Tokugawa Yoshinobu est unnom japonais traditionnel ; le nom de famille (ou le nom d'école),Tokugawa, précède donc le prénom (ou le nom d'artiste) Yoshibonu.
Tokugawa Yoshinobu(徳川 慶喜,Tokugawa Yoshinobu?, -) était le quinzième et derniershogun dushogunat Tokugawa du Japon. Il faisait partie d'un mouvement qui visait à réformer le shogunat vieillissant, mais en vain. Après avoir abdiqué ses pouvoirs au profit de l'Empereur en, il prit sa retraite et se retira de la vie publique jusqu'à sa mort.
S'il eut de nombreux partisans — parmi lesquelsSakamoto Ryoma — et malgré sa position de général, Yoshinobu commit ou laissa commettre un certain nombre d'actions jugées couardes par ses contemporains. Ainsi lorsqu'il décida de laisser exécuter environ 400 membres du partiTengu-To, pour la plupartsamouraïs du domaine deMito (ses propres vassaux) qui s'étaient rendus aubakufu après avoir causé des troubles, dès qu'ils apprirent que Yoshinobu avait pris du galon dans lebakufu, en pensant que celui-ci pourrait donc mieux servir la cause réformiste et apaiser les troubles nationaux. Hitotsubashi Yoshinobu laissa néanmoins faire ce meurtre de masse, pour protéger sa carrière politique.
Matsudaira Shichirōmaro(松平 七郎麻呂,Matsudaira Shichirōmaro?)[1] naît àMito en 1837, il est le septième fils d'un daimyo de laprovince de Hitachi,Tokugawa Nariaki, et appartient donc augosanke (御三家), l'une des trois branches duclan Tokugawa à pouvoir prétendre au titre de shogun avec lesOwari et les KishuKii. Élevé sous une tutelle extrêmement stricte et spartiate[2], il apprend la littérature et les arts martiaux, et reçoit de solides bases sur la politique et le gouvernement[3].
Afin qu'il ait de meilleures chances de devenir shogun, son père s'arrange pour le faire adopter par la grande familleHitotsubashi[4]. En 1847, à sa majorité, il en devient le chef de famille, recevant alors son titre de noblesse. Shichirōmaro prend alors le nom de Yoshinobu[5]. À la mort du treizième shogunTokugawa Iesada, le, Yoshinobu est désigné parmi ses éventuels successeurs[6].
Ses partisans mettaient en avant ses compétences et son efficacité à gérer les affaires familiales. Toutefois, le parti adverse deNaosuke Ii, qui étaittairō (大老) à ce moment, soutenait le tout jeune Tokugawa Yoshitomi (12 ans), qui devint le quatorzième shogun,Tokugawa Iemochi[7]. Peu après, pendant lapurge d'Ansei, Yoshinobu et plusieurs de ses partisans furent mis aux arrêts[8]. Yoshinobu fut aussi démis de ses fonctions de chef de la famille Hitotsubashi.
La régence de Naosuke Ii fut marquée par les erreurs administratives et les luttes internes. Lorsqu'il fut assassiné en 1860, Yoshinobu fut rétabli dans ses fonctions de chef de famille et nommé deux ans plus tard Gardien du shogun(将軍後見職,shōgun atomi-shoku?), un poste qu'il occupa rapidement[9]. Au même moment, ses alliésMatsudaira Yoshinaga etMatsudaira Katamori furent nommés chef des affaires politiques(政治総裁職,seiji sōsai shoku?)[10] et Gardien de Kyoto(京都守護職,Kyoto shugoshoku?)[11]. Tous trois prirent de nombreuses mesures pour calmer l'agitation politique qui régnait àKyoto tout en recrutant des alliés pour contrer les activités de la province rebelle deChōshū. Il fut l'une des figures emblématiques dukōbu gattai, un parti qui cherchait un moyen pour concilier le shogunat avec le pouvoir impérial[12].
En 1864, Yoshinobu, chef des défenses du palais impérial, sortit victorieux des forces de Chōshū aux portes d'Hamaguri. Cette victoire est en partie due à l'alliance des forces du clanAizu et de laprovince de Satsuma[13].
À la mort deTokugawa Iemochi en 1866, Yoshinobu fut choisi pour lui succéder, faisant de lui le quinzième shogun[14]. Il est le seul shogun Tokugawa à avoir passé la totalité de son règne en dehors d'Edo : il ne mettra jamais les pieds auchâteau d'Edo en tant que shogun[15].
Aussitôt devenu shogun, Yoshinobu entreprit de gros changements. Un plan de restructuration massive du gouvernement fut lancé pour proposer des réformes qui renforcerait le gouvernement Tokugawa. En particulier, l'aide duSecond Empire de Napoléon III permit la construction de l'arsenal deYokosuka dirigée par l'ingénieurLéonce Verny tandis que la premièremission militaire française au Japon (1867-1868) modernisa les armées du shogunat[16].
Les armées nationale de terre et de mer, déjà formées sous le commandement Tokugawa, furent renforcées grâce à l'aide des Français et du matériel militaire fut acheté aux États-Unis[17]. Les observateurs de l'époque considéraient que le shogunat Tokugawa gagnait ainsi en puissance militaire et politique avec ces nouvelles bases. Toutefois, il tombera moins d'un an plus tard.
Le shogun Tokugawa Yoshinobu avec une épée et un fusil Sharp Model 1859
Apeurés par le renouvellement des forces du shogunat Tokugawa sous l'égide d'un dirigeant solide et avisé deSatsuma, les provinces deChōshū etTosa s'allièrent pour le contrer. Unis par la philosophie politique duSonnō jōi (« Révère l'Empereur, repousse les barbares ») et la peur que le nouveau shogun continue d'usurper le pouvoir de l'Empereur, ils travaillèrent ensemble pour mettre un terme au shogunat, quoique leurs approches différassent grandement.
Tosa, en particulier, était plus modérée et proposait un compromis dans lequel Yoshinobu abdiquerait son titre à l'Empereur mais présiderait dans un nouveau conseil gouvernemental composé de diversdaimyos. À cette fin, le daimyo de TosaYamauchi Toyonori, et son conseillerGotō Shōjirō, présentèrent à Yoshinobu une requête d'abdication[18].
Tokugawa Yoshinobu en uniforme de militaire français (1867)
Yoshinobu abandonna ses fonctions de shogun fin 1867, rendant ainsi formellement le pouvoir gouvernemental à l'Empereur[19]. Il quitta ensuite Kyoto pourOsaka. Toutefois, même si Satsuma et Chōshū soutenaient l'idée d'un conseil gouvernemental de daimyos, ils n'acceptaient pas que Yoshinobu le préside[18]. Ils obtinrent un arrêté impérial[18] autorisant l'usage de la force contre Yoshinobu (qui s'avéra plus tard être un faux document[20]), puis installèrent un nombre considérable de troupes de Satsuma et Chōshū en plein Kyoto[21].
Une conférence eut ensuite lieu à la cour impériale où Yoshinobu fut démis de ses terres et de ses biens[22] malgré le fait qu'il n'ait pris aucune initiative susceptible d'être considérée comme agressive ou criminelle. Mais aucune des personnes qui auraient pu s'opposer à cette décision ne fut convoquée à la conférence[23]. Yoshinobu s'y opposa ; il écrivit même une lettre de protestation à l'attention de la cour impériale[24]. Sur la suggestion des hommes du clan Aizu, de la ville de Kuwana et de diverses provinces, il mobilisa une énorme quantité de troupes pour transmettre son message de protestation à la cour sans que les forces de Satsuma et Chōshū postées à Kyoto l'en empêchent[25].
Quand les forces de Tokugawa arrivèrent aux abords de Kyoto, on leur refusa l'entrée et les troupes de Satsuma et Chōshū les attaquèrent, déclenchant la première confrontation de laguerre de Boshin, labataille de Toba-Fushimi[26]. Mais bien que les forces Tokugawa eussent nettement l'avantage du nombre, Yoshinobu abandonna son armée en pleine bataille quand il découvrit que les forces Satchō brandissaient la bannière impériale. Il se réfugia àEdo[27] où il demanda à être mis en prison et rappela son abdication à la cour impériale. Toutefois, un accord de paix fut trouvé, stipulant queTayasu Kamenosuke, le tout jeune chef de l'une des branches duclan Tokugawa, serait adopté et nommé chef de la famille Tokugawa[28]. Lechâteau d'Edo capitula devant les armées impériales[29] et la ville échappa de justesse à une guerre ouverte.
Avec Kamenosuke (qui prit le nom deTokugawa Iesato), Yoshinobu partit àSunpu (駿府), là où le fondateur même du shogunat Tokugawa,Tokugawa Ieyasu, s'était lui-même retiré des siècles auparavant. Iesato fut nommé daimyo de la nouvelleprovince de Shizuoka mais perdit son titre quelques années plus tard avec l'abolition du système des provinces.
Nombre de membres de la familleHatamoto déménagèrent aussi à Shizuoka, mais beaucoup d'entre eux ne trouvèrent pas de revenus suffisants pour vivre correctement. En conséquence, beaucoup d'entre eux en voulaient à Yoshinobu, au point pour certains de vouloir le tuer[30]. Yoshinobu en était conscient, et la peur d'être assassiné le poussa même à revoir ses horaires de veille pour perturber un éventuel assassin[31].
Tokugawa Yoshinobu à la fin de sa vie.Tokugawa Yoshinobu à la chasse.
Vivant dans une retraite paisible, Yoshinobu avait de nombreux passe-temps comme la peinture à l'huile, le tir à l'arc, la chasse, la photographie et même le vélo[32]. Son arrière-petit-fils,Yoshitomo Tokugawa, a récemment publié quelques photographies de Yoshinobu[33].
En 1902, l'Empereur Meiji l'autorisa à fonder sa propre branche des Tokugawa (nommée Bekke) qui aura le plus haut rang dans la noblesse, à savoir celui de prince(公爵,kōshaku?) en raison du service qu'il aura rendu au Japon[34]. Tokugawa Yoshinobu meurt le à 16 h 10, il sera enterré au cimetièreYanaka deTokyo.
↑Takano,Tokugawa Yoshinobu, p. 26. Les fils du daimyo de Mito ne portaient pas le nom de famille Tokugawa tant qu'ils n'étaient pas devenus daimyos eux-mêmes.
↑Tokugawa,Tokugawa yonbyakunen no naishobanashi, p. 138 à 140.
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