Titus (enlatin :Imperator Titus Caesar Vespasianus Augustus), parfois anciennement francisé enTite, né le et mort le, est unempereur romain. Il appartient à la dynastie desFlaviens, et règne de79 à81.
Servant tout d'abord sous les ordres de son pèreVespasien, il se fait connaître comme commandant militaire pendant lapremière guerre judéo-romaine. Titus suscite la suspicion parmi les Romains une foisVespasien devenu empereur, en raison de son statut depréfet de lagarde prétorienne, mais aussi à cause de sa relation avec la princesseBérénice de Judée. En70, il prendJérusalem que ses troupes mettent à sac. Sa victoire est suivie de la destruction duSecond Temple.
Malgré plusieurs manquements à la morale romaine, Titus devient de plus en plus apprécié après la mort deVespasien en79. Son règne, bien que bref, voit plusieurs catastrophes se produire. Alors qu'il vient d'arriver au pouvoir, Titus doit gérer les conséquences de l'éruption du Vésuve, se distinguant par sa grande générosité envers les victimes. L'année suivante, il doit affronter un incendie qui ravageRome alors que s'achève la construction duColisée. Enfin, il intervient lui-même pour aider les victimes d'une épidémie depeste qui cause des milliers de morts dans la ville.
Considéré comme un bon empereur par les historiens antiques, il meurt le 13 septembre81. Son frèreDomitien lui succède, construisant en son honneur l'arc de Titus àRome.
Né àAquæ Cutiliæ enSabine — ou àRome, selon l'historienSuétone —, Titus est le fils deVespasien. Il descend d'une famille de notables municipaux : son grand-père faisait partie de l’ordre équestre dans la région deRieti. C’est après la naissance de Titus que lesFlaviens prennent une place importante dans le cercle impérial grâce à l’avènement de l’empereurClaude, qui leur accorde sa protection par l'intermédiaire de l’affranchiNarcisse. Titus est ainsi élevé à la cour impériale aux côtés du fils de Claude,Britannicus[1],[2], dont il est probablement l'un des rares camarades[3]. Titus bénéficie donc d’une éducation raffinée dans un milieu de luxe, apprenant les lettresgrecques etlatines sous la férule de son précepteurSosibius. Appliqué dans ses études, il jouit d'une excellente mémoire, élabore facilement des discours, et écrit même des vers, en latin comme en grec. Il joue correctement de la lyre et chante agréablement[4].
Après la mort de Britannicus, Titus fait partie des jeunes adolescents proches deNéron[5].
Titus montre très tôt des capacités militaires supérieures à la moyenne[4]. Sa carrière politique et militaire connaît une impulsion en même temps que celle de son père, et évolue de manière parallèle à celle-ci.
Le rôle politique du jeune homme commence en 56 ou 57 (c'est-à-dire, à l'âge de dix-sept ou dix-huit ans), quand il devienttribun militaire, d’abord enGermanie — où il rencontre certainementPline l'Ancien et sympathise avec lui (le savant évoque le jeune militaire dans la préface de sonHistoire naturelle)[5] —, puis enBretagne.
Au milieu des années 60, Titus rentre à Rome et se marie avecArrecina Tertulla, fille d'un ancienpréfet du prétoire. Cette union lui permet à la fois de tisser des liens avec les officiers de Rome et, grâce à la richesse de sa belle-famille, de compenser la précarité de la sienne[6]. Mais son épouse décède prématurément : il se remarie alors avecMarcia Furnilla, d'une famille prestigieuse, et dont il a déjà une fille — il est vraisemblable qu'il a divorcé de Marcia Furnilla lors des purges menées parNéron en réaction à laConjuration de Pison[6].
L'ascension de Titus ne commence véritablement qu'en 67, deux ans avant le couronnement deVespasien. À cette date, il devientlégat de laLegioXV Apollinaris enJudée, pour réprimer, sous le commandement de son père, l’insurrection qui marque le début de lapremière guerre judéo-romaine[1]. La mission qu'il remplit au moment de l'intervention militaire revêt un caractère exceptionnel, car il n’a pas encore exercé sapréture : il est en effet très jeune, puisqu'il n’a que vingt-huit ans. Avec une discipline identique à celle de son père, il mate les cités révoltées, qui tombent les unes après les autres[6]. Son éducation militaire et diplomatique lui est également utile.
Suétone affirme que Titus est un véritable « soutien de l’empereur ». En effet, au cours de l’année68, le jeune homme est engagé par son père dans des démarches diplomatiques[7]. Ayant appris l’avènement deGalba,Vespasien envoie Titus à Rome pour qu’il fasse allégeance au nouvel empereur, mais les conditions de navigation hivernale le retardent. Apprenant qu’Othon a succédé à Galba et queVitellius lui dispute le pouvoir, Titus préfère retourner en Orient[8].
Titus, représenté en Auguste, ARDenier. IMP T CAESAR VESPASIANVS AVG, tête laurée et captif juif agenouillé devant un trophée d'armes, Juin-juillet 79 après J.C.
Titus est chargé d’apaiser les rivalités entre son père etMucien, qui a rejoint la province deSyrie. Cette mission fondamentale permet à Vespasien d’accéder au pouvoir en menant une action commune avec Mucien. Enfévrier ou mars 69, Titus remet à profit ses talents d’homme d’État, indéniables et prometteurs, en apportant à son père des nouvelles fraîches sur l’état d’esprit des armées et des provinces, et en le convainquant de prétendre à l’empire. Jusqu’en juillet 69 où son père est proclamé empereur, Titus mène des tractations diplomatiques qui rallient à la cause de Vespasien des responsables romains deSyrie et d’Égypte. Après le ralliement de tout l’Orient en juillet, il devient responsable en chef de la guerre deJudée.
En 70, Titus dirige les légions romaines et reconquiert la ville deJérusalem après unlong siège dont le détail est rapporté parFlavius Josèphe. Au cours des combats de rue, la ville est détruite et lesecond Temple de Jérusalem, connu également sous le nom detemple d'Hérode, est incendié[1]. En septembre 70, il est acclaméimperator par ses troupes. Cette victoire lui fait gagner ses lettres de noblesse auprès de l’armée et suscite l’admiration de nombreux Romains. Son succès est tel que l’on commence à murmurer qu’il partagerait une liaison amoureuse passionnée avecBérénice, princesse de Judée, qu’il envisagerait de disputer l’empire à son père ou qu’il voudrait devenir roi d’Orient[9].
Quittant la Judée, il fait une halte àAlexandrie, où il participe à une cérémonie en l’honneur d’Apis, au cours de laquelle il se coiffe de la couronne du taureau sacré. Mais, soucieux de ne pas fâcher son père, il hâte son retour vers Rome[9].
Arc de triomphe de Titus : soldats romains rapportant à Rome laMénorah et autres objets précieux pillés dans le temple de Jérusalem.
Lorsque Titus revient àRome, il renouvelle publiquement sa fidélité àVespasien[9]. Titus célèbre sa victoire de Judée par untriomphe dans Rome. Il distribue de l’argent au peuple, en son nom et celui de son père. L’arc commémoratif érigé plus tard parDomitien (arc de triomphe de Titus) représente son char tiré par unquadrige, ainsi que le cortège avec le butin pillé ausecond Temple de Jérusalem — dont lechandelier à sept branches, la table des pains de proposition et les trompettes sacrées.
Titus joue désormais le rôle de vice-empereur car, selonSuétone, il devient « partie prenante du pouvoir et même tuteur de l’empire ».Vespasien manifeste la volonté d’associer son fils à l’empire, commeAuguste l'a fait avecTibère. En 69, Titus et son frère sont nommésPrinces de la jeunesse.
Il exerce également septconsulats en 70, 72, 74, 75, 76, 77 et 79. Il peut juger leschevaliers et lessénateurs coupables d’infractions politiques ou de fautes professionnelles.
Titus remplace son père lors de la rédaction de courriers administratifs ou de la lecture des actes officiels devant le sénat. Il assume ainsi directement la gestion des affaires.
En 72, il est nommépréfet du prétoire, alors que la charge est d'ordinaire attribuée à unchevalier. Le préfet du prétoire est le chef de lagarde impériale. Il appartient à l'ordre équestre et représente l’empereur quand celui-ci est absent. Titus n'est pas chevalier, c’est donc une nomination hors du commun. Une face cachée de son caractère apparaît alors : pour abattre les hommes dont il soupçonne les visées ambitieuses, il organise des services secrets redoutables chargés de faire courir des rumeurs désobligeantes sur les hommes qu'il juge menaçants. Encouragé par le peuple, qui réclame ouvertement leur exécution, Titus feint de lui obéir et, sans la moindre hésitation, élimine ses ennemis[réf. nécessaire].
Aulus Cæcina est l'une des victimes de cette méthode. En 69, il a trahiVitellius pour rejoindre les armées flaviennes. Aux yeux de Titus, cet homme est dangereux. Après avoir découvert en 79 le texte d'une harangue que celui-ci comptait prononcer devant les soldats après son assassinat, Titus le fait tuer au sortir d'un banquet[10]. Ces actions favorisent la mauvaise réputation de Titus ausénat et sèment la peur.
Titus monte sur le trône en 79 à la mort de son père. Depuis lecoup d'État légal d'Auguste, c'est la première fois qu'une succession dynastique a lieu de père en fils[11].
Avant soninvestiture commeempereur, Titus manifeste une intempérance qui laisse mal augurer du comportement du futurprince[10].
Son éducation à la cour impériale a donné au jeune homme un goût très vif pour toutes les formes deplaisir et delibertinage. Pour le peupleromain, c’est undébauché qui, à l’image deNéron, entretient un certain goût pour les jeunes garçons[10].Il aime le monde du spectacle et comble de largesses les chanteurs et comédiens qui constituent son entourage. Pendant le règne de son père, il monnaye les jugements et essaye de tirer un profit douteux des affaires dont il a la charge, tout cela, afin de vivre dans le luxe et de donner des fêtes somptueuses et dispendieuses[réf. nécessaire].
Des rumeurs évoquent son « amour fameux pour la reineBérénice ». Celle-ci, arrière-petite-fille d’Hérode le Grand et fille d’Hérode AgrippaIer, appartient à la famille royale qui a gouverné enJudée auIer siècle avant notre ère. C’est en 67, lors de la campagne deVespasien enGalilée, que la princesse de Judée rencontre Titus, alors qu’elle cherche à aider son frèreHérodeAgrippaII à obtenir un rapprochement politique avec lesRomains. Bérénice est d’une grande beauté et ses actions politiques impressionnent Titus, qui tombe sous le charme de la reine juive. Dès l’avènement impérial deVespasien,leur liaison est officielle[réf. nécessaire]. Mais, compte tenu de la désapprobation du peuple romain, Bérénice reste enJudée lors du retour de Titus à Rome. Cependant, en 75, Bérénice vient à Rome avec son frère, ce qui renouvelle les critiques concernant une possible influence orientale néfaste. Pour les historiens modernes, si Bérénice est reçue avec les égards dus à son rang, elle demeure une étrangère et il est difficile de savoir si les deux souverains se sont aimés.Suétone affirme que Titus dut la renvoyer chez elle, « malgré elle et malgré lui », mais lesFlaviens savaient parfaitement qu’une telle union aurait porté un coup fatal à leurs efforts pour consolider leur dynastie[12].
Cependant, la mort de Vespasien le change radicalement la personnalité de Titus et la perception qu'a de lui le peupleromain. Pendant son court règne de deux ans, Titus se montre un prince idéal, aussi bien dans ses méthodes de gouvernement qu’auprès de ses sujets.
Titus est probablement profondément marqué par la mort de son père, car du jour au lendemain, ses défauts s’effacent devant « les plus rares vertus ».
Peut-être a-t-il alors pris conscience de ses devoirs vis-à-vis de ladynastie flavienne. Quoi qu'il en soit, dès son investiture, en 79, il se sépare de ses favoris, s’interdit d’assister aux représentations théâtrales et renonce aux plaisirs. Il choisit ses conseillers parmi les hommes les plus respectables deRome. Il délaisse ses nuits d’orgie pour des repas officiels, visant davantage l’agrément des convives que l’étalage du luxe.
Cette simplicité affichée, œuvre de la traditionnelleimitatio Augusti chez les empereurs (imitation d'Auguste), n'empêche pas Titus d'organiser de grandesnaumachies, spectacles rares et coûteux[13], et d'inaugurer en grande pompe en l'an80, le plus grand site de jeux de l'Antiquité, l'amphithéâtre Flavien, plus connu sous le nom deColisée. Des milliers de bêtes y sont sacrifiées pendant les jeux inauguraux.
Moulages de victimes humaines de l'éruption du Vésuve trouvées dans le « jardin des Fugitifs » à Pompéi
Ce changement radical de comportement coïncide avec une série de catastrophes qui vont, en deux ans, mettre en relief le caractère de l’empereur.
L’éruption du Vésuve le ensevelitPompéi etHerculanum sous les cendres, provoquant la mort de milliers de personnes, dontPline l'Ancien, ami de Titus[11]. L’empereur confie alors le soin à deuxconsuls de superviser les secours aux sinistrés et fait verser des subventions aux rescapés. Titus octroie à ces derniers les biens de ceux qui ont péri sans laisser d’héritier. Par cette décision, il se démarque de ses prédécesseurs, lesquels, dans des circonstances semblables, se seraient approprié les biens des victimes. Titus se rend ensuite sur les lieux du drame et, par piété, fait exhumer des couches de cendres quelques statues de dieux[14].
Outre l'éruption duVésuve, le règne de Titus est aussi marqué par un grave incendie de Rome en 80, comparable en ampleur à celui intervenu sousNéron en 64.
Lors d’une épidémie depeste, qui cause la mort de milliers de personnes, Titus intervient en personne pour secourir la population. Il fait parvenir les secours et vient sur place réconforter les rescapés « apportant la sollicitude d’un empereur et la tendresse d’un père ». Titus n’accepte pas de faire de procès criminel.
La conjonction entre ces événements dramatiques et l’attention, généreuse et dévouée, prodiguée par Titus aux personnes éprouvées, explique la faveur sans égale dont il bénéficie. La tradition lui prête ce mot : « Diem perdidi » (j'ai perdu ma journée), prononcé lorsqu'il terminait une journée sans avoir apporté un bienfait particulier.
Alors que Titus gagne rapidement en popularité, son frère cadetDomitien le déteste hautement. Ne possédant ni son charisme, ni la gloire que Titus a gagnée au combat, Domitien colporte des rumeurs, s'essaie à des complots, achète des soldats. Titus refuse néanmoins de l'exiler ou seulement de l'écarter de la cour, essayant vainement de se concilier celui qu'il proclame ouvertement comme son héritier[15].
Il meurt le, à peine deux ans après son intronisation. Les causes de sa mort sont inconnues, les sources antiques divergeant sur le sujet.Suétone parle d'une fièvre[16].Philostrate avance l'idée d'un empoisonnement[17].Dion Cassius présente les deux hypothèses, attribuant, dans un cas comme dans l'autre, la responsabilité à Domitien, soit qu'il ait directement empoisonné Titus, soit qu'il l'ait laissé mourir sans soin approprié[18]. LeTalmud de Babylone(Gittin 56b) et leMidrash (Bereshit Rabba 10) font de sa mort une punition divine exécutée par un insecte ayant pénétré dans son nez[19]. Ses énigmatiques derniers mots sont « Je n'ai commis qu'une seule erreur ». Ils font toujours aujourd'hui l'objet de spéculations de la part des historiens.
Un deuil unanime accueille sa disparition, les sénateurs se réunissent pour lui rendre hommage. Le titre de « Délices du genre humain » lui est décerné[13] et lui est resté attaché. Ce souvenir a définitivement effacé dans la mémoire collective le premier Titus, capable de débauches, de cruautés et d'arbitraire despotique. La postérité retiendra surtout le Titus mûri et métamorphosé par sa fonction. Son court règne est l'un des plus heureux de la seconde moitié du premier siècle[20].
Remplacé par Domitien, il est divinisé par leSénat romain à la demande du nouvel empereur[20].
Le Triomphe de Titus et Vespasien parGiulio Romano (1540). Huile sur bois, 170 × 120 cm.Musée du Louvre,Paris. Titus et Vespasien traversant Rome sur un char de triomphe, précédés par une parade exhibant le butin ramené de Jérusalem. La peinture présente un anachronisme, la présence de l'arc de Titus, qui n'a été achevé que sous le règne de Domitien.
Le Triomphe de Titus parLawrence Alma-Tadema (1885). Huile sur toile. Collection privée. Procession triomphale de Titus et de sa famille. Alma Tameda était connu pour ses reconstitutions historiques méticuleuses[22]. Vespasien, habillé enPontifex Maximus, marche en tête de sa famille, suivi par Domitien et sa première femmeDomitia Longina, qu'il avait récemment épousé. Titus suit Vespasien en habits religieux. Un échange de regards entre Titus et Domitia suggère une relation sur laquelle les historiens ont spéculé[23],[24].
Those About To Die,2024. Série télévisée américano-germano-italienne diffusée surPrime Video.L'histoire se déroule sous le règne des empereurs Vespasien puis Titus. Elle raconte le monde des gladiateurs et des courses de char dans la Rome Antique. Titus est joué par l'acteur britanniqueTom Hughes.
AgnèsMolinier-Arbo, « « Ingenium quantaecumque fortunae capax » : La figure de Titus chez Tacite et Suétone »,Collection de l'Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité,vol. 999,no 1,,p. 167–181(lire en ligne, consulté le).