↑Adolf Hitler se fait appeler « Führer und Reichskanzler » après le 2 août 1934, ce qui signifie qu’il cumule les fonctions de chef de l’État, sous le titre deFührer, et de chef du gouvernement, sous celui deReichskanzler. Cette fusion des fonctions est entérinée par leplébiscite du 19 août 1934.
Larépublique de Weimar n'étant pas abrogée en droit en 1933, le terme « Reich allemand » (Deutsches Reich) continue d'être, jusqu'en 1943, le nom officiel de l'État allemand, utilisé dans ses documents administratifs et politiques. Certains représentants du régime lui préfèrent, après l'Anschluss en mars 1938, le terme « Reich grand-allemand » (Großdeutsches Reich), qui devient le nom officiel de l'État allemand en 1943[1].
Adolf Hitler, le chef duParti national-socialiste des travailleurs allemands (abrégé en « NSDAP », pour l'allemandNationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei), est nomméchancelier par le président de la république de WeimarPaul von Hindenburg le. Après son arrivée au pouvoir, le parti commence à anéantir toute opposition politique dans le pays et à consolider son pouvoir ; l'Allemagne devient unÉtat totalitaire. Après le décès d'Hindenburg le, Hitler établit un pouvoir absolu en fusionnant les fonctions de chancelier et de président. Le, il se fait appeler « Führer ».
État policier de typetotalitaire, reposant avant tout sur le pouvoir absolu exercé par Adolf Hitler, le Troisième Reich est responsable du déclenchement de laSeconde Guerre mondiale en Europe. Il laisse l'Allemagne et l'Europe en ruines.
L'idéologie du Troisième Reich repose sur la croyance en l'existence d'une « race aryenne », la promotion duLebensraum, leracisme et l'antisémitisme. Dès son arrivée au pouvoir et particulièrement au cours de la Seconde Guerre mondiale, le régime met en place un système de répression s'attaquant à toute personne qui ne lui est pas totalement favorable ou soumise ou qu'il considère comme une « race » inférieure. Il met en place des mesuresgénocidaires, composées decamps d'extermination, decamps de concentration, deghettos et demassacres par des unités mobiles.
Formellement, la république allemande, diterépublique de Weimar, n'a jamais été abolie. Le nom officiel reste donc le même, à savoirDeutsches Reich (traduit généralement par « Reich allemand », le motReich désignant un empire ou un État), nom que portait déjà auparavant l'Empire allemand de 1871 à 1918. À partir de 1943, le nom deGroßdeutsches Reich (Grand Reich allemand ou Reich grand-allemand) est aussi utilisé. En français, les expressions « Allemagne nazie » et « Troisième Reich » sont communément utilisées pour désigner le régime d'Adolf Hitler. Quand le contexte n'est pas ambigu, le simple mot « Reich » peut également faire référence au régime nazi.
Le nom de « Troisième Reich », adopté par les Nazis, fut utilisé pour la première fois dans un ouvrage de1923 d'Arthur Moeller van den Bruck, pour lequel leSaint-Empire romain germanique (de 962 à 1806) est le premier Reich et l'Empire allemand (de 1871 à 1918) le deuxième[2]. Dans le vocabulaire allemandcontemporain, la période nazie est désignée sous les expressionsZeit des Nationalsozialismus (« période nationale-socialiste »),Nationalsozialistische Gewaltherrschaft (« tyrannie nationale-socialiste ») ou simplementdas dritte Reich (« le Troisième Reich ») oudie Hitlerzeit (« la période hitlérienne »).
L'idée d'un « Troisième Reich » remonte auXIIe siècle. Le théologien italienJoachim de Flore avait prophétisé un troisième âge millénaire duSaint-Esprit, qui suivrait les deux âges deDieu et deJésus-Christ. Les nationaux-socialistes ont repris ce slogan parce qu'il semblait concentrer leurs efforts. Hitler a souvent tenté de s'approprier le mythe des « mille ans » pour son règne. Plus tard, il s'est inquiété du terme « Troisième Reich », qui aurait permis de spéculer sur un éventuelQuatrième Reich, et donc de s'interroger sur la continuité duReich allemand. C’est pourquoi le ministre de la PropagandeJoseph Goebbels interdit le l'utilisation du terme « Troisième Reich »[3],[4].
La destruction de la démocratie et l'instauration du régime
Bien que n'ayant obtenu qu'un tiers des voix aux élections libres de, et bien qu'Adolf Hitler ait été battu à la présidentielle parPaul von Hindenburg, leNSDAP arrive au pouvoir quand son « Führer » est appelé à lachancellerie le.
Beaucoup d'industriels et d'hommes de droite, réunis autour deFranz von Papen et d'Alfred Hugenberg, pensaient ainsi « lever l'hypothèque » nazie et se servir d'Adolf Hitler pour ramener l'ordre dans l'Allemagne en crise, avant de s'en séparer dès qu'il n'y aurait plus besoin de lui. De fait, le gouvernement Adolf Hitler ne comporte que trois nazis : Adolf Hitler chancelier du Reich,Hermann Göring, chargé en particulier de laPrusse, etWilhelm Frick à l'Intérieur.
Or loin de se laisser instrumentaliser par les conservateurs, Adolf Hitler parvient en quelques mois à mettre l'Allemagne au pas (Gleichschaltung). Le démantèlement de larépublique de Weimar au profit de ladictature nazie permet l'avènement et la proclamation du Troisième Reich dès le, lors d'une grandiose cérémonie de propagande tenue àPotsdam, sur le tombeau deFrédéricII de Prusse.
Dès le, Adolf Hitler fait dissoudre leReichstag par Hindenburg. Pendant la campagne électorale, laSA et lesSS, milices du parti nazi, reçoivent des pouvoirs d'auxiliaires de la police. Les réunions duParti communiste (KPD), duParti social-démocrate (SPD) et des autres partis d'opposition sont marquées par de nombreux décès. Des opposants sont déjà brutalisés ou torturés.
Dans la nuit du au survient l'énigmatiqueincendie du Reichstag. Saisissant l'occasion, Adolf Hitler fait adopter par Hindenburg un « décret pour la protection du peuple allemand » qui suspend toutes les libertés garanties par laConstitution de Weimar. Un autre décret institue laSchutzhaft ou « détention de protection » préventive, qui permet d'arrêter et d'emprisonner sans aucun contrôle ni limite de temps.
La terreur s'accélère. En deux semaines, Göring fait ainsi arrêter 10 000 communistes en Prusse, dont le chef du KPD,Ernst Thälmann, le. En avril, près de 30 000 arrestations ont lieu dans la seule Prusse. À l'été, la Bavière compte 4 000 internés, la Saxe 4 500. Entre 1933 et 1939, un total de 150 000 à 200 000 personnes sont internées, et entre 7 000 et 9 000 sont tuées par la violence d’État. Des centaines de milliers d'autres doivent fuir l'Allemagne[5].
De nombreuses figures de la gauche littéraire et scientifiques s'exilent, commeThomas Mann,Bertolt Brecht etAlbert Einstein dès le. D'autres sont jetées en prison comme le pacifisteCarl von Ossietzky. Les nazis condamnent l'« art dégénéré » et les « sciences juives », et détruisent ou dispersent de nombreuses œuvres desavant-gardes artistiques.
Le, les nazis obtiennent 43,9 % des voix auxélections législatives. Dans tous lesLänder d'Allemagne, les nazis s'emparent par la force des leviers locaux du pouvoir. Le, Adolf Hitler obtient des deux tiers des députés le vote despleins pouvoirs pour quatre ans. Le, lessyndicats sont dissous et leurs biens saisis. Les ouvriers sont enrôlés dans l'organisationcorporatiste duDeutsche Arbeitsfront (DAF). Le, le ministre de la PropagandeJoseph Goebbels préside à Berlin à une nuit d'autodafé pendant laquelle des milliers de « mauvais livres » d'auteursjuifs,marxistes, démocrates oupsychanalystes sont brûlés pêle-mêle en public par des étudiants nazis ; la même scène se tient dans les autres grandes villes. Le KPD est officiellement interdit en mai, le SPD en juin[6]. Les autres partis politiques se sabordent ou se rallient. Le, laloi contre la formation de nouveaux partis fait duNSDAP leparti unique en Allemagne. Les jeunes Allemands sont obligatoirement embrigadés dans lesJeunesses hitlériennes (« Hitlerjugend »), seul mouvement de jeunesse autorisé à partir du.
Les nazis liquident aussi à cette occasion plusieurs dizaines de personnalités diverses, ainsi que ledocteur Klausener, dirigeant de l'Action catholique.
Après la mort dePaul von Hindenburg le, Adolf Hitler est à la fois chancelier et président de l'État. Il est entouré d'unculte de la personnalité intense qui le célèbre comme le sauveur messianique de l'Allemagne, et fait prêter un serment de fidélité à sa propre personne, notamment par les militaires. LeFührerprinzip devient le fondement de toute autorité.
Affiche de propagande américaine soulignant, une fois la guerre déclarée entre l'Allemagne et les États-Unis, la politique qu'a adoptée le Troisième Reich à l'égard de lareligion chrétienne.
Mouvement antichrétien, le nazisme tente de soumettre lesÉglises, et certains de ses dirigeants telsMartin Bormann rêvent même d'éradiquer lechristianisme à long terme[7]. Le pouvoir provoque ainsi une scission au sein des protestants allemands, par la mise sur pied de l'Église dite des « chrétiens allemands », qui professe sans réserve le racisme et le culte du Führer. Il combat aussi l'Église confessante des pasteurs résistantsMartin Niemöller etDietrich Bonhoeffer, déportés.
En 1933, le puissant parti catholique, leZentrum, s'était sabordé en échange de la signature d'unconcordat entre l'ADO (en allemand, « Ausland Deutsches Organisation ») et leVatican. Mais en 1937, le papePie XI dénonce dans l'encycliqueMit brennender Sorge les violations répétées du concordat, les tracasseries contre des hommes d'Église, le racisme d'État et l'idolâtrie entourant le Reich et son chef. Son texte est interdit de lecture et de diffusion en Allemagne et ses exemplaires en circulation détruits par laGestapo. Cependant, dans l'ensemble, « les Églises allemandes n'ont pas activé tout leur potentiel de résistance » (Jacques Semelin) et le successeur de Pie XI,Pie XII, ancien nonce en Allemagne, évite pendant la guerre de dénoncer les atrocités nazies, notamment par peur d'attirer des représailles sur l'Église allemande qu'il connaît bien.
Dès, la persécutioncontre les juifs se déchaîne. Uneloi permet à Adolf Hitler de faire révoquer 2 000hauts fonctionnaires et 700universitaires juifs. Leboycott des magasins juifs est lancé le1er avril par lesSA. Des Juifs sont humiliés en public, des couples mixtes promenés dans les rues avec des pancartes insultantes autour du cou. La contribution juive à laculture allemande est niée : la musique deFelix Mendelssohn ou deGiacomo Meyerbeer est interdite, et le célèbre poème deHeinrich Heine, laLorelei, n'a officiellement plus d'auteur. Leslois de Nuremberg, en 1935, retirent la citoyenneté allemande aux Juifs et interdisent toutmariage mixte. La liste des métiers interdits s'allonge sans fin, toute vie quotidienne normale leur est rendue impossible. Cependant, si plusieurs dizaines de milliers de Juifs s'exilent, beaucoup persistent à rester malgré les brimades, pensant qu'Adolf Hitler apaisera son courroux et parce qu'ils devaient abandonner tous leurs biens pour quitter le pays[8]. Lepogrom de lanuit de Cristal, le, annonce leur élimination physique ainsi que leurspoliation systématique (aryanisation). À partir de 1941, ils doivent porter uneétoile jaune, puis sont déportés dans lesghettos de Pologne et lescamps de la mort.
Seuls sont provisoirement épargnés lesMischlinge, ou les Juifs mariés à des Allemandes « aryennes », telsVictor Klemperer. LesMischlinge sont des personnes dont un des parents n'est pas de religion juive. Cette qualification était codifiée par les lois de Nuremberg. En 1943, en plein Berlin, des conjointes de Juifs manifestent dans la Rosenstrasse pour empêcher ladéportation de leurs époux.
En, le régime adopte une loi sur lastérilisation forcée, conforme à son objectif de « purifier la race aryenne ». Des dizaines de milliers de personnes en sont victimes. Elle concerne surtout lesmalades mentaux, mais aussi desTziganes (préconisée parRobert Ritter[9]), ou encore desNoirs (planifiée parEugen Fischer[10] ; la stérilisation touche la moitié des métis, « bâtards de Rhénanie » enfants de la « Honte noire ») : en 1937, Adolf Hitler ordonne de stériliser les 400 enfants nés dans lesannées 1920 de soldats noirs français et de femmes allemandes[11]. Des milliers de femmes tziganes ne survivent pas à la stérilisation.
Leshomosexuels sont condamnés à la stérilisation ou à la déportation en camp en vertu duparagraphe 175 du code pénal ; 25 000 condamnés sont dénombrés en deux ans (J.M. Argelès).
Alors que laGestapo n’a que 6 000 hommes en 1938, et 32 000 en 1944[12], toute opposition organisée au nazisme a pratiquement disparu après 1934. Lapolice politique ne pourrait donc avoir autant d'efficacité sans l'aide de nombreuxdélateurs, mouchardant pour régler des comptes personnels, par peur ou par adhésion idéologique. Il n'est pas rare non plus que des enfants, soumis à l'embrigadement intense desJeunesses hitlériennes, finissent par dénoncer leurs parents.
Population de larégion des Sudètes saluant Hitler lorsque celui-ci traversa la frontière tchécoslovaque en 1938.
Les rares groupes constitués de larésistance allemande au nazisme émergent à nouveau à partir de 1938. Très isolés, surtout après l'entrée en guerre, les résistants à Adolf Hitler sont assimilés par l'opinion à des traîtres à leur pays. Ce qui amène les historiens allemands au concept d'une « résistance sans le peuple ».
Dans l'ensemble, la société allemande s'est vite accommodée du régime national-socialiste du moment qu'il mettait fin à l'instabilité politique et économique, et entreprenait de déchirer lediktat dutraité de Versailles. Les réalisations sociales du régime, les cérémonies grandioses de propagande comme lors des Congrès duNSDAP à Nuremberg, la peur, l'indifférence ou le conformisme ont entraîné de nombreux Allemands à céder à la « fascination dunazisme » (Peter Reichel).
Environ onze millions de citoyens allemands ont adhéré au NSDAP, dont beaucoup de carriéristes et d'opportunistes, soit une part considérable de la population adulte. Quelque 100 000 Allemands, selonAnnette Wieviorka, ont pris part activement augénocide des Juifs. L'historien de laWehrmacht Omer Bartov (L'Armée de Hitler, 1999) a montré qu'une bonne part des combattants allemands avaient intégré le discours nazi, et que nombre d'entre eux furent, avec leurs officiers et leurs généraux, à peine moins compromis que lesSS dans les tueries à l'Est, en dépit de l'opinion contraire qu'ils ont cherché à propager, y compris à l'étranger, dans les années 1960.
L'historiographie allemande distingue depuisMartin Broszat la résistance organisée au nazisme (Widerstand) et des formes dedissidence civiles (Resistenz), sans ambition de contestation politique, mais démontrant une certaine réticence envers l'embrigadement et l'idéologie officiels.
Par exemple, des groupes de jeunes gens, lesEdelweiss ou laSwingjugend, se réunissaient en pleine guerre pour écouter la musiqueswing proscrite par le régime, et adoptaient un habillement et une coiffure qui défiaient l'ordre moral officiel. De nombreuses Allemandes bravèrent les interdictions officielles des relations amoureuses avec les travailleurs étrangers occidentaux ou slaves. Des centaines d'Allemands furent exécutés pour avoir écouté laBBC, ou proféré des paroles méprisantes ou sceptiques contre le régime et sur l'issue de la guerre. Certains tentèrent discrètement de venir en aide à des Juifs, ou eurent du moins le courage de gestes et de paroles de sympathie. D'autres s'arrangèrent pour ne jamais faire le salut nazi. En Bavière catholique, un mouvement d'opinion empêcha le régime néo-païen de retirer les crucifix des classes[13].
Clemens August von Galen, évêque deMünster, relaya une vague d'indignation contre la prétendue « euthanasie » des handicapés mentaux, protesta en chaire contre celle-ci, et obtint ainsi l'arrêt officiel théorique de l'Aktion T4 ().
Dans lesannées 1930, les Églises ont également souvent résisté aux ingérences du régime et aux tracasseries de ses agents mais leurs hiérarchies n'ont fait porter leurs refus que sur des points matériels et confessionnels et, comme au temps de l'empire wilhelminien, se défendaient toujours de « faire de la politique ». ExceptéKonrad von Preysing, évêque catholique d'Eichstätt, les Églises en tant que telles n'ont condamné ni lesguerres d'agression, ni la politique raciale, ni lescrimes contre l'humanité dans les pays occupés, dont des échos parvenaient pourtant en Allemagne.
À la différence de l'Italie fasciste, les rôles ne sont pas aussi répartis entre le parti et les institutions traditionnelles[16]. En effet, les institutions héritées des périodes précédentes continuent d'exister, mais certaines sont progressivement noyautées par des structures du parti, ou plus simplement, elles ne sont plus opérantes, à l'image desLänders, par exemple, redécoupés enGaue, circonscription territoriale du NSDAP[réf. nécessaire]. Ce maintien desclasses dirigeantes traditionnelles, donc la mise en place d'uncondominium sur le pays, géré par leNSDAP et les anciennes classes dirigeantes amende nettement la vision totalitaire[réf. nécessaire]. Cette alliance est appelée à se fissurer à la période des échecs militaires (il suffit de faire une biographie des principaux conjurés ducomplot du 20 juillet 1944 pour s'en convaincre : des militaires, décorés et honorés par le régime (Rommel), un chef de corps d'armée durant lacampagne de France, fait maréchal par Adolf Hitler (Witzleben), des généraux anciennement proches d'Adolf Hitler (Hoeppner), un homme qui a voté les pleins pouvoirs en 1933 (Goerdeler)…).
En outre, à côté de cette alliance entre les conservateurs et les nazis, se met en place ce que Broszat appelle « anarchie totalitaire », par l'installation de structures ayant les mêmes compétences dans un domaine donné, et qui finissent par avoir des actions antagonistes : Warlimont, dans ses mémoires[17], évoque une anecdote au sujet de camions de la marine, mais dont l'armée a un besoin vital. Le représentant de la marine refuse de les mettre à disposition de l'Armée de terre, sous prétexte que beaucoup de camions ont déjà été donnés à l'Armée de terre. À l'issue de plusieurs heures de débat, Adolf Hitler ne tranche pas, renvoyant le problème à plus tard, trop tard.
L'école historique allemande dite des « intentionnalistes » insiste sur la primauté d'Adolf Hitler dans le fonctionnement du régime. La forme extrême de pouvoir personnel et deculte de la personnalité autour du Führer ne serait pas compréhensible sans son « pouvoircharismatique ». Cette notion importante est empruntée au sociologueMax Weber : Adolf Hitler se considère et est considéré sincèrement comme investi d'une mission providentielle.
Sans l'idéologie (Weltanschauung, ou vision du monde) redoutablement efficace qui animait Adolf Hitler et ses fidèles, le régimenazi ne se serait pas engagé dans la voie de la guerre et de l'extermination de masse, ni dans le reniement des règles juridiques et administratives élémentaires régissant les États modernes. Par exemple, sans son pouvoir charismatique d'un genre inédit, Adolf Hitler n'aurait pas pu autoriser l'« euthanasie » massive des handicapés par quelques simples mots sur papier à en-tête de la chancellerie (opération T4,), et encore moins déclencher laShoah sans rédiger un seul ordre écrit. Aucun exécutant du génocide des Juifs ne demanda jamais, justement, à voir un ordre écrit : le simple mot deFührerbefehl (ordre du Führer) était suffisant pour faire taire toute question.
Or, entre ces groupes rivaux, Adolf Hitler tranche rarement et décide peu. Fort peu bureaucratique, travaillant de façon irrégulière (sauf dans la conduite des opérations militaires), leFührer, « dictateur faible » ou « paresseux » selon M. Broszat, laisse chacun libre de se réclamer de lui, et attend seulement que les individus marchent dans le sens de sa volonté.
Ce « pouvoir charismatique » explique aussi que beaucoup d'Allemands soient spontanément allés au-devant du Führer. Ainsi, en1933, les organisations d'étudiants organisent d'elles-mêmes lesautodafés de livres honnis par le régime, tandis que les partis et les syndicats se rallient au chancelier et se sabordent d'eux-mêmes après avoir exclu les Juifs et les opposants au nazisme. L'Allemagne se donne largement au Führer dans lequel elle reconnaît ses rêves et ses ambitions, plus que ce dernier ne s'empare d'elle. Selon Kershaw, le Führer est l'homme qui rend possible les plans caressés de longue date à la « base » : sans qu'il ait besoin de donner d'ordres précis, sa simple présence au pouvoir autorise par exemple les nombreuxantisémites d'Allemagne à déclencherboycotts etpogroms, ou desmédecins à pratiquer les expériences pseudo-médicales et les opérations de mise à mort dont l'idée préexistait à 1933.
L'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir marque brutalement la fin de la diversité culturelle qu'avait apportée la république de Weimar pour l'Allemagne. De nombreux autodafés ont même lieu, surtout des livres d'auteurs juifs, communistes, etc. Tous les livres deMarx, deSigmund Freud, d'Einstein et d'auteurs célèbres à cette époque finissent brûlés en place publique. La culture est prise en main : Adolf Hitler met en place un contrôle total de lapresse écrite par le parti nazi, choisit les films qui passent au cinéma… La propagande passe par ces moyens de communication ; tout a pour but de mettre en avant le parti. L'organisation desjeux olympiques d'été de 1936 est instrumentalisée pour consolider l’image de marque du régime hitlérien sur la scène internationale.
Les ouvrages scolaires sont également expurgés. Pour ne pas renoncer aux poèmes d'Heinrich Heine, quelques-uns les attribuent à un « auteur inconnu de langue allemande ».
De nombreux artistes, écrivains et savants doivent fuir d'emblée l'Allemagne nazie en raison de leurs origines juives, et/ou de leurs convictions politiques pacifistes, de gauche, antinazies, ou encore de la nature avant-gardiste de leur art.
Les nazis brûlent en public les livres proscrits, 10 mai 1933.
Quelques artistes pourtant sondés parGoebbels font le choix de partir par acte de résistance au régime, ainsi le cinéasteFritz Lang ou l'actriceMarlene Dietrich.
Un certain nombre d'artistes et d'écrivains restés en Allemagne, commeEmil Nolde (qui adhère au parti nazi en 1935), se voient interdire de peindre ou d'écrire et sont placés sous surveillance policière.
Les Juifs sont exclus de la presse, du cinéma, du monde du spectacle. Les œuvres d'auteurs juifs (comme celles deHeinrich Heine ouMoses Mendelssohn) ne peuvent plus être jouées ou interprétées, et Goebbels doit intervenir contre certains fanatiques de son propre parti qui souhaitaient interdireMozart parce quefranc-maçon.
L'autodafé spectaculaire des livres interdits, le, permit à beaucoup de commentateurs de rappeler la célèbre phrase deHeinrich Heine :« Là où on brûle des livres, on finira par brûler des hommes. » En 1937, une « exposition d'art dégénéré » très visitée sillonne l'Allemagne pour tourner en dérision les œuvres de plusieurs artistes d'avant-garde (parmi lesquelsEmil Nolde), taxées de « bolchevisme culturel » ou de « gribouillages juifs et cosmopolites » par Adolf Hitler. Beaucoup de ces œuvres sont ensuite dispersées ou détruites par les nazis.
Un nombre non négligeable d'esprits se rallient toutefois plus ou moins durablement au régime hitlérien. Le philosopheMartin Heidegger prend sa carte auNSDAP et, d'après l'enquête deVíctor Farías (Heidegger et le nazisme), il paie ses cotisations jusqu'en 1945. Il accepte pendant quelques mois la fonction de recteur àFribourg ; avant de s'opposer fondamentalement au national-socialisme en déclarant :« Le national-socialisme est un principe barbare. » Le théoricien du droitCarl Schmitt devient le juriste nazi officiel. Nombre de musiciens et d'interprètes entretiennent des relations très cordiales avec le régime et ses plus hauts dirigeants, acceptant ou sollicitant les commandes officielles, notamment les compositeursCarl Orff etRichard Strauss, la cantatriceElisabeth Schwarzkopf ou les chefs d'orchestreWilhelm Furtwängler[21] etHerbert von Karajan. Dans le domaine de l'art populaire, les internationalement réputésComedian Harmonists sont obligés de se dissoudre.
Dès 1933,Goebbels impose la création desReichskulturkammer, organisationcorporatiste des métiers de la culture. Nul ne peut publier ou composer s'il n'en est membre.
Les cérémonies nazies récupèrent particulièrement la musique deRichard Wagner et celle deAnton Bruckner, favorites du Führer. Un « art nazi » conforme aux canons esthétiques et idéologiques du pouvoir se manifeste au travers des œuvres d'Arno Breker en sculpture, deLeni Riefenstahl au cinéma ou d'Albert Speer, confident d'Adolf Hitler, en architecture. Relevant souvent de la propagande monumentale, comme lestade olympique de Berlin destiné aux Jeux de 1936, ces œuvres austyle très néo-classique développent aussi souvent l'exaltation de corps « sains », virils et « aryens ».
Le Führer confia à Albert Speer le projet pharaonique (et inabouti) de reconstruction de la capitaleBerlin. Celle-ci aurait dû prendre le nom deGermania et se couvrir de monumentsnéoclassiques au gigantisme démesuré : la coupole du nouveauReichstag aurait été 13 fois plus grande que celle deSt-Pierre de Rome, l'avenue triomphale deux fois plus large que lesChamps-Élysées et l'Arche triomphale aurait pu contenir dans son ouverture l'Arc de triomphe parisien (40 m de haut). Le biographe de Speer,Joachim Fest, décèle à travers ces projetsmégalomanes une « architecture de mort »[22]. En pleine guerre, Adolf Hitler se réjouit que les ravages desbombardements alliés facilitent pour l'après-guerre ses projets grandioses de reconstruction radicale de Berlin, Hambourg ouLinz.
LesJeux olympiques d'hiver de 1936 àGarmisch-Partenkirchen puis lesjeux olympiques d'été de 1936 àBerlin furent des jalons non négligeables dans la consolidation de l’image de marque du régime hitlérien sur la scène internationale, cela en dépit de son caractère notoirement raciste et ouvertement belliqueux. Les attitudes des gouvernements occidentaux qui, en faisant confiance à Adolf Hitler et à ses promesses en faveur des Juifs et de la non-discrimination raciale en général, entamaient une série de capitulations dont lesaccords de Munich sont l’apothéose. Le Comité international olympique lui-même a été accusé d'avoir une part de responsabilité dans l’édification de l'image positive de l’hitlérisme[23].
Robert Ley, adhérent du parti nazi dès1923 et élu député auReichstag en1932, fut chargé de l'élimination dessyndicats, qui furent remplacés par leDeutsche Arbeitsfront en1933, organisation de typecorporatiste. Liée au DAF, la « Kraft durch Freude » (Force par la joie) fut chargée d'offrir aux classes populaires des loisirs de masse étroitement encadrés. Elle offrit par exemple à des milliers d'ouvriers des croisières enmer Baltique sur ses deux paquebots.
Dès l'origine, l'économie du Troisième Reich s'est orientée vers laremilitarisation de l'Allemagne, puis la préparation de laguerre. Cette politique s'est appuyée dès 1933-1934 sur une série de lois économiques qui favorisèrent la réorganisation complète de l'industrie, puis fut accentuée à partir de1936 avec le lancement duplan de Quatre Ans confié àHermann Göring. Celui-ci constitua le tout-puissant cartel desReichswerke Hermann Göring, devenu très vite l'une des plus grosses entreprises d'Allemagne puis, après la mise sous tutelle des industries des pays conquis, une des plus grosses du monde.
En comparaison avec lesÉtats-Unis ou l'Angleterre, ces chiffres sont très flatteurs, sur le papier. Mais, outre lesurendettement de l'État qu'impliquait la politique de militarisation et de plein emploi, il faut ajouter que :
« Cette performance apparente fut obtenue au moyen de mesures de plus en plus attentatoires aux libertés. Ainsi, le, une ordonnance ouvrit le droit pour les autorités de réquisitionner la main-d'œuvre pour une tâche précise. Le, c'est la fin de toute liberté en matière de choix d'un emploi. La militarisation de la classe ouvrière s'était esquissée dès avant la guerre. Laligne Siegfried (Westwall ou « mur de l'Ouest ») fut construite au moyen de la réquisition de 400 000 ouvriers (). »
À partir de 1933, la société allemande est profondément remodelée sous l'action d'une vision totalitaire. Brisant un certain nombre de cadres hérités de la période précédente, le nouveau pouvoir rebat les cartes des rapports sociaux, définissant, au sein de la société allemande, des groupes sociaux qui subissent le régime et des catégories sociales qui bénéficient du régime. Cependant, malgré l'emploi d'une rhétorique misant sur l'harmonie des rapports sociaux redéfinis dans la communauté du peuple, les conflits inhérents à unesociété industrielle n'ont pas disparu et, à partir de 1936, des revendications salariales, conséquence duplein emploi, réapparaissent[25].
En effet, dès les premiers mois d'installation du gouvernement de coalition entre les nazis et les conservateurs, se dessinent les contours des groupes qui perdent, par rapport à la période précédente, ce qui avait été conquis ou octroyé : les salariés, en dépit de nombreuses proclamations, ainsi que les femmes et les Juifs.
Dans un contexte de chômage de masse, la destruction des syndicats entraîne le durcissement des conditions de vie des salariés, touchant aussi bien les rémunérations que les conditions de travail[26] : la loi du autorise lelicenciement de tout employé communiste, de représentant social-démocrate ou de tout militant syndical sans préavis : tout salarié mal vu peut, à partir de la mise en application de cette loi, être licencié de façon arbitraire sans aucun moyen de défense[27]. Par delà la rhétorique mise en avant (chaque entreprise serait une communauté au sein de laquelle chacun aurait des droits et des devoirs), les dirigeants d'entreprise voient leurs pouvoirs renforcés[27].
Les salariés, après la dissolution des syndicats, doivent être inscrits auFront du Travail. Cette institution regroupe à la fois les salariés et leurs employeurs, régit les relations au travail, et se trouve placée sous la tutelle duministère du Travail du Reich[28]. Confiées à des commissaires aux compétences territoriales élargies, les relations sociales sont dorénavant régies par leFührerprinzip, dans une rhétorique néoféodale, insistant sur la relation de dépendance du salarié envers son employeur[29].
À cela, s'ajoute le fait que l'indice des salaires (100 en1932) était retombé à 97 en1938. En1937, le niveau des salaires était à peu près celui de1929. Lepouvoir d'achat de la classe ouvrière est inférieur en 1939 à celui de 1933. À partir de juin 1938, les salaires sont fixés d'autorité.
Cependant, des sources indiquent le contraire : l’historien britanniqueNiall Ferguson nota que les prix à la consommation entre 1933 et 1939 avaient augmenté au taux annuel moyen de seulement 1,2 %. Cela signifiait en réalité que les travailleurs allemands s’en sortaient mieux, aussi bien en valeur réelle que nominale : entre 1933 et 1938, le revenu hebdomadaire net (après déduction des impôts) augmenta de 22 %, tandis que le coût de la vie avait augmenté de seulement 7 %. Le revenu des travailleurs continua d’augmenter, même après le déclenchement de la guerre en. La rémunération horaire moyenne des travailleurs allemands augmenta de 25 %, et le salaire hebdomadaire de 41 % jusqu’en 1943[30].
À propos de la fin 1935, J.K Galbraith écrivait également :« le chômage touchait à sa fin en Allemagne. En 1936, les revenus élevés tiraient à la hausse les prix ou bien permettaient de les augmenter […] à la fin des années trente l’Allemagne avait atteint le plein emploi et des prix stables. C’était un exploit absolument unique dans le monde industriel »[31]. Le qualificatif de classe perdante serait donc à nuancer.
Lespaysans, nombreux à avoir voté pour les nazis, ne voient pas l'exode rural s'arrêter (il a même tendance à s'accélérer) ni leur situation s'améliorer réellement. Les petits commerçants et artisans menacés par la modernisation économique, et qui avaient fourni de gros bataillons auxSA, sont aussi floués : au nom de l'efficacité économique et par souci de préparer la guerre, le gouvernement encourage légalement la concentration des petites entreprises, dont plus de 400 000 disparaissent entre 1933 et 1939[32].
Enfin, en raison de la conception que les nazis avaient de la femme[33], celles-ci furent peu à peu cantonnées à leur rôle traditionnel[34]. Dès 1933, les femmes sont poussées hors de lafonction publique, ne peuvent plus être directrices dans l'enseignement, n'ont plus le droit d'être avocates, ni juges. Les ouvrières sont poussées vers l'agriculture. Les ouvrières célibataires de moins de 25 ans furent ainsi contraintes à faire une année dans les champs. 1,3 million de femmes supplémentaires furent employées dans l'agriculture entre 1933 et 1939. La politique vis-à-vis des femmes s'est cependant un peu assouplie à l'approche de la guerre[35].
Si des groupes sociaux ont été floués ou matés en 1933-1934, d'autres, par contre, ont su tirer parti du nouveau cadre politique et institutionnel. En effet, après quelques incertitudes, notamment en raison d'actions violentes de laSA[36], le décret du[36], préparé lors d'une rencontre entre Adolf Hitler et des représentants des industriels allemands[37], lève toute ambiguïté sur la place dévolue aux représentants de l'industrie et des services dans la réorganisation nationale-socialiste. De plus, dès le, les intérêts privés, représentés parHugenberg, sont fortement présents dans le gouvernement du Reich ; ils se voient renforcés par la nomination duDr Schmitt, directeur général des assurancesAllianz, et non d'un cadre du parti, au gouvernement[37].
Dans le même temps, les représentants de l'industrie lourde jouent un rôle accru au sein du NSDAP et de l’État, à l'image de Fritz Thyssen, nommé parGoering conseiller d'État à vie en Prusse, jouant de ce fait un rôle important de conseiller économique dans lesGaue deRhénanie[38]. Ainsi, la loi sur les cartels du, qui donne aux ministères de l'économie et de l'agriculture un pouvoir sur la constitution de cartels et de contrôle de ces derniers, renforce les intérêts des cartels déjà existants, en rendant théorique le contrôle étatique sur ces institutions[39].
De plus, la lutte contre lacorruption est considérablement allégée à partir de[37].
Dans le même temps, la direction du NSDAP, Adolf Hitler en tête, écarte tous les militants susceptibles de remettre en cause ces nouveaux choix économiques, illustrés par la nomination de membres éminents du patronat allemand à des postes clés de la direction de l'économie[37] : ainsi, les décrets du printemps 1933 annulent les plaintes déposées par le parti à l'encontre des industriels pour corruption[37].
Carte des agressions nazies avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale : l'Allemagne procède à des annexions de terres où vivent des germanophones, au mépris de laSDN ; le régime confortant ainsi sa popularité auprès de l'opinion publique allemande (l'utopie nationaliste de laGrande Allemagne remonte auXIXe).
La justification de l’expansionnisme nazi se trouve déjà dansMein Kampf (1926). Le régime nazi se réclame dufascisme, défini parBenito Mussolini comme un régimemilitariste et anti-pacifiste. Il nourrit le culte de lavirilité et de laviolence guerrière, et vit dans le souvenir permanent de l'expérience de laGrande Guerre. Enfin,Adolf Hitler viole constamment letraité de Versailles, imposé à l’Allemagne en1919. Méprisant les institutions internationales, posant le primat de la force sur le droit, il traite lestraités internationaux conclus de « chiffons de papier ». D'emblée Adolf Hitler se met à bafouer ouvertement le traité de Versailles, dont il ne reste plus grand-chose dès 1938-1939. Le, l'Allemagne quitte laSociété des Nations tout en proposant des discussions bilatérales sur la sécurité[40]. En, les Sarrois votent massivement leur rattachement à l'Allemagne. Cette victoire améliore l'image des nazis à l'étranger[41]. Laconscription est réintroduite le, en violation ouverte du traité de Versailles. Les effectifs de laWehrmacht sont portés à 550 000 hommes[42]. En même temps, Adolf Hitler négocie avec lesBritanniques. Le, un accord anglo-germanique autorise l'Allemagne à se doter d'une flotte équivalente à 35 % de celle du Royaume-Uni. En fait, les Allemands cherchent à dessiner un nouveau partage du monde qui leur réserverait l'Est de l'Europe[41].
Le projet nazi reprend en partie les vieux thèmes dupangermanisme. SelonAdolf Hitler, la réunification du « sang allemand » est un impératif moral, même si cette communauté se révélait nuisible sur le plan économique. Il revendique donc des territoires qui étaient allemands avant la Première Guerre mondiale et invoque la communauté de sang et de culture pour annexer d'abord l’Autriche, puis larégion des Sudètes en1938. À partir de 1939,Adolf Eichmann est aussi chargé de « rapatrier » les minorités allemandes dispersées depuis des siècles à travers toute l'Europe centrale etorientale.
Mais au désir de regrouper tous les Allemands s'ajoute l'idée que lesAryens, « race des Seigneurs » (Herrenvolk) auraient besoin d’unespace vital (Lebensraum) pour survivre, et que celui-ci, potentiellement illimité, doit être conquis par la force à l’Est (Drang nach Osten). Considérant lesSlaves comme une race inférieure (des « sous-hommes »,Untermenschen), le projet nazi ambitionne donc de conquérir l’Europe orientale et de réduire ses populations enesclavage, voire de leséliminer[43]. LaTchécoslovaquie, jeune démocratie abritant une population allemande, est le premier pays démantelé par les Allemands. LaPologne, qui abrite une large population juive,est particulièrement visée par le Troisième Reich.
LeFührer prépare la société allemande à la guerre. Dans lesJeunesses hitlériennes, organisations obligatoires (à partir de 1936) pour les adolescents, l’entraînement physique et moral doit former des hommes nouveaux, courageux jusqu’à l’extrême et capables de tuer sans éprouver la moindre pitié. Habillés en uniformes, les jeunes allemands apprennent à être fidèles à Adolf Hitler. L’économie est militarisée et tournée vers laproduction d’armes. Adolf Hitler prend lui-même le commandement de l’armée en 1938. Le, la Wehrmacht entre enRhénanie, démilitarisée depuis le traité de Versailles. La Grande-Bretagne et la France condamnent cette action mais n'interviennent pas[42] alors qu'Adolf Hitler avait prévu de reculer s'il rencontrait une résistance. L'inaction des démocraties conforte la volonté d'Adolf Hitler de réaliser la grande Allemagne et en protestant publiquement de son pacifisme. Adolf Hitler ensuite multiplie les pressions sur le chancelier autrichienSchuschnigg pour qu'il cède le pouvoir au naziArthur Seyss-Inquart. Sans soutien extérieur, le chancelier cède et le, Adolf Hitler entre en Autriche. Il annonce le rattachement du pays au Reich et obtient 99 % de oui de la part des Autrichiens auplébiscite d'avril[44]. L'Anschluss ne rencontre aucune opposition internationale. Après lesaccords de Munich, leRoyaume-Uni et laFrance laissent Adolf Hitler s’emparer desSudètes.
À la fin desannées 1930, les démocraties européennes sont dans une situation difficile. La Grande Crise de 1929 n'est pas entièrement résolue. Lepacifisme est extrêmement puissant dans lesopinions publiques. La spécificité du nazisme est rarement perçue et beaucoup persistent longtemps à voir en Adolf Hitler unnationaliste allemand comme les autres. LaSDN n’a pas de réel pouvoir et lesÉtats-Unis sontisolationnistes.
Malgré l’alliance qui les unit à la Tchécoslovaquie, la France et le Royaume-Uni se gardent bien d’intervenir lorsqu'Adolf Hitler déclare son intention de rattacher lesSudètes. Lesaccords de Munich de1938 marquent l'ultime tentative de conciliation des démocraties devant les prétentions territoriales nazies : elles laissent Adolf Hitler s’emparer desSudètes en octobre 1938.
À cette époque, beaucoup de partisans de l’« apaisement » avec l'Allemagne nazie croient qu'Adolf Hitler s'en tiendra à démolir les dispositions les plus humiliantes du traité de Versailles et aux traditionnels projetspangermanistes. Pour le Premier ministre britanniqueNeville Chamberlain, l'annexion de l'Autriche n'est ainsi qu’« une affaire entre Allemands », et la Tchécoslovaquie« un petit pays dont nous ne savons presque rien ». Mais le, le Reich s'empare dePrague et détruit l'État tchécoslovaque, absorbant donc des populations slaves et nullement allemandes. Les opinions occidentales basculent, les gouvernements comprennent que leIIIe Reich nourrit des ambitions hégémoniques illimitées.
Or, à partir de ladéfaite devant Moscou (), dont il a sous-estimé la puissance, Adolf Hitler perd l'espoir d'uneguerre courte. Trois gigantesques potentiels humains et industriels sont désormais alliés contre lui : l'URSS, l'Empire britannique et les États-Unis, auxquels, après l'agression japonaise sur Pearl Harbor, il a déclaré la guerre le, sans aucun bénéfice pour l'Allemagne.
Se résignant à proclamer la mobilisation totale voulue parGoebbels etSpeer, Adolf Hitler accentue lepillage des pays occupés et met en œuvre laguerre totale. À partir de début 1942, la production d'armements s'accroît et elle est encore supérieure en à ce qu'elle était en 1942, malgré des attaques aériennes massives des Alliés contre les cibles civiles et industrielles.
Au printemps1945, le Troisième Reich, bombardé quotidiennement, sillonné de millions deréfugiés fuyant l'avancée soviétique, et assailli de toutes parts, se trouve en ruines.
Déclarant que le peuple allemand ne mérite pas de lui survivre puisqu'il ne s'est pas montré le plus fort,Adolf Hitler donne l'ordre enmars 1945 d'unepolitique de la terre brûlée d'une radicalité jamais égalée : il s'agit de détruire non seulement les usines et toutes les voies de communication, mais aussi les centrales thermiques et électriques, les stations d'épuration et tout ce qui est indispensable à la vie des Allemands. Dans la pratique, toutefois, ces ordres furent peu appliqués sur le terrain[46].
L'alimentation sous le Troisième Reich est un sujet peu évoqué par les pairs. Au départ, le Parti d'Hitler promouvait l'accès à la nourriture dans sa stratégie d'élection. En fait, une affiche électorale de l'époque aujourd'hui conservée où Hitler est illustré comme la solution à l'incertitude et la faim, de même que plusieurs autres affiches du genre[47]. Même après que lesNazis s'emparent du pouvoir en 1933, la faim demeure un thème central dans la propagande du Parti[48]. En l'occurrence, le régime totalitaire allemand opte pour un strict contrôle des libertés culinaires populaires durant laSeconde Guerre mondiale, notamment au niveau des proportions et de la qualité de la nourriture disponible sur le marché. Pourquoi? Le but du régime était en fait de supporter l'idée que les Allemands ne vivraient plus une situation de faim extrême comme ce fut le cas lors dublocus de 1914-1918, source d'insécurité et d'un profond traumatisme pour la société allemande. Cependant, ce contrôle total des denrées n'empêche pas les pénuries alimentaires et oblige les Allemands à être hyperminimalistes en cuisine. Par exemple, des mets rudimentaires comme la soupe de Spätzle sont favorisés : il s'agit d'une soupe à base de farine, d'œuf et d'eau, avec un peu de sel[49].
Une désintégration toujours plus poussée des pouvoirs au sein d'un Reich aux abois
À partir de l'hiver 1944-1945, le Reich connaît un processus de désintégration de plus en plus accentué au fil des semaines. Ce processus de désintégration se matérialise par la décentralisation de la répression et par ce que Bormann appelle« la calamité des communications »[50].
En effet, en, Heinrich Himmler confie par décret auxresponsables de la police et des SS de chaqueGau le pouvoir de mener des actions dirigées contre les travailleurs étrangers[51], perçus comme unecinquième colonne particulièrement bien organisée[52], et à partir de,Kaltenbrunner autorise ces mêmes responsables à pratiquer des exécutions arbitraires à l'encontre de ces populations, ciblant particulièrement les travailleurs de l'Est[53] ; ces consignes sont appliquées avec zèle par la Gestapo, zèle annonciateur des massacres des dernières semaines du conflit[54].
Mais la violence est également dirigée contre les populations allemandes. En effet, le décret promulgué le par le ministre de la Justice, renforcé par un décret d'Adolf Hitler du crée les conditions de l'exercice d'une justice toujours plus décentralisée, sans procédures d'appel : les modalités d'application prévues par Bormann contribuent à accentuer ce processus de décentralisation-désintégration de la justice[55].
Toutefois la décentralisation de la répression ne constitue pas le seul facteur de la désintégration du Reich dans les premiers mois de l'année 1945. En effet, les contraintes liées aux attaques des nœuds de communication accentue le chaos dans un Reich de plus en plus décentralisé de fait.
Dans les semaines qui précèdent la disparition du Reich, lesGauleiter, représentant le NSDAP et l'État en province, sont livrés à eux-mêmes, ne recevant plus de consignes applicables de Berlin[56], ou alors des directives inapplicables émanant de la chancellerie de Bormann, qu'ils ne prennent même plus la peine de lire[50].
En effet, la « calamité des communications », en réalité l'incapacité pour le pouvoir central à communiquer efficacement avec ses représentants installés dans les régions éloignées du centre, notamment le Sud du Reich, accélère la désintégration totale de l'État central et la fragmentation de ses pouvoirs, le pouvoir central se trouvant davantage chaque jour en incapacité de transmettre ses ordres à ses représentants locaux ou régionaux, selon le constat deGoebbels au début du mois[57], tandis qu'une répression féroce, menée par lesGauleiter, la SS et la police, s'abat sur la population[56]. Au mois d'avril, les autorités centrales de Berlin ne peuvent plus communiquer de façon efficace avec le Sud du Reich, un service de courriers à moto est alors mis en place et transmet le flot des directives de Bormann, une« paperasse inutile »[58] que plus personne ne prend alors le temps de lire[50]. Cettedéliquescence est visible dans la politique personnelle menée par chaqueGauleiter dans sonGau : dans le sud du Reich, tous lesGauleiter refusent d'accueillir les réfugiés des régions envahies par lesSoviétiques, malgré les consignes strictes de la chancellerie du Parti[59].
Face à ce processus de désintégration, les plus hauts responsables du Reich se réfugient dans la routine et l'accomplissement de leurs tâches et du rôle de représentation qui leur est dévolu.Heinrich Himmler fait ainsi établir une liste d'ouvrages à offrir aux hauts dignitaires de la SS à l'occasion de la fête deYule ou encore répond au père de l'un de ses filleuls que le « chandelier de vie » destiné au nouveau-né lui sera adressé dès que possible[60]. Dans les premières semaines de 1945, le ministre des finances,Lutz Schwerin von Krosigk, adresse une abondante correspondance à Adolf Hitler ou aux autres ministères leur demandant de considérer la situation financière et monétaire du Reich, allant jusqu'à suggérer un relèvement des tarifs d'un certain nombre de services publics, arguant de leur coût en hausse constante du fait de la prolongation du conflit, ou encore une réforme fiscale, à laquelle Goebbels reproche, fin, de peser sur la consommation[61].
Mais Schwerin n'est pas le seul à se focaliser sur son activité principale : dans l'entourage même d'Adolf Hitler, le maintien des apparences et la perpétuation des habitudes acquises demeurent la règle. En effet, dans la semaine qui précède l'anniversaire d'Adolf Hitler, une exposition de prototypes de nouvelles armes mobilise l'attention du personnel de la chancellerie du Reich, cette dernière devant être visitée par Adolf Hitler à l'occasion de son anniversaire le[62]. Bormann, lui, continue d'inonder les cadres supérieurs du parti de directives vaines et inapplicables, au grand agacement de Goebbels[50]. La recherche de cette routine se fait aussi aux échelons inférieurs du NSDAP : le, leKreisleiter deFreiberg, enSaxe, fait publier une circulaire à destination des militants, contenant un éventail de tâches partisanes à accomplir[50].
Mise aupillage des pays conquis : en 1942, 40 % de la Trésorerie du Reich était faite de tributs financiers prélevés sur les vaincus. LaFrance du maréchal Pétain dut ainsi payer 400 millions de Francs par jour de « frais d'occupation », de quoi en réalité entretenir une armée de plus de 10 millions d'hommes[63]. Les Allemands ne furent pas soumis au rationnement avant fin 1944 grâce aux prélèvements agricoles massifs dans les pays occupés,condamnés aux privations, à la disette voire à la famine (Grèce, URSS). Bien des Allemands reçurent aussi des dépouilles de l'aryanisation (spoliation des biens juifs) effectuée sur le territoire du Reich ou à l'étranger.Hermann Göring etAlfred Rosenberg dérobèrent à grande échelle les trésors artistiques de l'Europe occupée, collections juives en tête, remplissant pour des centaines de trains de chefs-d’œuvre et d'objets d'art.
De même, pour compenser lamobilisation de millions d'ouvriers sur lefront de l'Est, legauleiterFritz Sauckel transféra de force huit millions de travailleurs civils en Allemagne, sans compter les millions deprisonniers de guerre mis au travail : la moitié de l'emploi agricole et le tiers de l'emploi industriel duIIIe Reich était assumé par des travailleurs étrangers en 1944[64]. LaGestapo surveillait étroitement ces derniers, soumis à de multiplesdiscriminations. Ainsi, les ouvriers polonais et soviétiques devaient porter l'insigne « P » ou « Ost « bien visible sur la poitrine ; ils recevaient généralement un salaire misérable correspondant à peine au minimum physiologique indispensable ; ils n'avaient pas le droit de prendre le tram ou de monter à bicyclette, ni d'entrer dans une église allemande ; les relations sexuelles avec une Allemande étaient punies de mort pour l'homme, et la femme humiliée en public puisdéportée en camp. La police pratiquait régulièrement desrafles qui emmenèrent des dizaines de milliers encamp de concentration au moindre geste déviant.
Extermination de 50 000 membres des élites polonaises par les SS à partir de 1939 — aristocrates, militaires, prêtres. Les lycées, les universités, les séminaires furent fermés, ainsi que les théâtres. Le but avoué était de transformer lesPolonais en peuple de « sous-hommes ». Trois millions de Polonais catholiques, autant de Polonais juifs furent exterminés par les nazis (20 % de la population totale).
Extermination de plus de trois millions deprisonniers de guerre soviétiques dans des camps en Allemagne. L'historien de la WehrmachtOmer Bartov estime qu'en URSS même, 600 000 autres prisonniers furent assassinés par les troupes allemandes, et 1 400 000 autres laissés délibérément mourir de faim. Le « décret des commissaires » (), préparé dès avant l'agression de l'URSS, ordonnait de fusiller tous lescommissaires politiquescommunistes capturés.
Réduction à la famine délibérée de laville de Leningrad assiégée, qui fit 700 000 morts (1941-1944). Adolf Hitler avait interdit qu'on enlève d'assaut la ville qui avait vu naître lebolchevisme haï. Unecommission d'experts mise en place parGöring pour planifier la future exploitation méthodique de l'URSS avait conclu dès que « nos projets devraient entraîner la mort d'environ 10 millions de personnes » ; cette planification porta le nom deGeneralplan Ost par la suite.
Extermination destsiganes, dont les estimations réactualisées[66],[67] se situent entre 1 et 1,5 million de victimes lors duPorajmos.
Génocide de 5,5 millions deJuifs (Shoah). Entre 1941 et 1945, les nazis firent périr les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée. Legénocide fut pratiqué selon des méthodes industrielles et bureaucratiques sans précédent dans l'histoire humaine ; ce génocide a la particularité de cibler un peuple qui n'est lié à aucun État, dispersé sur tout un continent, n'occupant aucun territoire disputé, ne manifestant aucune revendication politique et ne présentant aucune menace militaire. Ce génocide fut opéré par la faim dans lesghettos de Pologne (où furent déportés aussi de nombreuxJuifs allemands etautrichiens, prélude à leur extermination), par balles sur le front de l'Est par les unités mobiles de tuerie desEinsatzgruppen, par le travail forcé dans lescamps de concentration, ou dans leschambres à gaz descamps d'extermination.
Le seul camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau vit périr un million de Juifs entre 1942 et fin 1944. Les autres centres de mise à mort furentChełmno,Sobibor,Treblinka,Belzec,Maïdanek, où des centaines de milliers de Juifs et destziganes[68],[69], étaient gazés dès leur arrivée. Desfours crématoires faisaient ensuite disparaître toute trace des victimes. Les nazis récupéraient leurs bagages et leurs vêtements, mais aussi les chevelures et les dents en or des cadavres,et faisaient du savon à partir des cendres.[réf. nécessaire]
En dépit de ce passé, quelques nostalgiques, ainsi que lesnéo-nazis ou lesnégationnistes, vantent encore aujourd'hui la grandeur duIIIe Reich, prétendant par exemple que « leprocès de Nuremberg c'est celui de l'homme blanc, que leschambres à gaz n'ont jamais existé, elles sont tout droit sorties du néant »[73]. Ces individus, parfois apparentés au mouvementskinhead nazi, sont ultra-minoritaires et guère médiatisés, et ce sont surtout leurs frasques violentes qui les mettent en lumière, comme en Angleterre avec lepaki bashing.
Dans les pays européens, la reconnaissance du génocide destziganes, leporajmos, reconnu par le chancelier allemandHelmut Schmidt en 1982, est tardive[75],[76]. Par exemple, en France, il faut attendre 2019 pour qu'il soit abordé au programme scolaire de terminale[77]. Depuis les années 2010, de nombreuses archives des massacres ont été redécouvertes[78],[79],[80].
↑Déclaration publique de Borman en 1941 :« Le national-socialisme et le christianisme sont inconciliables », cité par William L. Shirer,op. cit.p. 262.
↑L'invasion de la Pologne par l'Allemagne nazie a entraîné l'Europe en guerre. Néanmoins d'autres pays comme le Népal ont déclaré la guerre dès 1939. Néanmoins, c'est l'invasion par l'empire du Japon de pays asiatiques ainsi que l'attaque sur Pearl Harbor qui ont entraîné la guerre mondiale.
↑Tristan Landry,Du beurre ou des canons : une histoire culturelle de l'alimentation sous le IIIe Reich, Québec, Les Presses de l'Université Laval,, 556 p.(ISBN978-2-7637-5352-2),p. 72
↑Tristan Landry,Du beurre ou des canons : une histoire culturelle de l'alimentation sous le IIIe Reich, Québec, Presses de l'Université Laval,, 556 p.(ISBN978-2-7637-5352-2),p. 72
↑Tristan Landry,Du beurre ou des canons : une histoire culturelle de l'alimentation sous le IIIe Reich, Québec, Presses de l'Université Laval,, 556 p.(ISBN978-2-7637-5352-2),p. 366