LeTripitaka (sanskritIAST :Tripiṭaka ;pali :Tipiṭaka ;tri : trois,piṭaka : corbeille) ouTrois corbeilles est l'appellation qui désigne l'ensemble des textes ducanon bouddhique. Il est parfois également appelécanonpali, car ses textes sont rédigés en pali. Il s'agit d'un très vaste ensemble de textes fondateurs sur lesquels s'appuie l'école desThera, connue sous le nom detheravāda, originaire duSri Lanka. Aujourd'hui, ce canon est essentiellement repris dans les pays bouddhistes d'Asie du Sud-Est[Note 1].
Son nom viendrait du fait que les textes anciens, rédigés sur des feuilles de palme, auraient été rangés dans des paniers. Les « trois corbeilles » sont les trois sections du tripitaka :Vinaya Piṭaka,Sūtra Piṭaka etAbhidharma Piṭaka.
Depuis le Sri-Lanka, letripitaka s'est diffusé dans le Sud-Est asiatique, de la Birmanie auLaos entre lesIVe et XIIIe siècles de notre ère[4]. Le motpâli signifie initialement « ligne », et de là « texte ». Par la suite, il va servir à désigner les textes bouddhiques écrits dans une langue noncinghalaise (lemâghadî), qu'on pense parfois avoir été la langue du Bouddha[4],[Note 2].
Forme traditionnelle d'un volume du canon pali (Thaïlande).
Le canon se divise donc en trois parties (dans cet ordre-ci):Vinaya Pitaka (corbeille des règles disciplinaires), Sutta Pitaka (corbeille des enseignements [du Bouddha]) et Abhidhamma Pitaka (corbeille du retour [explicatif] sur la Doctrine)[4] — cette corbeille est plus tardive. Il existe par ailleurs en pali, une littérature paracanonique et une littérature non canonique, voire profane[4].
Les deux premières corbeilles,Vinaya Pitaka etSutta Pitaka sont considérées commebuddhavacana, littéralement « paroles du Bouddha », à savoir les enseignements qu'il a lui-même dispensés ou ceux qu'il a approuvés. Mais un secteur important de larecherche sur le bouddhisme est consacré à distinguer ce qui est « parole du Bouddha » de ce qui ne l'est pas[5]. Certains spécialistes commeRichard Gombrich[6] pensent que les idées principales de ces deux ensembles proviennent directement du Bouddha, tandis que d'autres comme Ronald Davidson[7] doutent que le fondateur de l’école bouddhiste ait laissé des traces directes dans le canon, qui reflèterait selon eux plutôt la pensée de ses successeurs.
On considère en général que les parties en prose sont les plus anciennes[12]. Ainsi, le Vinaya (sauf Parivara)[13] et les quatre premiers nikayas du Sutta Pitaka[14] seraient les parties les plus anciennes, avec peut-être quelques textes courts en vers[15] comme leSutta Nipāta[13]. Néanmoins, certains chercheurs japonais considèrent que les parties les plus anciennes se trouvent dans le Khuddaka Nikaya : leSutta Nipāta, l’Itivuttaka et l’Udana[16].
Une des stèles en pierre sur lesquelles sont gravées le Tripitaka, à la pagode Kuthodaw.
Le termechinoisSanzang (三藏) — traduction de « trois corbeilles » dans cette langue —,était en Chine un titre honorifique accordé aux moines érudits censés maîtriser l’ensemble du canon[réf. souhaitée]. Ainsi, dansLa Pérégrination vers l'Ouest, le moinepèlerin et traducteurXuanzang est appeléTripitaka.
LeVinaya Pitaka traite de ladiscipline monastique. Cette « corbeille » recense les règles monastiques énoncées par le Bouddha, et pour chacune d'entre elles, il en présente les circonstances et les raisons de sa promulgation. Ce corpus se serait constitué au jour le jour, le Bouddha émettant une, leCullavagga et leParivara.
Arborescence générale duTripiṭaka. Pour leKhuddaka Nikāya, lire le tableau horizontalement.
Selon la tradition, leSutta Pitaka recense les paroles attribuées auBouddha, récitées parAnanda après sa mort, puis transmises oralement pendant 400 à 500 ans avant d'être mises par écrit. En fait, certains suttas rapportent aussi les dits et actes de disciples illustres, commeSariputta. Le Sutta Pitaka contient plus de dix mille suttas et il est divisé en cinq sections appeléesnikaya (ouagama) :
Majjhima Nikaya, les « discours de longueur moyenne », 152 suttas regroupés en cinq sections ; l
Samyutta Nikāya, les « discours groupés ou connectés », groupés en cinq sections de 10 à 15 suttas chacune ;
Anguttara Nikaya, les « discours des facteurs ultérieurs ou discours numériques », classé en 11 groupes, le premier portant sur un sujet simple, le deuxième sur un sujet double, le troisième sur un sujet triple, et ainsi de suite jusqu'à 11 ;
Tandis que ledharma est la doctrine (bien que le mot signifie aussi « chose »), l'Abhidhamma ou « au-dessus de la doctrine » est l'ensemble des commentaires analytiques et psychologiques de l'enseignement du Bouddha. Cette « corbeille » est divisée en sept parties :Dhammasaṅgaṇī(en), «Classification des choses »;Vibhaṅga(en), « Les [dix-huit] divisions »;Kathavatthu « [Recueil qui a pour] sujet des questions »;Puggalapaññatti(en), « Description des personnalités »;Dhātukathā(en), « Exposé sur les éléments »;Yamaka(en), « [Recueil des sujets appelant une réponse par] paire »;Paṭṭhāna, « Recueil des mises en jeu »[18].
Depuis lesixième concile (1954), la version birmane du Tipitaka comprend trois textes supplémentaires dans leKhuddaka Nikāya[19]. Ils ont été intégrés dans l’édition thaïlandaise en ligne proposée par dhammasociety.org[20], et les deux premiers ont été admis dans l’édition cinghalaise Buddha Jayanti.
Il s'agit duNettipakaraṇa(en), méthode d’interprétation attribuée àKaccana, disciple direct du Bouddha. et duPeṭakopadesa(en) similaire. Les deux ouvrages présentent des passages communs, attribués au même auteur. Enfin, leMilindapañha (« Questions du roi Milinda »).
La plus grande partie du contenu du canon est antérieure à la constitution du courant theravâda, certains passages contredisant d’ailleurs les doctrines de cette école[21],[22], et il pourrait même inclure des fragments à l’origine non bouddhiques[23]. L’interprétation traditionnelle theravâdin du canon est couchée sous forme decommentaires compilés parBuddhaghosa et ses successeurs. LeVisuddhimagga, synthèse de ces commentaires rédigée par Buddhaghosa, est une référence importante (inspirée en partie par leVimuttimagga, qui est légèrement antérieur). Néanmoins, des textes non compris dans le canon ont pu être plus importants que les textes canoniques dans certains groupes theravâdin[24].
Aucune édition des textes n’est parfaite et les chercheurs en consultent en général plusieurs[25]. Mentionnons
Édition de laPali Text Society, 1877–1927, en 57 volumes avec index, dont certains révisés.
Édition birmane de 1900, la première imprimée, en 38 volumes)[26].
Édition thaïlandaise, 1925–28, en 45 volumes[27] plus exacte que l’édition de la PTS mais proposant moins de variantes de lecture[28].
Édition birmane dusixième concile, 1954–56, en 40 volumes, plus exacte que la version thaïlandaise de 1925 mais proposant moins de variantes de lecture[29].
Édition cinghalaise (Buddha Jayanti), 1957–?1993, en 58 volumes, avec la traduction parallèle ensinghalais.
Les textes pali traduits en français sont relativement peu nombreux. Pali Text Society a entrepris de traduire le canon en anglais à partir de 1895. Néanmoins, en 1994 et en 2003, des présidents de la PTS ont reconnu que la clarté des traductions laissait à désirer[30],[31] car elles sont rédigées dans un anglais difficilement compréhensible pour les non-spécialistes de la philosophie bouddhique[32]. Le site d’Accesstoinsight propose une liste d’autres traductions disponibles[33].
À noter qu'une édition numérisée produite en 1996 (sur cédérom MS-DOS/extended ASCII compatible (1996) produit en coopération entre Dhammakaya Foundation (Thaïlande) et Pali Text Society[34],[35]) est toujours disponible en 2024[36].
Une version en ligne (accès gratuit) de l'édition du sixième concile par Vipassana Research Institute est disponible[37].
↑Les canons du bouddhisme chinois (mahayana) et tibétain (vajrayana) incluent des versions d’une partie du canon pali :Vinaya Pitaka etDhammapada, plus les quatre premiers nikayas, l’Itivuttaka et leMilindapanha pour le canon chinois
↑Le termepali est normalement utilisé seulement pour qualifier la langue dans laquelle sont rédigés les textes bouddhistes du canon dit « pali ». Pour désigner cette langue dans d'autres usages, on parle demagadhi.
↑Richard Gombrich,Theravada Buddhism. A Social History from Ancient Benares to Modern Colombo, London, Routledge, 2006 (2nd Ed.), 254 p.(ISBN978-0-415-36509-3) p. 20-21
↑Harvey, 1995, p. 3; Warder, in Bhikkhu ÑāṆamoli (tr.),The path of discrimination (Paṭisambhidāmagga), with an introduction by A. K. Warder, London, Pali Text Society, 1982, p. xxxix - xl ; Rupert Gethin,The Buddha's Path to Awakening, Leiden, Brill, 1992, p. 8
↑Frank Richard Hamm, « On Some Recent Editions of the Pali Tipitaka » in Cultural Department of the German Embassy in India (Ed.),German Scholars on India, vol. I, Varanasi, Chowkhamba Sanskrit Series Office Publ., 1973, 466 p. V. p. 123-135[lire en ligne (page consultée le 18 août 2024)]
↑Memoirs of the Chuo Academic Research Institute, No. 23, Dec. 1994, page 12, reprinted in Norman,Collected Papers, volume VI, 1996, Pali Text Society, Bristol, page 80