Letissage est un procédé de production detissu dans laquelle deux ensembles distincts de filés ou fils sont entrelacés à angle droit pour former l'étoffe. Les autres méthodes sont letricot, ladentelle et lefeutrage. Les fils dans la longueur du tissu sont appelésfils de chaîne et les fils perpendiculaires à la chaîne sont lesfils de trame ou de remplissage. La méthode par laquelle ces fils sont tissés ensemble influe sur les caractéristiques de la toile[1].
Le tissu est généralement tissé sur un métier, un dispositif tient les fils de chaîne en place tandis que les fils de trame sont tissés à travers eux. Une pièce de tissu qui répond à cette définition (des fils de chaîne avec un fil de trame s'insérant entre eux) peut également être effectuée en utilisant d'autres méthodes, y compris le tissage aux tablettes, larubanerie ou d'autres techniques sans métiers[2].
La façon dont les fils de chaîne et de trame s'entrecroisent est appelé l'armure. La majorité des produits tissés sont créés avec l'une des trois armures de base :toile,satin ousergé[3]. La toile tissée peut être unie (en une seule couleur ou un motif simple), ou peut être tissée avec des motifs décoratifs ou artistiques.
En général, le tissage implique l'utilisation d'unmétier à tisser pour entrelacer deux ensembles de filsperpendiculairement: lachaîne qui s'étend longitudinalement et latrame qui la traverse. Les fils de chaîne sont tendus etparallèles les uns aux autres, généralement sur un métier à tisser. Il existe de nombreux types de métiers à tisser[4].
Des techniques de tissage au doigt existent également. L'entrelacement, principale technique de tissage au doigt, utilise des couches de fils passant entre les fils de chaîne tendus entre deux barres. LesMaoris utilisent de nombreuses variantes de tissage au doigt pour fabriquer des manteaux, et cet art est particulièrement développé chez lesAmérindiens du nord. Une autre technique au doigt est letressage[5].
Le processus de tissage commence tout d’abord par le choix de la fibre. Il peut s'agir dechanvre,soie,lin,laine,coton,cachemire… Il faut le choisir en fonction de la demande, soit une reproduction d’étoffe existante, soit la création d’une nouvelle texture.
Le métier à tisser est ensuite préparé au tissage. Cela commence par l’ourdissage deschaînes (préparation desfils de chaîne selon un certain ordre et enroulage de ces derniers parallèlement entre eux). L'ourdissage est suivi par le pliage qui consiste à transférer la chaîne ourdie du tambour de l'ourdissoir au rouleau arrière (ou ensouple) du métier à tisser. C’est ensuite l’étape de l’enfilage (ou remettage en soierie).
Un tisserand sénégalais fabricant avec son métier à tisser un pagne traditionnel "serou rabal".
Chaque fil de chaîne dans les lisses et ce en fonction de l’armure choisie (mode d’entrecroisement des fils). Il y a trois types d’armure possible : latoile, lesergé et lesatin. Les fils qui constitueront la trame (largeur du tissu) sont ensuite enroulés sur descanettes.
Après la préparation du métier, le tissage peut commencer. Le procédé se fera comme tel : lesfils de trame croiseront perpendiculairement les fils de chaîne et le tout sera resserré par le peigne. Cela forme le tissu, qui est ensuite lavé et repassé.
Importance culturelle et représentations dans les arts
Dans lamythologie grecque, l'art du tissage apparaît dans plusieurs mythes. L'AthénienneArachné est si excellente tisseuse qu'elle se prétend meilleure qu'Athéna elle-même, qui la défie. Athéna déchire l'œuvre d'Arachné lors du concours et la métamorphose enaraignée. Dans un autre mythe,Procné, enlevée et séquestrée par le roiTérée qui lui coupe la langue pour l'empêcher de révéler ce qu'il lui a fait, parvient à prévenir sa sœurPhilomèle en lui adressant un message qu'elle tisse sur un vêtement[16]. Dans l’Odyssée,Pénélope, femme d'Ulysse, est courtisée en l'absence de son mari par de nombreuxprétendants, mais elle parvient à gagner du temps en feignant de tisser un suaire pourLaërte, le père d'Ulysse. Chaque jour, elle se montre en train de tisser à son métier, mais, la nuit, à la lueur des torches, elle défait ce qu'elle a fait dans la journée[17]. Les prétendants finissent par découvrir la ruse, mais Ulysse est de retour peu après[18].
L'opération du tissage apparaît fréquemment comme un symbole de la maîtrise des destinées humaines. LesMoires de la mythologie grecque sont trois femmes qui filent, tissent et coupent les fils qui représentent les vies des mortels. Chez les Romains, ce sont lesParques.Zeus, maître des dieux, réfléchit également aux destinées humaines et les agence d'une façon qui est elle aussi comparée à l'art du tissage[19].
Dans lamythologie germanique et les récits envieil anglais comme l'épopéeBeowulf, lesVölva sont des sorcières qui, entre autres, sont qualifiées de « tisseuses de paix », parce que leur magie leur permettrait d'arrêter les armées et plus prosaïquement parce qu'elles sont des femmes mariées qui tissent les liens entre les familles[20].
Dans la légende chinoise antiqueLe Bouvier et la Tisserande, un jeune homme épouse une femme qui s'avère être l'une des sept tisserandes des nuages.
Le conte danoisLes Cygnes sauvages (Andersen) est centré sur le filage et tissage d'orties par une jeune princesse bannie, pour confectionner des manteaux qui permettront à ses frères de reprendre forme humaine[21].
De nombreux contes mettent en scène diverses opérations liées au travail du tissu, dont l'opération dufilage de la laine, qui précède le tissage.
Le roman de science-fictionDes milliards de tapis de cheveux, de l'écrivain allemandAndreas Eschbach, publié en 1995, imagine un empire galactique dans lequel, par tradition, les hommes tissent des tapis avec les cheveux de leurs épouses ou concubines et les envoient à l'empereur en signe d'allégeance afin qu'il en décore son Palais des étoiles[22].
Claude Gauvard, Alain de Libera et Michel Zink (dir.),Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 2002.
Ionna Papadopoulo-Belmehdi,Le Chant de Pénélope. Poétique du tissage féminin dans l'Odyssée, Paris, Belin, coll. « L'Antiquité au présent », 1994, 256 p.(ISBN270111764X).
John Scheid et Jasper Svenbro,Le Métier de Zeus. Mythe du tissage et du tissu dans le monde gréco-romain, Errances, collection « Sciences humaines et sociales », 2003.(ISBN9782877722414)