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Descriptif des parties composantes d'un tonneau.
Untonneau est un conteneur utilisé pour conserver lesliquides de consommation. Inventé soit par lesGaulois, soit par lesRhétes, le tonneau a traversé les siècles.
C'est un type defût, ou futaille, en bois de forme et de capacité variables selon les régions. Il permet l'élevage du vin. Du point de vue mathématique, il peut être décrit comme unsolide de révolution.
Hérodote mentionne auVe siècle av. J.-C. un commerce de vin par voie maritime, entre l'Arménie et la Mésopotamie, utilisant des tonneaux en bois de palmier. Le palmier est un bois difficile à cintrer, aussi différents bois sont testés pour fabriquer des tonneaux. Le tonneau est souvent considéré comme une invention desGaulois qui leur servait notamment à conserver lacervoise et à transporter des liquides comme de l'eau potable. Néanmoins, cette origine gauloise est une erreur dePline l'Ancien, les tout premiers tonneaux étant fabriqués dans la région desRhètes[2] que Pline confond avec les Gaulois, ils sont alors désignés sous le termecupa[3]. Les plus anciennes traces iconographiques de tonneaux proviennent en fait d'Étrurie auVIe siècle avant notre ère[4], l'hypothèse de la paternité celte est aussi évoquée[5]. Jules César mentionne son utilisation au cours du siège de Marseille dans sonCommentaires sur la Guerre des Gaules, laconquête romaine diffusant le tonneau gaulois dans l'Empire romain. Les Gaulois perfectionnent par la suite sa technique de fabrication qui implique de nombreux corps de métiers[6], utilisant principalement le tonneau (d'abord majoritairement en conifères[2]) comme réutilisation en cuvelage de liquides, salaisons de poissons[7]. Après leIIe siècle, les Gallo-romains utilisent aussi des douelles de chêne cerclées de tiges (noisetier …)[8].
La substitution progressive du tonneau (plus léger, roulable ou transportable à dos d'animal) aux amphores (lourdes, fragiles, peu empilables) se répand dans la partie septentrionale de l'Empire romain à partir duIIe siècle où il est principalement utilisé pour la conservation et le transport duvin qui se faisaient jusqu'alors dans desamphores grecques. Son emploi se généralise à compter duIIIe siècle. C'est une reconnaissance de cet objet utilitaire et une révolution pour le marché du vin de l'Antiquité, probablement même un facteur de développement du marché du vin. Le tonneau exhumé lors des fouilles du Vieux Port àReims est un récipient de 1100 litres et 2 m de hauteur ; c'est un assemblage de 22 douelles de sapin cerclées de bois de noisetier, il a servi à transporter du vin pendant leHaut-Empire avant d'être reconverti en cuvelage de puits[9].
Les premières corporations debateliers gallo-romaines les utilisent le long desfleuves navigables à bord de lourdesbarques, car ils sont plus maniables que les fragiles amphores romaines, et donnent moins de goût que les outres en peau d'ovins ou de bovins.
Sa diffusion se fait tout au long duMoyen Âge, du nord au sud de l'Europe, par le biais des rivières, des fleuves, des mers et des océans, des ports, des routes, des foires, des marchés régionaux ou internationaux (Foires de Champagne). Il accompagne l'essor des premières grandes villes marchandes italiennes, flamandes, allemandes (La Hanse), anglaises (Bristol) ou françaises (La Rochelle, Bordeaux, Nantes), puis se diffuse à d'autres continents, surtout à partir des Grandes découvertes et de l'accélération de la mondialisation, des conquêtes et du commerce transatlantique.
Héritée des anciennes mesures médiévales, la grande disparité des tonneaux, à laquelle s'ajoute un chevauchement des volumes ayant des dénominations différentes selon les lieux, ne fut pas abolie sous laRévolution. Elle perdura jusqu'au milieu duXIXe siècle. Les négociants en vin de Paris, par l'intermédiaire de leurhebdomadaire nouvellement créé,Le Journal de Bercy et de l'Entrepôt. Le Moniteur Vinicole, lancèrent une pétition à l'adresse deNapoléon III, qui fut publiée le. Au nom des principaux propriétaires et négociants de France, ils demandaient à l'empereur« l'unité des mesures de jaugeage des vins » et l'application dusystème métrique sur les contenants dont les volumes variaient« d'une contrée viticole à l'autre et souvent dans un même département ». Les pétitionnaires expliquaient qu'ils s'estimaient frustrés, chaque année, d'environ 1 000 000 d'hectolitres et demandaient instamment l'application des textes de lois de1793,1812 et1837[10].
Durant laPremière Guerre mondiale, dès octobre1914, l'Intendance ajouta une ration de vin à l'ordinaire des troupes afin d'améliorer la vie despoilus dans les tranchées. Tout soldat reçut quotidiennement un quart de vin. Cette ration fut reconnue insuffisante et doublée par le Parlement en janvier1916. Ce demi-litre passa à trois quarts de litre par jour à partir de janvier1918. C'est dire l'importance considérable que prit le tonneau pour le transport du vin jusqu'au front[11].
Or« Si le vin ne manque pas, en revanche les tonneaux manquent au vin. Depuis le début des hostilités, la tonnellerie ne fabrique plus, et par contre les besoins qu'elle doit satisfaire ont sans cesse grandi ... Si tous revenaient à leur point de départ ! Beaucoup, hélas ! une fois vides, s'égarent sur la route du retour ; beaucoup d'autres reviennent, glorieux blessés de guerre, aux douves cassées, brisques coûteuses ... Des remèdes ont été cherchés : faute de bois de chêne, on a eu recours au bois du châtaignier dont l'usure sera plus rapide. Malgré tous ces palliatifs, l'Intendance pousse un cri d'alarme : « Si vous voulez du vin, ménagez les tonneaux », clame-t-elle désespérément. »[11].
On recommande le vieillissement enfûts de nombreux vins rouges (Pauillac ou Chianti Classico par exemple) ou blancs (Bourgogne ou Chardonnay américain par exemple), de certains vins mutés ou spiritueux connus mondialement (sherrys,whiskeys,cognacs,armagnac,rhums,calvados) et de certainesbières (lambic,kriek,faro,bière rouge).Cette caractéristique est utilisée aussi pour fabriquer en Italie levinaigre balsamique.
Jusqu'au milieu duXXe siècle, les tonneaux étaient le mode de colisage le plus pratique pour letransport ou de stockage, bien que n'étant pas le plus économique. Toutes sortes de produits en vrac, des clous aux pièces d'or, y étaient stockés. Les sacs et les caisses étaient meilleur marché, mais ils n'étaient pas aussi robustes et ils étaient plus difficiles à manipuler à poids égal. En effet, un tonneau roule évidemment très bien comme un cylindre, mais s'il est debout, tout manœuvre adroit réussit à le déplacer sans effort en le roulant incliné, en équilibre sur son arête. Ainsi, des concours d'adresse se déroulaient autrefois aux halles où les livreurs devaient courir avec un tonneau. Les tonneaux perdirent peu à peu leur importance au cours duXXe siècle, en raison de l'apparition de la palettisation et de la conteneurisation de la chaîne logistique.
À la fin duXXe siècle, de tonneaux entôle d'acier sont toujours utilisés pour le stockage et le transport de nombreuxliquides, tels que l'huile, lepétrole et lesdéchets dangereux.La bière sous pression pour les bars est toujours livrée en tonneaux métalliques, soit en aluminium soudé (deux parties embouties ou en métal repoussé), soit en trois parties serties à la façon de certainesboîtes de conserve.
Au début des années 1980, une mode du goût du bois a créé une demande très forte vers des vins boisés. De nombreuses régions productrices ont créé des chais à futailles de bois pour fournir le marché. Aujourd'hui, le marché a trouvé un certain équilibre entre les vins boisés et non-boisés.
De nos jours, l'entonnage s'est maintenu dans le vocabulaire vinicole, il concerne l'action de remplir un fut de vin, mais peut également être étendu à celui des cuves, ou des camions-citernes et de leurs remorques[12].
De nombreux vignobles (France, États-Unis, Chili, Italie, Espagne, Argentine, …) mettent leur vin en tonneau pour la vinification, ou pour l'élevage. Cette pratique est coûteuse par suite du prix de la futaille, et par suite de l'absorption du vin par le bois du fût et par l’évaporation du vin à travers ses pores.
La fabrication entièrement manuelle ne se retrouve aujourd'hui que dans l'artisanat, de nos jours le métier de tonnelier est toujours exercé mais de nombreuses machines l'assistent, notamment pour les travaux de force et fastidieux (rabotage, serrage...). Les réparations doivent encore aujourd'hui être effectuées manuellement[12].
Leur confection nécessite des troncs d'arbre, généralement dechêne, à l'état de billes qui sont fendus en quartiers. Ces derniers sont débités enmerrains. Cintrés à chaud, ils forment lesdouelles. Celles-ci sont creusées d'une rainure appeléejable dans laquelle vont aller s'encastrer les fonds dénommés contres et chanteaux. Des cercles, en bois ou en feuillard maintiennent le tonneau qui peut être déplacé par roulage ou balancement[12].
Sa composition et son mode de fabrication, notamment la chauffe, ont une grande influence sur le goût du vin qui y sera élevé.
L'histoire et la géographie des régions viticoles ont donné naissance à une grande diversité de contenances. Les capacités varient ainsi en fonction de l'utilisation, de quelques dizaines à plusieurs centaines de litres. Ces volumes sont cependant standardisés à l'intérieur même des régions, mais on retrouve des dénominations différentes, et des variations de volumes d'une région à l'autre.
Les capacités les plus utilisées de nos jours sont de228 litres pour le fût d'origine bourguignonne, et225 litres pour la barrique d'origine bordelaise[13].
Le tonneau est utilisé comme unité detransaction financière, grâce à la régularité de sa manufacture. En Bourgogne, quand elle est en cours d'utilisation, elle prend le nom de « pièce »[13].
Pour une contenance équivalente, la forme peut différer. L'intérêt peut être esthétique, mais aussi plus ou moins favoriser le contact du vin avec leslies.
Fûts "cigare" à gauche, fûts bourguignons à droite.
Fûts ovoïdes.
Fût bourguignon (à gauche) et barrique bordelaise, plus allongée (à droite).
Unebarrique (de l'occitangasconbarrica), se distingue du tonneau par sa fabrication plus légère et sa durée de vie de quelques années[réf. nécessaire].
Elle peut servir en plus de l’usage œnologique pourvieillir le vin, à stocker, conserver, expédier des liquides (bières, huiles, eaux-de-vie) et des marchandises solides (morue, sucre, etc.).
Une pièce est un récipient vinaire servant essentiellement à la conservation et au vieillissement du vin, elle prend cette appellation en général lorsqu'elle est pleine uniquement.
Unbaril est un petit tonneau de contenance variable selon sa destination, utilisé pour le transport et la conservation de liquides, d'aliments ou de matières sèches[14]; ce peut être aussi un emballage cartonné (pour les lessives, par exemple).
Dans l'industrie pétrolière, le baril est une unité de volume valant 159 litres. Toujours usitée, il tire son nom de barrique (baril en anglais), les premiers conteneurs du pétrole extrait aux USA.
Le bois du tonneau apporte au bout de quelques mois destanins aux liquides (vins rouges, spiritueux) qu'il contient, mais aussi des arômes secondaires donnant souvent à une boisson plus de complexité et de capacité de garde (5 à 10 ans de garde selon les appellations, les cépages, etc.). Lesarômes apportés sont multiples et proviennent du bois et de la chauffe qu'il a subie (vanille, noix de coco, noisette, beurre, toasté, brûlé, bois vert, bois sec, etc.).
Ces qualités des fûts peuvent aujourd'hui être remplacées par l'insertion de copeaux de chêne, ayant des caractéristiques sensorielles similaires.
L'élevage permet une oxygénation contrôlée, mesurable, son utilisation entraînant une évaporation des liquides plus connue sous le nom depart des anges, le tonneau n'étant pas complètement étanche.
L'utilisation du termefût neuf indique que le vin est élevé dans un tonneau n’ayant encore jamais été utilisé, il transférera au vin un maximum de ses arômes. Il en résulte un goût boisé marqué, par opposition avec celui vieilli en barrique usagée. Ainsi, les arômes boisés procurés au vin par le fût diminuent avec des barriques d'un vin, deux vins... Généralement, au bout de 4 ou 5 ans, son effet sur le vin est négligeable. Les arômes ont été dissous et les pores du bois sont bouchés par lebitartrate de potassium qui s'est déposé.
L'élevage des eaux de vie ne bouche pas les pores du bois puisque l'alcool ne contient pas d'acide tartrique. La durée d'utilisation d'une barrique peut alors atteindre 20 à 30 ans, voire plus.
Canne de nettoyage à haute pression. La tête rotative permet le nettoyage de toutes les parois internes.
En raison de sa porosité et de sa surface, le bois est sujet à de nombreux risques de contamination bactériennes et levuriennes. Un entretien régulier et un nettoyage permettent d'utiliser le fût pour un autre vin.
Le nettoyage peut s'effectuer à l'aide d'eau, souvent soushaute pression, froide ou chaude. Il permet notamment de rincer le vin et leslies, de décoller letartre, et de préparer l'étape de désinfection.
Ladésinfection peut se faire à l'aide de vapeur d'eau, pendant une durée d'une dizaine de minutes permettant de chauffer en profondeur du bois, sur 1 cm environ.
Il existe également des systèmes d'ozone pouvant avoir un coût élevé, d'ultrasons (en prestation de service d'un coût de traitement d'environ 40 € par fût) ou d'ultraviolets ayant surtout une action de surface.
Leméchage au soufre est également une pratique qui permet de maintenir un milieu sain dans le fût, sans désinfecter le bois en profondeur.
Matériel de lavage de fûts par haute pression, canne Moog.
Certains tonneliers pratiquent le reconditionnement des barriques pour les régénérer. Elles sont démontées, l'intérieur des douelles est décapé, les barriques sont remontées avec chauffe de la surface du bois et les fonds sont changés pour des fonds neufs. Cette opération permet de remettre en service des barriques de bonne qualité pour un coût moindre. Cependant ces barriques ont une épaisseur moindre et sont sujettes à des fuites plus nombreuses, et une fragilité accrue.
↑Fabre d'Églantine,Rapport fait à la Convention nationale, dans la séance du 3 du second mois de la seconde année de la République Française, au nom de la Commission chargée de la confection du Calendrier, Imprimerie Nationale,(lire en ligne),p. 19
Au temps des légionnaires romains, collectionLa Vie privée des Hommes, Hachette,1978, collectif, textes de Pierre Miquel(ISBN2-01-003352-3).
Élise Marlière,Amphores, tonneaux et outres. Contribution à l’histoire économique de la Gaule Belgique occidentale, Thèse de doctorat, univ. Charles-de-Gaulle Lille 3, 2000.