradée possèdent des points noirs, verts, bleus et rouges. Certains morphes ne possèdent pas de taches colorées.
Salmo trutta
La truite de lac (Salmo trutta morphalacustris) : la génétique a montré qu'elle faisait bien partie de la même espèce que la truite de rivière, bien que souvent très différente extérieurement. Très présente dans les lacs alpins et notamment dans lelac Léman, ce poisson aux flancs argentés et à la chair rose ressemble davantage à unsaumon qu'à une truite de rivière. Très recherchée par les pêcheurs pour sa combativité, elle peut atteindre un poids de 10 à 15 kg et une longueur pouvant dépasser 1 m. La truite de lac remonte les affluents du lac pour frayer en rivière lors d'unemontaison. Sa robe est particulière aux eaux lacustres, avec un phénomène de dépigmentation observé sur les individus lors de leurdévalaison.
La truite de mer est aussi appelée « la blanche »,truite saumonée ou truite argentée. L'identification des truites de mer comme espèce ou sous-espèce distincte, remonte à laclassification de Linné. Depuis, lagénétique a prouvé qu'il n'y avait absolument aucune différence génétique entre une truite de rivière et une truite de mer. Aussi étrange que cela puisse paraître, surtout quand on compare les deux poissons : la truite fario a des rayures et des points de couleur plus ou moins prononcés alors que la truite de mer ressemble à unsaumon. Et pourtant il ne s'agit que d'une adaptation au milieu, non d'une espèce différente. De même le saumoneau qui, petit, ressemble fort à une truite fario, se transforme visuellement en « poisson blanc » au moment de sadévalaison. Cela s'appelle lasmoltification. Il en va de même lors de la dévalaison de certaines truites, qui de fait deviennent des truites de mer, avec un aspect similaire à celui des saumons.
Il existe une multitude de souches génétiques bien différentes. Celles-ci sont issues de deux lignées principales correspondant aux deux principaux bassins versants : on distingue ainsi les souches-mèresatlantique etméditerranéenne. La soucheatlantique, qui se subdivise en une forme moderne et une forme ancestrale (rivières duPays basque et deBretagne), se distingue morphologiquement par les indices suivants : liserés souvent colorés sur les nageoires ventrales et anales, nombre limité de points sur l'opercule (inférieur à 15), ligne latérale clairement distincte, ponctuation plus clairsemée faite de points assez gros, souvent nettement cerclés de blanc. La soucheméditerranéenne ne possède souvent pas d'ornementations sur les nageoires ventrales et anales, sa ligne latérale est nettement moins visible, sa ponctuation est souvent dense, particulièrement dans la zone operculaire (supérieure à 15 points) et faite de petits points peu ou non cerclés. Sa robe est plus souvent sujette à des zébrures de coloration foncée. Les introductions de truites d'élevage de souche atlantique dans des rivières du bassin versant méditerranéen ont modifié la répartition géographique des souches originelles, et contribué à une diminution de la diversité génétique desalmo trutta fario. On relève également une souchecorse :Salmo trutta macrostigma, forme ancestrale méditerranéenne.
Les premières introductions se déroulèrent en Australie en 1864, avec l'apport de 1 500 œufs prélevés dans le fleuveItchen dans lecomté du Hampshire, Angleterre. Trois cents œufs survécurent au voyage de quatre mois à bord du voilierNorfolk, depuisFalmouth (Cornouailles) jusqu'àMelbourne. En 1866 il en restait 171 truites dans uneécloserie sur la rivière Plenty, affluent du fleuveDerwent enTasmanie. Trente-huit truites furent relâchées cette année-là dans la Plenty. En 1868 la rivière abritait une population de truites autonome qui servit de stock pour peupler en truites les rivières d'Australie et de Nouvelle-Zélande[8].
Elle a été introduite avec succès dans leNatal en 1890 et dans laprovince du Cap en 1892. En 1909 elle était établie dans les montagnes de lacolonie du Kenya[9].
En 1886 eurent lieu les premières introductions enTerre-Neuve au Canada. Elles furent continuées jusqu'en 1933. Les seules régions canadiennes sans truites sont leYukon et lesTerritoires du Nord-Ouest.
L'introduction en Amérique du Sud commença en 1904 enArgentine. La truite fario est maintenant établie auChili,Pérou et dans lesFalklands[8].
Dans les années 1950 et 1960, le géologue françaisEdgar Aubert de la Rüe commença l'introduction de plusieurs espèces desalmonidés dans lesîles Kerguelen dans l'ouest de l'océan Indien. Sur les sept espèces introduites ainsi, seuls l'omble de fontaine (Salvelinus fontinalis, le « saumon de fontaine ») et la truite fario survécurent et établirent des populations sauvages[10]. Des truites de mer dépassant 20 kg sont pêchées régulièrement par les pêcheurs locaux.
D'autres cargaisons d'œufs envoyées par von Behr arrivèrent en 1884. En 1885, des œufs de truite du lac deloch Leven (comté de Kinross en Écosse), arrivèrent à New York et furent distribués dans les mêmes écloseries. Au cours des années qui suivirent, d'autres œufs venant d'Écosse, d'Angleterre et d'Allemagne furent envoyés aux écloseries. Behnke pense que les truitesS. t. trutta des États-Unis (anadromes, de rivière ou de lac) proviennent toutes de souches importées qui se sont mélangées pour donner ce qu'il appelle la truite américaine générique[6].
Le, laUnited States Fish Commission(en)[Note 1] opéra le premier lâcher de truites aux États-Unis d'Amérique avec 4 900 jeunes truitelles dans la rivièreBaldwin, un affluent du fleuvePère Marquette dans le Michigan[11]. Entre 1884 et 1890, cette truite fut introduite dans des habitats appropriés à travers les États-Unis[6]. En 1900, 38 États et deuxterritoires en avaient reçu des stocks. L'adaptabilité de ce poisson amena dans la plupart des cas l'établissement de populations sauvages autonomes[8].
La truite fario ou truite sauvage, peut se reproduire à partir de deux ou trois ans. Elle se reproduit de novembre à janvier dans une eau entre 5 et12 °C. Dès que les truites ont rejoint leur zone defrayère, les femelles pondent 1 500 à 4 000 œufs par kilogramme de leur poids. Le mâle dépose sa semence et la femelle recouvre les œufs de gravier pour les protéger. Les truites quittent alors rapidement la frayère.
La durée d'incubation peut varier en fonction de la température. Elle est environ de 400degrés-jours, soit environ 40 jours dans une eau à10°C ou 80 jours dans une eau à5°C. À la naissance, l'alevin reste sous les graviers pour se protéger. Il se nourrit de ses réserves vitellines pendant 4 à 6 semaines, puis sort des graviers et tente de se nourrir seul. Ses chances de survie sont assez faibles puisque environ 800ovocytes donneront un couple géniteur. Les raisons en sont lecannibalisme que les truites pratiquent quand elles n'ont pas suffisamment de nourriture, en mangeant les œufs et les alevins, mais aussi le manque de nourriture des alevins une fois éclos. Les populations sauvages sont donc en régression.
Une expérience a été conduite enécotron, visant à étudier la structure temporelle de la dispersion en aval du jeune saumon et de la jeune truite selon quatre vitesses constantes de courant au moment de l'émergence hors du gravier. Il en est ressorti qu'à la suite de l'éclosion, si le courant est faible (env.8,0cm/s) l'alevin de saumon a un taux élevé de dispersion jusqu'à ce qu'il atteigne une très faible densité de la population ; alors qu'aux vitesses plus élevées le jeune saumon se disperse moins et la densité de la population finale est alors plus élevée[12]. À l'opposé, plus le courant est rapide, plus l'alevin de truite se disperse rapidement ; la densité finale de population de truites est toutefois restée égale pour toutes les vitesses de courant car le faible taux de dispersion observé à faible courant d'eau a persisté beaucoup plus longtemps qu'aux courants plus élevés[12]. Cette expérience invalide l'idée que les alevins de salmonidés ont une période étroite et définissable de sensibilité aux vélocités de courant, mais elle a confirmé que la dispersion se fait préférentiellement de nuit, quelle que soit la vitesse du courant pour les deux espèces de poissons[12].
Truite de mer souffrant de nécrose dermique ulcéreuse[13] à laquelle s'est ajoutée l'infection parSaprolegnia
Truite de mer, déformée
Truite de mer, déformée
Les populations sauvages de truites sont menacées par divers facteurs :
lapollution de l'eau vis-à-vis de laquelle des truites sont considérées comme très sensibles, en particulier lorsqu'elle réduit la teneur en oxygène dans l'eau ;
l'artificialisation descours d'eau, souvent associée à la destruction ou dégradation des zones defrayères et des habitats favorables aux salmonidés sauvages (embâcles de bois, berges et fonds riches en caches et microhabitats[14], ripisylves, etc.[15]) ;
les obstacles artificiels à lamigration des truites (grands barrages et seuils ou autres barrages infranchissables, rejets d'eaux chaudes et/ou d'eaux très pauvres en oxygène, rejets de substances répulsives ou toxiques pour les truites) nuisent à leur circulation entre zones de croissance et zones de reproduction, et peuvent empêcher ou freiner la recolonisation naturelle de certains cours d'eau ;
lapollution génétique, l'appauvrissement de la variabilité génétique[17], et certaines hybridations (notamment repérables parélectrophorèse[18]), après l'échappement de sujets de pisciculture ou consécutivement à des introductions de repeuplement[19]. Cette modification dupatrimoine génétique des souches locales est souvent induite par le déversement de truites de souches provenant de régions très différentes (nord de l'Europe par exemple, souche atlantique en région méditerranéenne). Dans certaines régions des précautions sont prises, dont dans lelac d'Annecy où depuis environ 30 ans l'AAPPMA du lac a une politique d'isolement du bassin versant ; aucun alevinage de poisson (truite lacustre etomble chevalier) non issu du lac n'y a été réalisé depuis cette date.
↑a etbLa « United States Fish Commission » fut créée en 1871 pour étudier, promouvoir et préserver les poissons des États-Unis. Elle était divisée en trois unités : la « Division of Inquiry respecting Food-Fishes and Fishing Grounds » (concernant les poissons en tant qu'aliments, et les zones de pêche), la « Division of Fisheries » (concernant les pêcheries), et la « Division of Fish-Culture » (concernant lapisciculture). En 1903 elle fut réorganisée sous le nom de « United States Bureau of Fisheries », qui perdura jusqu'au 30 juin 1940 – date à laquelle elle fut remplacée par la « United States Fish and Wildlife Service ».
↑La truite de Hunder est celle que l'on trouve à la grande chute d'eau de Hunderfossen, sur le fleuveGudbrandsdalslågen en Norvège. Une centrale électrique y a été construite, qui a nettement contribué à empêcher les truites de remonter le fleuve vers leurs aires de reproduction. En compensation, la compagnie d'électricité qui exploite l'installation a fait construire une échelle à poissons de 170 m de long et produit sur place 20 000 alevins de truite de Hunder par an, qu'elle relâche ensuite dans le fleuve. Elle a également fait construire à côté de la chute un centre de présentation au public de cette truite, qui peut peser jusqu'à 15 kg et mesurer environ un mètre.
↑Cuinat, R, « Croissance et taille légale de la truite fario dans quelques rivières françaises »,Ann. Stn Cent. Hydrobiol.,no 8,,p. 225-261.
↑Patrick Berrebi, Zhaojun Shao (2011).Structure génétique populationnelle et gestion des truites méditerranéennes françaises. Contribution au Congrès 2011 de la Société Zoologique de France. DansActes du Congrès 2011 de la Société zoologique de France, éditeurs Patrice Francour, Pascaline Bodilis, Arceo Hazel, Université de Nice publ., Nice, 13-16 septembre 2011, 184 p.
↑(en)Brown Trout surmiseagrant.umich.edu : leMichigan Sea Grant, un programme coopératif entre l'University of Michigan (UM) et la Michigan State University.
De Kinkelin, P., & Le Berre, M. (1977).Isolement d'un Rhabdovirus pathogène de la Truite Fario (Salmo trutta L., 1766). CR Acad. Sci. Paris, 284, 101-104.