LeTour de France 1989 est la76e édition duTour de France,course cycliste qui s'est déroulée du au sur 21 étapes pour 3 285 km. Le départ a lieu àLuxembourg ; l'arrivée se juge auxChamps-Élysées àParis. C'est l'un des Tours les plus connus de l'histoire[1]. Il a été remporté le dernier jour de course, à l'issue d'un contre-la-montre resté célèbre[2] entre Versailles et Paris, par l'AméricainGreg LeMond devant le FrançaisLaurent Fignon pour huit secondes seulement, le plus petit écart de l'histoire de la Grande Boucle. L'EspagnolPedro Delgado tenant du titre, complète le podium.
22 formations prennent le départ auLuxembourg. Seule la formation Reynolds-Banesto arrivera àParis au complet. La formation Kelme ne verra pas lesChamps-Élysées, tous éliminés.
Delgado rate le départ du prologue et perd2 min 40 s. À partir de la cinquième étape contre-la-montre Dinard-Rennes, la course se résume à un match Fignon-LeMond. La veille de l'arrivée, le Français possède 50 secondes d'avance sur l'Américain qui le domine dans la dernière étape contre-la-montre et gagne le Tour avec 8 secondes d'avance, le plus faible écart jamais enregistré.
Qualifié par la presse sportive de « Tour le plus fou »[3], le Tour de France 1989 présente les ingrédients idéaux d'une dramaturgie sportive exceptionnelle : des acteurs de choix (quatre anciens vainqueurs du Tour étaient au départ :Laurent Fignon,Greg LeMond,Stephen Roche etPedro Delgado), le retour deGreg LeMond, de nombreux rebondissements, un suspense intense et un dénouement inattendu.
Les autres prétendants sont :Steven Rooks, deuxième duTour 1988 derrière Delgado, le prometteurErik Breukink, l'AméricainAndy Hampsten et, dans une moindre mesure, les ColombiensFabio Parra (troisième du Tour 88 et deuxième de la Vuelta 89, derrière Delgado) etLuis Herrera, ainsi que l'IrlandaisStephen Roche qui peine à retrouver une condition physique digne de son palmarès.
Greg LeMond, vainqueur duTour de France 1986, n'est pas cité dans les favoris au départ de ce Tour 89 en raison de son manque de références et de résultats depuis son retour à la compétition à la suite de son accident de chasse d'.
Le Tour démarre dans la grisaille luxembourgeoise. L’EspagnolPedro Delgado, par négligence[4], se présente avec2 min 40 s de retard sur la rampe de départ et s’inflige un handicap au classement général. L'AméricainGreg LeMond, qui revient sur l’épreuve après deux années d’absence à la suite de son accident de chasse d’, signe au prologue le deuxième tempsex aequo avecLaurent Fignon et l’IrlandaisSean Kelly derrière le vainqueur néerlandaisErik Breukink.
Greg LeMond termine second lors du prologue au Luxembourg.
Dès le lendemain du prologue et après une demi-étape remportée par le PortugaisAcácio da Silva qui prend du même coup lemaillot jaune, Pedro Delgado est en déroute dans le contre-la-montre par équipe. Abattu moralement par son prologue, il est lâché puis attendu par ses équipiers deReynolds-Banesto qui avaient pourtant les moyens de bien figurer, notamment grâce au jeuneMiguel Indurain. Au classement général, il est pratiquement éliminé dans la lutte pour la victoire finale. Greg LeMond, au sein de sa modeste équipe belge ADR-Agrigel qui compte quelques coureurs valeureux tels queJohan Museeuw etEddy Planckaert, ne peut faire mieux que limiter les dégâts face à Laurent Fignon dont la formationSuper U s'adjuge la victoire d’étape.
Sur les 73 kilomètres du parcours de la cinquième étape entre Dinard et Rennes, l’orage et la pluie menacent. Pedro Delgado, parti tôt en raison de son classement médiocre, réalise sur route sèche un meilleur temps provisoire qui peut s’avérer définitif car la pluie s’abat sur les concurrents qui partent en dernier, notamment Fignon et LeMond.Charly Mottet, spécialiste de l’effort individuel connaît un « jour sans » et ne peut menacer Delgado. Seuls Fignon et LeMond peuvent le battre. Greg LeMond réalise sous la pluie une performance exceptionnelle avec un équipement innovant, le guidon de triathlète, qui lui permet de bénéficier d’un troisième appui supérieur et d’un meilleur aérodynamisme. Il améliore le temps de Delgado de 24 secondes. Fignon accomplit la seconde moitié du parcours dans des conditions météorologiques pénalisantes et ne peut faire mieux que troisième derrière LeMond et Delgado. Trois ans après sa victoire sur les Champs-Élysées devantBernard Hinault, LeMond retrouve le maillot jaune.
La première étape pyrénéenne, la veille àCauterets, a vu les favoris se neutraliser et arriver dans le même temps alors queMiguel Indurain s’est imposé en solitaire. L’étape menant à Superbagnères est longue et difficile. Fignon est en difficulté dans leTourmalet mais retrouve ses moyens sur la fin du parcours. Dans la montée finale vers Superbagnères, et alors que Delgado est parti, comme la veille, pour combler petit à petit son retard au classement, LeMond est isolé et semble devoir s’employer pour avaler la pente. Fignon, pourtant émoussé, accélère. Ce n’est pas une attaque nette, Fignon n’en a plus les moyens, mais LeMond est décroché mètre après mètre. Pour la première fois depuis sa victoire dans leTour de France 1984, Fignon revêt le maillot jaune. Il possède sept secondes d'avance sur LeMond.
Les étapes de transition entre les deux massifs montagneux des Pyrénées et des Alpes ont donné lieu à un épisode très animé le quand Fignon et Mottet se sont échappés, obligeant Delgado, LeMond et les NéerlandaisSteven Rooks etGert-Jan Theunisse à une poursuite, la victoire à Marseille revenant finalement à l’équipier de Fignon, le FrançaisVincent Barteau. L’entrée dans les Alpes est marquée par l’exercice particulier du contre-la-montre en côte entreGap etOrcières-Merlette, théâtre de la quinzième étape de ce Tour.Steven Rooks remporte la course mais c’est le match pour le maillot jaune qui accapare l’attention. LeMond reprend son guidon de triathlète. Il n’est cependant pas en mesure de lutter pour la victoire d’étape et se classe cinquième. Fignon, parti en dernier et en jaune, ne parvient pas à trouver le bon rythme et termine au dixième rang derrière Rooks. LeMond récupère le maillot jaune.
La première étape de montagne dans les Alpes, est marquée par une belle descente du col d'Izoard du duo Mottet-LeMond qui reprennent même 13 secondes à Laurent Fignon, dans la petite côte qui mêne à la citadelle de Briançon[5]. La17e étape versL'Alpe d'Huez passe par lecol du Galibier et leCol de la Croix-de-Fer. Profitant de la réserve de LeMond et Fignon à se dévoiler, Theunisse se lance dans une échappée solitaire pour la victoire. Les leaders se présentent groupés au pied de la montée de l’Alpe d’Huez. À mi-pente, le groupe est réduit à quelques unités, dont Fignon, LeMond, Delgado et son équipier Rondon. LeMond se contente de suivre pour défendre sa place et Fignon, très fatigué, sait que s’il n’attaque pas, il emmènera l’Américain dans sa roue au sommet.Cyrille Guimard, le directeur sportif de Fignon, qui connaît bien LeMond pour l’avoir dirigé chezRenault de 1981 à 1984, reconnaît chez l’Américain des signes de défaillance et conseille à Fignon de passer à l’attaque[6]. Fignon, lui-même éprouvé, n’y croit pas et refuse dans un premier temps d’obéir de peur de s’exposer à un contre. Mais Guimard, sûr de lui, lui ordonne d’accélérer. Fignon se dresse sur les pédales, livre toutes ses forces dans son attaque. Seul Delgado peut le suivre, LeMond craque. Fignon prend plus d’une minute à LeMond au sommet et retrouve le maillot jaune, avec 26 secondes d'avance.
Laurent Fignon va perdre ce Tour à suspense pour huit petites secondes.
Profitant de l’ascendant qu’il a pris sur LeMond, Fignon, en jaune, attaque à nouveau le lendemain sur la route deVillard-de-Lans. La prise de risque est payante pour Fignon qui, seul, tient en respect un groupe composé de tous ses suivants au classement général : LeMond, Delgado, Rooks, Theunisse, Kelly et Alcala. À l’arrivée, en plus de la victoire d’étape, il conforte sa place de leader en accroissant son avance de 24 secondes. Le lendemain, alors que le même groupe de sept se dispute la victoire de la19e étape àAix-les-Bains, LeMond l’emporte au sprint, avec les félicitations de Fignon[6] qui paraît ainsi assuré de sa victoire dans le Tour.
L’affrontement entre Fignon et LeMond constitue l’apothéose et la conclusion du cyclisme des années 1980 qui a été dominé par les coureurs issus de l’écoleCyrille Guimard. Les deux protagonistes du Tour 1989 ont été recrutés dans les rangs amateurs par le dirigeant de l’équipe Renault au début des années 1980, lequel a ensuite alimenté des rivalités entre ses coureurs et ex-coureurs, d’abord entre Fignon et Hinault en 1984, puis au travers de la confrontation entretenue parBernard Tapie au sein de l’équipeLa Vie claire entre Hinault et LeMond en 1985 et 1986, et enfin par ce match entre Fignon et LeMond.
Hormis l’absence de Bernard Hinault, retraité depuis fin 1986, le Tour de France 1989 présentait le plus illustre plateau de concurrents qui fût possible au départ d’un Tour de France au cours des années 1980.Stephen Roche, le vainqueur duTour 1987, présent au départ, n’a pas été au niveau de son année 1987 et a dû abandonner au départ de la dixième étape.
Le duel entre Fignon et LeMond en 1989 a été arbitré par Pedro Delgado, vainqueur du Tour en 1988 et second en 1987, tandis queSean Kelly, le plus grand coureur de classiques des années 1980 enlevait lemaillot vert et que les Néerlandais Rooks et Theunisse s’affirmaient comme les meilleurs grimpeurs, respectant au passage la tradition d’un vainqueur néerlandais à l’Alpe d’Huez[9], s’opposant à un autre grand spécialiste de la montagne de cette décennie, l’ÉcossaisRobert Millar, vainqueur à Superbagnères. Les espoirsMiguel Indurain etGianni Bugno réalisèrent des performances annonçant leurs ambitions futures dans l’épreuve. Ce Tour 1989 signe donc la fin d’une génération et d’une époque. Les années 1990 allaient voir apparaître de nouvelles pratiques (EPO…) et une spécialisation des coureurs selon leurs objectifs induisant la fin des champions polyvalents capables de s’illustrer tant dans les classiques que dans les grands tours ou les championnats, jusqu'à l'avènement deTadej Pogačar en 2020.
Le premier Tour sous la direction de Jean-Marie Leblanc
Jacques Goddet, directeur historique de l'épreuve, s'était retiré après l'édition 1988 marquée par l'affaire Delgado. Le groupe Amaury, propriétaire de la course, a alors désigné Jean-Pierre Carenso, un gestionnaire, etJean-Marie Leblanc, ancien coureur et journaliste àL'Équipe, pour diriger le Tour de France en leur assignant la tâche ardue de rendre à l'épreuve son caractère humain et dramatique et ainsi s'écarter du modèle de gestion uniquement fondé sur les impératifs de rentabilité de ses prédécesseurs[10] où menaçait une certaine forme de gigantisme. Leblanc ne cèdera sa place qu'en 2006 àChristian Prudhomme.
Le classement par équipe n'existe désormais seulement qu'au temps et non plus avec les points, comme c'était le cas depuis1973. Les coureurs de l'équipe en tête portent une casquette jaune (représentée dans les classements par l'icône à côté du nom de l'équipe)[17],[18].
↑L'Equipe raconte , La Grande histoire du Tour de France, 1989-1990 Incroyable LeMond, Introduction : Huit secondes pour l'éternité, page 6, volume 28, éditions L'Equipe/Cobra, octobre 2011
↑« Selon son entourage, il avait mal lu l'heure sur sa montre-bracelet, celle-ci munie d'un cadran où n'apparaissaient pas les minutes. En plus, il avait mal interprété le geste par lequel son mécanicien l'invitait à gagner la plateforme du départ et, plutôt que de s'approcher en hâte, car le temps pressait, il avait tourné les talons ». Source :Pierre Chany, Thierry Cazeneuve,La fabuleuse histoire du Tour de France, La Martinière,,p. 121.
PierreMartin (Avec les contributions de : Sergio Penazzo, Dante Baratino, Daniel Schamps, Cor Vos),Tour 89: The 1989 Tour of Italy and Tour de France, Keighley, UK, Kennedy Brothers Publishing,(OCLC810684546)