Le thorium fut découvert sous forme d'unminéral noir sur l'île deLøvøya, enNorvège, parMorten Thrane Esmark. Esmark en envoya un échantillon à son père, le professeurJens Esmark,minéralogiste distingué, qui ne fut pas en mesure de l'identifier et en envoya un échantillon au chimiste suédoisJöns Jacob Berzelius pour examen en 1829. Berzelius en fit l'analyse, et nomma le nouvel élémentthorium, d'aprèsThor,dieu scandinave du tonnerre[5].
Ce nouveau métal resta pratiquement inutilisé jusqu'à l'invention dumanchon à incandescence en 1885. Le thorium sera beaucoup utilisé dans ces lampes jusqu’à ce que le marché s’effondre à la fin de laPremière Guerre mondiale[6].
La radioactivité du thorium a été découverte en 1898 indépendamment par la physicienneMarie Curie et le chimisteGerhard Carl Schmidt[7].
Au début de l'étude de la radioactivité, le nom d’ionium (symbole Io) a été donné à l'isotope230Th, trouvé dans lachaîne de désintégration de l'uranium 238, avant que l'on ne se rendît compte que thorium et ionium étaient chimiquement identiques.
Lorsqu’il est pur, le thorium est un métal gris-blanc qui conserve son lustre pendant plusieurs mois, grâce à l'oxyde qui le protège. Toutefois, quand il est exposé à l'oxygène, le thorium ternit lentement dans l'air, devient gris et finalement noir.
Le thorium métal en poudre est souventpyrophorique et doit être manipulé avec soin. Chauffé dans l'air, des copeaux de thorium peuvent s'enflammer et brûler brillamment avec une lumière blanche.
Le thorium naturel se désintègre plus lentement que la plupart des autres matières radioactives, et lesrayonnements α émis ne peuvent pas pénétrer la peau humaine. La détention et la manipulation de petites quantités de thorium, comme celles contenues dans unmanchon à incandescence, sont considérées comme non dangereuses tant que l'on ne va pas inhaler ou ingérer le thorium, par exemple à la suite d'un feu de thorium dans le contexte de l'industrie nucléaire[13].
Il ne représente un danger radiologique que par inhalation ou ingestion massive — les poumons et les autres organes internes peuvent être atteints par les rayonnements alpha. Une exposition massive à un aérosol de thorium peut conduire à une augmentation du risque decancerdu poumon,du pancréas etdu sang. Une ingestion massive de thorium conduit à une augmentation du risque demaladies du foie.
Lachaîne de désintégration du thorium produit du « thoron » (220Rn), qui est un émetteur alpha et présente un risque radiologique théorique comme pour tous les isotopes duradon, son état gazeux le rendant susceptible d'être facilement inhalé. Sa très faible demi-vie (55,6 secondes) le rend très peu mobile en pratique. Il reste cependant souhaitable de bien ventiler les zones où le thorium est stocké ou manipulé en quantités importantes.
Le thorium se trouve en petites quantités dans la plupart des roches etsols, il est quatre fois plus abondant que l'uranium, à peu près aussi fréquent que leplomb. Un terrain normal contient en moyenne environ 12 ppm (parties par million) de thorium.
Le thorium se rencontre dans plusieursminéraux. Les minerais de thorium sont lathorite ThSiO4, lathorianite ThO2 et surtout lamonazite (Ce,La,Nd,Th)PO4, le plus commun, phosphate de thorium et de terres rares, qui peut contenir jusqu'à environ 12 % d'oxyde de thorium.
Il en existe de grands gisements en France (Bretagne), enAustralie, enInde et enTurquie. On trouve de la monazite à forte teneur en thorium en Afrique, en Antarctique, en Australie, en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud[17][réf. non conforme].
D'autresisotopes du thorium se rencontrent à l'état detraces. Dans lachaîne de désintégration du thorium (le228Th ;1,91 an) ; de l'uranium 238 (le230Th ; 75 000 ans) ; et de l'uranium 235 (le231Th ; 25,6 heures). Leur courte durée de vie entraîne uneactivité massique importante, et les rend beaucoup plus radioactifs que232Th ; mais en masse, ils sont d'une abondance négligeable.
Le thorium est principalement extrait de lamonazite, par un traitement en plusieurs étapes.
Dans un premier temps, le sable de monazite est dissous dans unacide inorganique tel que l'acide sulfurique (H2SO4). Dans un deuxième temps, le thorium est extrait dans une phase organique contenant uneamine. Ensuite, il est séparé à l'aide d'ions tels que les nitrates, chlorure, hydroxyde ou carbonate, ce qui fait passer à nouveau le thorium en phase aqueuse. Enfin, le thorium est précipité sous forme relativement impure, et recueilli[18],[19] puis converti ennitrate de thorium[19].
La réaction entre la monazite et une solution concentrée d'hydroxyde de sodium (NaOH) peut également être exploitée. Celle-ci donne comme produit un hydroxyde solide qui peut ensuite être traité avec un acide inorganique comme l'acide chlorhydrique (HCl). L'addition d'hydroxyde de sodium à la solution obtenue après traitement conduit à la précipitation d'hydroxyde de thorium relativement impur qui peut ainsi être séparé de la solution. L'hydroxyde obtenu est placé au contact d'acide nitrique (HNO3), donnant du nitrate de thorium[19].
Le nitrate obtenu par ces deux procédés est purifié par dissolution dans duphosphate de tributyle dilué dans unhydrocarbure adapté et exposition de la solution obtenue à de l'acide nitrique, ce qui a pour conséquence d'éliminer une grande partie desterres rares résiduelles et d'autres impuretés métalliques. L'uranium éventuellement présent demeure dans la même solution que le thorium. Pour les séparer, la solution de phosphate de tributyle est à nouveau exposée à de l'acide nitrique, laissant l'uranium dans cette solution et entraînant le thorium hors de celle-ci.
L'alliage résultant est ensuite porté au-dessus de907 °C,point d'ébullition du zinc, mais en dessous dupoint de fusion du thorium, laissant uneéponge de thorium qui est ensuite fondue et moulée en lingots[19].
Lentille au thorium jaunie par les radiations (à gauche), lentille au thorium similaire après avoir subi un traitement auxultraviolets (au centre) et lentille sans jaunissement pour comparaison (à droite).
Le thorium a de nombreuses applications industrielles.
Électrode,cathode : le thorium possède untravail de sortie bas, ce qui permet une intense émission d'électrons parémission thermoïonique. C'est la raison pour laquelle certaines électrodes en tungstène utilisées dans les procédés de soudages sous gaz inerte (TIG) sont additionnées d'oxyde de thorium dans des proportions variant entre 0,35 % et 4,20 %. L’amorçage de l'arc électrique s'en trouve facilité tandis que les propriétés réfractaires de l'oxyde augmente la longévité de l'électrode en lui conférant un point de fusion à près de4 000 °C. On utilise également du thorium pour les électrodes de tubes à décharge en revêtement des filaments detungstène, ainsi que dans les cathodes de nombreux dispositifs électroniques.
Verres optiques : dans la fabrication de lentilles de qualité pour les appareils photo et des instruments scientifiques. Le verre contenant de l'oxyde de thorium a unindice de réfraction élevé et une faibledispersion, ce qui diminue l'aberration optique.
Manchon à incandescence : on utilise la très mauvaiseconductivité thermique de l'oxyde de thorium (en mélange avec l'oxyde decérium) pour augmenter la température des manchons d'éclairage et donc leur luminosité.
Produitréfractaire (creuset) : Pour les applications à haute température de matériau céramique, par addition d'oxyde de thorium, on obtient un type deporcelaine très dure et résistante aux températures élevées.
Comme agent d'alliage dans les structures en acier.
Il est utilisé dans l'industrie électronique comme détecteur d'oxygène.
Il est utilisé en chimie comme catalyseur dans la transformation de l'ammoniac en acide nitrique, dans l'industrie pétrolière pour lecracking et l'extraction d'hydrocarbures de carbone, et pour la production industrielle d'acide sulfurique.
L'oxyde de thorium a été utilisé dans lesannées 1930 et 1940 pour préparer lethorotrast, une suspension colloïdale injectable utilisée commeproduit de contraste enradiologie à cause de ses qualités d'absorption desrayons X. Le produit sans effet secondaire immédiat s'est révélécancérogène à long terme sous l'effet desparticules α émises par lethorium 232. La substance est inscrite sur laliste des produits cancérogènes pour l'homme. Depuis lesannées 1950, ce produit a été remplacé par des molécules iodées hydrophiles, universellement utiliséesaujourd'hui[Quand ?] comme agents de contraste pour les examens auxrayons X.
Le thorium, ainsi que l'uranium et leplutonium, peut être utilisé comme combustible dans unréacteur nucléaire. Bien qu'il ne soit pasfissible lui-même,232Th est unisotope fertile comme l'uranium 238. En réacteur, il est susceptible d’absorber unneutron (thermique ou lent) pour produire après deux émissions bêta un atome d'uranium 233, qui est fissile. Le mécanisme est le suivant : le232Th absorbe un neutron pour devenir233Th qui, en principe, émet unélectron et unantineutrino (νe) pardésintégration β− pour se transformer enprotactinium 233 (233Pa), lequel émet encore un électron et un anti-neutrino par une deuxième désintégration β− pour se transformer enuranium 233 (233U) avec une période de 27 jours environ :
Le combustible irradié peut ensuite être déchargé du réacteur, l'uranium 233 séparé du thorium (ce qui est un processus relativement simple puisqu'il s'agit d'une séparation chimique et non d'uneséparation isotopique), et réinjecté dans un autre réacteur dans le cadre d'uncycle du combustible nucléaire fermé.
En tant que produit fissile, l'uranium 233 (233U) présente de meilleures propriétés que les deux autres isotopes fissiles utilisés dans l'industrie nucléaire, l'uranium 235 (235U) et leplutonium 239 (239Pu). Avec des neutrons lents, il fissionne en donnant plus de neutrons par neutron absorbé (en revanche, dans les réacteurs à neutrons rapides, le rendement neutronique duplutonium 239 augmente considérablement, dépassant celui du thorium). À partir de matières fissibles (235U ou239Pu), il est possible de l'utiliser dans un cyclesurgénérateur plus efficace que celui actuellement possible avec le plutonium ou l'uranium.
Différentes voies ont été proposées pour exploiter l'énergie du thorium.
L'exploitation du thorium par desréacteurs nucléaires à sels fondus paraîtaujourd'hui[Quand ?] être la voie la plus prometteuse ; elle est à l'étude dans plusieurs pays dont la France, les États-Unis, la Chine[20], l'Inde et le Japon.
Des recherches complémentaires ainsi que des moyens financiers et industriels importants sont encore nécessaires pour la réalisation de réacteurs commerciaux.
La faisabilité de la technologie paraît cependant presque acquise, l'horizon 2025 étant avancé par les équipes de développement les plus en pointe.
En, un avis de l'Académie des sciences de Paris souligne l'importance pour l'industrie nucléaire de soutenir les recherches sur les technologies émergentes telles que les réacteurs de quatrième génération et la filière du thorium[21].
En 2018, la Chine, confrontée à une pollution croissante de l'air, notamment due aux énergies fossiles, a annoncé vouloir, parmi d'autres pistes de solutions, développer la recherche sur le thorium dans le pays, visant la construction d'unprototype deréacteur à sel fondu alimenté au thorium vers 2028 (c'est-à-dire en10 ans et non25 ans comme annoncé auparavant), qui pourrait théoriquement produire moins de déchets radioactifs qu'une centrale à uranium, avec une durée de vie plus courte (500 ans). Un pôle de recherche devrait être développé àShanghai avec des chercheurs qui se montrent encore prudents :« nous ignorons encore beaucoup de choses sur les caractéristiques physiques et chimiques du thorium. Il y a tant de problèmes à résoudre en si peu de temps » rappelle le Professeur Li Zhong (notamment sur la gestion de la corrosivité des sels fondus)[22].
Cependant en, la Chine annonce avoir démarré un réacteur expérimental[23], à sels fondus le modèleTMSR-LF1[24].
↑Arrêté du définissant les modalités de calcul des doses efficaces et des doses équivalentes.
↑D. Delacroix, J.P. Guerre et P. Leblanc,Guide pratique radionucléides et radioprotection : manuel pour la manipulation de substances radioactives dans les laboratoires de faible et moyenne activité, Les Ulis (Essonne),EDP Sciences,, 262 p.(ISBN2-86883-864-2).