Ne doit pas être confondu avecTrois Glorieuses.
LesTrente Glorieuses sont la période de fortecroissance économique et d'augmentation duniveau de vie que connaît la grande majorité despays développés entre1945 et1975.
Les Trente Glorieuses sont une révolution, certes silencieuse, mais porteuse en réalité de changements économiques et sociaux majeurs, qui ont marqué le passage de l'Europe, quarante années après lesÉtats-Unis, à lasociété de consommation. Le cas de la France en particulier permet de saisir le sens du sous-titre du livre de Fourastié, laRévolution invisible, maisla croissance est forte aussi en Allemagne, en Italie, au Canada et au Japon, tirée à la fois par l'investissement et la consommation.
Après un début difficile, les vingt-huit ans qui séparent la fin de laSeconde Guerre mondiale, en 1945, duchoc pétrolier de 1973 se caractérisent par :
La forte croissance industrielle est facilitée par un accès aisé à l'énergie à bas coût, lesénergies fossiles en particulier ; et par le développement technologique et, au début, lerattrapage technologique (par rapport aux États-Unis) dans les pays dont lecapital humain (niveau d’éducation et d’expérience des travailleurs) était important.
Les décennies suivantes, marquées par les chocs pétroliersde 1973 etde 1979, puis plus tard par lacrise économique sévissant depuis 2008, furent nommées par bon nombre d'analystes « Les Vingt/Trente Piteuses »[1],[2]. Cependant,Jacques Marseille les a qualifiées de « Nouvelles Trente glorieuses »[3].
Cechrononyme rétrospectif a été créé parJean Fourastié en 1979[4], car il s'agissait d'une« révolution invisible » lente, en contraste avec la révolution rapide desTrois Glorieuses[5]. Comme l'a montréPascal Ory, cette expression a vite rencontré le succès et s'est durablement installée[6].
Depuis leXXIe siècle, toute unehistoriographie s'attache à déconstruire l'expression de Trente Glorieuses[7], ce qui signifie refuser le titre deglorieuses à ces années.
Du point de vueproductiviste, les Trente Glorieuses furent une période extrêmement brillante, leproduit intérieur brut y connaît une forte augmentation.
| 1938 | 1947 | 1957 | 1967 | 1973 |
|---|---|---|---|---|
| 100 | 99 | 204 | 338 | 452 |
En début de période, à la sortie de laSeconde Guerre mondiale, les pays concernés ont desinfrastructures en ruine et des économies dévastées ou orientées vers des productions à des fins militaires.
En fin de cette période, on constate globalement que la société a été profondément remodelée, devenant unesociété de consommation de masse et une société de loisirs ; la productivité du travail a augmenté de façon spectaculaire, ce qui a permis de produire davantage, de diminuer le temps de travail et d'augmenter le niveau de vie. Ce phénomène est en partie un rattrapage sur le style de vie des États-Unis des années 1920, sur lequel les pays européens étaient en retard. De même, le niveau duPIB par habitant se rapproche du niveau des États-Unis, lui aussi croissant (et s'en éloigne à nouveau au cours des années 1980).
Si l’on excepte l’immédiat après-guerre, période de rattrapage par excellence, les pays de l’OCDE ont untaux de croissance annuel moyen de 4 %. Mais à l’intérieur du groupe on distingue 3 sous-ensembles[réf. souhaitée] :
En, la conférence deBretton Woods ouvre des négociations sur la reconstruction dusystème monétaire international. S'opposent les projets britanniques, défendus parJohn Maynard Keynes, et américains, défendus parHarry Dexter White. Le projet soutenu par les États-Unis finit par s'imposer et consacre l'hégémonie du dollar dans le système monétaire international. Concession à la proposition britannique : le dollar est convertible en or, librement, à un taux fixe. (Parité abandonnée en 1971 sous la présidence deRichard Nixon).
En 1946, la conférence de la Havane, « conférence des Nations unies pour le commerce et l'emploi », souligne la volonté de décloisonner, de manière progressive, les échanges internationaux.
En 1947, la conférence de Genève met en place leGATT,General Agreement on Tariffs and Trade (ouAgétac en français, Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). L'objectif est de réduire par « rounds » successifs les tarifs douaniers, ce qui aurait pour conséquence de favoriser les échanges internationaux, soutenant la croissance économique des pays développés à économie de marché (PDEM).
Le, le généralGeorge Marshall propose, au nom des États-Unis, une aide aux pays européens : ces pays européens, engagés dans le conflit, (mais également le Japon), sont dévastés. Les besoins de reconstruction sont énormes. En, le Congrès américain vote l'European Recovery Program, (ouplan Marshall) qui distribue près de13 milliards de dollars, majoritairement sous forme de dons, aux pays ayant accepté l'aide. Le plan Marshall répond à un double objectif politique et économique : celui qui consiste à endiguer le communisme (containment) et celui qui consiste à éviter la surproduction qui menace l'économie américaine et qui a été « l'irremplaçable démarreur de l'investissement » en Europe d'aprèsDenis Woronoff[9]. En effet, la contre-valeur issue du plan Marshall a servi, notamment en France, à financer l'investissement, permettant une modernisation de l'appareil productif et donc une augmentation de laproductivité. Cette aide prend la forme d’un don de capitaux desÉtats-Unis (en fait, uneligne de crédit),à condition que ceux-ci soient utilisés en commandes à l'industrie des États-Unis[réf. nécessaire] (celle d'Europe était de toute façon exsangue à la fin de la guerre) : tracteurs, matériels ferroviaires…
La croissance économique de l'après-guerre (période 1950-1973) est :
La particularité du Royaume-Uni en fait un pays de « croissance calme » vivant sur ses acquis ; pour retrouver un rythme de croissance élevé, le gouvernement deMargaret Thatcher, dans les années 1980, procède à des réformes quilibèrent le marché, les fluxfinanciers etmigratoires, mais détruisent lesservices publics et accroissent les inégalités et donc les tensions sociales.
Entre 1950 et 1973, letaux de chômage du Japon s'établit à 1,3 %, celui de la France à 1,8 %, celui de la RFA est même inférieur à 1 % sur la fin de la période. La Suisse connaît un taux de 0 % entre 1960 et 1973[11] tandis que celui des États-Unis s'établit à environ 4,5 %[12].
Au début de la période, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les déséquilibres extérieurs sont le reflet de la situation désastreuse dans laquelle se trouvent l'Europe et le Japon. Les pays européens enregistrent un déficit de leurbalance des transactions courantes alors que les États-Unis bénéficient d'un excédent largement favorable.
Par la suite, ce différentiel sera moins marqué avec le redressement progressif des différentes économies. Néanmoins, durant la période des « Trente Glorieuses », leleadership sinon la domination de l'économie américaine demeure incontestable. D'autre part, les déséquilibres extérieurs - qui exigent du temps pour se résorber - se traduisent par la nécessité pour de nombreux pays européens à dévaluer leur monnaie.
La forte croissance constatée dans la plupart des grands pays industriels se traduit par unquintuplement dans les années 1950 des cours sur la plupart des marchés boursiers, malgré les incertitudes géopolitiques.

De 1946 à 1950, la France paralysée par une économie et des infrastructures obsolètes, ne connait pas de réellecroissance et les conditions de vie restent très difficiles, après la guerre et la pénurie qui en résultait : le coût de la vie est élevé. Lerationnement, toujours présent jusqu'en 1947-1948, et la crise du logement, accentuent les difficultés d'un peuple encore marqué par laguerre.
La situation économique, très préoccupante (le PIB français de 1945 représente 40 % de son niveau d'avant-guerre), focalise l'attention des pouvoirs publics, qui décident alors d'adopter, en partie, le modèle duNew Deal américain d'avant-guerre : leGouvernement provisoire de la République française (GPRF) procède à la nationalisation de pans entiers de l'économie (parfois au motif de punir les entrepreneurs ayant collaboré tels Renault, mais surtout pour pouvoir piloter le relèvement économique : exemple des Charbonnages de France). Ce plan prime sur les clivages politiques : le patronat ne proteste pas, et leParti communiste français (PCF) ainsi que laConfédération générale du travail (CGT) condamnent les grèves. Il s'agit, d'aprèsMaurice Thorez, de « gagner la bataille de la production ».
La diplomatie française ne ménage pas non plus sa peine : en 1946,Léon Blum se rend auxÉtats-Unis pour obtenir auprès deJames F. Byrnes, secrétaire d'État américain, l'annulation d'une partie des dettes de guerre françaises auprès des États-Unis en échange de l'ouverture du marché français au cinéma américain. Le régime de Vichy avait cédé aux Allemands ses actifs internationaux : les Américains en récupèrent une partie (sauf ceux situés dans l'Europe sous domination soviétique).Jean Monnet, qui a participé auxnégociations, est placé à la tête du Commissariat au Plan en. Il lui appartient de conduire, à la tête du désormais vaste, coordonné et efficace secteur public, le relèvement économique de laFrance.

Son premierplan quinquennal, pensé dès 1946 mais dont l'application a été différée à 1948 (pour coïncider avec l'aide américaine du plan Marshall), a pour objectif d'atteindre à l'horizon 1950 le niveau de production de 1929 (la meilleure année d'avant-guerre) et de le dépasser de 25 % en 1952. L'accent est mis sur le charbon, l'électricité, les tracteurs, l'acier et le ciment. Le choix de ces priorités dénote l'état économique du pays. Le plan Monnet n'est pas solvable en l'état des finances françaises de l'époque, car il nécessite de nombreuses importations que la France ne peut régler par manque dedollars (dollar gap). Leplan Marshall se révèle presque providentiel à ce niveau, puisque la France reçoit environ deux milliards et demi de dollars des États-Unis, ce qui lui permet de combler en partie ledollar gap et donc de ne pas répercuter le coût du plan sur la valeur dufranc, lequel se déprécie déjà régulièrement en raison d'une inflation galopante : entre 1945 et 1948 les salaires nominaux triplent mais le pouvoir d'achat recule d'un tiers[13].
La mise en route du plan est donc coûteuse ; les Français, comme les autres Européens doivent assumer de longues et dures journées de travail pour ne toucher que de maigres paies. Couplée à un contexte international tendu (ébauche de laguerre froide), la situation dégénère en violentes grèves en octobre-novembre 1947.
Cependant, lorsqu'arrive l'heure du bilan en 1952, on note un indéniable succès dans la réalisation des objectifs du plan puisque dans tous les domaines, les taux de réalisation sont proches, voire au-delà, de 100 %. Le rationnement alimentaire prend fin en 1949 (en Allemagne occidentale, il continuera encore cinq ans, en Europe orientale, encore quarante ans). L'année 1949 est aussi celle où la hausse des salaires, en France, dépasse enfin celle des prix. La reconstruction des dommages de guerre (moindres en France qu'en Allemagne ou en Europe de l'Est) est en bonne voie. Seule l'inflation se maintient à des niveaux préoccupants. Au début de l'année 1952, l'arrivée au pouvoir d'une coalition de centre-droit dirigée parAntoine Pinay amorce une maîtrise de l'inflation qui est contenue pendant trois ans grâce, entre autres, à une diminution des investissements publics - il est vrai moins nécessaires qu'auparavant - et au transfert de 80 % des coûts de laguerre d'Indochine sur les finances américaines à partir de 1950. C'est rassurée et en expansion que la France fonde aux côtés de l'Italie, de laRFA, de laBelgique, desPays-Bas et duLuxembourg, laCECA, le.
La croissance est soutenue par la diffusion de nouvelles technologies, comme letransistor ou lesmatières plastiques, consécutives à l'augmentation de l'extraction dupétrole ; le pouvoir d'achat augmente jusqu'en 1973. C'est unboom économique :
En conséquence, produire en masse, acheter, consommer et même gaspiller (eau, accumulation de déchets, matières non recyclées notamment au niveau des emballages) deviennent des habitudes pour les citoyens des pays de l'OCDE. On entre donc dans unesociété de consommation. L'augmentation de la production permet l'équipement matériel des ménages, dont leréfrigérateur et lamachine à laver, puis latélévision et l'automobile dans lesannées 1960 et1970 et le développement desArts ménagers. En 1970 s'ajoutent à cette liste lelave-vaisselle et en 1980 lemagnétoscope. Enfin émergent dans lesannées 1990 et2000 téléphone portable, ordinateur personnel et lecteur DVD.
Les citoyens des pays de l'OCDE sont de plus en plus nombreux à devenir propriétaires de leur logement, et à partir de 1985 de plus en plus de foyers possèdent plusieurs automobiles.
Les loisirs et letourisme se développent.
Des conséquences plus profondes affectent le tissu économique du pays, et la société elle-même, avec l'industrialisation de nouvelles régions. Les zones urbaines sont particulièrement touchées, leur mutation s'exprime dans la vie politique, par exemple par le biais de la création degroupes d'action municipale, qui veulent promouvoir l'urbanisme et les politiques culturelles locales.
Il existe plusieurs points de vue concernant cette période :
Entre ces points de vue tranchés, qui ont chacun des arguments chiffrés, il existe naturellement une multitude d'études et d'ouvrages développant des analyses plus fines et plus nuancées
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont dans une position dominante. Pourtant, pendant la croissance des Trente Glorieuses, ils connaissent une croissance économique moins forte que dans les autres pays développés. Après une récession en 1948, l'économie américaine repart grâce à la Guerre de Corée et à travers un plan important de réarmement.
Dans les années 1950, les salaires augmentent régulièrement ainsi que la consommation, et Galbraith publie en 1958The Affluent Society. Kennedy lance au début des années 1960 une politique budgétaire (baisse des impôts) et une politique sociale afin de lutter contre la pauvreté. Johnson poursuit cette politique par son projet denouvelle société.
Cependant, au cours des années 1960, le solde des États-Unis ne cesse de se dégrader : la balance commerciale devient négative avec la plupart des nations industrialisées, ce qui pousse le président Nixon à rendre le dollar inconvertible en or en 1971, mettant fin à la stabilité du dollar.
La part des exportations américaines dans les exportations mondiales passe de 25 % à 13 % entre 1945 et 1973. Alors que l'économie américaine bénéficiait en 1945 d'un niveau élevé de productivité, et de gains de productivité importants jusqu'à la fin des années 1960 (mais plus faibles qu'ailleurs), ils sont de 1 % par an dans les années 1970, ce qui explique un début de récession.
L’enrichissement généré par hausse continue de la productivité était assez équitablement distribué entre capital et travail ; les rapports d’inégalité demeurent stables durant les Trente Glorieuses. Les trois premiers dirigeants des cinq cents plus grandes entreprises américaines gagnent environ trente-cinq fois le salaire moyen de leurs employés, un chiffre stable des années 1940 aux années 1970[19].
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne de l'Ouest (RFA) connait une période de rapide croissance économique. Cette période est désignée, dans l'histoire économique de l'Allemagne, comme leWirtschaftswunder (« miracle économique »).
Dans les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale, leJapon connait une période de forte expansion économique. Ruiné après sacapitulation, le pays devient dès la fin des années 1960 la deuxième puissance économique mondiale. La croissance ne prend fin qu'avec l'éclatement de labulle immobilière et financière au début des années 1990. Lemiracle économique japonais est le nom donné à cette période de l'histoire économique du Japon.
Lemiracle économique italien (enitalien :Miracolo economico italiano) est une période de l'histoire italienne de très forte croissance économique notamment entre les années1958 et1963.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse étant restée neutre se retrouve avec des infrastructures intactes. Le boom de la reconstruction profite pleinement à l’industrie. La période 1944-1961 enregistre un faible taux d’inflation (1,35 % en moyenne). Dès 1961, des signes de surchauffe se font sentir, lacroissance cette année-là atteint 8,35 %. Les années suivantes, l’inflation augmente fortement, labalance des transactions courantes devient déficitaire et le PIB continue d’augmenter à un rythme soutenu (5 %). Pour endiguer le problème, le gouvernement émet deux arrêtés fédéraux urgents pour combattre l’inflation[20]. Bien que la croissance diminue, l’inflation persiste jusqu’en 1968. Dès 1970 et jusqu’à 1973 (→Choc pétrolier), la Suisse subit à nouveau une forte période de surchauffe avec des taux d’inflation élevés et un nombre de chômeurs n’avoisinant que100 personnes. Les trente glorieuses en Suisse finiront d’une manière abrupte avec une baisse de 7,5 % de l’activité économique. Elle évitera lastagflation et le chômage : plus de 300 000 immigrés perdent leur emploi et sont contraints de quitter la Suisse. Entre 1944 et 1973, lePIB par habitant a plus que triplé[21],[12],[22],[11],[23].
En 1946, 37 % de la population française[24] travaillait dans l'agriculture et en 1975 ce n'était plus que 10 %. Loin de diminuer pendant ce temps, la production alimentaire a augmenté ; elle est passée, dans le budget du Français moyen, de 44,2 % à 25,9 %, alors que la consommation passait du pain et de produits à base de céréales à davantage de viande, volailles et poissons, de fruits et légumes frais… Le prix du pain[25] est passé de0,68 salaire horaire le kilo en 1949 (pour acheter un kilo de pain, le salarié au salaire minimum devait travailler40 minutes) à 0,28 (soit17 minutes) : le prix a été divisé par plus de 2,4 : pour produire ou acheter 1 kg de pain, il fallait plus de moitié moins de travail. Ce chiffre qui rejoint celui des prix de la plupart des produits agricoles, indique les progrès techniques considérables réalisés ; il explique à la fois la hausse du niveau de vie de Français et la migration des agriculteurs vers les villes et l'industrie. Même si le même progrès technique ne s'appliquait pas à tous les produits agricoles avec la même force, il s'appliquait dans tout le secteur primaire. Alors, certaines exploitations agricoles sont restées rentables parce qu'elles utilisaient des machines agricoles qui ont été inventées au même moment, et de nouvelles méthodes, engrais, remembrement… Les autres ont cessé d'être rentables et les paysans ont dû quitter la terre.
Les techniques de production industrielle ont également évolué rapidement. La production a augmenté. La population active dans le secondaire a proportionnellement commencé par augmenter, mais surtout la production industrielle s'est multipliée (automobiles, appareils ménagers, machines agricoles, avions…). Dans le même temps , les hommes sont devenus de plus en plus capables de produire plus en utilisant moins de travail humain. Ainsi, la proportion de personnes employées dans l'industrie en France n'a pas beaucoup augmenté : de 33,1 % à 38,5 % entre 1949 et 1974.
Par contre, dans les services peu de progrès technique est possible : la population active dans le tertiaire est passée de 37,3 % en 1949 à 50,9 %, en 1974. Il faut toujours autant de temps pour couper les cheveux d'un homme ou apprendre à lire à un enfant, réaliser le scénario d'un film ou servir à table… Il y a une saturation des besoins des consommateurs en ce qui concerne l'alimentation et les produits industriels (on peut avoir envie d'une voiture, mais rarement de deux !). Par contre, en ce qui concerne les services, l'appétit de consommation est pratiquement illimité, ce qui explique qu'il y a toujours des besoins de main d'œuvre dans ce domaine.
Au début de la période, il s'agit essentiellement d’un phénomène derattrapage technologique vis-à-vis des États-Unis. De grands groupes industriels se forment[Où ?]. Ensuite la France et les autres pays se développent par eux-mêmes.
Fin 1961 est créé leCentre national d'études spatiales (CNES). En ouvre le premier hypermarché. En 1966 sont créés lesinstituts universitaires de technologie (IUT). En 1969 s'élance le premierConcorde.
L'augmentation des compétences est rendue possible. Le nombre de bacheliers français triple et passe à 160 000 en 1969 alors qu'il était de 50 000 en 1959[26]. Les études supérieures voient également un afflux. Le nombre d'étudiants français passe, de 1961 à 1967, de 215 000 à 440 000 (…) Une partie importante de ces étudiants sont les premiers, dans leur famille, à suivre des études supérieures[27].
Le progrès technique a généré une augmentation de la production, et donc de la richesse. L'augmentation des salaires se constate pour toutes les professions, de 1960 à 1970 : Les revenus ouvriers progressent de 120 % ; ceux des employés et cadres supérieurs de 122 % ; ceux des fonctionnaires de 106 % ; ceux des techniciens et agents de maîtrise de 110 %, soit beaucoup plus rapidement que l'inflation.
Le travail des femmes participe au progrès économique. Le nombre de femmes actives est presque le même de 1948 à 1975 (7,7 millions), mais en 1946, la moitié sont dans l'agriculture, alors qu'en 1975,5,5 millions sont dans le tertiaire[28][réf. incomplète].
En France, la part des dépenses alimentaires passe de 44 % du budget en 1949 à 38 % en 1958 à 25 % en 1975 (La France de à, Matthias Bernard,p. 86). L'alimentation des Français peut devenir plus riche et plus variée.
Les ménages accèdent à un revenu fixe ou revenu fiable dans une période de plein emploi : ils peuvent donc épargner et s'équiper. L'augmentation énorme de la production engendre l'apparition de la société de consommation de masse. On observe des bouleversements sociaux majeurs. D'abord, grâce au progrès technique, la production agricole s'améliore rapidement ;10 travailleurs nourrissaient seulement55 personnes en 1946, mais ils en nourrissaient 260 en 1975[29][réf. incomplète] ; alors, de nombreux agriculteurs peuvent travailler dans l'industrie, puis dans les services. L'électroménager est synonyme de gain de temps et la période des Trente Glorieuses permet l'émancipation progressive de la femme qui accède à un emploi autonome, ce qui engendre l'augmentation du revenu des ménages. L'accès des femmes au travail signifie un bon nombre de droits qui vont de pair comme, en France, le droit des femmes de posséder un chéquier et d'avoir un compte en banque (1965). Les progrès techniques dans l'industrie libèrent à leur tour des bras pour le développement des services. Aussi, les secteurs secondaire et tertiaire de l'économie se développent tandis que le secteur primaire occupe de moins en moins de travailleurs, d'où l'exode rural. Les catégories socio-professionnelles connaissent toutes des changements.
Le temps de travail diminue, puisqu'il est possible de produire davantage en travaillant moins longtemps. En 1946, on travaillait en moyenne 8,8 heures par jour, un peu plus de5 jours par semaine,50 semaines par an, soit 2 100 heures par an. En 1975, ce sont 8,4 heures par jour,5 jours par semaine,48 semaines par an, soit 1 850 heures par an. Le nombre d'heures de travail par vie a significativement diminué. Les hommes travaillaient dès la fin de leur scolarité :14 ans et demi en 1946,18 ans en 1975. Les âges médians de fin d'activité sont passés de68 ans et demi à62 ans et demi.
Le temps des loisirs entre dans la logique de la société de consommation ; par exemple, le taux d'équipement entélévision passe de 5 % des ménages en 1958 à 62 % en 1968, date à laquelle en moyenne chaque téléspectateurs la regarde deux heures par jour.
Jusqu’en 1975, l’agriculture opère une révolution silencieuse. L'agriculture représente 36 % de l'emploi total en France en 1946, 31 % en 1955 contre 18 % en 1970 et 9 % en 1975[30]. Lamodernisation de l’agriculture la (mécanisation, lesremembrement, apparition desengrais chimiques, sélection des plantes et des races d'animaux, etc.) provoquent une augmentation des rendements et des changements importants. La concurrence, attisée par lasurproduction mondiale, conduit les exploitations les moins rentables à la fermeture. LesÉtats-Unis et les pays neutres (Australie, Argentine, etc.) avaient augmenté leurs productions pour contrebalancer la chute de production des pays d'Europe. Lorsque ceux-ci retrouvent leurs niveaux de production d'avant-guerre, il y a surproduction.
Les paysans les plus formés se transforment en véritables chefs d'entreprise ; ils sont souvent contraints de s'endetter pour agrandir et mécaniser leurs exploitations. La plus grande partie des autres quittent le monde rural (la « dépopulation des campagnes »), le plus souvent péniblement, pour travailler en ville, dans l'industrie ou les services ; ils ne pourraient pas continuer à vivre dans leurs terres trop petites et relativement peu productives par rapport à celles qui se sont équipées…
Laproductivité du travail sur cette longue période augmente fortement (notamment en France où laproductivité horaire est la plus élevée au monde) :
Dans un second temps, les efforts des organisateurs et gestionnaires se portent vers l'allongement de ladurée d'utilisation des équipements, et l'amélioration desprocessus industriels et desprocessus d'affaires.
En conséquence, après la diminution des effectifs dans l’agriculture, on voit celle des employés dans l’industrie. Seul le secteur « tertiaire », les services, fait l’objet de peu de possibilités de progrès technique : la population active devient de plus en plus tertiaire.
Sur le plan économique et environnemental, les Trente glorieuses correspondent au début de la « Grande accélération », c'est-à-dire la période, allant de 1945 à nos jours, marqué par la trajectoire exponentielle du prélèvement des ressources planétaires et des impacts humains sur l'environnement[31].
En 1972 déjà, le premier rapport duClub de Rome,Les Limites à la croissance, critique la volonté d'unecroissance économique perpétuelle puisque celle-ci ne saurait être illimitée dans un monde qui n'est pas infini.
Sur le plan social, on assiste à un affaiblissement de la solidarité familiale, dulien social.
Le monde ouvrier voit son sort s’améliorer. La condition ouvrière demeure toutefois marquée par la pénibilité du travail et l’infériorité sociale[32].
Sur le plan culturel,Les Choses deGeorges Perec (1965),La Grande Bouffe deMarco Ferreri (1973) sont des critiques de lasociété de consommation.
Lesituationnisme est quant à lui une critique de la « Société du spectacle », c'est-à-dire le spectacle de la marchandise qui, dans sa domination impersonnelle, oblige les individus à travailler encore et toujours pour elle.Guy Debord, l'un des chefs de file de ce mouvement artistique et politique, propose dans les première minutes du filmIn girum imus nocte et consumimur igni (1978) une critique acerbe des conditions de vie des salariés spécialisés, dans lequel (selon lui) se recrute les spectateurs du cinéma (et donc de son film), conditions de vie créées lors de et par cette période, de l'habitat urbain concentré dans les banlieues à la nourriture industrielle, en passant par la consommation outrancière comme mode de vie. Il vise naturellement à mettre en évidence les conditions d'existence absurdes latentes et inhérentes à l'organisation socio-économique de cette époque, entre autres.
En 2013, certains historiens (Pessis, Bonneuil & Topçu, cf.infra) proposent une lecture rétrospective très critique des Trente Glorieuses, mettant en évidence les oppositions qu'avait pu rencontrer la course à l'investissement et à la consommation.