Le grand-père paternel du compositeur, José Martins da Cruz Jobim, est brésilien et un vraicarioca (mot désignant les habitants de Rio). Rapidement, sa famille déménage dans un quartier plus au sud, plus central et plus bourgeois,Ipanema. Très jeune, il apprend à jouer de laguitare et de l'harmonica. Mais, à partir de1941, la musique devient davantage qu'un loisir pour Jobim, qui commence à prendre des cours depiano avecHans-Joachim Koellreutter, un Allemand qui s'illustre particulièrement dans ledodécaphonisme. À la fin de la guerre, il se lance dans des études d'architecture, qui seront bien vite abandonnées. Il préfère jouer du piano dans les bars où il affine et perfectionne son jeu.
Quelques années plus tard, leBrésil entre dans ce qu'on nommera rétrospectivement un « âge d'or » politique, avec l'avènement à la présidence deJuscelino Kubitschek, un démocrate et un réformateur qui va durablement laisser son empreinte sur le pays. Son mot d'ordre,« Rattraper cinquante années en cinq ans », aboutit notamment à la création d'une nouvelle capitale,Brasilia.
C'est dans ce contexte, en1956, que se déroule la rencontre décisive entre Jobim et le poète, écrivain et diplomateVinícius de Moraes. Ce dernier cherche alors à mettre en musique une pièce,Orfeu da Conceiçao(pt), transposition dans l'univers de Rio du mythe grec d'Orphée, écrite entre1940 et1955. Jobim s'exécute et, lors de sa sortie au théâtre municipal de Rio, le, la pièce est un triomphe, ainsi que l'adaptation cinématographique du FrançaisMarcel Camus,Orfeu Negro, en 1959, qui l'a rendue mondialement célèbre et qui inspira notamment le compositeur commeMichel Legrand.
Scénario harmonique à la façon de Jobim.Carlos Jobim en 1972
Mais si la bossa nova entend incarner une « nouvelle vague » et une nouvelle façon de chanter et de jouer, elle ne naît pasex nihilo, à partir de rien. Ses influences sont nombreuses et, avant toute chose, l'oreille de Jobim a beaucoup écouté et assimilé. Ainsi, au Brésil, le compositeur goûte particulièrement les compositions d'Ary Barroso, compositeur du « tube »Aquarela do Brasil — plus connu sous le nom deBrazil —, et associe aujazz les accords complexes duchorinho traditionnel.
Le jeudi, à l'hôpital Mount Sinai deNew York où il s'était rendu pour subir une intervention chirurgicale à la suite de problèmes d'athérosclérose, Carlos Jobim est victime d'une défaillance cardiaque. Il rejoint dans la légende son compliceVinícius de Moraes, mort quasiment au même âge (66 ans).
Carlos Jobim a composé et interprété des centaines de chansons et enregistré plus de 50 disques. CitonsChega de Saudade (1958), qui marque le début de la bossa nova, ainsi queDesafinado (1959) enregistré par le précurseurJoão Gilberto,Samba de uma nota só (One Note Samba) etGarota de Ipanema (1963), qui ont connu un succès planétaire. Cette dernière a été reprise par plus de 300 interprètes et constitue l'un des plus grands succès discographiques duXXe siècle selon l'historienLudovic Tournès[2].
Le style bossa nova a aujourd'hui accédé à la postérité, même si le mouvement s'est atténué quelque peu à partir de 1968 devant la musique américaine.
Quelques biographies importantes ont été publiées, commeAntônio Carlos Jobim, um Homem Iluminado (Antônio Carlos Jobim, un Homme Illuminé, en français), écrite par sa sœurHelena Jobim ;Antônio Carlos Jobim - Uma Biografia (Antônio Carlos Jobim – Une Biographie) par l’écrivain et journaliste Sérgio Cabral ; ou encoreTons sobre Tom (Tons sur Tom), de Márcia Cezimbra, Tárik de Souza et Tessy Callado.
↑Ludovic Tournès,Du phonographe au MP3. Une histoire de la musique enregistrée auXIXe – XXIe siècle, Autrement, coll. « Mémoires/Culture »no 138, 2008,p. 106.